Chapitre 64

Je souris à cette idée, et en même temps j'ai un peu peur parce que je suis sûre qu'il en serait capable.

« D'accord, mais juste pour ce midi.

- Non, je te menacerai quand je le voudrai. »

Je prends une expression outrée pour lui signifier mon désaccord, mais il s'en fout complètement et nous rentrons dans l'appartement. C'est encore une fois Jin qui est au fourneau, aidé en revanche par Tae qui sert de commis. Ils ont l'air d'avoir mis du cœur dans leur plat car ça sent franchement bon. J'en salive déjà, et puis je me sens un peu forcée à tout manger pour le coup...

Nous nous installons autour de la table une dizaine de minutes après, alors que midi approche à grand pas. Les garçons m'expliquent que cet après-midi, ils ne vont pas en studio mais iront tourner une pub : ils partent à midi et demi. J'acquiesce et Jin apporte son plat pour le placer au centre de la table et l'ouvrir de façon grandiloquente, laissant s'en échapper un savoureux fumet. Nous ouvrons tous de grands yeux émerveillés et Jin et Tae semblent très fiers de ce qu'ils ont fait. Nous les félicitons tandis que Suga attrape une assiette et commence déjà à se servir.

« Eh bien, tu n'y vas pas de main morte, sourit Seokjin, tu as vraiment si faim que ça ?

- Moi non, sourit-il, mais Charlie si. »

Je perds mon sourire quand je vois la quantité qu'il a mise dans mon assiette. C'est possible de mourir d'une explosion d'estomac ? Parce que là je me sens bien partie pour... Je ne vais jamais avaler tout ça sans vomir c'est pas possible, mon estomac n'est plus habitué à manger autant. J'ai un peu plus d'une demi-heure pour avaler tout ça, d'après ma montre... je suis dans la merde.

Yoongi me tend mon assiette et, prenant l'air le plus naturel possible, je le remercie et attend que chacun soit servi pour commencer à manger. Je mâche lentement, sinon je vais me rendre malade. Il est dingue ce mec, en plus il mange une portion ultra réduite pendant que moi, je mange pour deux voire trois. Namjoon me jette de fréquents regards et je vois à son petit rictus qu'il a parfaitement compris pourquoi Yoongi fait ça, et il ne compte absolument pas m'aider visiblement.

J'ai de plus en plus de mal à avaler chaque bouchée et je fais passer le tout avec un verre d'eau. Il ne reste plus que Yoongi, Jungkook et moi à table, tous les autres sont partis après avoir fait leur vaisselle. Kookie se lève à son tour et se rend dans le petit coin cuisine puis retourne dans sa chambre. Yoongi termine son plat avec une lenteur phénoménale et jette un coup d'œil à ce qu'il reste dans le mien : plus grand-chose, et il ne me reste que cinq minutes, mais je vais vraiment vomir si je continue.

Suga échange alors nos assiettes, laissant devant moi la sienne, vide, pendant qu'il termine ce qu'il reste dans la mienne.

« C'est cool, assure-t-il d'une voix douce sans lever les yeux, je vois bien que t'as mangé tout ce que tu as pu, et c'est déjà énorme. Merci.

- Non, balbutié-je gênée. C'est toi que je dois remercier. Mais je suis désolée, je ne peux pas m'empêcher de me dire que ce n'est pas bien pour moi... Je veux être belle pour vos concerts. »

Il acquiesce sans rien ajouter et en poussant un long soupir, je me lève pour aller laver son assiette vide, ainsi que deux autres qui ont été simplement abandonnées par leur propriétaire dans l'évier. Ça me vide la tête, je me sens calme et détendue. Yoongi vient rapidement faire sa propre vaisselle avant de partir de la pièce, sans un mot. Il est très attentionné, ça ne fait aucun doute, mais il est timide et se cache derrière une certaine froideur. Pourtant, je vois bien que parfois, il est beaucoup plus chaleureux, comme lors de mon arrivée par exemple : quand il sait que la personne en face de lui en a besoin, il sait se montrer tendre et je crois que c'est ce que j'aime bien chez lui. Il observe, comprend les autres, sait ce dont ils ont besoin.

Les sept s'en vont alors que je termine à peine de ranger la cuisine pour eux, m'étant portée volontaire puisqu'ils n'ont pas beaucoup de temps devant eux. Je les salue et leur adresse un signe de la main qu'ils me rendent en s'en allant.

Je file chercher de quoi nettoyer l'appartement avant l'arrivée d'Aly. Je commence par ma chambre : je refais correctement les lits (je n'avais toujours pas refait celui dans lequel j'ai dormi avec Jimin... j'avais trop la flemme), je passe un coup d'aspirateur, fais rapidement les poussières et range quelques trucs qui traînaient. Après avoir lavé le sol correctement, j'enchaîne avec le nettoyage de la cuisine, du salon et de l'entrée. Je ne m'occupe pas des chambres des garçons – je pense qu'ils n'apprécieraient pas de savoir que j'ai pu toucher à leurs affaires – et fais tout ce que je peux pour rendre l'appartement tout propre. J'aurais peut-être dû m'y prendre plus tôt ; à méditer.

Mon portable sonne alors que je suis dans la cuisine. Je fonce direction la chambre avant de me rappeler que le parquet est encore humide, mais mon portable est sur la table de chevet et d'ici je vois que c'est Aly qui m'appelle. Je recule de quelques pas et bondit comme une tarée avant d'atterrir sur le lit qui grince violemment mais soutient malgré tout mon poids. J'attrape mon portable et décroche illico avant de le porter à mon oreille.

« Aly ?

- Oui Charlie ? Euh, l'avion a atterri avec un peu d'avance. »

Je jette un œil à ma montre : effectivement, il est deux heures et quart.

« Et tu es toute seule à l'aéroport ?

- Oh non ne t'inquiète pas pour ça, un assistant est venu me trouver à la sortie mais il m'a conseillé de t'appeler avant pour que tu ne sois pas surprise si j'arrive avant l'heure prévue.

- Il y en a pour combien de temps de trajet ?

- Tu devrais le savoir, ça ne fait même pas deux semaines que tu l'as parcouru, rit-elle à l'autre bout du fil.

- Je n'ai pas fait attention, riposté-je, et puis j'ai vécu trop de trucs entre temps, j'ai un peu oublié aussi...

- Je ne peux pas t'en vouloir. Par contre ils parlent vite les coréens, c'est une galère à comprendre, j'ai l'impression qu'ils font exprès de mâcher les mots pour pouvoir se foutre de ma gueule.

- T'inquiète, on s'y fait rapidement.

- Faudra que je bosse ma compréhension de l'oral, soupire-t-elle, j'en chie comme pas possible. Bon je te laisse, il paraît qu'il y a du monde sur la route et qu'on en a pour une bonne demi-heure de trajet, bisous à tout à l'heure.

- Je t'aime. »

Elle reste silencieuse quelques instants avant de répondre, d'un air à la fois touché et enjoué, « moi aussi ». Nous raccrochons en même temps et je me pince la lèvre pour éviter de pleurer. Je deviens vraiment trop sentimentale, ça craint...

Je reste sur mon lit quelques minutes à écouter des chansons, le temps que le sol sèche, puis je sors de la chambre et fais simplement les cent pas dans le salon, les yeux rivés sur l'horloge murale dont le cliquetis de l'aiguille qui indique les secondes retentit dans la pièce silencieuse. Le temps passe beaucoup trop lentement à mon goût, c'est une horreur, et pourtant c'est ainsi que je fais passer les trente-trois minutes qu'il y a entre le coup de téléphone d'Aly et le moment où j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Je fonce comme une tarée si bien que je manque de m'écraser contre une petite silhouette toute menue dans les bras de laquelle je saute immédiatement.

« ALYYYYY ! »

Ma sœur serait tombée à la renverse si l'assistant qui l'accompagnait ne l'avait pas retenue. Aly lâche brusquement sa valise et m'enlace tendrement tandis que je ne contrôle plus rien du tout et que je laisse mes larmes s'échapper.

Vraiment trop sentimentale...

L'homme nous salue et s'en va le plus discrètement possible, conscient de troubler un moment de retrouvailles particulièrement fort en émotions.

« Charlie, murmure-t-elle tout bas en passant sa main dans mes cheveux, je savais pas que je te manquais autant.

- C'est pas faute de te l'avoir dit. »

Ma voix est un peu plus aigüe que d'habitude et je cale ma tête dans son cou malgré les cinq centimètres que j'ai de plus qu'elle. Mes mains passent sous ses bras pour serrer son dos et l'obliger à rester contre moi, tandis qu'elle a fait passer ses bras autour de ma nuque pour jouer avec ma tignasse que j'ai pourtant essayé de bien coiffer pour nos retrouvailles. Si je commençais à jouer avec ses cheveux elle ne ferait pas la même tête (avec ses soixante-dix centimètres de cheveux, elle déteste que quiconque lui touche les cheveux).

Je me sens toute petite, la revoir me rend tellement heureuse et je n'arrive plus à la lâcher. Ça ne la gêne pas, je pense qu'à travers mes messages et nos conversations ça se voyait qu'elle me manquait de plus en plus, et c'est d'elle et de son soutien dont j'ai besoin pour affronter les moments les plus difficiles que je peux vivre ici, alors c'était parfois vraiment dur de me passer de sa présence. Je ferme les yeux pour éviter à mes larmes de venir couler sur le cou de ma petite sœur, le cœur battant de joie.

« J'ai pas envie de te lâcher, dis-je amusée.

- Pas grave, moi non plus. »

Sa voix un peu étranglée me touche et mes mains se mettent à caresser son dos avec douceur. Qu'est-ce que j'aime ces moments que nous partageons : je n'ai jamais été très tactile avec les gens, mais avec ma sœur c'est très différent, j'aime la prendre dans mes bras, surtout quand ça ne va pas bien. C'est sûrement aussi pour ça que je n'ai pas trop de mal à être tactile avec Jimin, Tae et parfois avec les autres : ils sont très rapidement devenus comme mes frères.

Avoir son petit corps entre les bras me redonne le sourire et c'est malgré tout avec une pointe de regret que je la lâche, attrapant au passage son visage pour déposer un gros bisou sur sa joue.

« Oh et puis merde ! »

Je la reprends de nouveau dans mes bras, sans faire attention à son petit rire moqueur.

« Et on fera comment quand tu seras adulte et que tu partiras de la maison ? demande-t-elle.

- Quand je serai adulte je serai assez mature pour ne plus avoir autant besoin de te faire autant de câlins, là j'ai presque une semaine et demi à rattraper.

- Moi aussi je suis heureuse de te revoir Charlie...

- J'ai tellement de choses à te raconter, je ne sais même pas par où commencer. »

Elle met fin à notre étreinte et essuie rapidement les quelques larmes qu'il me restait sur mon visage. Je lui souris et lui fais signe de me suivre, je vais lui faire visiter rapidement les lieux. Avant de débuter, je lui indique que les deux portes qui se font face dans l'entrée sont les chambres que partagent les sept garçons. Elle acquiesce, des étoiles plein les yeux et un immense sourire sur le visage. Nous allons au salon et Aly reste bouche-bée devant la taille de la pièce, ouverte sur la cuisine.

« C'est beau hein ?

- Grave ! »

Je lui montre l'endroit où se trouvent les films et nous enchaînons avec la cuisine. Chaque chose que je lui présente a sa petite anecdote, même si elle a déjà entendu la plupart de ces histoires. Quand enfin je lui montre la chambre que nous allons partager, elle ouvre de grands yeux éblouis.

« Les garçons n'ont pas pris toutes leurs affaires, commenté-je, alors j'ai tout laissé dans ma valise puisque je n'ai pas franchement envie de fouiller dans les tiroirs.

- Ah, d'accord, et dis-moi, tu dors dans quel lit ?

- Celui-là, celui de Jungkook. »

Je fais un mouvement de la tête vers le lit dans lequel j'ai pris l'habitude de dormir. Elle ouvre de grands yeux suppliants et je souris.

« Mais je veux bien prendre celui de Nam si tu y tiens.

- C'est comme tu veux, rougit-elle brusquement, ça fait peut-être un peu trop fan enragée de vouloir dormir dans le lit de l'un de ses idoles préférés.

- Et pas qu'un peu ouais...

- Un lit est un lit, sourit-elle finalement en déposant sa valise sur le lit du leader, et puis te connaissant, tu ne serais pas bien si on changeait de lit.

- Bien vu. »

Elle s'assoit près de son bagage et m'adresse un large sourire.

« Tu ne peux même pas imaginer à quel point j'ai envie d'hurler de joie dans tout l'appartement à l'idée de les rencontrer.

- Ils arriveront d'ici trois heures environ, dis-je, il n'est que quinze heures...

- Alors profitons-en pour passer du temps ensemble ! »

Je la regarde avec un immense sourire aux lèvres.

« Et toi tu ne peux même pas imaginer à quel point tu m'as manqué. »

Son regard, qui se baladait à travers la pièce, se concentre sur moi et elle m'offre son plus beau sourire, les yeux étincelants.

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