Chapitre 59

Dès que j'arrive dans les coulisses, une jeune femme (que je reconnais comme m'ayant amené une bouteille alors que j'étais allongée sur le canapé) m'apporte précipitamment une bouteille de plus et, sans que personne ne s'en aperçoive, glisse dans ma main un comprimé ; je l'interroge du regard.

« Vitamines, dit-elle assez bas pour que les garçons ne l'entendent pas grâce au boucan qui nous entoure. Ça te remettra sur pied.

- Merci. »

Tandis qu'elle s'en va, je me tourne pour être de dos au petit groupe et j'avale rapidement le cachet que je fais passer avec quelques gorgées d'eau. Je me sens encore épuisée physiquement, mais les vertiges sont passées, c'est tout ce qui m'importe. Un groupe de six garçons passe pour se rendre sur scène, ils ont l'air un peu plus âgés que les BTS et, parce que nous nous sommes regroupés dans un coin un peu à l'écart, ils ne nous voient pas, visiblement concentrés sur la scène.

« Félicitations, souris-je en m'intégrant au groupe. Vous avez encore une fois tout déchiré.

- On est assez fiers de ce qu'on a donné ce soir, répond Hoseok, surtout en terme de danse : il fallait donner le maximum, le groupe qui passe après nous est très populaire pour ses chorégraphies.

- Ah bon ? C'est lequel ?

- Infinite.

- Une pensée pour le groupe qui passe après eux, rit Jungkook.

- D'ailleurs vous savez qui passera après eux ?

- Pentagon, répond Suga. Mais je n'ai pas retenu les groupes suivants. »

Alors c'était très certainement les membres d'Infinite que j'ai vu passer. Le dialogue se poursuit quelques secondes de plus avant qu'il ne nous faille nous démaquiller et partir ; c'est dommage, j'aurais aimé rencontrer d'autres idoles, mais je suis bien contente de pouvoir rentrer maintenant.

Dans la voiture, sur le trajet du retour, je m'endors et le temps passe alors très rapidement. À mon réveil, nous sommes en bas de l'immeuble de la Big Hit ; je me frotte les yeux, m'étire et suis les garçons jusqu'à l'appartement. Nous nous mettons en tenue de sport, et direction la salle de torture. Le fait de dormir m'a vraiment fait du bien, même pendant le court trajet que ça aura duré, mais je suis bien contente de constater qu'une fois de plus, le chorégraphe ne viendra pas. Super, je vais m'entraîner à mon rythme !

En vrai, ça veut dire « super, je vais pouvoir faire des pauses de temps en temps ! »

Et c'est parti pour les mêmes mouvements en boucle, depuis des jours et des jours, tellement que j'ai l'impression que même sans les faire pendant dix ans, je m'en souviendrai toujours comme s'ils étaient gravés en moi.

Les minutes puis les heures s'enchaînent et, si j'ai envie de fuir en courant au bout de cinq minutes, je reste seulement pour faire bonne figure auprès des garçons. Mais avec toutes les fois où je rate un mouvement ou le fais mal, je pense que ça se voit que j'ai juste envie d'aller me coucher. Or si je partais maintenant, je sais que je le regretterais rapidement : me connaissant, je me répèterais que j'aurais pu faire mieux, tenir plus longtemps. En fait, j'ai toujours peur qu'on ait l'impression que je ne donne pas le meilleur de moi-même, alors je donne plus encore pour ne surtout pas décevoir.

Par chance, les heures passent plus vite que ce que j'avais imaginé, et j'ai surtout passé mon temps à faire les gestes de ma chorégraphie au ralenti, pour être sûre de les faire correctement. Ces trente secondes qu'il me faut connaître sur le bout des doigts sont vraiment sympa à danser, mais j'ai hâte d'apprendre une nouvelle chorégraphie, car ça demeure lassant de faire les mêmes gestes des heures et des heures durant. Les garçons s'étant rendu compte de ça, ils m'ont proposé d'essayer de m'apprendre une de leurs propres chorées, mais pour être honnête, j'ai peur de confondre certains pas de la mienne avec la leur. Je sais que c'est une crainte infondée, surtout au vu du temps que j'y ai passé jusque là, mais ça m'effraie quand même.

De retour à l'appartement, je file sous la douche sans plus attendre. Sentir l'eau chaude brûler ma peau m'apaise complètement et je plonge sous mes couvertures sans même aller voir si je n'ai pas de message d'Aly : je la revois après-demain de toute façon, et puis je n'ai plus la force de rien faire, pas même celle d'empêcher mes paupières de se refermer.



Vendredi 22 juin 2018 – 10ème jour.


Eh oui, déjà dix jours. Aujourd'hui cependant, je vais être vraiment tranquille puisque les garçons se rendent à un concert auquel je ne participe pas. Ils m'ont demandé si je souhaitais les accompagner quand même mais j'ai refusé (je serais restée en coulisse tout le long, je préfère encore rester ici), je vais rester tranquille toute la journée, seule, pour pouvoir continuer d'écrire et de composer. Enfin... ça c'est ce que je leur ai dit hier soir, en vérité j'espère juste pouvoir me reposer. La simple idée de passer une journée calme me met de bonne humeur et me fait sourire joyeusement. J'ai envie de passer une super journée et me connaissant, je ferai tout pour !

Levée à sept heures, j'ai quelques idées de vers qui me viennent dès le réveil, alors je reste sur mon lit à griffonner dans mon carnet.

« Charlie ? Tu ne viens pas manger ? vient me demander Jin après avoir toqué à ma porte.

- Après, dis-je avec enthousiasme, là je suis inspirée.

- Oh, travaille bien dans ce cas.

- Merci beaucoup ! Et j'oubliais, je voulais te demander : est-ce que je pourrai t'emprunter ta guitare dans la journée ?

- Ouais bien sûr, elle est toujours au salon, je ne l'ai pas déplacée.

- Cool, je t'adore !

- Ravi de te faire plaisir ! »

Des boulettes de papier s'entassent rapidement à côté de moi mais je sais que j'arrive peu à peu au résultat escompté.

L'inspiration part aussi vite qu'elle vient, c'est le seul problème.

Je prends mon téléphone, l'allume et envoie un message à Aly pour lui souhaiter bonne chance pour son dernier jour d'épreuves et lui dire que je l'attends impatiemment. J'accompagne mon message de plein de petits cœurs et je l'ai à peine envoyé que les garçons viennent me dire qu'ils sont sur le point de partir. Je les salue et reporte mon attention sur mon téléphone. Je ne m'explique pas pourquoi je suis de bonne humeur : hier il y avait pas mal de nuage et depuis ce matin, une fine pluie se déverse sur la capitale, pourtant je me sens comme un rayon de soleil ! J'ai même envie d'aller m'amuser dans une des salles de danse : je ne veux pas répéter ma chorée très longtemps, un petit quart d'heure suffira largement. J'ai vraiment envie de ne pas me prendre la tête aujourd'hui que les garçons ne sont pas là, alors je me mets en tenue de sport et descend à l'étage du bas. Plusieurs salles sont déjà prises et je dois longer le couloir sur plusieurs mètres avant d'en trouver une de libre. Quand j'entre, c'est une salle particulièrement grande que je trouve, et il y a... il y a un piano ! Le destin a décidé de me gâter aujourd'hui !

« Trop cool ! »

Je referme la porte et accourt auprès de l'instrument. J'en reviens pas ! Un vrai piano à queue, qu'il est beau, sa peinture brille c'est superbe ! Ça me change de mon synthé, mais je suis ravie, j'avais toujours rêvé d'essayer de jouer sur un vrai piano... mais on n'en a pas chez nous, et ma tante n'en possède pas non plus.

Je m'assois sur le petit tabouret et soulève le couvercle avec une infinie délicatesse, caressant du bout des doigts les touches que je découvre alors. Quel instrument incroyable... J'appuie sur une touche et savoure le son mélodieux qui en sort. Ma main droite se met alors automatiquement à jouer l'air de ma deuxième chanson tandis que je demeure incapable de jouer de la main gauche. La musique parvient sans mal à recréer par ses propres moyens les sentiments que je souhaite faire passer dans cette chanson : euphorie, bonheur, amour et puissance. J'essaie d'accompagner la mélodie principale avec ma main gauche, mais c'est peine perdue.

Quand je termine de jouer, un large sourire a pris place sur mes lèvres : ce bâtiment a vraiment tout pour plaire, ça ne fait aucun doute. La musique a le don de m'apaiser et cette fois-ci n'a pas fait exception à la règle. Je me sens bien et j'ai encore plus envie de danser. Je me rappelle alors d'une chanson de la liste envoyée par Aly et dont la mélodie m'avait vraiment plu : Serendipity, interprétée par Jimin. Je n'hésite pas une seconde à me la mettre avant de commencer à danser, laissant à mon corps la liberté de faire tous les mouvements qu'il souhaite sans me préoccuper de rien d'autre que de ce que j'entends et ressens.

Je laisse par la suite les chansons défiler et m'amuse comme une enfant, riant de mes gestes ridicules devant les miroirs. C'est très loin de ressembler à la chorée que je danse avec les BTS et c'est vraiment drôle de me voir faire n'importe quoi sur de la musique pour la première fois depuis la signature de mon nouveau contrat.

Je m'éclate !

Je danse pendant des heures sans ressentir un instant la moindre fatigue. Je ris, sautille le poing en l'air en chantant les rares paroles que j'ai retenues. Lorsque mon moment « folie » est passé, je reste plongée dans la plus douce des euphories : la dernière chanson à être passée est la dernière que j'ai enregistrée sur mon MP3 dans le dossier « BTS », c'est ma chanson avec moi qui chante ma partie (l'audio n'est pas sorti mais le groupe et moi y avons accès, bien sûr). C'est la seule chanson de ce dossier que je sois capable de chanter du début à la fin et je me suis éclatée, hurlant presque les paroles en improvisant complètement chaque mouvement, même sur la partie pendant laquelle je danse.

Finalement, je ne révise pas ma chorée pour l'instant, de toute façon j'aurai le temps de la bosser ce soir.

J'ai passé plusieurs heures dans cette salle et en rentrant à l'appartement, j'ai juste envie de prendre une douche et d'aller me balader dans Séoul, même s'il pleut. Et puis, c'est sympa la pluie, moi j'aime bien. Je mets une casquette et un masque après m'être lavée et je passe un sweat léger pour ne pas avoir les bras trempés. Je n'aime pas les parapluies, même quand il pleut beaucoup. Avec mon MP3, je déambule tranquillement dans les rues de Séoul, ma capuche ayant remplacé ma casquette sur ma tête. Je marche en rythme avec ce que j'écoute et lève mon visage vers le ciel pour laisser la pluie couler dessus. Je me sens vraiment libre, ça fait vraiment du bien. Je suis tranquille : pas de BTS, pas de manager, pas de prof de coréen, il n'y a que moi et la pluie. Plus de stress ou d'angoisse, quand je suis seule c'est comme si toute la pression quittait mes épaules et comme si les quelques moments difficiles s'envolaient de ma mémoire pour n'y laisser que les bons. Remarquant que la rue est très peu peuplée, je ne me gêne pas pour retirer ma capuche, m'attirant les regards de quelques personnes : j'imagine que ce qui les intrigue c'est que je profite à ce point de la pluie, je ne pense pas qu'ils sachent qui je suis... et au pire je n'en ai rien à battre, je fais ce que je veux quand même.

Une petite pensée pour les garçons qui se préparent en loge et monteront sur scène dans quelques heure... au moins après ça ils auront une journée de tranquillité avant leur concert suivant, après quoi ils auront au moins une semaine de paix, car le concert suivant se déroule le 1er juillet (et par la même occasion, ce sera un concert auquel je participerai). J'ai hâte de ressentir l'intensité de toutes les émotions qui se mêlent avant et pendant le concert : c'est comme une attraction à sensation dans le sens où avant de monter, on flippe comme pas possible, pareil quand on est en plein tour, mais quand on en sort, on n'a plus qu'une envie, c'est d'y retourner, car on est devenu accro.

Et moi je suis devenue accro à la scène et je veux en profiter autant que possible avant de retourner en France ! C'est tellement magique je peine encore à y croire !

Un rire m'échappe tant je suis heureuse, attirant plus encore les regards des passants sur moi. Désolée les gens, j'y peux rien si je suis en train de réaliser mon rêve !

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