Chapitre 38
Encore aujourd'hui, c'est au parc que nous terminons notre chemin. Je vais vraiment finir par apprécier cet endroit, en fait c'est un peu comme un petit oasis de détente loin de l'immeuble de la Big Hit, et ça fait du bien de s'y trouver.
« Oh, j'ai une dernière chose pour toi, dit Samna en fouillant dans son sac à main. Tiens, c'est cadeau. »
Je prends ce qu'elle me tend : un livre en coréen. C'est un roman historique qui se déroule...
« C'est toi qui l'as acheté ? demandé-je suspicieuse.
- À ton avis ?
- C'est lui, hein ?
- Il a vu que ça t'intéressait et quand il est sorti en début d'après-midi il l'a vu dans une petite librairie, alors il a pensé à toi.
- Pourquoi il ne me l'a pas dit lui-même ?
- Il avait un peu honte, sourit Samna, je crois que tu continues d'intimider ces garçons, au fond. »
Je laisse échapper un petit gloussement et lis le résumé du livre. C'est vraiment touchant de la part d'Hoseok de m'avoir pris un roman sur l'antiquité, en plus il a vraiment l'air palpitant. Après avoir feuilleté les premières pages, je lance un regard à Samna qui, d'un hochement de tête, me permet de le commencer tout de suite. Après tout, une fois qu'on maîtrise à peu près une langue, lire est un bon moyen pour continuer de s'améliorer. Et puis j'ai bien fait de commencer à bouquiner avec elle à mes côtés, puisqu'à chaque mot que je ne comprends pas, elle peut m'aider.
Le temps passe à une vitesse impressionnante ; le livre est posé sur le banc entre Samna et moi, de sorte à ce que nous puissions lire toutes les deux. C'est si calme...
Et pourtant l'heure de rentrer arrive déjà.
Quand nous arrivons à l'appartement, les garçons sont déjà là. Je vais directement voir Hoseok, assis sur une chaise au salon en train de discuter avec Suga.
« Merci Hobi ! »
Debout à côté de lui, j'enlace son cou de mes deux bras et dépose un très léger baiser sur sa tempe.
« De rien, de rien, » rit-il quand je le lâche.
Yoongi n'a pas l'air de comprendre ce qu'il se passe, mais d'un air las, il hausse les épaules et se concentre de nouveau sur la feuille qu'il a face à lui... eh mais, ce sont mes paroles. C'est gentil de sa part de travailler dessus, et visiblement c'est de ça dont les deux rappeurs discutaient avant que je ne les interrompe.
« Ça te plaît ? demandé-je au châtain en lançant un regard à ma feuille en même temps.
- Oui j'aime assez, affirme-t-il, Yoongi et moi on travaille sur des idées de paroles pour le second couplet, tu veux y jeter un œil ?
- Quelle question, bien sûr ! »
Il me tend le bout de papier sur lequel il était en train de griffonner et je lis les quelques lignes qu'ils ont déjà écrites. Je suis étonnée qu'ils respectent autant mon style d'écriture tout en réussissant à y intégrer leur propre marque. Mon verdict ne se fait pas attendre : j'adore ! J-Hope a l'air soulagé de l'entendre et son sourire se fait plus lumineux encore tandis que je peux voir un petit rictus de satisfaction se former au coin des lèvres de Yoongi.
« Bon, on part dans un quart d'heure, annonce Namjoon en sortant de sa chambre, n'oubliez pas que ce soir on tourne le dance practice. »
Ah si j'avais oublié. Pourvu que je ne sois pas un poids encore une fois.
Je file dans ma chambre après avoir salué mes deux amis. Je revêts mes habits de sport habituels et, pour ne pas avoir l'air d'une déterrée sur la vidéo, je mets un peu du fond de teint qui traînait dans ma valise depuis mon arrivée. Je passe rapidement un coup de peigne dans mes cheveux, vérifie que mes racines ne se voient pas et me regarde une dernière fois dans le miroir avant d'aller dans l'entrée enfiler mes baskets. Je suis rejointe peu après par les garçons qui arrivent un à un. Quand je remarque que nous ne sommes pas encore au complet, je n'ai même pas à réfléchir pour savoir qui est l'éternel retardataire.
« Tae, dépêche, soupire bruyamment le leader.
- J'arrive, j'arrive ! »
Le jeune garçon ne tarde pas plus et nous nous rendons dans une salle différente de celle à laquelle j'étais habituée. Elle est plus grande et il y a déjà plusieurs personnes qui s'affairent sur une caméra et une grosse enceinte qui se trouvent toutes deux devant le miroir. Le manager n'est pas là, mais le chorégraphe surveille tout d'un œil attentif, ne laissant passer aucun détail, comme à son habitude. Quand il nous voit arriver, un sourire s'étire sur son visage habituellement neutre.
« Bon, annonce-t-il, puisque Charlie n'est là que pour un mois, on va en profiter pour tourner les trois dance practices avec elle. Charlie, j'espère que tu es en forme, parce qu'en théorie, on devrait faire ça bien plus tard, c'est pour toi qu'on a autant avancé la date.
- Oh... merci. Je vais tout donner, promis.
- Je n'en doute pas. »
Son expression bienveillante me donne envie de sourire et je le remercie d'un hochement de tête. J'ai l'impression qu'il est tendu mais qu'il utilise la bonne humeur pour le cacher. Les garçons et moi nous échauffons rapidement ; un caméraman nous filme déjà, d'après lui le manager a demandé à ce qu'il fasse une vidéo des coulisses de ce dance practice. Les sept amis font les clowns et je les regarde, amusée, n'osant pas trop venir devant la caméra : puisque de toute façon nous allons tourner ensemble, j'ai le droit d'apparaître sur les images, mais je n'aime pas trop me donner en spectacle. Jungkook sort son portable et prend quelques selfies puis je le vois lui aussi filmer ses propres vidéos, rapidement imité par d'autres membres. C'est malheureusement trop tard quand je me rends compte que Tae m'a pris en photo alors que je faisais seule mes étirements dans mon coin.
« Je vais la mettre sur Twitter avec pour légende « Charlie, incarnation de la solitude ».
- C'est vraiment très gentil, ironisé-je, t'en as d'autres des bonnes idées comme celle-là ?
- Si tu savais... »
Pff, idiot.
Après une vingtaine de minutes pendant lesquelles je commence à répéter avec Hoseok, les autres étant occupés sur leur portable ou bien s'étirant dans leur coin, tout est prêt pour nous filmer. Je vais me mettre dans un coin de la pièce, près de l'enceinte, le cœur battant.
« Vous êtes prêts ? C'est parti, » prévient un homme.
La musique démarre et les garçons entament la chorégraphie. Plus les secondes s'égrainent, plus j'ai peur et plus je me demande sérieusement ce que je fais ici. Enfin... je n'ai pas le temps de m'interroger longtemps puisque l'un des membres fait une erreur et s'arrête de danser en jurant.
« C'est rien Jimin, on recommence. »
Aussitôt dit, aussitôt fait, tout redémarre. Cette fois-ci, mon moment arrive enfin et j'entre dans la danse en souriant autant que mes amis.
« Stop, Jin essaie d'aller un peu plus vite la prochaine fois. »
Je m'arrête, pourtant bien lancée, et lance un regard à Jin qui soupire et s'excuse.
Et c'est ainsi plus d'une demi-heure : quand personne ne fait de fautes jusqu'à ce que je puisse arriver et que ça continue de bien se passer, c'est à mon tour de foirer. Étrangement, celui qui compte le plus d'erreurs à son actif n'est ni Namjoon ni Seokjin, mais bel et bien Jimin qui s'énerve un peu plus à chaque fois. Je comprends qu'il est vraiment à bout de nerfs quand il lâche un « même Charlie se débrouille mieux que moi ». Je devrais mal le prendre, mais quand je constate que ses yeux brillent et qu'il est sur le point de craquer, je comprends que c'est simplement sa frustration qui parle et qu'en aucun cas il n'a pensé me rabaisser à travers ces mots. Et pourtant, Tae se tourne vers moi et, avec un regard triste, murmure simplement :
« Il n'en pense pas un mot, ça lui passera.
- Ça fait déjà un bout de temps que ça devait lui passer, non ? demandé-je un peu sèchement avant de m'excuser. C'est juste que je m'inquiète pour lui, tu comprends ?
- Moi aussi... »
Le tournage reprend et malgré les sourires que nous offrons aux deux caméras, l'ambiance est clairement tendue. Je ne peux pas m'empêcher de lancer régulièrement des regards inquiets vers Jimin pour vérifier que tout se passe bien de son côté. Entre chaque prise, son sourire le quitte et c'est un visage fermé que nous pouvons voir, il n'a pas envie d'en parler, alors pour le moment, personne n'insiste.
« Celle-là était parfaite, nous félicite le chorégraphe. Venez voir. »
Nous obéissons et effectivement, personne n'a fait de fautes. Ça nous aura pris une bonne heure, mais au moins, on a réussi la prise parfaite. Et demain alors, comment va-t-on faire pour être parfaits du premier coup sur scène ?
Nous changeons de salle pour laisser l'équipe technique ranger tout le matériel en paix tandis que nous reprenons l'entraînement : je travaille ma chorée dans mon coin et les garçons s'entraînent sur d'autres danses. Le chorégraphe me propose d'arrêter là pour ce soir, mais j'insiste pour rester : je veux tout déchirer demain, il le faut. Face à ma détermination, je vois que l'homme est tout content de me proposer de l'appeler si j'ai besoin de son aide.
J'entends encore à plusieurs reprises à côté de moi Jimin s'énerver pour un rien. C'est décidé, j'irai lui parler dans les plus brefs délais ; peut-être que le fait de savoir que dans moins d'un mois je disparaitrai de sa vie lui permettra de se confier plus facilement à moi.
Quand nous revenons de la salle de danse, je remarque que Jimin traîne des pieds, les yeux rivés sur le sol, les traits tirés par l'exaspération et la fatigue à la fois. Je devine sa mâchoire aussi serrée que ses poings et j'ai de la peine pour lui : en studio déjà il trouvait qu'il ne chantait pas juste et maintenant en danse, la pression qu'il se met seul le déstabilise au point qu'il n'arrive plus à se concentrer.
Sans un mot il retire ses chaussures et part s'asseoir sur le canapé sans pouvoir cacher son agacement qu'il exprime en vociférant je-ne-sais-quoi. Nous échangeons tous les sept un regard hésitant : est-ce qu'on doit aller lui parler ou est-ce qu'il vaut mieux le laisser seul en attendant d'abord qu'il se calme ? Namjoon, en leader consciencieux, décide d'agir. Il va tranquillement s'asseoir à côté du jeune garçon qui, immédiatement, se lève et part s'installer à la table de la cuisine, son portable entre les mains en lâchant un soupir de frustration. Quand sa main droite vient se poser de sorte à nous cacher son visage, nous comprenons tous qu'il est sur le point de craquer pour de bon. Cette fois-ci, c'est Tae qui se décide à essayer d'intervenir. De nouveau, Jimin préfère rester seul et s'éloigne en s'énervant :
« Merde, laissez-moi les mecs ! »
Désemparés, nous restons bêtement plantés dans l'entrée sans rien faire. Oh et puis merde, je vais tenter ma chance moi aussi. Je me lance dans la direction qu'il a prise pour me retrouver devant la porte de sa chambre. Au lieu de toquer, je préfère entrer directement.
« Je vous avais dit...
- Je ne suis pas un mec, dis-je d'une façon espiègle dans l'espoir vain de le faire sourire.
- Charlie j'ai pas envie d'en parler.
- T'es sûr ? »
Dos à moi, il ne répond rien mais se retourne. Ses joues ont pris une teinte légèrement pourpre et je peux voir que ses yeux larmoyants brillent à la lumière tandis qu'une petite perle humide glisse d'une timidement jusqu'à son menton. Je referme la porte et m'assois sur son lit, à côté de lui.
« Moi aussi quand ça va pas je n'aime pas que les autres le sachent, commencé-je en cherchant mes mots. Mais je sais que quand j'en parle à Aly, je me sens tout de suite plus libre. Tu devrais peut-être discuter avec un des garçons.
- On en parle parfois, mais ils me disent toujours la même chose.
- Alors parle-moi, je ne tiendrai peut-être pas le même discours...
- C'est sympa de vouloir m'aider, mais j'en n'ai pas besoin. »
Et tandis qu'il parle, il est coupé par ses propres sanglots.
« Je ne veux pas te forcer, mais j'ai pas franchement l'impression que rester seul à déprimer dans cette chambre avec les autres qui vont bientôt débarquer soit une bonne idée. »
Il jette un œil à la porte par réflexe et se retourne, de nouveau muré dans son silence. Une nouvelle larme orpheline chute de son œil et roule jusqu'au bas de sa joue sans même qu'il ne s'en aperçoive. Incapable de supporter de le voir aussi mal sans rien faire, je passe ma main dans ses cheveux et, les paupières closes, colle mon front au sien, toujours assise à ses côtés.
« Je t'en prie, dis-je, je déteste te voir comme ça. Je sais qu'on ne se connaît pas bien, mais je ne peux pas m'empêcher de vouloir faire quelque chose, ne m'en veux pas. »
Je suis surprise quand je sens ses bras passer dans mon dos. Il glisse sa tête dans mon cou et à mon tour, je l'enlace, attendrie et touchée. Je peux sentir que par moments, son corps est secoué par un sanglot discret qu'il essaie vainement de retenir.
On toque à la porte.
« Je ne veux voir personne, soupire Jimin tout bas.
- Je te rappelle qu'ils dorment ici et qu'il est déjà super tard... »
Il soupire de plus belle, acquiesce, se lève et va leur ouvrir. Les garçons s'apprêtent à parler, l'air soulagé de voir que ça semble aller mieux, quand Jimin les coupe.
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