Chapitre 31
L'une des habilleuses me détaille de haut en bas, l'air perplexe, en pleine réflexion. Elle échange un regard avec un homme posté à ses côtés et lui dit une phrase trop rapidement pour que je puisse la comprendre ; je lance un coup d'œil à Tae qui reste silencieux, une main sur la hanche, attendant patiemment le verdict. C'est pas possible de vouloir m'habiller de façon sexy, ça ne me va pas du tout, c'est d'un ridicule absolu.
« On peut aller voir pour quelque chose d'un peu plus masculin puisque c'est tout ce qu'on a sous la main, propose-t-elle enfin, ça t'ira clairement mieux, mais il nous faudra l'accord du manager.
- Pas de problème, sourit mon ami, il ne laisserait pas faire ça de toute façon, c'est affreux ces vêtements, on n'est plus dans War Of Hormone. »
Sur ces mots, l'habilleuse nous indique où nous pourrons trouver d'autres habits et je lui fais poliment comprendre que je me débrouillerai seule avant de la remercier pour sa gentillesse. Comme il m'a accompagné jusque là, V décide de se joindre à moi pour m'aider à trouver des vêtements qui couvriront plus que le stricte nécessaire (il est hors de question que je dévoile mes jambes).
« T'es sûr que le manager sera d'accord avec ça ? demandé-je un peu inquiète à l'idée de devoir porter cet uniforme quand même.
- Mais oui, et puis s'il était là, lui aussi il se moquerait de toi.
- Pourquoi j'ai l'impression que la moitié du temps, quand tu me parles, c'est pour te foutre de ma gueule ?
- Parce que la moitié du temps, quand je te parle, c'est pour me foutre de ta gueule.
- Tout s'explique... »
Et en plus il l'admet.
« Mais je n'oserais jamais être comme ça avec quelqu'un que je ne connais pas bien, reprend-t-il après quelques secondes de silence. Je sais que tu ne le prendras pas mal, alors je peux me permettre de te taquiner. »
Je souris bêtement ; oui, c'est vrai que moi aussi, j'évite d'être trop sarcastique avec des gens que je ne connais pas assez pour savoir s'ils le prendront bien ou non, mais avec Tae et Jimin, j'ai tout de suite compris que je pouvais être moi-même, et ça me fait plaisir qu'eux aussi aient conscience de ça.
Nous arrivons devant un dressing très peu fourni. J'aurais dû m'en douter : les tenues étant très certainement prévues depuis plusieurs jours, personne n'a cru nécessaire d'amener d'autres vêtements. Pourtant il y en a quand même certains qui attirent mon regard. V s'éloigne, visiblement à la recherche de quelque chose, et je commence à fouiller un peu dans ce qui m'est proposé. Est-ce que les garçons ont déjà porté ces vêtements ? Euh... deux secondes : est-ce que j'ai vraiment envie de le savoir ? Non, arrête de penser à ça Charlie.
Les sourcils froncés, je découvre des habits parfois un peu trop voyants ou bariolés par rapport à ceux que portent les autres, en plus je n'aime pas vraiment avoir l'impression d'être un gros bonbon tout coloré. Je tire finalement d'un cintre un t-shirt large blanc puis un jean sombre, je garderai mes converses qui iront bien avec cette tenue toute simple et, alors que je m'apprête à repartir, Taehyung revient vers moi, un poing serré et un sourire enfantin aux lèvres.
« J'ai trouvé un truc sympa pour toi, sourit-il.
- Un truc sympa ?
- Ouais, ferme les yeux.
- Non, protesté-je.
- Pourquoi ?
- Tu me fais peur quand tu dis ça. »
Il me regarde avec une lueur d'amusement dans les yeux et me tend sa main qu'il ouvre. C'est un collier, tout ce qu'il y a de plus simple : une chaînette dorée avec un pendentif en forme de cœur. C'est vrai qu'au vu du thème de la chanson, c'est parfaitement adéquat. Je le prends et, après quelques secondes de galère pour ouvrir la fermeture de la chaînette (c'est ça de se ronger constamment les ongles...), je peux enfin la passer autour de mon cou et il me faut plusieurs secondes de plus pour réussir à bidouiller une nouvelle fois le fermoir métallique.
« Ça aurait été plus rapide si tu m'avais laissé faire, » grommelle Tae.
Je ne relève pas sa remarque et nous retournons auprès des autres. Le manager discute avec Namjoon et quand ils nous voient arriver, ils nous regardent étrangement. Je ne leur accorde pas un mot, un peu gênée, et retourne en cabine ; je suis la dernière à ne pas être prête. Je me dépêche de m'habiller et ressors sans attendre avant de tendre le petit paquet de vêtements au manager.
« La petite écolière, c'est pas pour moi, dis-je simplement. Je suis désolée.
- C'est rien, tu as eu raison, affirme le manager, ce t-shirt camoufle beaucoup mieux tes hanches et tes cuisses. »
Il s'éloigne après avoir dit ça et moi, je reste la bouche entrouverte, choquée par ses propos. Est-ce que j'ai vraiment entendu ce que je crois avoir entendu ? Il a sorti ça comme s'il me parlait de la météo, mais c'est bien loin d'être aussi anodin ! Je suis absolument outrée, mais le temps que je me demande ce que je pourrais répondre, il est déjà loin. Je vais m'en prendre d'autres des piques dans le genre ? Parce que ça risque de vite devenir franchement agaçant, et si cette fois-ci la stupeur m'a laissée muette, ça ne sera peut-être pas le cas la prochaine fois.
« Alors ? lance joyeusement Jimin en venant à ma rencontre. Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Qu'au moins là-dedans j'avais pas l'air d'être trop grosse, » je réponds d'une voix éteinte avant de m'en aller sans lui laisser le temps de répondre.
En passant, je m'arrête brièvement devant un miroir. C'est vrai qu'avec ce t-shirt qui descend jusqu'à mi-cuisse, ma silhouette est beaucoup moins soulignée et si on ne peut pas distinguer que ma taille est fine, on ne remarque pas non plus que mes hanches sont plutôt larges. Je passe ma main dans mes cheveux platine et laisse mon regard se perdre un bref instant sur mon reflet. Habillée comme ça, toutes mes formes sont cachées, jusqu'à ma poitrine qui semble beaucoup plus plate que quand je porte un débardeur. Au moins, je ne ferai pas trop tâche parmi les garçons, c'est plutôt bien. Alors pourquoi me rappeler les paroles de l'autre abruti me donne envie de chialer ?
Je secoue ma tête avec véhémence pour éloigner toutes ces pensées de mon esprit. Positif, pense positif Charlie : paillettes, lumière, chant et danse. Aucun complexe. Je rejoins les garçons au maquillage et à la coiffure sans plus attendre. Il ne manque que Jimin et Jungkook, qui arrivent juste après moi. Nous sommes tous les sept préparés en même temps, dans le but d'aller le plus rapidement possible. Je prends place face au miroir, tout au bout de la longue ligne que nous formons, à côté d'Hoseok dont les yeux clos m'indiquent qu'il se repose et qu'il vaut sûrement mieux que je le laisse profiter de ces quelques instants de répit. Devant le siège auquel on m'a assigné, je remarque une petite boîte en plastique qui me fait d'abord penser à une boîte à bijoux.
« Qu'est-ce que c'est ? demandé-je à ma coiffeuse en levant les yeux au ciel pour permettre à la maquilleuse de tracer un trait d'eye liner.
- Ce sont des lentilles sans correction, pour le clip on voudrait que tu aies les yeux noirs, ça ira mieux avec le décor boisé et les habits plutôt ternes que vous portez tous.
- Ah bon ? D'accord. Mais c'est pas désagréable à porter ?
- Je ne sais pas, admet-t-elle en haussant les épaules, je n'en ai jamais essayé. »
J'ouvre la petite boîte et regarde un peu de quoi ça peut bien avoir l'air, des lentilles colorées. Il y a une paire enveloppée dans un film transparent et sûrement stérile, pour éviter d'attraper des infections, ainsi que la notice d'utilisation.
La première heure est particulièrement longue : la coiffeuse et la maquilleuse tentent tant bien que mal de travailler de concert, mais j'ai l'impression que même elles qui sont des professionnelles ont eu du mal à s'accorder les premières minutes.
Au fil du temps, je vois les traits de mon visage s'adoucir, mes cernes disparaître et mes imperfection s'effacer les unes après les autres. Mon regard et mes lèvres sont soulignés sans pour autant trop ressortir : élégant, mais discret. Les minutes défilent et, n'ayant rien de mieux à faire, je jette quelques regards furtifs à mes camarades. Hoseok, à côté de moi, semble toujours endormi et le seul autre membre que je peux voir est celui à ses côtés, Jin, qui discute amicalement avec la jeune femme qui le coiffe. Les autres garçons ne sont pas dans mon champ de vision.
Après plus d'une heure quarante de maquillage et de coiffure (alors même que j'ai l'impression que la coiffeuse n'a strictement rien fait, mais ça c'est une autre histoire), je me décide à essayer mes lentilles. Après le départ des deux femmes qui se sont occupé de moi et alors que les garçons sont eux aussi sur le point d'avoir terminé leur préparation, j'ouvre le petit paquet avant de lire attentivement la notice. Mais c'est presque la moitié des mots que je ne comprends pas ; des termes médicaux sûrement, des mots trop spécifiques pour que je les aie déjà entendus quelque part. Ça m'agace et je pousse un long soupir... avant de me rendre compte de mon erreur sans avoir le temps d'agir pour l'en empêcher.
« Et merde mes lentilles... »
Elles viennent juste de passer derrière la table, emportées par mon souffle. J'y crois pas, il fallait vraiment que ce genre de conneries ça n'arrive qu'à moi. Je jette quelques coups d'œil autour de moi pour m'assurer que le moins de personnes possible me regardent et je me coule lentement sous la table. Rappelle-toi Charlie : le ridicule ne tue pas. Je suis lasse d'être une parfaite abrutie. J'ai beau balayer le sol du regard, je ne trouve qu'une lentille, l'autre... ah, elle est sûrement tombée entre deux morceaux du plancher de ce foutu hangar. La boulette...
Quand je remonte sur mon siège, Hoseok me lance un regard interrogateur.
« Tu faisais quoi ? »
Je n'hésite pas longtemps avant de lui expliquer la vérité. Je vois un petit sourire moqueur naître sur son visage. Je termine mon court récit en lui demandant ce que je dois faire.
« Pas de chance, répond-t-il, si on t'a donné une seule paire c'est sûrement parce que la boîte se trouve ailleurs, alors si tu veux savoir où tu peux en trouver d'autres, c'est au manager qu'il va falloir aller raconter à quel point ton souffle est puissant.
- J'apprécie ton soutien Hope, vraiment.
- Sinon, tu peux toujours trouver une bonne excuse...
- C'est-à-dire ?
- Ah, je ne vais quand même pas te mâcher le travail, trouve toute seule. »
Enfin prêt, il se lève sans rien ajouter et rejoint Suga et RM, qui sont, eux, sur le point d'aller tourner les plans sur lesquels ils apparaîtront seuls. Jin, toujours entre les mains expertes d'un habile maquilleur, me lance un regard amusé ; je suis persuadée qu'il a entendu tout ce que j'ai dit à J-Hope.
« C'est drôle, remarque-t-il, je trouve que le bleu représente bien le romantisme et la douceur, alors que le noir a plutôt tendance à m'évoquer la profondeur du désir, la passion amoureuse.
- Jin, murmuré-je après un court silence, t'es un génie.
- Je sais, merci. »
Je reste quelques secondes à m'affairer devant le miroir avant de partir chercher le manager à qui je dois parler. Trop de personnes se confondent ici et il me faut plusieurs minutes avant de le repérer, discutant avec un homme en train de s'occuper d'une caméra, un peu à l'écart. Je m'approche d'eux et toussote de façon à me faire remarquer. Quand deux paires d'yeux se posent sur moi, l'air inquisiteur, je m'incline poliment.
« Je suis désolée de vous déranger, commencé-je, mais je voulais vous demander...
- Pourquoi tu ne portes qu'une lentille ? me coupe le manager du groupe.
- Eh bien, je... Je voulais justement vous en parler : je trouve que ça exprime beaucoup mieux la dualité de l'amour. On connaît tous le symbole de la fleur bleue, qui représente le côté romantique, tandis que le noir est plutôt ce qui évoque l'instinct, la passion, et je pensais que peut-être...
- Fais comme tu veux, acquiesce l'homme sans plus me prêter attention. Et puis c'est vrai que ça rend plutôt bien.
- Ah bon ? Enfin, merci, je veux dire. »
Il m'offre un rapide sourire avant de reprendre sa discussion avec le technicien. Comment peut-il être si peu attaché à mon apparence ? D'abord il accepte le changement de vêtements, et maintenant ça. L'avantage, c'est que je n'ai pas à lui avouer que j'ai perdu une lentille, ça aurait vraiment été la honte et je pense qu'il l'aurait plutôt mal pris. Bon en même temps, quand je vois les tenues des garçons, je me dis que me changer était vraiment nécessaire. Ils ont tous l'air d'adolescents normaux, du genre qu'on pourrait rencontrer dans la rue.
Nous nous retrouvons tous à l'extérieur alors qu'un immense soleil frappe de ses rayons brûlants l'endroit où nous nous trouvons aujourd'hui. On a vraiment de la chance qu'il fasse si beau, il n'y a pas un nuage en vue. Les garçons discutent rapidement de choses et d'autres pendant que je jette quelques coups d'œil autour de moi en me demandant où peut bien se trouver la cascade dont on nous a parlé en arrivant. J'aimerais bien aller y jeter un coup d'œil, d'autant plus que mes plans seront tournés un peu plus tard dans la matinée, alors j'ai bien le temps de me promener un peu. Enfin, dans l'immédiat, je suis surtout fatiguée : on s'est encore couché super tard alors qu'on a dû se lever plus tôt que d'habitude pour venir ici et si en me levant, j'étais plutôt en forme, je commence à me sentir de plus en plus faible. J'ai envie de fermer les yeux...
Quand les deux aînés se séparent du groupe pour rejoindre les équipes qui vont s'occuper d'eux, nous allons nous installer un peu à l'écart, sur l'herbe, de sorte à pouvoir observer Namjoon en train de tourner à une vingtaine de mètres de nous. Je m'allonge sur le ventre, ma joue appuyée sur mes mains posées sur le sol pour éviter de trop me décoiffer, et je ferme peu à peu les paupières. Même les discussions des autres et la sonnerie d'un téléphone qui retentit ne m'empêchent pas de m'assoupir.
J'ai somnolé à peine une dizaine de minutes, et ce sont les petites pattes d'un papillon qui repose sur mon avant-bras qui me tirent de mon sommeil. Je me redresse avec lenteur, vérifie que je n'ai pas taché mon t-shirt blanc (j'ai vraiment pas réfléchi en m'allongeant dans l'herbe) et évite de me frotter les yeux trop brutalement, me rappelant que je porte du maquillage – chose à laquelle je ne suis pas encore très bien habituée. Mes paupières clignent plusieurs fois, j'aurais dû penser à retirer ma lentille, j'ai été bête.
C'est seulement quand j'essaie de me lever que je constate que j'ai les membres engourdis. Ça va me faire une bonne excuse pour aller à la recherche de cette fameuse cascade. Quand je demande à Jimin, est assis juste à côté de l'endroit où j'ai dormi, s'il sait où elle se trouve, il me l'indique sans hésiter et propose même de m'accompagner, mais je préfère être seule.
Je profite en chemin de la brise légère qui a décidé de se lever et du soleil qui caresse avec délicatesse ma peau. Ça fait du bien, cet endroit est vraiment apaisant et ça ne m'étonne pas qu'on tourne le clip de ma chanson ici, c'est le paysage idéal.
J'entends rapidement le bruit étouffé de l'eau et le suis sans hésiter. C'est derrière une petite colline que je découvre un terrain en pente qui mène directement à la fameuse cascade. C'est loin d'être l'immense chute grondante que j'avais imaginée, il s'agit en fait d'une multitude de filets d'eau qui s'écoulent paisiblement le long d'une paroi rocheuse et tombent dans un bassin d'une quinzaine de centimètres de profondeur, mais qui se trouve être relativement large ; une dizaine de personnes pourraient s'y étendre sans mal. C'est vraiment magnifique, je suis sûre que chacune des images que l'on tournera ici sera sublime.
Ce n'est que lorsque j'entends des sanglots que l'on essaie de retenir que mon attention se reporte sur Jungkook, que je n'avais pas encore vu, assis un peu à l'écart, fixant la cascade, son portable collé à son oreille, son autre main camouflant son visage comme si elle l'empêchait de fondre en larmes.
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