« Aly je n'ai plus qu'un souhait : je veux décéder.
- Mais non dis pas ça, rit ma sœur, tu as tellement de chance de faire ce que tu fais, profite !
- Je sais bien, mais j'ai tendance à ne m'en rappeler que quand je ne suis plus en train de répéter. Tu verrais : je me donne à fond, mais j'ai presque l'impression que c'est complètement vain.
- Arrête un peu, je suis sûre que tu danses et chantes super bien. Et puis il est bientôt deux heures du matin à Séoul non ? T'es juste épuisée : repose-toi et tu verras, demain ça ira bien mieux.
- Ouais, j'espère bien.
- Bon je te laisse, je vais stalker les BTS sur les réseaux sociaux !
- Pas besoin de le dire, dis-je en souriant à mon tour, je m'en doutais un peu.
- Héhé, je suis trop prévisible. D'ailleurs : tata me fait dire qu'elle ne pourra pas venir discuter avant le 20 juin, elle est partie à Narbonne faire un peu de planche à voile, la météo annonce qu'il y aura beaucoup de vent.
- Ah ok, j'espère qu'elle nous enverra des photos !
- Tu la connais, à part le sport, elle ne sait faire que ça. »
Nous gloussons bêtement toutes les deux : ma tante adore immortaliser tout les moments de sa vie en photo, surtout les voyages qu'elle fait régulièrement... ce qui explique sûrement qu'elle nous ait offert un album à Aly et moi.
« Bon, dis-je, je vais te laisser. Bonne nuit, à demain.
- À demain ! »
La conversation se termine aussi vite qu'elle a commencé et j'éteins mon téléphone avant de le poser sur le lit à côté du mien. Malgré la douche, j'ai encore l'impression d'être couverte de sueur et rien n'y fait, je n'arrive pas à me rafraîchir. Je m'améliore en danse, et le moment où j'ai répété avec le groupe m'a permis de m'en rendre compte : je n'ai plus l'air d'un éléphant lâché au milieu de danseurs, c'est déjà ça. En revanche, j'ai toujours le sentiment de ne pas être à la hauteur, car pendant toute l'heure que nous avons passée à répéter à huit, à chaque fois qu'une faute était commise ou presque, c'était moi. Quelqu'un pas dans le rythme ? Moi. Un pas exécuté de façon trop approximative ? Moi. Encore, toujours moi. La tristesse... Bien sûr, il y a eu quelques moments où j'ai bien géré ma chorée, je ne suis pas tout à fait nulle non plus (j'étais alors tellement fière de moi).
Heureusement qu'Aly est toujours là pour me remonter le moral !
À peine couchée, je m'endors sans le moindre mal.
Dimanche 17 juin 2018 – 5ème jour.
À mon réveil, je suis en pleine forme : je pète le feu ! Je me lève immédiatement pour conserver cet enthousiasme étonnant. Je jette un rapide coup d'œil à mon réveil... WHAT ? Il n'est même pas cinq heures et demie heures du matin ! Je suis super en avance... Je songe un instant à me rendormir, mais je me connais : si je me recouche, je me réveillerai KO et de mauvaise humeur, alors mieux vaut rester levée. Par contre je vais être morte ce soir...
Je répète une petite dizaine de minutes dans ma chambre, constatant avec un sourire que je continue de m'améliorer et qu'une nuit de sommeil suffit à mon cerveau pour comprendre l'enchaînement des pas que j'essaie d'imposer à mon corps.
Ah je suis à fond ce matin ! Un petit déjeuner s'impose !
Avec le plus de discrétion possible, je me rends à la cuisine et fouille dans mon placard. À la supérette, j'ai acheté un peu de tout et je constate que j'ai tous les ingrédients pour faire des petits gâteaux nature. Ça pourrait faire un en-cas pas trop lourd et savoureux, en plus j'ai bien envie de cuisiner. Aly et moi sommes des pros de la pâtisserie à la maison, on a souvent essayé des recettes trouvées sur internet et à force, on finit par les connaître par cœur. J'espère que ça fera plaisir aux garçons, et surtout qu'ils aimeront ça ; l'avantage c'est que pour faire la pâte, il me faut à peine cinq minutes, puis un quart d'heure de cuisson.
Je sors ce dont j'ai besoin et commence mes gâteaux, mon fidèle MP3 dans ma poche, calé sur les chansons qu'Aly m'a transmises et pour lesquelles j'ai créé un nouveau dossier sur mon petit appareil. Ça va en faire des chansons à écouter...
Je remue le contenu du saladier avec énergie, au rythme du refrain de MIC Drop (bon j'avoue j'en renverse un peu à un moment, mais peu importe, il y a largement assez de pâte). Je m'arrête à plusieurs reprises, le bras fatigué, et m'éclate avec la cuillère en bois en guise de micro, faisant du playback sur une chanson qui passe que je connais grâce à Aly. Quand je suis bien lancée, je suis une vraie pile électrique, surtout si j'écoute de la musique.
Tout à coup quelqu'un me tapote l'épaule, je fais volte-face brusquement et, par un réflexe stupide, je lui écrase la cuillère sur la gueule avant de me rendre compte de ce que je viens de faire.
« Oh merde Tae je suis désolée ! murmuré-je en éteignant mon MP3. Tu m'as surprise, c'était un réflexe.
- Je soupçonne le contraire, grimace-t-il d'une voix grave et encore ensommeillée en retirant un peu de pâte d'un revers de la manche. Et puis c'est pas plus mal : ta danse était ridicule, tu te serais vue, un carnage.
- J'y peux rien si t'essaies de me faire peur, t'assumes les conséquences : quelle idée aussi de se lever tôt, hein V ? »
Je préfère ne pas relever sa remarque moqueuse et lui adresse un sourire ironique. D'habitude il se lève toujours en retard, faut pas s'étonner si quand il vient dans la cuisine comme un fantôme je prenne peur. Et puis pourquoi me couper dans mon délire ? Je m'amusais bien moi.
« Tu veux jouer à ça ? »
Hein ? Je n'ai même pas le temps de comprendre que je reçois une poignée de farine sur le visage, ayant par chance le réflexe de fermer les yeux et de baisser un peu la tête pour limiter les dégâts sur mon visage (mais ce sont mes cheveux qui prennent tout...)
« Non mais t'es malade, chuchoté-je pour ne réveiller personne, pourquoi t'as fait ça !
- C'était drôle.
- Ah bon ? »
Je saisis brusquement de la farine à mon tour et lui balance à la tronche, il est tout blanc, l'air ahuri, les yeux grand ouverts. Je souris :
« Ah ouais t'as raison, c'est plutôt marrant. »
Je le laisse béat, comme un idiot, et enfourne mes gâteaux, toujours amusée par ce que je viens de faire. J'ai eu l'impression d'avoir cinq ans, sans rire. Alors que je viens à peine de refermer le four, quelque chose vient heurter l'arrière de ma tête et en plus d'un craquement que j'entends, je sens un liquide visqueux couler. Je me retourne lentement : je n'aurais jamais dû laisser les œufs sur la table. Taehyung m'adresse un sourire provocateur. Je n'aime pas gâcher la nourriture, mais s'il me cherche, il risque bien de me trouver ! C'est pas sa petite bouille de gamin qui vient de se réveiller qui va me retenir !
Je réplique en attrapant un œuf et en me jetant sur lui. Il essaie de m'esquiver en étouffant des éclats de rire mais visiblement, le fait de se réveiller à peine le rend plus lent. J'attrape son bras sans mal et le retiens pendant que mon autre main vient écraser l'œuf sur ses cheveux. Il réussit à atteindre la farine de sa main libre et j'en prends une nouvelle dose dans la figure.
« Ah c'est dégueu ! »
Je frotte mon visage sur son t-shirt (ouais, sans aucune gêne, tranquille) et lui verse du sucre là où le blanc d'œuf coule toujours. Ça accroche direct.
« Merde, Charlie ! »
Tae se frotte les cheveux comme il peut et alors que je crois que les hostilités sont finies, c'est une troisième poignée de farine que je reçois, sur mon débardeur cette fois.
« Je ne m'avouerai pas vaincu, » clame-t-il.
Il s'apprête à prendre un nouvel œuf quand nous nous retournons tous les deux après avoir entendu une porte claquer. Namjoon nous observe, les bras croisés contre son torse et l'air sévère, Suga nous fusille du regard et Jimin et Jungkook nous fixent d'un air amusé.
« Qu'est-ce que vous faites ? grogne le leader.
- Bah, des gâteaux, ça se voit pas ? rétorque Tae avec un air angélique et innocent, lui offrant son plus adorable sourire.
- Non j'aurais pas deviné. Vous auriez pu faire un peu moins de bruit... et de dégâts, ajoute-t-il en nous toisant. J'ose espérer que vous allez tout nettoyer.
- C'est prévu, assuré-je un peu honteuse.
- Pas juste, soupire Jungkook, je voulais jouer aussi moi. »
Tous les regards convergent vers lui. Ses yeux passent sur chacun d'entre nous avant qu'il hausse les épaules et lâche un « Ben quoi ? » qui réussit à tirer un mince sourire à Namjoon.
Après quelques minutes à discuter tous ensemble autour de la table, quand je constate qu'une douce odeur s'échappe du four, je retourne à mes gâteaux. Ils ont l'air trop bons ! Et Jin et J-Hope arrivent à leur tour, s'étonnant à peine de l'état dans lequel Tae et moi sommes. La conversation autour de la table est plutôt joyeuse ce matin, tout le monde à l'air en forme et mes pâtisseries font l'unanimité parmi les garçons.
« C'est super bon, me félicite J-Hope.
- Merci !
- Eh, intervient Jin, ça me fait penser à quelque chose.
- Oula tu me fais peur, soupire Jimin.
- Est-ce que tu connais la blague du petit-déjeuner ?
- Non...
- Bah t'as pas de bol. »
Et il éclate de rire... tout seul. Suga le regarde, l'air désespéré, et Jimin, comme moi, esquisse malgré tout un petit sourire. C'est surtout parce que ça fait vraiment pitié et que le voir se marrer tout seul à sa propre blague, ça a quelque chose d'affreusement drôle. Le pire, c'est que dès qu'il réussit à se calmer...
« Eh, eh, dit-il à nouveau. Et la blague à deux balles, tu connais ?
- T'es sûr que...
- Pan pan. »
Hoseok, que Jin a coupé, lui lance le même regard dépité que Yoongi. Mon dieu ça fait tellement pitié.
« Pourquoi il s'entête à faire des blagues de merde ? souffle Suga en levant les yeux au ciel.
- Mais c'est drôle, réplique Jin. J'ai sûrement dû mal les raconter.
- Le seul problème avec tes vannes, constate Jimin, c'est justement que tu les racontes.
- Vous ne savez pas reconnaître le talent.
- Si tu le dis... »
Si Suga était en fin de vie il tirerait la même tête qu'en ce moment, c'est absolument épique. J'explose de rire quand je le vois comme ça.
« Tiens tu vois, reprend Jin, elle, elle vient de comprendre mes blagues. »
Personne n'ose le contredire, il a l'air tellement fier de lui. Hoseok oriente rapidement la conversation sur autre chose, comme si tout le monde avait tellement honte pour Jin qu'on préférait ne plus en parler de la vie.
C'est donc sur cette note que se termine le petit-déjeuner aujourd'hui. Je file me laver et me changer, tout comme Taehyung, et nous nous retrouvons un peu avant six heures vingt dans la cuisine pour nettoyer tout le bordel.
« À cause de toi je sens l'œuf, lui reproché-je. Même le gel douche n'y peut rien.
- T'avais qu'à pas m'écraser une cuillère sur le visage et te moquer de moi.
- T'avais qu'à pas m'effrayer et te moquer de moi.
- Touché, admet-il.
- Coulé. »
Le sourire qu'il m'adresse me fait rire : comment on peut avoir un sourire aussi adorable, sans blague ?
Une fois que le sol est entièrement décrassé, on passe aux meubles. Ça nous prend un temps fou et quand enfin on termine, le manager, accompagné par quelques personnes, toque à la porte. Namjoon lui ouvre. Ah c'est vrai : j'avais complètement oublié qu'on tournait le clip aujourd'hui ! C'est pour ça que Seokjin et Hoseok se sont levés avec une heure d'avance alors qu'on ne les avait pas réveillés.
Je file m'habiller dans ma chambre et attrape mon portable en route. Je l'allume et fonce dans l'entrée rejoindre l'équipe. Il est environ sept heures moins le quart, le lieu de tournage est à une trentaine de kilomètres de là, pas très loin de Séoul. Dans l'ascenseur, lorsque j'allume mon smartphone, je constate qu'Aly a essayé de m'appeler sept fois via Skype. Merde, qu'est-ce qu'il se passe ? Je lui envoie un message : « Je ne peux pas parler pour l'instant, je suis occupée, mais qu'est-ce que tu voulais me dire ? » Vu l'heure, je vais sûrement attendre un peu ma réponse, il doit bien être minuit en France...
Nous montons dans un petit van dans lequel nous pouvons tous nous asseoir. Les trois rappeurs discutent au premier rang, derrière le chauffeur, Jungkook et Jin sont à moitié endormis au deuxième et moi, j'ai été contrainte par mes deux boulets préférés à m'asseoir entre eux. Jimin est tout content de pouvoir discuter avec moi et Tae s'amuse à me taquiner, parce que visiblement, c'est tout ce qu'il sait faire quand je suis dans les parages.
J'appuie ma tête contre le dos de mon siège et ferme les yeux, paisible. Mon cœur tressaute dans ma poitrine quand mon portable vibre sur mes genoux pour me signaler une nouvelle notification. Skype. J'ouvre rapidement l'application pour voir le message tapé par Aly :
« Charlie, c'est trop bizarre, je suis passée sur ton blog pour essayer de voir qui avait laissé le commentaire et le remercier et là j'ai vu un truc qui ne m'avait pas sauté aux yeux avant.
- C'est-à-dire ?
- Ta chanson est sortie à dix heures du matin, heure coréenne, soit trois heures du matin en France, et je peux te jurer que j'ai eu beau chercher partout j'ai pas trouvé l'audio avant cette heure précise, du coup j'avais passé une bonne partie de ma nuit à l'attendre. J'avais pas fait gaffe à la date et l'heure du commentaire laissé sur ton blog mais... il a été laissé presque une demi-heure avant, à deux heures trente-sept heure française. »
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