Chapitre 14

Quand je sors de ma chambre pour m'installer à la table du salon avec des livres que ma prof m'a laissés ce matin, je remarque Suga allongé sur le canapé, dans la même position que ce matin. Je m'installe sans faire de bruit et commence à feuilleter les bouquins.

« Tu parlais toute seule dans ta chambre ? »

Je lève la tête vers Yoongi, toujours allongé, l'air endormi, sur le canapé.

« Oui bien sûr, répliqué-je, j'ai l'habitude de faire ça, ça t'étonne ? »

Même de là où je suis, je peux voir un sourire se former sur son visage.

« Je parlais avec ma sœur, dis-je. On est très proches et ça me fait un peu bizarre de ne pas la voir.

- Comme c'est mignon. Je comprends, surtout quand ta vie change du jour au lendemain de cette façon.

- Exactement.

- Elle s'appelle comment ?

- Alysson, mais on l'appelle tous Aly.

- C'est une ARMY, c'est bien ce que tu m'as dit hier ?

- Oui.

- D'accord... »

Le silence retombe entre nous. Je voudrais continuer de discuter, mais je manque de mots...

« Tu comptes rester ici longtemps à me matter ? lance Yoongi, les yeux toujours clos.

- Je me demandais simplement comment quelqu'un comme toi pouvait supporter un tel quotidien.

- On s'y fait, même si ça reste parfois assez compliqué.

- C'est à quelle heure que vous partez en studio.

- Quand ta prof arrivera, d'ici cinq minutes.

- Merci de me le rappeler... »

Je grimace à l'idée de passer quatre nouvelles heures ici sans rien faire ; Yoongi sourit de nouveau sans ouvrir les paupières. Nous sommes coupés par le bruit de la porte qui s'ouvre, laissant entrer la femme qui m'enseigne sa langue. Ah d'accord donc quand c'est moi qui pars on s'empresse de refermer la porte à clé mais quand c'est pour la prof de coréen là c'est open bar ! Sans dec...

Je vais la saluer tandis qu'elle m'offre un sourire sympathique. Elle a dans la main un gros sac en tissu et je me demande ce qu'elle a bien pu amener. Elle me toise rapidement :

« Bien, tu es déjà prête. Mets tes chaussures, on va faire des courses.

- Hein ? »

Elle ne me vouvoyait pas ce matin ? Et pourquoi elle veut que je mette mes chaussures, on est tous en chaussettes ici.

« Le meilleur moyen d'apprendre une langue, c'est encore de la pratiquer en situation réelle. On m'a dit que la nourriture coréenne t'avait un peu... déplu, alors on va aller faire des courses, et puis on ira profiter un peu du beau temps pour discuter tranquillement, en parlant un peu plus vite que d'habitude, pour que tu t'habitues. »

Quelle idée brillante, j'adore cette femme, en plus elle a un sourire tellement doux, elle me rappelle tata Irène !

« Super, je me dépêche de me préparer et j'arrive ! »

Je cours dans ma chambre chercher mes chaussures, mets mon portable à recharger – l'appel d'Aly a épuisé ma batterie – puis je rejoins ma prof dans l'entrée sous les yeux des sept garçons qui, quant à eux, s'apprêtent à descendre en studio.

« À ce soir, lancé-je avec entrain.

- Amusez-vous bien, » lance Tae.

D'un sourire je lui fais comprendre que de toute façon, rien n'entamera ma bonne humeur : si je suis dehors en même temps que le soleil, mon niveau de bonne humeur éclate le plafond ! Les autres m'adressent un salut et je m'en vais, suivie par ma prof. Dans l'ascenseur, la discussion commence de façon naturelle : elle m'explique où nous allons nous rendre cet après-midi et peu à peu, elle commence à parler à vitesse normale. Je dois me concentrer pour suivre, et c'est alors que nous sommes encore dans le hall d'accueil de la Big Hit que je lui pose ma première question à propos d'une structure de phrase qu'elle a utilisée et que je ne comprends pas. Je sens que l'après-midi va être enrichissante, quelle bonne nouvelle !

Lorsque nous sortons, je suis frappée de plein fouet par les rayons brûlants du soleil contre moi. Ouah, qu'est-ce que ça fait du bien ! Je peux sentir mes jambes chauffer sous mon jean sombre, et après avoir passé une journée dans l'avion et une matinée enfermée, c'est loin de me déplaire ! Certes, j'ai plutôt tendance à être casanière, mais ne pas profité d'un si beau temps aurait été une grave erreur, et visiter Séoul quand la ville est couverte par un ciel si dégagé ne peut que me faire voir la ville sous un jour magnifique. Nous descendons plusieurs rues avant d'arriver devant une petite supérette.

« Le rayon des produits du monde est immense ici, il y a des chances pour que tu trouves beaucoup des produits français dont tu as l'habitude.

- Merci beaucoup.

- Par contre je te préviens tout de suite : tu te débrouilles toute seule et à la caisse, quand la vendeuse annoncera le total, c'est toi qui me diras combien je dois donner pour la payer.

- Pas de problème, je relève le défi. »

Ma prof me lance un regard complice que je lui rends.

« Oh, et moi c'est Kim Samna, appelle-moi Samna à l'avenir, c'est un peu moins formel, mais on n'est que nous deux après tout. »

Ravie de voir en elle l'image d'une seconde mère, je hoche vivement la tête lui adressant un sourire immense. Comme la vie est belle !

Nous entrons dans l'épicerie et Samna nous amène directement au rayon des produits du monde. Effectivement, il y a beaucoup de choses venant d'un peu partout, aussi bien du fromage et du pain typiquement français que des plats japonais, des hamburgers de marques américaine ou des plats épicés représentatifs du Moyen-Orient. C'est assez stéréotypé, mais je devrais y trouver sans mal mon bonheur.

« Quel est notre budget ?

- Quarante mille wons pour une semaine de nourriture pour toi seule. Bien sûr, tu peux rajouter autant que tu veux de ta poche. »

Devant mon air dubitatif, elle comprend que j'ignore ce que cette somme peut bien représenter. Elle réfléchit un instant puis m'explique que cela équivaut à peu près à trente euros. Je me prends quelques baguettes de pain que je pourrai congeler en attendant de les manger, le fromage que j'ai l'habitude de manger (j'étais étonnée de le trouver là), des viennoiseries (grosse fan de croissants au chocolat – en plus comme ça il n'y a pas le débat pain au chocolat ou chocolatine... même si j'avoue être de la team pain au chocolat), et je trouve dans d'autres rayons des soupes lyophilisées pas chères ainsi que du beurre et de la confiture. J'ajoute à ça des aliments plus communs tels que du riz, des pâtes, et de la viande. Au final, je ne pense pas avoir dépassé mon budget, mais de toute façon j'ai aussi un peu d'argent sur moi, alors je n'ai pas pris la peine de calculer, préférant me faire plaisir pour l'instant. La caissière m'annonce le montant, je me retourne vers Samna et annonce :

« Trente huit mille wons, tous ronds. »

La fierté d'avoir compris ce qu'on me disait – mêlée à celle d'avoir réussi à ne pas dépasser mon budget – se lit sur mon visage et, avec un rire franc, ma prof me donne ce qu'on me demande et je tends l'argent à la caissière avant de la remercier et de m'en aller. Samna nous guide ensuite jusqu'à un parc et la discussion va bon train entre nous. Je lui pose de nombreuses questions sur ses origines ; elle est née en Iran mais a toujours été passionnée par la Corée, alors quand un jour, lors d'un voyage, elle a rencontré un homme qui l'a suppliée de rester, elle n'a pas hésité très longtemps avant d'accepter. Ils sont mariés depuis plus d'une dizaine d'années et se connaissent depuis plus longtemps encore. Quelle jolie histoire.

« Et toi, continue Samna, qu'est-ce que tu comptes faire une fois ton séjour ici terminé ?

- Reprendre mes études, je réponds sans hésiter. Mais j'aimerais pouvoir continuer la musique à côté.

- Tu n'envisages pas de venir étudier ici si tu en as l'opportunité ?

- Non, pas vraiment.

- Et si jamais toi aussi tu rencontrais le garçon de tes rêves ici ? »

Elle me lance un regard plein de sous-entendus et je me sens rougir brusquement, pas que j'aime un des garçons, mais à l'idée qu'elle puisse penser ça. Qu'est-ce qu'elle va imaginer ?

« Et où est-ce que je pourrais le trouver ? répliqué-je enfin. J'ai bien trop de choses à faire.

- Je dis juste que tu vas passer du temps avec sept jeunes gens qui font baver un nombre incalculable de filles. Ne me dis pas que tu n'y as pas pensé ? »

Étonnamment, non. Aly y a pensé, elle me l'a dit à plusieurs reprises, mais moi je suis toujours restée focalisée sur l'aspect professionnel de ma venue ici : je dois écrire des chansons qui démontreront mon talent... si j'en ai un, bien sûr. Pourquoi il n'y a que moi qui ne pense pas que je vais me taper un des garçons alors même qu'on se connaîtra depuis un mois à tout casser ? Sérieux, j'hallucine...

Le parc est un endroit des plus agréables. Une pelouse dont l'odeur révèle qu'elle a été fraîchement tondue recouvre le sol presque entièrement, coupée en son centre par un chemin de graviers pâles qui, au centre de ce petit jardin d'Éden, forment un cercle autour d'une fontaine dans laquelle jouent de jeunes enfants sous les regards protecteurs et attendris de leurs parents. Aly et moi avons été de tels enfants, des années plus tôt.

Il fait horriblement chaud et l'idée de me baigner me frôle l'esprit. J'imagine déjà l'eau tremper mes vêtements et goutter de mes cheveux... ce qui me donne de plus en plus chaud : je meurs sous un tel soleil ! Heureusement, j'ai acheté une canette de coca, ayant prévu que je risquais la déshydratation face à ces températures au-dessus de vingt-cinq degrés Celsius.

« Profites-en bien de ce soleil, conseille Samna, c'est tellement agréable l'été.

- Mais moi j'aime pas quand il fait chaud...

- Arrête de te plaindre, enfant. »

Elle me tire amicalement la langue et je lui donne un petit coup d'épaule. En fait, je suis vraiment contente de l'avoir comme prof : les quelques tournures dont elle a compris que je ne les maîtrisais pas, elle passe son temps à essayer de les replacer quand elle me parle, ce qui fait que j'ai déjà l'impression d'avoir fait des progrès énormes en l'espace d'à peine deux heures. Assises sur un banc à l'ombre d'un arbre, nous continuons nos conversations. Elle me pose beaucoup de questions sur mes études, mes passions, et je lui en pose des semblables. Il est très facile de parler avec elle. J'ai presque le sentiment de la connaître si bien que je peux tout lui dire : elle n'est pas du genre à juger au premier regard et estime que chacun est libre de conduire sa vie comme il l'entend, tant qu'il ne blesse personne, de sorte qu'elle ne remet en question aucun de mes choix, qu'elle ne critique rien de ce que je peux lui raconter. Je sais d'emblée qu'avant l'arrivée d'Aly, c'est à elle que je me confierai.

« Déjà ! »

Les yeux rivés sur sa montre, Samna s'étonne de l'heure. Je sursaute ; elle m'a fait flipper, ça faisait plusieurs secondes qu'on ne parlait plus et qu'autour de nous tout était silencieux. Ma prof lève les yeux vers moi.

« Oups, je t'ai fait peur ? »

Je vois bien que ça la fait rire et son large sourire me pousse à rire à mon tour. Nous nous en retournons à l'immeuble de la Big Hit. J'arrive un peu avant dix-huit heures à l'appartement. Samna, qui m'avait accompagnée, me salue et reprend l'ascenseur. Je constate avec un sourire que la porte est ouverte cette fois-ci. Bien sûr, maintenant que je ne suis pas trempée de sueur, on laisse l'entrée libre...

« Charlie ! »



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Oui je sais que les garçons ne sont pas encore très présents pour l'instant, mais tout vient à point à qui sait attendre, non ? ;-)

Oh, et grande nouvelle : je vais passer d'un à deux chapitres par semaine (le mercredi et le dimanche), parce que je me suis rendu compte que de toute façon je publiais toujours au moins deux parties, alors autant rendre ça officiel. X)

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