Chapitre 111

Je lui souris en guise de réponse et reporte mon regard sur mon petit-déjeuner. Je n'ai pas très faim ce matin et plutôt que de me forcer inutilement je préfère aller à la cuisine et me préparer rapidement un petit casse-croûte à amener avec moi à la salle de danse. Je profite d'avoir un peu d'avance pour aller écrire un vers qui m'est venu à l'esprit à l'instant ; bon, c'est mieux que rien. Je sens que je vais avoir un timing serré pour celle-là, plus encore que pour la deuxième.

Alors que je m'apprête à retourner dans la chambre, le leader m'informe que l'on va se rendre en salle de sport ce matin, maintenant que la chorée est maîtrisée. J'acquiesce et file revêtir des vêtements adéquats, après quoi j'enfourne dans un sac une bouteille d'eau et le paquet de gâteaux que j'ai pris à la cuisine.

En sortant de la chambre je vois Suga affairé à nettoyer toute la vaisselle et je décide d'aller lui prêter main forte. Pendant les quelques minutes que nous prend notre tâche, pas un mot n'est échangé, mais ce n'est pas nécessaire, du moins aucun de nous n'y voit d'utilité. Quand je range le dernier verre, il me glisse seulement un « merci » un peu timide et va se préparer à son tour. Je souris et pose mes paumes à plat sur le revêtement de marbre du plan de travail, poussant un long soupir avant de me frotter les yeux. Je m'étire comme je le peux en laissant vagabonder une main dans mes cheveux dans l'espoir de réussir à me réveiller complètement. Je me sens encore un peu assoupie et faire du sport dès huit heures du matin ça risque d'être un peu brutal pour moi...

Tout le monde doit être occupé à s'apprêter puisque je n'entends pas un mot, l'appartement est silencieux. Je m'écarte du coin cuisine et me laisse tomber sur le canapé, devenue aussi molle qu'une limace ; je n'ai pas envie de bouger... et mes nuits de huit heures me manquent terriblement, j'ai l'impression de passer mes journées avec des cernes sous les yeux à essayer de profiter de la moindre occasion de pouvoir dormir, à quelques rares exception prêt.

Si on compte que je dors en moyenne cinq heures par nuit au lieu de huit, que cela va durer trente jours, ça fait que je perds quatre-vingt-dix heures de sommeil par rapport à un mois habituel, soit plus de trois jours et demi passés à dormir que j'aurai perdu à la fin du mois.

Dès que je rentre en France je file hiberner... avec des gâteaux, des montagnes de gâteaux.

C'est en entendant les garçons sortir de leur chambre que je décide de me relever de ce canapé douillet et j'essaie de faire bonne figure, mais quand Jin me fait remarquer qu'on dirait que je n'ai pas dormi depuis des années, je comprends que mes cernes sont toujours aussi présentes. Ce n'est pas très sympathique de le souligner...

Je les rejoins et enfile mes chaussures pour les suivre. Aly a amené avec elle de quoi continuer son portrait, comme à son habitude, et nous descendons tous ensemble jusqu'à la salle de sport de l'immeuble.

« Charlie, un câlin ! »

Alors que nous avons à peine franchi la porte, Tae me saute presque dessus et je manque de perdre l'équilibre, le repoussant sans douceur.

« T'es malade j'ai failli me casser la gueule !

- Oups, désolé.

- Ah mais pourquoi t'es trop mignon, ronchonné-je, je peux pas t'en vouloir moi...

- Je suis trop charmant pour toi ?

- Allez, va te muscler au lieu de te moquer de moi. »

Il sourit et s'en va sans demander son reste. Je pose mon sac au pied du tapis de course et ne mange qu'après une bonne heure de jogging, moment pendant lequel j'ai l'impression que mon estomac n'a pas de fond tant le nombre de gâteaux que j'avale est astronomique... Ça creuse l'exercice.

« Charlie viens voir par ici ! » m'appelle Jimin.

Je me retourne et lance au jeune garçon un regard interrogateur. Le groupe est réuni un peu plus loin et semble discuter de quelque chose de sérieux qui, je le sens, ne l'est pas réellement.

« On a besoin de ton aide, reprend mon ami.

- Pourquoi ?

- Viens. »

S'il ne veut pas me dire en quoi je peux leur être utile, c'est forcément qu'ils préparent quelque chose de stupide, néanmoins je traverse la salle et me joins à eux.

« Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? demandé-je sceptique.

- On a besoin d'un poids pour que Kookie fasse des pompes.

- Hein ?

- Bah tu fais environ cinquante kilos non ? »

J'en faisais quarante-sept et j'ai dû reprendre un peu de poids depuis, donc j'acquiesce.

« Parfait, c'est ce qu'il nous faut. Alors tu prends place sur le dos de Jungkook et on compte combien de pompe il peut faire.

- Mais c'est débile faites-le vous-mêmes, dis-je.

- Avec nous il n'en fait pas beaucoup et si on lui mettait un poids en fonte sur le dos ça pourrait lui faire mal au dos. Allez sois cool.

- Mais Jimin je ne vais pas m'asseoir sur le dos de Jungkook seulement pour que vous puissiez compter le nombre de pompe qu'il peut faire avec cinquante kilos sur le dos...

- Allez Charlie, sois sympa...

- T'es conscient que ce que tu me demandes est ridicule ? l'interrogé-je.

- Oui, mais on veut voir quand même.

- Et j'ai quoi en échange ? lancé-je alors l'air narquois.

- Beaucoup d'amour de notre part ?

- Non, ça ne suffit pas, ça j'en ai tous les jours.

- Hum... dans ce cas tu auras... »

Je le vois réfléchir, et les autres garçons en font de même. C'est dommage, Aly est à environ cinquante-cinq kilos, sinon j'aurais proposé à Jungkook de lui demander à elle.

« Tu veux que je te fasse mon délicieux gratin kimchi-oréos ? propose V.

- Non merci...

- Je peux rajouter du japchae si tu veux.

- Ce serait encore pire.

- Une apparition de ta sœur en arrière-plan dans le clip de ta prochaine chanson, » intervient alors RM.

On se retourne tous vers lui avec un air ahuri, moi la première, et je vois à son petit sourire provocateur qu'il ne plaisante pas. Ça, ça ne fait aucun doute que je pourrais faire n'importe quoi pour l'obtenir.

« C'est sûr ? Elle pourra faire une apparition ?

- Seulement en arrière-plan, de sorte à ce qu'on la voie à peine, ça ne dérangera pas.

- T'en es certain ?

- Oui. Alors, tu veux bien lui servir de poids ?

- D'accord ça marche. »

Les garçons ont l'air amusé de voir que je n'hésite pas une seconde et Jungkook se met sur le sol, en position, juste après quoi je m'assois de façon incertaine sur son dos, lui demandant à plusieurs reprises si je ne lui fais pas mal. Quand il m'assure que tout va bien, je soulève mes jambes de sorte que tout mon poids repose sur lui et quand il commence à faire des pompes, je dois m'accrocher à son t-shirt pour être certaine de ne pas tomber. Les autres autour de nous comptent, et Jungkook arrive à aller jusqu'à dix, c'est franchement impressionnant.

« Je suis sûr que t'aurais pu faire plus Kookie, le provoque J-Hope.

- Attend ça fait une heure que je suis déjà en train de faire de la musculation, sourit le maknae, ça commence à faire mal aux bras tout ça. »

Je décide de ne pas parler à Aly de ce qu'il vient de se passer, je veux lui faire la surprise quand elle viendra avec nous pour le tournage du troisième clip, et je demande aux garçons de ne pas lui en souffler un mot : installée près du tapis sur lequel je courais encore cinq minutes plus tôt, elle n'a rien entendu de la conversation, d'abord parce qu'elle est à l'autre bout de la salle et ensuite parce qu'elle est trop concentrée pour ça. Elle n'en reviendra pas, c'est certain !

Lorsque nous remontons à l'appartement, après deux heures que j'ai passées presque exclusivement sur le tapis de course ou à (tenter de) soulever des poids, chacun part se doucher, mais je n'y vais pas immédiatement pour ma part puisque Lisa m'a envoyé un message pour me demander comment ça se passait pour moi. Je prends le temps de lui répondre, me montrant clairement enthousiaste face à tout ce que je vis, malgré toujours les mêmes difficultés que je rencontre, la principale étant la fatigue physique, et parfois morale. Parce qu'elle est connectée, elle me répond presque immédiatement qu'elle comprend complètement et enchaîne avec un autre sujet à propos duquel nous commençons à discuter.

« Je vais répéter un peu, quelqu'un veut venir ? » lance V depuis le couloir.

Ah oui ça ne me ferait pas de mal tiens. Je salue Lisa en lui expliquant que je dois y aller mais lorsque je sors de ma chambre, sous le regard amusé d'Aly, j'entends la porte d'entrée claquer ; merde, j'aurais dû lui répondre au lieu de rester silencieuse.

« J'y vais Aly, on se retrouve plus tard, dis-je à ma sœur en refermant la porte de notre chambre.

- Ouais, à plus. »

Je remets mes chaussures, tant pis si je suis toujours en sueur, et descends les escaliers, devinant que V est très probablement à la salle de répétition habituelle, notamment parce qu'elle est toujours ouverte, comme m'en a informé le chorégraphe il y a quelques jours de ça. Par chance mes muscles ne se sont pas refroidis depuis la séance de sport et je me sens prête à danser, croisant cependant les doigts pour qu'un autre des membres du groupe soit descendu avec Tae (parce qu'être seule avec lui, ça risque de me mettre mal à l'aise).

Je me dirige tranquillement vers la salle et quand j'en ouvre la porte, je trouve V, assis dans le fond, son portable à son oreille et un air à la fois attendri et mélancolique sur le visage. Je referme derrière moi et reste silencieuse, ne souhaitant pas le déranger.

« Je suis fier de toi mon bébé, je te l'ai déjà dit... Oui je sais, mais... Oui, dis-lui que je l'aime moi aussi. »

« Bébé » ? Alors il n'y a pas que moi qui dois subir ce surnom ? Sa voix grave est remplie d'émotions, presque étranglée, et on sent directement que qui que soit la personne à qui il parle, il en est extrêmement proche. Ça me fait mal de le voir avec cet air triste et je n'attends pas très longtemps avant que l'appel ne prenne fin.

« Euh... »

C'est vraiment pourri, pourquoi est-ce que c'est la seule chose que j'arrive à dire ?

« Charlie ? »

Son regard se pose sur moi avec étonnement et je me demande si j'ai bien fait de rester plutôt que de m'en aller discrètement. Il a repris son visage habituel, celui qui ne traduit que des émotions positives.

« Tu... Je dérange ? demandé-je.

- Non pas du tout, je viens de terminer. Tu es là depuis longtemps ?

- Une minute ou deux...

- Ah ok. »

Il a l'air un peu gêné tout à coup.

« Tu vas bien ? m'inquiété-je alors.

- Oui, t'en fais pas. C'est juste que... Ma petite sœur compte énormément pour moi et elle me manque tout autant. On n'a pas un écart d'âge énorme, mais je la vois toujours comme un petit bébé que je dois protéger et... Physiquement, vous n'avez rien à voir, mais moralement tu lui ressembles tellement que parfois, j'ai tendance à la reconnaître en toi, un peu comme si tu étais toi aussi ma petite sœur, mon bébé à moi.

- D'où le surnom et la surdose d'affection, dis-je touchée avec un sourire.

- Probablement. »

Bien sûr, ça explique tout : quand il me voit, c'est sa petite sœur qu'il voit. Quand il m'enlace, c'est elle qu'il a l'impression de prendre dans ses bras et quand il m'appelle, c'est comme s'il l'interpelait, utilisant alors le même surnom pour nous deux. Je vois son visage devenir de plus en plus peiné et je ne peux pas me retenir d'aller entourer son corps frêle de mes bras.

« Ça va aller ? » susurré-je.

Il acquiesce et après quelques secondes de silence que l'on passe immobiles, je me recule, lui adressant un sourire encourageant. Je comprends maintenant pourquoi il agit toujours de cette façon avec moi, d'un côté ça me touche de savoir qu'il me perçoit comme sa sœur.

« Je suis heureux qu'on s'entende bien, sourit alors V, j'ai l'impression de pouvoir tout te dire.

- Comme à elle ?

- Pas exactement, plus comme une sœur de cœur, tandis qu'elle c'est ma sœur de sang.

- Ça fait une grande différence ?

- Bien sûr, acquiesce-t-il. Ce n'est pas parce que tu me fais penser à elle que je te confonds avec elle, beaucoup de choses vous séparent ; c'est simplement que ça me permet de me sentir tout de suite à l'aise en ta compagnie...

- Et de n'avoir absolument aucune gêne avec moi, complété-je en lui coupant la parole.

- Oui entre autres. »

Son sourire s'élargit un peu plus et je l'imite, touchée par ses mots. Alors ce ne sont pas seulement des amis que j'ai trouvés en venant ici, ce sont bel et bien des frères de cœur...


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