Mercredi 13 juin 2018 – 1er jour.

Pourquoi moi... J'arrive à échapper à Aly et sa musique dès six heures du matin pour me retrouver parmi les BTS qui foutent leur musique à fond alors qu'il n'est même pas sept heures et qu'on s'est couché vers deux heures du matin. Par chance le simple fait de savoir où et avec qui je suis me donne le sourire. Je vis un rêve éveillé, je veux que rien ne me mette de mauvaise humeur ce mois-ci. Convaincue par moi-même que cette première journée va être parfaite, je suis même super contente d'être réveillée tôt : j'aurais plus de temps encore pour profiter de toutes les installations mises à ma disposition. Constater que la pièce dans laquelle je me trouve est belle et bien la chambre qui m'a été laissée par deux des membres est sûrement le plus beau des réveils, hors de question que je me plaigne alors que j'y suis !

Mais si j'avais su que les Bangtan Boys aimaient écouter leur propre chanson au réveil, j'aurais dormi avec mes écouteurs, histoire de ne pas être réveillée avec les mêmes chansons qu'à mon habitude. C'est No More Dream il me semble, une des préférées d'Aly. En plus ils parlent fort... Comment peuvent-ils avoir autant d'énergie à revendre dès le matin ? Et pourquoi ils écoutent leur chanson à cette heure là !

Je me retourne plusieurs fois dans mon lit avant de finalement me décider à me lever et m'habiller. Un débardeur et un jean suffiront, il fait chaud ici. Revenue dans ma nouvelle chambre, je prends un peu de temps pour détailler le matériel audio qui s'y trouve. Ouah, c'est le top du top, ils doivent vraiment s'éclater avec ça ; comme je les envie. Enfin, en vérité je ne sais pas à quoi servent les neuf dixièmes des appareils qui se trouvent devant moi, mais ça a l'air trop cool quand même ! Le seul matériel audio que je n'aie jamais eu dans ma vie, c'est un micro Barbie qui pouvait amplifier ou déformer la voix, quand j'avais cinq ans...

Je me décide enfin à les rejoindre pour le petit-déjeuner. À peine sortie de ma chambre, je peux voir dans le salon les garçons tous assis autour de la table sur laquelle se trouve un immense gâteau. Ils discutent gaiment sous le regard de verre d'une caméra tenue par un homme dont j'ignore l'identité, tout ce petit monde étant surveillé par le manager du groupe. Les garçons chantent en chœur leur chanson en décorant le gâteau de crème et de bougies.

J'ai manqué quelque chose moi...

Le garçon au sourire adorable (Tae, c'est ça ?), parce qu'il est assis de sorte à être face à la porte de ma chambre, me voit en premier. Il m'adresse un sourire discret et reprend son activité, donnant un coup de coude à son voisin, le leader, Namjoon (lui j'ai bien retenu son nom...). Il lève la tête vers moi et adresse un signe à peine perceptible au manager qui, lorsqu'il me remarque, vient à ma rencontre et m'attire un peu à l'écart, de sorte à ce que la caméra ne me voie pas. L'homme est à peine aussi grand que les garçons et est un peu enrobé. Je lui donnerais un peu plus de la quarantaine, dans ces zones là, mais il a l'air plutôt sympathique. J'ai bien vu qu'il couvait le groupe d'un regard paternel avant de se rendre compte de ma présence.

Ah, enfin j'ai l'impression d'exister.

« Bonjour, me salue-t-il en parlant lentement, le groupe fête ses cinq ans, on doit filmer ça. Tu peux rester un peu plus loin ?

- Oui pas de problème, acquiescé-je en feignant de sourire, je sais. »

Non en fait, je n'existe pas.

Un peu amère tandis et me sentant rejetée, je retourne dans ma chambre. Je suis parfaitement au courant que je ne dois pas apparaître sur les vidéos ou les photos des BTS lorsqu'ils sont chez eux, mais ça fait quand même un peu mal. Je ne suis déjà pas parfaitement à mon aise ici, j'aurais préféré pouvoir partager un petit-déjeuner calme avec le groupe pour essayer de les connaître un peu mieux.

J'allume mon téléphone et passe sur Skype. Aly a la fâcheuse habitude de mettre « invisible », comme statut, de fait j'ignore complètement si elle est connectée ou non. Avec un peu de chance et parce qu'il est environ minuit en France, elle est encore réveillée. J'essaie l'appel vidéo. Ça sonne.

Décroche...

Les sonneries se succèdent, et plus je les entends, plus mon cœur se fait lourd. Je ne comprends pas pourquoi elle ne décroche pas, d'ailleurs, j'imaginais plutôt, la connaissant, que ce serait elle qui me harcèlerait.

Je commence à me sentir mal : mise à l'écart par le groupe et le staff, je ne peux même pas discuter avec Aly. J'essaie une nouvelle fois, rien non plus. Un véritable ascenseur émotionnel ce matin : je passe de « pleine d'espoirs et de rêves » à « déprimée d'être complètement seule ». Ce n'est pas du tout comme je l'espérais. Je retiens une larme qui veut s'échapper et me persuade une nouvelle fois que cette journée sera l'une des plus belles de ma vie. Après tout, ce n'est rien, je suis un peu mise à l'écart pour l'instant, mais dans les backstages, en tant que parolière et collaboratrice, je pourrais prendre des photos avec eux. Je les enverrai à Aly qui hallucinera complètement. Imaginer ça me redonne aussitôt mon sourire et, en partie, ma confiance en moi.

D'après ce que j'ai compris, le groupe enregistrera d'autres chansons que les miennes pour son album, ce qui fait que j'aurais du temps pour apprendre le coréen et même peut-être pour visiter Séoul. En plus il fait un temps magnifique aujourd'hui, donc cette journée ne peut-être que parfaite.

Ouh, je suis remontée à bloc ! J'ai toujours tendance à voir les choses du bon côté, du moins j'essaie quand je constate que je ne vais pas très bien, et ça me remet toujours de bonne humeur. Ça aide à profiter de l'instant présent et à se dire que la vie vaut le coup d'être vécue.

Décidée à passer une journée parfaite, je mets mes écouteurs, le son de mon téléphone à fond et c'est parti pour un peu de danse matinale pour se réveiller ! Pour me mettre dans l'ambiance dans laquelle je vais vivre ce mois-ci, j'ai mis du BTS et franchement, ça envoie du lourd ! Quel rythme ! C'est nettement mieux que quand c'est Aly qui chante a capella dans sa chambre.

C'est bête, je n'ai pas amené ma guitare, mais je suis sûre qu'il doit y en avoir une qui traîne dans les studios des étages de dessous. Mais j'ai pensé à ma corde à sauter, je pourrai en faire dans un studio de danse libre... dans un studio de danse, merde ! Je vais pouvoir m'éclater à danser dans un endroit spécialement conçu pour la danse, c'est trop cool !

Malgré ma musique et après un quart d'heure passé à positiver et à danser seule au milieu de la pièce (je ne voudrais pas risquer de casser quelque chose, on n'est jamais trop prudent), j'entends qu'on toque à ma porte. J'éteins mon téléphone et vais ouvrir. C'est Tae (oui parce que j'en ai aussi profité d'avoir mon portable sous la main pour vérifier une nouvelle fois les noms des membres). Je lève un sourcil interrogateur, ils ont fini de tourner ?

« Le manager et le caméraman sont partis mais la fête n'est pas finie, tu veux te joindre à nous ? Il reste du gâteau. »

Je ne peux empêcher un large sourire de naître sur mes lèvres et, le cœur bondissant de joie, je me contente de hocher la tête. Nous allons ensemble dans le salon. L'ambiance est à la fête, et j'ai l'impression que grâce à ça, ils ont complètement oublié la gêne dont ils faisaient preuve hier à mon égard. Une sorte d'euphorie s'est emparé de la petite bande et c'est sur une autre de leur chanson qu'ils dansent désormais. Tae les regarde avec amusement avant de se tourner vers moi.

« Notre premier album est sorti le 12 juin 2013, mais hier, entre l'avion et la fatigue due au décalage horaire, on n'a pas pu fêter ça aussi dignement qu'on l'aurait souhaité, il fallait rattraper le coup.

- J'imagine. »

Il va rejoindre les autres qui dansent au milieu du salon tandis que je m'installe à la table pour me servir une part de gâteau. La journée commence bien finalement ! Je savais qu'il fallait positiver !

« Qui est-ce qui a décoré le gâteau ? demandé-je entre deux bouchées dans l'espoir de faire la conversation.

- C'est Jimin, lance Tae. C'est toujours Jimin. »

Je pose mes yeux sur le bias d'Aly qui acquiesce pour confirmer que c'est bien son œuvre.

« Tu gères carrément, c'est magnifique ! »

L'essentiel du gâteau a été dévoré, mais sur ce qu'il en reste, des motifs sont dessinés avec assurance, des fruits rouges disposés avec minutie, et des lignes de crème succèdent à de petites boules de chantilly. Je suis presque embêtée de devoir manger ça tellement c'est mignon.

« Merci beaucoup. »

Aly avait raison, le sourire de Jimin est super mignon aussi... enfin bon, c'est pas la question. Le gâteau est délicieux. Lorsque j'ai fini de me régaler, je reste sur ma chaise à regarder les autres. J'ignorais qu'ils fêtaient les cinq ans du lancement de leur groupe. Hier, Aly a dû les spammer toute la journée de messages de félicitations – ce qui pourrait expliquer qu'elle n'ait pas répondu quand j'ai essayé de la contacter en arrivant.

Ça m'amuse de les voir aussi joyeux. Je ne comprends pas tout ce qu'ils se disent, mais à plusieurs moments je saisis quelques boutades auxquelles je souris. Leurs yeux brillent de bonheur et ça me fait quelque chose de voir ça, comme si ça les rendait plus humains. Je suis à distance et pourtant je me sens plus proche d'eux... enfin, un tout petit peu plus qu'hier quand on échangeait des regards gênés sans réussir à s'adresser la parole.

Je n'ose pas les rejoindre, c'est l'anniversaire de leur groupe après tout, je n'ai pas vraiment ma place dans la fête, même si je suis heureuse de pouvoir y assister en tant que spectatrice. Le bonheur est très communicatif et je n'ai pas besoin d'être parmi eux pour sourire.

Je me lève et retourne à ma chambre quand je sens une main sur mon épaule. Je me retourne : l'un des garçons m'offre un sourire timide mais que je sens sincère.

« T'es assez restée dans ton coin, viens un peu profiter des réjouissances.

- Tu es sûr que ça ne vous dérange pas ?

- Hobi, lance une voix depuis le salon, tu fais quoi ?

- Non t'inquiète, me répond celui qui est avec moi et que j'identifie comme étant J-Hope, on ne mord pas... et s'il y en a un qui essaie, tu m'appelles. »

Trop contente de sa proposition, je ne peux pas me retenir de rire bêtement à sa remarque. Quand je suis de bonne humeur, n'importe quoi peut me faire glousser d'une façon ridicule.

« Dans ce cas, c'est avec plaisir. »

Il passe son bras autour de mes épaules et m'accompagne jusqu'au salon. Les garçons me regardent sans arrêter de s'amuser pour autant, je vois bien qu'ils sont un peu étonnés de me voir me joindre à eux ; ça m'intimide et par réflexe, je détourne le regard. J-Hope m'attrape par l'avant-bras et me tire au milieu de la piste de danse improvisée, le parquet recouvert de confettis multicolores. J'esquisse d'abord un mouvement de recul, finissant cependant par me laisser faire. Il se met à danser avec les autres au rythme de la musique, je l'imite. Finalement, je sens que plus rien ne compte à part la musique et je me laisse complètement emporter. Tous les huit, nous nous déhanchons en riant et, parfois même, en chantant. Ils ont tous des voix très particulières, je sens que je vais pouvoir jouer avec ça dans mes chansons. Après plus d'une vingtaine de minutes passées à profiter ensemble de cette belle journée en écoutant leur premier album, nous reprenons notre sérieux : les garçons vont passer un peu de temps à la salle de sport, quant à moi j'ai un cours particulier de coréen à huit heures, d'après l'emploi du temps qui m'a été donné par le manager. Deux heures de cours le matin et quatre l'après-midi. Je vais souffrir...

Dans ma chambre, je ne me rends compte du départ des garçons que lorsque j'entends la porte claquer derrière eux.

« Bonne journée, » murmuré-je comme s'ils pouvaient m'entendre.

J'ai envie d'être de bonne humeur aujourd'hui, et j'ai décidé que rien ne me ferait changer d'avis cette fois-ci, même si je suis de nouveau ignorée à leur retour. Le rêve commence tout juste et je veux en profiter à fond.