Chapitre 1

Depuis peu je suis enfin en vacances, mes examens viennent de se terminer. Finis les partiels, finies les révisions et finis les cours ! Et on est seulement fin mai, le bonheur ! Je peux enfin me consacrer entièrement à mes textes. Le seul inconvénient bien sûr, c'est que si je suis en vacances, ce n'est pas encore le cas d'Aly qui, elle, approche peu à peu des épreuves du bac et continue de se lever à six heures du matin avec l'intime conviction que j'en fais de même ; autrement dit, elle chante à s'en briser les cordes vocales, et moi je dois la supporter puisque je sais pertinemment que même si je la réprimandais, elle s'en foutrait royalement.

De toute façon je voulais un hamster quand j'avais deux ans, pas une petite sœur.

Il faut au moins reconnaître que l'avantage dans ce cas, c'est que réveillée à six heures et incapable de me rendormir, je peux profiter de ma journée dans sa totalité. J'aime me lever avec le soleil et savoir que j'ai toute une matinée devant moi.

Je m'assois sur mon tapis, toujours en pyjama, et, plaçant correctement ma guitare contre moi, j'entonne le début du refrain d'une chanson que j'ai écrite quelques mois plus tôt :

« Toi, fantôme de l'inconnu, esprit qui hante mes pensées,

Sans me regarder tu m'as vue, mais comment oublier ?

Tes yeux reflétaient mes espoirs,

Éclairaient mes songes les plus noirs. »

Je suis habituée à des chansons aux tempos lents, un peu mélancoliques, contrairement à celle-ci, que j'ai écrite quand Aly m'a dit qu'il me faudrait quelque chose qui ait du « punch », sûrement à cause des chansons qu'elle passe ses journées à écouter. Enfin, malgré ses conseils, ma chanson n'avait pas totalisé plus de visites sur mon blog que les précédentes. Je sais parfaitement que mes paroles sont loin d'être bonnes, il me faut encore plus de travail, mais c'est avec l'expérience que je vais me perfectionner, du moins je l'espère. Je trouve mes textes trop naïfs, trop enfantins, à parler ainsi d'un amour niais et inatteignable.

Je replace correctement la mèche platine qui tombe nonchalamment sur mon œil et reprends ma mélodie. Aly avait raison, c'est sympa de jouer quelque chose d'un peu plus accrocheur parfois. Je n'ai pas besoin de partition, elle défile seule dans ma tête. J'ai appris le solfège, la guitare et la piano seule dans ma chambre, avec des tutoriels sur internet, quant aux instruments, j'ai pris ceux de mes parents : la guitare de mon père, le synthé de ma mère. Je suis très loin d'avoir tout appris, même après un an de pratique, mais je me débrouille plutôt bien - du moins je trouve.

Les jours de paix se succèdent, le mois de juin débute tout juste. J'essaie de sortir quand j'en ai à la fois le temps et l'envie. Mais avec la chaleur qu'il fait en ce moment, c'est l'envie qu'il me manque. Je ne suis pas du genre à apprécier de transpirer, du moins pas quand ce n'est pas dû au sport. En plus, la chaleur me fatigue à une vitesse impressionnante, comme s'il s'agissait d'un poids que je transportais continuellement sur mes épaules...

Au moins ça fait du bien de voir à quel point il fait beau ces temps-ci et à plusieurs reprises, je cède à l'envie d'aller me balader un peu dans le quartier, mon casque sur mes oreilles, la musique rendant, à mon goût, la vie plus magique. Les parages sont calmes, le ciel clair avec un petit nuage qui se balade par-ci par-là. L'été sera bientôt là, et avec lui la fête de la musique, ça me met de super bonne humeur ! Après quelques coups d'œil autour de moi, un large sourire aux lèvres et le cœur bondissant dans ma poitrine, j'exécute même quelques pas de danse. L'idée d'être surprise m'amuse et me terrifie à la fois, mais la musique a raison de moi et je ne peux pas m'empêcher de bouger à son rythme... Jusqu'à ce qu'une vieille dame passe avec son petit chariot de courses. Elle me toise d'un air amusé. Lorsque je passe à sa hauteur, je lâche un petit « bonjour » timide, la tête basse, ayant reconnu Mme Germain, notre voisine d'en face. L'air bête...

Quand elle est assez loin de moi, je me retourne et ne peux plus retenir un éclat de rire. J'ai dû franchement avoir l'air ridicule, mieux vaut en rire qu'en pleurer. Et en dépit de cette rencontre fortuite, remontée à bloc par une bonne humeur qui refuse de me quitter, je reprends mes mouvements.

Une fois rentrée et après un échauffement d'une dizaine de minutes de corde à sauter - si on peut appeler ça un échauffement -, je ne peux plus me retenir et, entraînée par la musique chantée par mes écouteurs, je jette ma corde sur mon lit et danse devant mon miroir, ma bibliothèque comme seul public. Depuis que je suis arrivée à l'université, elle se remplit peu à peu, surtout de livres sur l'histoire de France et du monde, mais aussi de quelques romans. J'aimais lire étant petite, j'ignore pourquoi ça m'est passé au collège et au lycée, mais ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui, j'aime de plus en plus passer mes journées allongée sur mon lit, plongée dans un bon bouquin. Qu'il s'agisse de fantastique, de science-fiction, de romance ou de thriller, ça m'importe peu, je lis de tout.

« Charlie ! »

J'arrête de danser dès l'instant où ma sœur fait son entrée dans ma chambre, feignant de me recoiffer face à ma glace. Je sais bien qu'Aly n'est pas dupe, elle me connaît assez pour savoir que j'étais en train de danser, seule et pathétique, devant mon miroir, en faisant semblant de chanter. Par chance, cette fois-ci, quelque chose l'importe plus que de me taquiner à ce sujet.

« Ils vont sortir une nouvelle chanson ! Ah je suis aux anges ! Mes bébés chéris que j'aime !

- T'es consciente au moins que tu ne les as jamais rencontrés ? ironisé-je.

- Ça te plaît vraiment à ce point d'essayer de me casser mes rêves ?

- Non, ça ne m'apporte pas tout le réconfort que j'attendais...

- C'est ça, moque-toi.

- Ma raison de vivre et de me lever tous les matins ne dépend pas d'autrui, au moins.

- Hein ? demande-t-elle ahurie ; je crois qu'elle ne comprend pas où je veux en venir.

- Je dis simplement que mon bonheur ne dépend que de moi. Quand ton groupe chéri se séparera, car un jour ils se sépareront forcément, qu'est-ce que tu feras ? Tu vas faire une dépression ?

- Non ! s'exclame joyeusement Alysson. Je continuerai de chanter toutes leurs chansons tous les jours de toutes les semaines de toutes les années que la vie continuera de m'accorder ! Et encore plus fort que d'habitude ! Youhou ! « Hello hello ! Hello hello ! Tell me what you want right now ! » »

En dansant en même temps qu'elle chante, Aly s'en retourne dans sa chambre. J'admire sa dévotion à son groupe adoré. Dans un sens, c'est beau, et si elle est heureuse ainsi, pourquoi l'en blâmerais-je ? Du moment qu'elle n'est pas trop bruyante, ça ne pose pas de problème, Alysson peut bien mener la vie qu'elle souhaite. D'ailleurs, je me suis promis qu'un jour je lui paierai un voyage en Corée du Sud pour qu'elle puisse assister à un de leurs concerts. Avec un peu d'efforts, je réussirai à réunir la somme nécessaire d'ici peu. J'y travaille depuis plus de deux ans, consciente que si le rêve d'Aly de discuter longuement avec les membres est irréalisable, je pourrai au moins lui permettre de les voir en vrai. Après tout, chacun a le droit de voir son rêve se réaliser, même seulement en partie, et au simple fait d'imaginer ma sœur hurler les noms de ses chouchous lors de ce concert, un immense sourire aux lèvres, je me sens heureuse.

Amusée de son éternel enthousiasme, je reviens m'asseoir à mon bureau en songeant à ma sœur. Parfois je la critique à cause de sa passion dévorante pour ces sept garçons, mais c'est simplement parce qu'elle est insupportable à en parler tout le temps. Je n'oublierai cependant jamais tous les services que cette passion lui a rendus, tout ce que ce groupe, sans le savoir, a pu faire pour elle. Elle a énormément changé depuis qu'elle les a connus et rien que pour ça, j'ai plus d'affection pour les BTS que ce que je veux bien montrer. S'ils ont pu lui permettre cette métamorphose, ce sont forcément des personnes bien.

Mon regard tombe sur mon agenda. Il ne me reste plus que quelques semaines avant mes résultats. D'emblée, je sais que je n'irai pas au rattrapage - j'ai eu 13,7/20 de moyenne au premier semestre - mais j'espère vraiment réussir à dépasser les 14/20 au second, ça me permettrait de finir mon année en beauté, après tout.

Dans le reste de l'après-midi, je regarde la télé et m'allonge dans toutes les positions possibles sur mon lit, mon casque sur mes oreilles. Quelle vie tranquille...

Au dîner, Alysson n'arrête pas de parler de la nouvelle chanson de ses très chers BTS. D'après elle, la stratégie de communication a été renforcée sur celle-ci afin d'en faire un véritable évènement : la version audio va sortir cette nuit, le tournage du clip se fera dans les semaines à venir avec le retour du groupe à Séoul après une longue tournée, ces images seront diffusées en avant-première et le clip sera monté et diffusé quelque jours plus tard, autrement dit fin juin. Le groupe ne passera qu'un mois à Séoul pour enregistrer différentes chansons, entre mi-juin et mi-juillet, et en profitera pour donner plusieurs concerts à la capitale avant de repartir pour une tournée de quelques mois. Avec Aly qui le répète toutes les dix minutes, je vais finir par connaître leur emploi du temps par cœur...

D'un regard, je l'interroge et dans une réponse muette, Aly confirme : elle restera éveillée toute la nuit jusqu'à pouvoir entendre cette chanson, à ce moment-là seulement elle pourra se coucher en paix. Dans un froncement de sourcils, je lui exprime ce que j'en pense : une élève de terminale sur le point de passer son baccalauréat ne devrait pas faire une nuit blanche pour une chanson de quatre minutes. D'un haussement d'épaules, Aly me répond : elle s'en fout complètement.

C'est ça de se comprendre sans parler. En vérité, nous avons déménagé récemment dans le pavillon que nous habitons aujourd'hui en banlieue. Avant, nous vivions dans un petit appartement, il nous fallait partager une même chambre ce qui, en plus de l'apprentissage commun du coréen, nous a obligé à être très proches. Elle est mon unique confidente, la seule à qui je puisse tout dire sans la moindre honte. C'est à elle que je fais écouter toutes mes chansons, à qui je fais lire tous mes textes, c'est la seule personne dont l'avis m'importe réellement. C'est aussi pour ça que s'il arrive que le ton monte entre nous, on ne se dispute jamais vraiment, on s'aime trop pour ça, et puis on ne supporte pas d'être en conflit.

Le soir je végète devant Les Simpson le film. Ça c'est des vacances qui déchirent : pas de soucis, en mode Hakuna Matata. Ça c'est des vraies vacances !

Aly chante dans sa chambre jusqu'à ce que je me couche, mais je la soupçonne ensuite de danser puisqu'à défaut d'entendre sa voix, c'était le parquet qui grince que j'entends. Malgré tout, je n'ai aucun mal à m'endormir.

Je suis sortie de ma torpeur le lendemain matin par le réveil d'Aly, suivi peu après de sa voix qui s'élève dans l'appartement, plus fort que d'habitude. Je plaque mon oreiller sur ma tête. Si seulement elle pouvait avoir la décence de me laisser dormir !

« C'est pas bientôt fini merde ! hurlé-je enfin.

- Mais ils chantent le refrain en français ! proteste Aly depuis la cuisine.

- Je m'en fous qu'il soit en français, en anglais, en coréen ou en étrusque ! Écoutez-les au lieu de chanter, tu leur voles la vedette là !

- Je suis une ARMY sœurette ! Je chanterai toujours leurs chansons !

- Pas si fort à six heures et quart !

- Du BTS, ça se chante le volume à fond à toute heure ! »

Dans une volonté non dissimulée de provocation, Aly passe devant ma chambre en chantant aussi haut que possible, imitant un accent coréen alors même que c'est en français :

« Toi, fantôme de l'inconnu, esprit qui hante mes pensées,

Sans me regarder tu m'as vu, mais comment oublier ?

Tes yeux reflétaient mes espoirs,

Éclairaient mes songes les plus noirs. »

Je me relève brusquement ; est-ce que j'ai rêvé ? Ce sont les mêmes paroles que les miennes, mais c'est insensé, j'ai dû me tromper... Pourtant je suis sûre de les avoir entendues. J'ai trouvé ça drôle que les premiers mots soient similaires aux miens, mais un refrain entier, ça ne tient plus de la coïncidence... non ça n'est pas possible... ma chanson a été honteusement plagiée ! Vraiment, j'ai dû rêver, comment a-t-elle pu parvenir à l'autre bout du monde alors même qu'en France il n'y a personne pour lire mes textes ?

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Oui les chansons que Charlie écrira sont de moi, mais ne faites pas attention aux paroles, je les écris simplement pour que l'histoire soit plus fluide (ça ferait bizarre sinon, à chaque fois qu'elle chante, de dire "elle chante sa chanson" et hop, point c'est fini, pas plus de précision).

Donc si vous trouvez que les textes que j'écris, c'est de la merde, bah écoutez c'est pas grave, c'est juste quelques lignes qui se baladent de temps en temps, pas de quoi vous traumatiser. ;D

Si vous aimez, n'hésitez pas à laisser un petit vote.

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