Les Archives Oubliées - Partie 1/4
L'écriture lui semblait être celle d'une femme. Un simple mot tout en courbes joliment arrondies sur un petit bout de papier rose chiffonné.
Reviens-moi.
Ça trainait là, entre deux étagères colossales. Un poisson égaré dans un océan de pages parfaitement reliées. Dans la sombre clarté environnante, le visiteur l'examina attentivement, mais ne décela aucun indice quant à sa provenance. Haussant les épaules, il ne s'en soucia pas davantage et empocha le morceau de parchemin.
Le visiteur n'avait aucune idée depuis quand il errait dans ces allées. Elles semblaient interminables, véritables dédales d'étagères monumentales qui le toisaient de toute leur hauteur. Les gardiennes silencieuses des milliers de pages qui se nichaient en leur sein. Il avançait presque à tâtons le long de leurs parois, tant la lumière était faible en ce lieu. Depuis un moment, il suivait cette source de clarté afin de sortir de cette obscurité dévorante.
L'homme déboucha enfin sur une grande salle baignant dans une lumière naturelle provenant du plafond. Ici et là trainaient quelques chariots de livres à ranger. Au centre de la pièce, depuis un bureau perché sur une haute tribune, un vieil homme interpella le visiteur. Entouré de tomes plus poussiéreux que sa barbe hirsute, l'ancien noya sa plume dans un encrier et baissa les yeux vers le visiteur, se penchant par-dessus le bord pour mieux le voir.
- Cela fait quelque temps que je vous observe, monsieur. Je suis le Conservateur de ces lieux. Puis-je vous assister dans votre recherche ?
Le visiteur paru embarrassé.
— J'avoue ne pas trop savoir ce que je cherche.
— Je vois, fit calmement le Conservateur.
L'ancien arborait une chevelure blanche fantomatique sur un crâne piqueté par les années. La vive et malicieuse étincelle qui éclairait ses petits yeux lourdement cernés mettait le visiteur encore plus dans l'embarras.
— J'ai trouvé ce bout de papier. Entre les étagères là-bas, désigna le visiteur pour détourner l'attention insistante du vieil homme.
Une lueur de surprise traversa le regard de l'ancien. Il se précipita le long de l'étroit escalier en colimaçon qui entourait la tribune. Arrivé au seuil, il s'empara du pétale de papier. Il considéra la note un instant avant de la chiffonner d'une main et l'empocher.
— Je vous en remercie et vous en débarrasse. Ce n'est rien de significatif.
Gêné par cette promiscuité, le visiteur balaya la salle du regard. Ce devait être le cœur de ces vastes archives. L'épicentre d'une étoile dont les rayons étaient formés par d'interminables rangées de bibliothèques qui se perdaient dans la pénombre. Au-dessus, en réponse parfaitement symétrique au belvédère du Conservateur, un dôme de vitrail blanc constituait l'unique éclairage de cet immense lieu. Tel un soleil, la lumière était si vive que s'en était aveuglant.
Voyant le visiteur s'éterniser, le vieillard siffla trois fois.
Surpris, le visiteur reporta son attention sur l'ancien alors que trois individus surgirent de nulle part. Un homme dans la quarantaine, austère et le regard marqué par des années qui s'étaient étirées au fil des soucis. Un jeune homme, pas encore vingt ans, avachi, la peau grasse et le cheveu sale. Un enfant, une moitié de taille en moins par rapport aux autres, mais le double de vitalité, arborant un sourire large et sincère. Un certain air de famille incongru transparaissait entre les traits des quatre visages.
— Peut-être mes aides pourront-ils vous assister ? claironna le Conservateur.
Ce n'était pas une question.
— Ce monsieur, poursuivit-il en désignant le quadragénaire, dirige la section économie, affaires, droit et politique de notre bibliothèque. Il dispose également de quelques recueils sur l'éducation, si cela vous intéresse, ajouta-t-il d'un geste méprisant de la main.
L'homme resta cloitré dans son austérité, sans même un sourcillement.
— Ce jeune homme s'est vu confier la responsabilité de l'aile dédiée à l'apprentissage. Vous y trouverez toutes sortes de rudiments de physique, mathématique, biologie, langues étrangères, histoire, géographie, littérature...
L'adolescent poussa un râle désapprobateur qui interrompit le Conservateur.
— Si ce sont des absurdités érotiques, sportives ou oniriques qui vous intéressent, ce jeune inculte aura également de quoi satisfaire !
L'ado se contenta de détourner son visage d'une moue boudeuse en soufflant.
— Mon plus jeune aide ici présent, continua l'ancien en posant une main sur la tête de l'enfant, est quant à lui en charge des œuvres ludiques, histoires fantaisistes et arts divers : écriture, peinture, musique et ainsi de suite.
Le garçon bomba fièrement le torse, le visage fendu de part en part d'un sourire radieux.
— N'est-il pas un peu jeune pour travailler ici ? interrogea le visiteur.
— C'est un établissement... familial, cher monsieur. Chacun se doit de mettre la main à la pâte pour ainsi dire. Quant à moi-même, je puis vous renseigner sur les mémoires, la psychologie et la philosophie dont j'ai la lourde tâche, conclut le Conservateur en dévisageant l'homme face à lui.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top