♡ Chapitre 1 : Bee

Lorsque je descends enfin de l'avion il est un peu plus de onze heures. Je fais mes premiers pas à l'aéroport d'arrivé avec un nœud à l'estomac. Je me laisse guider par les autres passagers de l'avion jusqu'au panneau lumineux qui indique le chemin, et attend anxieusement ma valise. Après l'avoir récupérer, je me rends dans le hall d'accueil. Il y a tellement de monde que je ne remarque pas tout de suite ce regard familier qui
me fixe. Je continue de chercher mon ami des yeux lorsque je le vois qui s'avance rapidement vers ma direction. Mon cœur bat à mille à l'heure. À la simple vue de cet homme, tout mon stress s'envole. Tout ira bien maintenant qu'il est là. C'est avec un sourire en coin qu'il me lance.

_ 'lut !

Cole. Je le connais depuis que j'ai l'âge de dix ans, depuis ce fameux soir où mon père était rentré, avec lui dans ses bras. Je n'ai jamais su ce qu'il s'était passé cette nuit-là. Nul besoin d'être vraiment perspicace pour comprendre que Cole n'est pas le genre de personne qui se livre facilement. Mais depuis ce jour, Cole vivait pratiquement chez nous. Mon père disait toujours qu'il avait besoin d'une famille pour ne pas sombrer, besoin de nous. Il était naturellement devenu le meilleur ami de mon frère. Ils étaient inséparables ces deux-là. Cole était le grand frère qu'il n'a jamais eu. Mon père s'occupait de lui comme de son propre fils. Il subvenait à ses besoins et lui à offert un avenir. Cole venait de passer son diplôme quand il a appris la mort de sa mère, l'année dernière.

À la suite de cela il a éprouvé le besoin de partir et depuis il vit à New-York.
De ce que je sais par mon frère, Cole occupe un poste dans une firme très connu de sa ville.

_ Cole !

Un visage familier au milieu de la foule est le bienvenu. Je suis tellement contente de le voir que je me jette dans ses bras. Je sens son corps se raidir, je m'attends même à ce qu'il me repousse. Les démonstrations d'affection ne sont pas dans ses habitudes, alors je sors de son espace vital et plonge mon regard dans le sien. Il semble autant surpris que gêné.

_ Je suis trop contente de te revoir.

_ Hmm.

Finalement c'est lui qui me surprend, il m'attrape l'épaule et m'attire contre lui. Je réalise la force de son étreinte lorsqu'il il m'entoure de ses bras puissants et plonge sa tête sur mon épaule, dégageant mes cheveux de sa main. Je n'ose pas bouger, surprise par ce geste inattendu. Cole n'est pas le genre de personne qui s'ouvre aux autres et encore moins le genre à provoquer des contacts physique. Prenant conscience de cette soudaine proximité, je me pousse légèrement
et me racle la gorge.

_ Ça fait longtemps qu'on s'était pas vu.

_ On dirait que j't'ai manqué.

Le sourire moqueur qui naît sur ses lèvres ne m'indique rien de bon, si je réponds que oui, j'ai pas fini de me faire chambrer.

_ La ferme ! Dis pas n'importe quoi !

Je ne sais pas trop comment décrire ma relation avec Cole, c'est très complexe mais nous sommes très proches l'un de l'autre.
Pour l'instant, il est la seule personne au monde qui n'a pas perdu ma confiance. C'est tout sourire qu'il me lance.

_ Aller, on y va, mon ange.

Mon ange... Je devais avoir seize ans la première fois qu'il m'a donné ce surnom. Je ne l'avait pas entendu m'appeler ainsi depuis longtemps faisait longtemps et je dois admettre que cela m'avait manqué.

Au départ il m'avait donné ce surnom pour faire enrager mon frère, qui a toujours mis un point d'honneur à nous tenir à distance l'un de l'autre, et puis ce petit surnom est resté. Comme une habitude.

Nous sortons de l'aéroport et rejoignons sa voiture pour qu'il m'emmène chez lui et, accessoirement, mon nouveau chez moi pendant quelques jours, le temps que je loue quelque chose dans le coin. Je m'attends au pire, je l'avoue. J'imagine son appartement très masculin, pleins de posters aux murs et bien sûr le frigo rempli de bières. Après un trajet de vingt minutes environ, il s'arrête enfin devant un immeuble.

_ Voilà on est arrivés.

Je descends de sa voiture et me précipite à l'intérieur de l'immeuble, talonné par Cole. Je monte les escaliers à toute vitesse, pressée de découvrir l'endroit où je vais vivre pendant quelques jours. J'aurais pu prendre un hôtel, mais quand j'ai téléphoné à Cole pour lui dire que j'arrivais à New-York dans la nuit, il a insisté pour que je loge chez lui.

Et on ne peut pas dire non à Cole Hunter.

Il me guide jusqu'à sa porte d'entrée et l'ouvre. Je pénètre à l'intérieur et je suis complètement ébahie. L'appartement est grand, épuré et surtout très propre. Pas de posters aux murs, la décoration est sobre, pas vraiment à son image, c'est vrai, mais on s'y sent bien. Cole se racle la gorge, visiblement un peu gêné.

_ C'est loin d'être aussi luxueux que chez toi, mais c'est tout ce que je peux t'offrir.

Je vis toujours chez mes parents, contrairement à mon frère, mais je m'y sentais bien.

_ Tu rigoles c'est parfait, Cole !

Je remarque qu'il me fixe un moment. On dirait qu'il essaye de me sonder et ça me déstabilise. Je souris pour masquer ma gêne et m'assois sur le canapé.

_ T'veux quelque chose à boire ?

_ La même chose que toi.

Il sourit, part en direction du frigo et revient avec deux bières.

_ Tu n'aurais rien de plus fort finalement ?

Il me répond, du tac au tac.

_ Quelque chose à oublier ?

Cole.. Si tu savais.

Je ne considère pas sa question, ce qui ne lui échappe pas, évidemment.

_ Bee, tu sais que tu peux tout m'dire. J'sais que t'es pas là parce que j'te manquais trop et à ta voix au téléphone, j'ai compris qu'il y avait quelque chose.

Je reste silencieuse. J'ai confiance en lui, j'ai envie de lui parler, seulement je suis incapable de mettre des mots sur ce qu'il s'est passé. Il retourne à la cuisine et revient avec un verre de whisky. Je prends le verre et le vide d'une traite. J'en avais besoin.
Cole me dévisage. Je n'ai pas pour habitude de boire un alcool aussi fort et encore moins de cette façon. Je crois déceler de l'inquiétude dans son regard, ce qui se confirme lorsqu'il me demande.

_ C'est Dylan?

Il ne me lâchera pas, pas avant de savoir ce qu'il s'est passé. Je me lève et me ressers un verre. J'ai déjà du mal à réaliser la nuit que je viens de passer et lui me regarde avec insistance pour avoir une réponse. Je sais que c'est bête, mais j'ai peur. Peur parce que si je le dis à voix haute ça ne deviendra encore plus réel. Il s'installe à mes côtés et croise les bras au-dessus de sa tête. Quelques mèches rebelles tombent le long de son visage, ses cheveux sont longs, beaucoup plus longs que la dernière fois que je l'ai vu. Son regard continue de m'interroger, alors je vide mon verre et me lance.

_ Hier soir j'étais avec Dylan dans ma chambre, on regardait un film quand il m'a proposé qu'on sorte manger quelque part. J'ai bien sûr accepté alors je suis sorti de la chambre pour prévenir mes parents que je serais absente au repas de ce soir.

J'inspire profondément.

_ Je me dirigeais dans le salon quand j'ai entendu des voix dans le bureau de mon père. Je me suis approché et là, j'ai entendu...

Je n'arrive plus à parler. Les pleurs que je retiens depuis des heures explosent sur mes joues. Cole se rapproche de moi et me serre contre lui pour la deuxième fois de la journée. C'est inattendu. On a jamais été aussi proches physiquement, mais son contact me rassure alors je reprends.

_ J'ai... J'ai entendu ma mère dire qu'ils avaient échappé au pire, qu'ils avaient bien fait de payer, mais qu'il faudrait être honnête avec moi, qu'ils devraient vraiment me "la donner". Lorsque me suis rapproché pour voir ce qu'elle tenait dans ses mains, il s'agissait
d'une lettre. Mon père n'était apparemment pas d'accord avec son idée puisqu'il a haussé le ton, ce qui m'a permis d'entendre parfaitement la fin de leur conversation. Il lui a répondu que j'étais sa fille, peu importe que son sang ne coule pas dans mes veines. Que je n'avais pas besoin de savoir.

Je marque une pause. Cole semble complètement abasourdi par ce que je viens de lui révéler ce qui confirme ce que je pensais.

Il ne sait rien.

_ C'est à ce moment que Dylan m'a attrapé par la taille et m'a tiré dans la chambre en prenant bien soin de refermer la porte. Il s'est mis à me hurler dessus, m'assommant de plusieurs questions. Qu'est-ce que je faisais devant le bureau de mon père ? Qu'est-ce que j'avais entendu ? Et là, j'ai compris. Non seulement mes parents m'avaient menti, mais lui aussi était au courant. C'était trop.

J'essuie une nouvelle larme.

_ Je me suis précipitée hors de la chambre et j'ai couru jusqu'au garage suivie de près par ma mère, sûrement alertée par les cris de Dylan. Alors que je m'étais enfermée dans la voiture, elle a frappé sur la vitre pour que je lui ouvre. Elle avait l'air tellement triste, mais c'est à peine si j'arrivais à la regarder en face. Elle n'a rien dit, mais m'a tendu la fameuse lettre. Je l'ai prise et sans un mot suis partie chez mon frère.

Cole qui n'est déjà d'ordinaire pas très loquace semble avoir complètement perdu la parole. Il resserre simplement son étreinte de temps en temps en signe du soutien
qu'il n'arrive pas à exprimer.

_ Arrivée chez Logan, il n'était pas là alors je me suis assise sur les marches devant chez lui et en attendant, j'ai lu la lettre. Ma mère m'expliquait comment à l'époque où ils habitaient New-York et comment mon vrai père est arrivé chez eux un soir d'hiver complètement paniqué avec moi dans ses bras. Il leur avait expliqué que ma mère biologique était décédée ce soir-là. Il avait ensuite supplié mes parents de me prendre parce que j'étais en danger. Ma « mère » m'explique qu'elle a accepté parce qu'en vérité, je suis sa nièce. La
femme qui est morte était sa sœur.

Un rire sec m'échappe alors. Raconter cette histoire à Cole me fait apparaitre toute l'absurdité de ma vie.

_ Tu le crois ça ? Ma mère avait une sœur. Elle ne donne pas le nom de mon père. Simplement, qu'il leur avait urgemment demandé de quitter le territoire américain avec moi. Suite à ça elle précise que c'est avec un jet privé que nous sommes arrivé à
Paris. Pour que je ne manque de rien, cet homme a donné de l'argent à mon père qui bien sûr a su l'investir et nous sommes devenus riches. Pour que je devienne véritablement leur fille, ils ont dû payer énormément de personnes. Faux extrait d'acte de naissance, modifiant l'identité de mes parents, la ville et ma date de
naissance comme je suis née quatre mois après mon frère, ils ont dû la déplacer.

J'ai l'impression de faire à Cole le pitch d'un mauvais film. Même moi j'ai encore du mal à comprendre comment j'ai pu en arriver là. Néanmoins, j'achève mon récit.

_ Quand mon frère est enfin arrivé, à son regard, j'ai su que mon père l'avait prévenu. Je n'avais qu'une question à lui poser, était-il au courant depuis tout ce temps ?
Logan n'a pas répondu. Son silence était une réponse suffisante. Enfin, voilà comment je me suis retrouvée à t'appeler à 21 heures alors que j'allais embarquer pour 8 heures de vol.

Je me lève, me dirige vers mon sac toujours posé à l'entrée, prends la lettre en question et la tends à Cole. Ce dernier l'ouvre et je vois son visage se décomposer au fil de la lecture. Je suis le mouvement de ses yeux qui glissent sur les mots, lorsqu'il les relève vers moi, il semble réfléchir.

_ Et donc quelqu'un serait au courant de toute l'histoire et aurait réclamé de l'argent à ton père ? Voilà pourquoi tes parents se disputaient ?

_ C'est pour ça que je suis là, je veux savoir qui est mon vrai père et si c'est lui qui a fait chanter mes parents.
C'est là que tu interviens. J'ai besoin de toi, toute seule, je n'arriverai à rien.


(Phoebe se prononce « Phibi » et son surnom se prononce « Bii »)

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