Chapitre 11 - Amoureux ?

Je ne sais pas combien de jours j'ai passé enfermé dans cette chambre. Chaque fois que je suis détaché pour aller aux toilettes ou prendre une douche, Boun me surveille de près, ne me laissant jamais seul plus de quelques minutes. Au début, je me sentais comme un prisonnier, constamment sous surveillance. La drogue fait encore des ravages dans mon corps, m'affaiblissant, me donnant des vertiges et des maux de tête constants. Chaque jour, les nausées persistent, et la confusion s'atténue lentement.

Malgré tout, au fil des jours, je remarque que ma colère s'apaise peu à peu. La présence constante de Boun, bien que frustrante au début, commence à devenir plus familière, presque apaisante. Les heures passent et, étrangement, nos échanges se font plus calmes, comme si un équilibre fragile s'installait.

Un matin, je me réveille, encore fatigué, ma tête lourde comme toujours, mais la douleur est plus supportable. Boun est assis dans un fauteuil près de la fenêtre, feuilletant un vieux magazine. Il lève les yeux en me voyant bouger.

-Tu te sens mieux ? demande-t-il d'une voix calme, presque inquiète.

Je grogne une réponse, encore trop épuisé pour discuter. Mais, Boun se lève en posant avec soin son magazine sur la table basse. Il traverse la pièce et s'approche de mon lit avec un verre d'eau et des médicaments dans les mains. 

-Tiens, ça va t'aider avec les effets de la drogue.

Je le fixe sans rien dire alors qu'il m'aide à me relever afin que je puisse être assis dans le lit. Après quelques secondes à attendre que je m'exécute. J'ouvre enfin la bouche pour prendre les médicaments en buvant entièrement le verre d'eau.

Mon corps est à bout, je n'en peux plus. Je suis toujours autant fatigué et mon mal de crâne ne cesse de se calmer. Il m'aide à me recoucher puis il repose les couvertures sur mon corps et me laisse retomber dans les bras de Morphée. 



Les jours passent et, une après-midi, alors que je suis allongé dans le lit, Boun entre dans la pièce avec un plateau. Un simple repas des œufs brouillés, du pain, et une soupe légère. Je ne lève même plus la voix pour protester. J'ai faim, et il le sait.

-Tu devrais manger, dit-il, posant le plateau devant moi.

Je me redresse lentement, le corps encore engourdi. En silence, je commence à manger, et Boun s'assoit en face de moi, son regard posé sur moi avec une expression indéchiffrable. Nous mangeons en silence, mais cette tranquillité me surprend. Il ne cherche plus à me convaincre de quoi que ce soit, il est juste là. C'est presque... apaisant.

Il m'avait annoncé que deux mafias étaient à ma recherche : la famille Cop et l'organisation Miyokul. À cet instant, un frisson avait traversé mon corps. Au fond de moi, j'avais peur, terriblement peur. Pourtant, la présence de Boun à mes côtés me faisait sentir en sécurité. Malgré tout, avec lui, le monde semblait moins menaçant.



Un autre soir, alors que je suis assis sur le lit, Boun entre avec un jeu de cartes à la main.

-je sais que tu t'ennuies probablement à mourir ici, alors... tu veux jouer ?

Je le fixe, surpris par l'initiative.

-Sérieusement ? Tu veux qu'on joue aux cartes alors que tu me retiens prisonnier ? je dis d'une voix sarcastique.

Il hausse les épaules.

-Quoi, tu as peur de perdre ? rétorque-t-il, un léger sourire aux lèvres.

Contre toute attente, je me surprends à accepter. Peut-être que c'est la fatigue, ou juste le besoin de me distraire, mais nous finissons par passer la soirée à jouer en silence. Par moment, j'oublie presque la situation dans laquelle je me trouve.



Aujourd'hui, Boun n'est pas là, c'est son ami Zee qui me surveille. Dès qu'il est entré dans la pièce, j'ai su que c'était la première fois qu'il se retrouvait dans cette situation. Son malaise était palpable. Il s'était assis en face de moi, sur une chaise, les yeux rivés sur moi, mais sans la même assurance que Boun.

-T'as besoin d'un truc ? demande Zee, mal à l'aise, ses yeux hésitant sur moi.

-Nan... Si je te demande de me détacher, tu le feras ? je tente, plus par curiosité que par réelle espoir.

-Désolé... Mais Boun fait ça pour ton bien, répond-il, une pointe d'embarras dans la voix.

Je soupire, conscient que cette réponse ne changera jamais.

-Je le sais... Il a sans doute perdu beaucoup de personnes à cause de la mafia... Et il ne veut pas me perdre... J'ai compris ça trop tard,  je murmure ses mots, plus pour moi-même que pour lui.

-Ne joue pas à ça, s'il te plaît. Tu dis ça juste pour que je te détache, rétorque Zee, visiblement méfiant.

Je lève les yeux vers lui.

- Nan, je le pense vraiment... Mais il faut me comprendre aussi, Zee. Je suis un garçon de 17 ans, seul, sans famille, parce que le seul parent que j'avais est mort... de la main de son père. Comment tu veux que je sois bien ? Comment tu veux que je sympathise avec lui ? je dis, ma voix brisée par l'amertume.

Zee m'observe en silence pendant quelques secondes avant de répondre doucement, presque avec une pointe de compassion :

-Mais tu l'as fait, non ? Avant de savoir tout ça... Tu l'aimais bien.

Je ferme les yeux un instant, laissant le poids de ses mots me frapper.

-Ouais, je sais... Mais, après... son père a tué le mien, je réplique, une douleur sourde dans la gorge.

Zee prend une profonde inspiration avant de lâcher une vérité qui me frappe comme un coup de poing :

-Tu sais... Boun déteste son père plus que n'importe qui. Ce connard a tué sa mère... devant ses yeux. Ça fait bien longtemps qu'il essaie de le tuer.

-...

Zee me fixe un moment avant de reprendre, hésitant,

-Tu peux essayer d'être plus gentil avec lui ?

Je reste silencieux un instant, repensant à tout ce qu'il m'a dit. Avec un soupir, je finis par répondre :

-Je vais essayer...

Un sourire se dessine sur le visage de Zee, comme s'il avait enfin obtenu quelque chose qu'il attendait.

-Merci, dit-il doucement, sincère.

Alors que nous sommes en pleine conversation, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Boun rentre, ses pas résonnent dans la maison. Il monte rapidement les escaliers et rentre dans la pièce. D'un signe de tête, il libère Zee de sa surveillance.

-Hey, je suis rentré, tu peux y aller, dit-il en souriant.

Zee se lève lentement, échangeant un regard rapide avec lui avant de murmurer, presque en chuchotant.

-Sois plus tendre avec lui... Il a compris, d'accord ?

Boun acquiesce d'un léger mouvement de tête, l'air sérieux, puis Zee quitte la pièce en silence. Je le regarde partir, puis tourne les yeux vers Boun. L'épuisement et l'agacement me submergent, et je n'en peux plus d'être attaché.

Boun s'approche et me regarde tendrement avant de s'asseoir sur le bord du lit, son regard intense fixé sur moi.

-Qu'est-ce qu'il y a ? je demande, légèrement nerveux sous son regard.

-Zee m'a dit que t'avais enfin compris pourquoi je t'attache, dit-il calmement.

-Oui, j'ai compris, je murmure en soupirant.

-Et... je te dégoûte toujours ? demande-t-il, un sourire presque triste sur les lèvres.

Je détourne les yeux un instant avant de le regarder à nouveau, soupirant profondément.

-Tu ne m'as jamais dégoûté... Ce qui me dégoûte, c'est ton père, pas toi.

Je le vois sourire doucement en entendant mes mots. Il se rapproche encore, son regard capturant le mien, et je sens mes mains enfin libérées de leurs liens. L'instant est lourd, comme si un poids s'était envolé, mais quelque chose entre nous reste.

-Je te préviens, Sam, si tu essaies de partir, je te rattache tout de suite, dit-il en plaisantant, même si sa voix a une note sérieuse.

-Ok... je réponds un peu trop rapidement, me rendant compte de la situation.

-J'espère que tu n'as pas attrapé le syndrome de Stockholm à cause de moi, dit-il en riant doucement.

-C'est quoi, ça ? je le regarde légèrement confus.

-C'est quand la victime tombe amoureuse de son agresseur, répond-il avec un sourire amusé.

Je le fixe un instant, mes pensées tourbillonnent dans ma tête, incapable de répondre.

-T'as faim ? me demande-t-il en souriant.

-Assez ! À vrai dire, je meurs de faim, je lui avoue en rigolant doucement.

-Je vais préparer un truc dans ce cas, dit-il en se levant.

-Attends, je peux le faire... j'ai envie de me dégourdir les jambes, je lui réponds en m'étirant.

-OK, dit-il en souriant, son regard toujours fixé sur moi.

Je me lève doucement, essayant de retrouver mon équilibre après tant de temps allongé. Mes jambes sont encore un peu engourdies, et je fais attention à ne pas vaciller. Boun se lève également, me suivant de près, prêt à intervenir si besoin. Sa présence est rassurante, même si je sais qu'il est toujours sur ses gardes.

Je sens son regard peser sur moi, ses yeux perçants suivent chacun de mes mouvements. Je descends lentement les escaliers, lorsqu'on atteint le rez-de-chaussée, il me montre du doigt la direction de la cuisine. Je poursuis mon chemin, découvrant une grande pièce spacieuse et équipée, bien plus impressionnante que ce à quoi je m'attendais.

Je me dirige vers le frigo, l'ouvre, et commence à sortir quelques légumes que je dépose sur le plan de travail. Boun s'assoit tranquillement au bar, son regard toujours fixé sur moi. J'essaie de me concentrer sur la tâche à accomplir, mais sa présence constante m'empêche de me détendre complètement.

-Tu aimes le Gaeng Kiew Wan ? je demande avec un sourire.

-Je n'en ai jamais goûté, mais... il y a un problème, tu ne peux pas en manger, si mes souvenirs sont bons, il y a de la viande dedans.

-Je vais mettre la viande à part, ne t'inquiète pas. Tu as du curry vert ?

-Il me semble qu'il est à côté de la cuisinière, dit-il en souriant.

Je me déplace et trouve le curry vert.

-Il te faut que ça ? demande Boun.

-Non, du lait de coco, de la viande, et le riz. J'ai déjà sorti les légumes, je lui réponds en lui montrant une aubergine.

Boun rigole doucement, puis son regard devient plus sérieux.

-Ça fait du bien d'être comme ça avec toi... Ça m'avait manqué. Je sais que tu dois juste me tolérer, mais je veux vraiment que tu comprennes que je l'ai fait pour ton bien. Je savais pertinemment que tu allais partir... et mon père te recherche.

Je le regarde, puis je l'interromps.

-J'ai compris, ne t'inquiète pas. J'ai compris trop tard, certes... et surtout, tu ne l'as pas fait seulement pour moi, mais aussi pour toi. Sois honnête aussi.

-C'est vrai... je ne voulais pas te perdre, dit-il en baissant la tête.

Je le regarde doucement, puis détourne le regard.

-Au fait, où sont les verres ? J'ai soif, s'il te plaît.

-Derrière toi, dans le placard du haut.

Je me retourne et ouvre le placard, mais les verres sont trop haut. Je me mets sur la pointe des pieds, tentant d'atteindre le verre, mais je n'y parviens pas. Soudain, je sens une présence derrière moi. Une main se tend et attrape un verre avec facilité. Je me retourne, surpris, et je tombe nez à nez avec Boun, si proche que je peux sentir sa chaleur contre moi.

Il se colle à moi, son corps effleurant le mien, tandis qu'il pose le verre derrière moi sur le plan de travail. Ses yeux plongent dans les miens, une intensité qui me fait perdre mes mots. Mon cœur s'emballe, et je me rends compte que chaque battement résonne dans le silence entre nous.

-Boun... je murmure, un frisson parcourt mon échine.

-Sam... répond-t-il,

Je sens au plus profond de moi l'envie irrésistible de lâcher mes barrières, mais ça, c'est hors de question. Je pose une main sur son torse et le pousse doucement.

-On ne peut pas...

Il recule, mais reste toujours face à moi, ses yeux cherchant les miens. Je prends le verre, me dirige vers la bouteille d'eau sur la table, essayant de me concentrer sur autre chose.

-Pourquoi ?

-Parce que... On ne peut pas...

Je remplis le verre, mais à peine je lève les yeux que je sens deux bras s'enrouler autour de ma taille, me serrant fermement.

-Trois secondes... C'est tout ce que ça a duré, ces instants où tu m'as regardé avec tendresse... et j'espère, avec un peu d'amour...

Je déglutis, la gorge nouée, et bois mon verre cul-sec avant de me dégager de ses bras, mon cœur battant la chamade.

-Où as-tu mis la viande ? je lui demande en essayant de l'ignorer. 

-Au dessus du frigo, me répond-il en soupirant, avant de revenir s'asseoir au bar.

Alors que je prépare le repas, un silence s'installe entre nous. Je sens qu'il attend le moment du dîner pour reprendre la conversation inachevée. Je termine tranquillement, et je le vois mettre la table avec soin. Une fois les plats servis, je sens son regard s'attarder sur moi. Je relève la tête et le regarde.

-Oui ?

-Oh, rien, juste que ton Gaeng Kiew Wan est très bon, dit-il en souriant.

-Merci.

Un long silence lourd s'installe entre nous. Nous continuons à manger tranquillement, sans rien échanger. Par réflexe, je me mords les lèvres, gêné par l'atmosphère. La tension palpable me rend nerveux, et je me demande comment nous allons briser ce silence.

J'aurais aimé être attaché en haut que là...

-Arrête, dit-il doucement.

Je le regarde, confus.

-Quoi ?

-Ne mords pas ta lèvre... S'il te plaît...

Pourquoi il me dit ça lui ??

-Désolé, je me l'a mords par réflexe quand je suis nerveux ou gêné...

Je vois son regard se focaliser sur mes lèvres, et l'envie de les mordiller me revient. Je ne peux pas m'en empêcher et, à nouveau, je les mords. Boun se lève soudainement, s'approchant de moi avec une intensité palpable. Il soulève mon menton, nos yeux s'accrochant avec force.

-Si tu le refais, tu peux être sûr que mes lèvres vont mordre les tiennes, dit-il d'une voix suave, déterminée.

Un frisson parcourt mon corps à ses mots, et je réalise à quel point tout cela devient irrésistible.

Je détourne la tête, baissant les yeux par réflexe, ne voulant pas croiser son regard. Je prends une grande inspiration et recommence à manger en silence.

Une fois le repas terminé, Boun se lève, ramasse les assiettes et les mets dans le lave-vaisselle. En se retournant, il me sourit.

-Tu veux faire quelque chose ?

Je secoue la tête, haussant les épaules, ce qui le fait rire.

-OK

Je le regarde, mais il place déjà un doigt sur mes lèvres pour m'empêcher de parler. L'incompréhension me submerge. Je commence à me lever, mais il me pousse doucement à me rasseoir et murmure à mon oreille.

-Il y a quelqu'un dans la maison...

Il prend ma main et me pousse derrière lui, marchant prudemment vers le salon. Je ne dis rien, mais la peur s'intensifie en moi.

Bordel, qu'est-ce qui se passe ?

Arrivé dans le salon, Boun s'arrête brusquement, en alerte. Les bruits de pas se font plus proches, et soudain, des coups de feu éclatent. Sans hésiter, il me pousse en arrière, me projetant derrière un canapé.

Je tombe à la renverse, un peu sonné, mais mon instinct me pousse à essayer de comprendre ce qu'il se passe. Je me redresse légèrement, mon regard par-dessus le canapé, et je vois Boun se déplacer rapidement dans un coin de la pièce. Il attrape une arme abandonnée au sol, son visage dur et concentré.

Les coups de feu s'intensifient alors que Boun tire sans relâche. Plusieurs hommes s'effondrent, mais il n'a pas le temps de s'arrêter. Je remarque, soudain qu'il est touché, une tache rouge s'étale sur son flanc. Pourtant, il ne montre aucune douleur, son attention est totalement focalisée sur les ennemis qui affluent.

Je me lève lentement, une boule d'inquiétude dans la gorge, décidé à l'aider. Mais Boun, d'une voix forte et impérieuse, me coupe net.

-Reste caché, Sam !

Son ordre est clair, mais mes jambes hésitent à l'écouter. Juste à ce moment, Boun est distrait par un mouvement sur le côté. Un homme surgit de nulle part, se jetant sur lui avec une violence brutale. L'arme de Boun tombe de sa main, glissant loin sur le sol, tandis qu'il se débat avec l'intrus, luttant pour prendre l'avantage.

Le temps semble se ralentir. Mon regard se fixe sur l'arme tombée, et sans réfléchir, je me précipite pour la récupérer. Je sens mon cœur battre à tout rompre dans mes tempes alors que mes doigts tremblants l'empoigne.

-Boun !, crié-je en lui lançant l'arme.

Dans un geste rapide, il l'attrape et, une seconde plus tard, l'homme s'effondre à ses pieds, son corps immobile. Le silence qui suit est assourdissant.

Je reste figé, mes yeux passant de Boun à l'homme au sol, puis aux autres corps éparpillés dans la pièce. Une vague de panique me submerge et je recule inconsciemment. Mes jambes butent contre une table et je perds l'équilibre.

Ma tête heurte violemment le coin de la table. Une douleur aiguë traverse mon crâne avant que tout ne devienne noir. 

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