Chapitre 3 : Été 1972
-Toujours aussi accueillant ton frère.
Regulus se tourna vers Evan. Ces derniers se trouvaient dans la chambre du premier, les fenêtres étaient ouvertes pour laisser passer les rares courants d'air, et ils surveillaient tous deux que Pandora ne passe pas par-dessus le rebord.
Les Rosiers participaient à un diner avec les Blacks mais les enfants avaient été priés de s'en aller après le repas terminé. Ce dernier avait été une catastrophe du point de vue de Regulus, mais Walburga et Orion n'avait pas encore rendu visite à Sirius, ce qui le réconfortait un tant soi peu.
Le retour de Sirius au manoir avait sonné le début des complications. Depuis leur sortie sur le toit, les deux frères n'avaient pu échanger comme ils l'auraient voulu. Les sessions de corrections, comme leur mère les appelait, pour les transgressions commises par Sirius au cours de son année scolaire avaient débuté.
Son frère n'en parlait jamais, préférant passer les rares moments qu'ils réussissaient à voler à discuter de ce qu'ils feraient ensemble à Poudlard. Et Regulus n'arrivait pas à s'empêcher de ne voir que le sourire que son frère lui renvoyait, et de repousser aussi loin qu'il le pouvait ce qu'il se passait dans la pièce à l'étage. Parce que tout ce qu'il pourrait faire alors ne serait que suppositions. Et il se refusait à s'imaginer quoi que ce soit, de peur que ces choses horribles s'avèrent véridiques.
-Il est fatigué ces derniers temps.
-Il n'est pas en vacances.
Regulus connaissait assez Evan pour savoir que la remarque de ce dernier n'était en rien une attaque. Son frère et lui se parlaient peu, mais aucune animosité n'existait, à sa connaissance, entre eux. Du côté d'Evan en tout cas, pour Sirius, Regulus ne se prononcerait pas. Evan Rosier était assuré d'aller à Serpentard, et si Sirius préférait toujours ne pas voir la vérité quant à son jeune frère, il ne laissait aucun doute quant à l'héritier Rosier. Et Merlin savait quelle haine il vouait aux Serpentards.
-Si, mais il a des devoirs de Poudlard à remplir et il doit assurer certaines choses quant à son rôle d'héritier.
Evan hocha la tête, compréhensif.
-Je connais ça, je comprends.
Pandora reposa les pieds au sol et se tourna vers les deux garçons, un léger sourire aux lèvres.
-Regulus, tu as déjà acheté tes fournitures ?
-Non, Kreattur devrait nous y emmener, mon frère et moi, cette semaine. Nos lettres arriveront bientôt.
-Nous aussi. Je demanderais à nos parents de nous y emmener en même temps.
-Pandora.
La jeune fille se tourna vers son frère, son sourire toujours affiché.
-Oui ?
-Père et mère ne nous accompagnerons pas, je te l'ai déjà dit.
-Ah ? Mais ce n'est pas quelque chose qui se fait en famille ?
-Regulus vient de dire que Sirius et lui seront accompagnés de Kreattur.
Pandora se tue et se tourna vers Regulus sans rien ajouter. Ce dernier détourna le regard, mal à l'aise. Il adorait Pandora, elle était différente des autres enfants Sang-Purs, mais elle avait la fâcheuse habitude d'appuyer aux endroits les plus douloureux. Et Regulus en avait assez d'être jugé par tous ceux qui se croyaient capables de comprendre ce qu'il ressentait, alors que lui-même se trouvait perdu dans des émotions et sentiments qui lui étaient inconnus et douloureux.
C'est ce moment que Sirius choisit pour entrer dans la chambre de son frère sans avertissement. Il marcha jusqu'au lit où les trois enfants étaient installés et s'allongea de sorte à poser sa tête sur les jambes de son frère. Ce geste surprit le cadet mais ce dernier n'en tint pas compte et il questionna son ainé du regard.
-Plus tard.
Regulus ne chercha donc pas à aller plus loin.
-Les parents discutent toujours ?
-Oui, j'ai réussi à m'échapper.
Lorsque Walburga avait exigé que les plus jeunes quittent la table, elle avait retenu Sirius avec eux, et Regulus l'avait regardé rester assis, le dos droit et tendu, le regard figé sur le visage de leur mère.
Puis la porte s'était refermée derrière lui.
Le voir debout et sans séquelles physiques apparentes le rassura. Son frère souriait aussi, et même si habituellement Regulus ne donnait pas trop de crédits à ces démonstrations, aujourd'hui, il voulait y croire.
Regulus détourna le regard de son frère lorsqu'un hibou se posa sur le rebord de la fenêtre. L'enveloppe qu'il tenait avec son bec ne laissait présager que d'une seule éventualité, et il se sentit remplit d'une euphorie nouvelle.
Pandora se leva pour aller la chercher à sa place, le corps de Sirius le bloquant, et revint, un sourire aux lèvres. L'écriture caractéristique des émissaires de Poudlard se dessinait sur l'enveloppe et le ramena un an plus tôt.
Il faisait aussi chaud que maintenant, et la porte d'entrée était ouverte. Regulus était assis au milieu des marches du premier escalier et fixait la rue en face de lui. Sa mère lui avait interdit d'envisager même de sortir et il l'avait écouté. Cela aurait pu l'ennuyer si ce n'était pas la seule chose qui lui procurait du divertissement dans cette maison lugubre et silencieuse.
Il avait alors entendu un grand fracas dans les étages et quelqu'un descendre à toute vitesse les innombrables escaliers. Sirius était le seul dans leur famille à se laisser aller comme ça, les privilèges de l'héritier se disait Regulus alors. Sans surprise il avait vu son frère apparaitre en haut des marches, une enveloppe dans la main qu'il brandissait tel un trophée, et c'est alors que Regulus se rendit compte qu'il criait son nom.
-Regulus ! Regarde, regarde ! Regarde ce que je viens de recevoir.
Regulus savait, et son sang se glaça. Il avait passé tellement de temps à redouter ce moment, que maintenant qu'il se produisait, il lui semblait irréel. Auparavant, rien qu'une minute auparavant, le départ de son frère n'était qu'hypothétique. Désormais, il pouvait presque le toucher des doigts. Ça n'avait jamais été un rêve, mais un cauchemar personnel.
-Ta lettre de Poudlard j'imagine.
Sirius ne nota pas l'indifférence que son frère essayait de transmettre dans sa voix. Regulus tentait tant bien que mal de lui montrer qu'il ne voulait pas en parler, mais son frère attendait cette lettre depuis tant d'années qu'il était impossible de le faire taire.
-C'est bon, je pars en septembre. Tu y crois ? Je me demande à quoi ressemble Poudlard ? Tu as une idée ?
-Non. Mais j'ai encore le temps de m'en faire une, n'est-ce pas ?
-Je te décrirais tellement tout, que tu ne pourras même plus l'imaginer.
Regulus ne répondit pas et Sirius continua de parler. Il lu la lettre à haute voix pour partager sa joie à un frère qui se sentait davantage comprimé à chaque mot qu'il prononçait. La lumière du soleil atteignait la place où Sirius s'était assis mais s'arrêtait juste au niveau des pieds de Regulus, et ce dernier ne cessait de fixer cette délimitation.
A côté de lui, Sirius continuait de parler des boutiques où il allait devoir acheter ses fournitures, de la maison où il irait et des amis qu'il se ferait, de vrais amis. Regulus eut une pensée pour Pandora et Evan, sachant que pour son frère, ces derniers n'étaient en rien des amis. De simples enfants comme eux qui avaient été obligés de se côtoyer. Et Regulus se sentit tout petit face à son frère et à la chaleur qu'il dégageait.
Les yeux gris de Sirius, semblables aux siens, brillaient au soleil d'une intensité que ceux de Regulus n'auraient jamais. Sirius était vivant. Il respirait le bonheur. La joie. Il allait partir, et il s'en réjouissait. Et Regulus n'arrivait pas à lui en vouloir, parce qu'il savait que s'il était à sa place, il tiendrait le même discours, sans penser une seule seconde au frère qu'il laisserait derrière.
Car s'il laissait un frère, il laissait aussi leurs parents, ce manoir, ces règles, ces traitements, ces remontrances, ces remarques, ce silence.
La douleur.
Et Sirius parlait. Il continuait à parler sans s'arrêter. Et Regulus eut la nausée. Car il sentait déjà les murs du manoir se resserrer autour de lui. Il se tourna vers son frère, qui n'avait rien remarqué à son changement d'attitude, et essaya d'apaiser ses angoisses. Mais le vide dans sa poitrine, le vide que Sirius laissait déjà en lui, engourdissait son cœur et son âme.
-Sirius ?
Tout sourire, son frère se tourna vers lui.
-Oui ?
-Tu m'attendrais si je te le demandais ?
Le sourire disparut.
-Regulus ?
-Tu pourrais attendre une année de plus ?
Sirius se rapprocha de lui et passa son bras par-dessus ses épaules.
-Eh... Tu sais bien que ce n'est pas possible.
Oui. Oui, il le savait.
-Oui. Mais si je te le demandais, si jamais tu pouvais, tu m'attendrais ?
-Si jamais je pouvais faire quoi que ce soit, je prendrais ta main et partirais loin.
Et un an plus tard, Regulus croyait toujours en ce que son frère lui avait dit ce jour-là. Si jamais il le pouvait, il partirait. Et il tiendrait sa main.
Regulus décacheta le seau rouge de Poudlard et lu la lettre attentivement, afin de ne manquer aucun détail. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres, il le sentait, mais ne s'en cacha pas. Il était bien trop heureux pour ne serait-ce qu'imaginer masquer sa joie. Cette lettre était la raison qu'il attendait pour quitter cette maison. Il partait, enfin.
Mieux. Il rejoignait Sirius.
Regulus baissa les yeux vers ce dernier, qui avait toujours la tête sur ses genoux, et ébaucha un sourire. Et son sourire mal assuré se répercuta sur le visage de Sirius. Ils étaient heureux, et Sirius était heureux pour lui.
-Tu as reçu ta lettre pour tes fournitures.
Son frère ne lui répondit pas, et Regulus eut la stupidité d'insister.
-Sirius ?
-Je ne sais pas.
-Le hibou t'attend peut-être dans ta chambre. Tu veux qu'on aille voir ?
-Pas vraiment non.
-Mais...
-Regulus. Je ne bougerais pas d'ici.
Au même moment des bruits de pas se firent entendre dans les escaliers alors que quelqu'un montait à l'étage. Et le sang de Regulus se glaça. Evan et Pandora, que ce simple bruit n'alarma pas, commencèrent à discuter de ce qu'ils devraient, eux aussi, acheter au Chemin de Traverse. Il en profita pour se baisser vers le visage de son frère et chuchoter.
-Où es-tu censé être ?
-En bas. Avec eux.
D'une voix tremblante, Regulus continua.
-Et pourquoi tu n'y es pas ?
-Car je ne voulais pas y être.
-Sirius...
-Non. Tais-toi. Tu ne sais pas ce que c'est, sinon tu comprendrais.
-Je ne comprends pas ce que c'est d'être quoi ?
-L'héritier.
Effectivement, il ne comprenait pas. Il ne comprendrait jamais. Car lui n'était rien de tout ça. Car Regulus n'était là que pour être montrer et marcher droit sur une ligne tracé dont il ne connaissait ni le but ni le chemin. Il pataugeait dans la boue des restes que son frère lui laissait. Une boue qui lui servait à se camoufler. Les restes d'une personnalité qu'il n'aurait jamais.
Sirius se releva alors que la porte de la chambre de Regulus s'ouvrait. Le dos de son frère lui cachait la personne qui venait de pénétrer dans la pièce, mais les muscles tendus de son corps lui laissèrent deviner de qui il s'agissait.
-Sirius.
-Mère.
Sirius... Ne commence pas. Pas encore. Pas cette fois. Je ne te laisserais pas faire.
-Ne me dis pas que tu t'es perdu dans ta propre maison.
-Je suis exactement là où je suis censé être.
-Ah ?
Regulus réfléchit à toute vitesse. Il savait que Walburga ne ferait rien, pas pour l'instant du moins. Pas devant témoins. Mais viendrait le moment où elle se vengerait.
-C'est ma faute Mère.
Si cela avait été possible, les muscles de Sirius se seraient davantage tendus. Son frère se tourna lentement vers lui, dévoilant le regard de leur mère qui se posait désormais sur Regulus. Les yeux de Sirius exprimaient l'effroi. Car tous les Blacks ici savaient que Regulus était son point faible. Regulus savait que Sirius prendrait ses coups. Mais cette fois, ce serait à lui de prendre les siens. Mais cette fois-ci, Regulus espérait qu'aucun coup ne pleuvrait, et qu'aucune baguette ne se lèverait.
-Regulus ?
Le regard glacial de sa mère se répercuta jusque dans sa chair, faisant trembler ses os.
-Puis-je savoir en quoi tu es lié à tout ça ?
Lorsqu'il ouvrit la bouche il se rendit compte qu'elle était sèche et sa langue pâteuse. Sous le costume que ses parents avaient choisis pour lui, il transpirait.
-Je viens de recevoir ma lettre de Poudlard Ma porte était ouverte et Sirius est passé à ce moment-là. Je l'ai appelé pour lui poser des questions.
Devant lui, Sirius respirait à peine, attendant, tout comme lui, la réponse de leur mère.
-Et il ne t'a pas dit qu'il était attendu en bas ?
Regulus se sentit devenir blême. Il tourna son regard vers Sirius et croisa les yeux de son frère. Ils savaient. Walburga cherchait quelqu'un à blâmer pour la gêne de ne pas voir son héritier revenir à la salle à manger. Ils étaient bloqués. Coincés. Pétrifiés.
Les mains de Regulus commencèrent à trembler, et le garçon s'empressa de les cacher de la vue de sa mère. Son cerveau réfléchissait à tout vitesse afin de trouver un moyen de les sortir, tous les deux, de cette dangereuse situation. Conscient que c'était impossible. Et lorsqu'il vit Sirius commencer à ouvrir la bouche, Regulus revécût ces dernières semaines en l'espace de quelques millièmes de secondes.
Walburga qui convoquait Sirius dans le bureau de leur père.
Walburga jetant le sort Silencio en refermant la porte.
Regulus fermant les yeux en entendant les meubles frapper les murs, sachant que Sirius serait incapable de pousser ne serait-ce qu'un gémissement.
Et enfin le silence.
Encore et encore.
Sans aucune fausse note.
Et si en aucun cas Regulus ne souhaitait vivre ce schéma, il ne laisserait pas Sirius le subir une fois de plus. Pas comme ça. Pas pour ça.
Alors il fut plus rapide.
-Je lui ai demandé de rester quand même. Je ne pensais pas que ça serait à ce point urgent.
Regulus n'avait pas remarqué la main que Sirius avait posé sur son bras jusqu'au moment où ses ongles se plantèrent dans sa peau. Son frère ne le regardait déjà plus mais chaque fibre de son corps lui hurlait de se taire.
-Je me souviens pourtant t'avoir demandé de comprendre les responsabilités d'un héritier. Tu ne voudrais pas causer des ennuis à ton frère par la faute de tes propres incapacités, je me trompe ?
-Non Mère.
-Bien. Sirius.
-J'arrive.
Regulus regarda son frère quitter la pièce, le cœur lourd. Il avait fait de son mieux, il avait essayé de l'aider, et il savait qu'il avait échoué. Lorsque la porte se referma, il prit une profonde inspiration, comme si la présence de sa mère l'empêchait de respirer.
Alors, il reprit conscience de la présence d'Evan et de Pandora dans sa chambre. Le premier le regardait avec la même expression que d'habitude, donnant l'impression à Regulus d'avoir rêvé les derniers moments passés, pendant que Pandora fixait encore la fenêtre.
-Ta mère fait peur.
Regulus se tourna vers Pandora mais eut le temps de voir Evan pincer les lèvres.
-Tais-toi Pandora.
Evan tapa le bras de sa sœur pour s'assurer qu'elle l'avait bien entendu. La jeune fille glapit, plus par surprise que pour le coup en lui-même, avant de s'en aller passer la tête par-dessus le rebord de la fenêtre. Regulus remercia son ami en silence avant de s'allonger sur son lit et de regarder le plafond gris et maussade qui se tenait devant ses yeux.
҉ ҉ ҉
Regulus était assis au bord de son lit, attendant patiemment. Les Rosiers avaient quitté le manoir quelques dizaines de minutes auparavant, et depuis, Regulus n'avait pas bougé. Il savait qu'elle viendrait. Il pouvait presque entendre le silence qu'elle laissait dans son sillage.
De multiples images lui venaient à l'esprit, chacune lui donnait la chaire de poule. Car Walburga était imprévisible. Chaque craquement de bois le faisait frémir et le mettait en alerte. Il sentait ses os vibrer contre sa chair, et pourtant, dans le miroir en face de lui, rien ne laissait transparaître un quelconque tremblement.
La porte s'ouvrît sans bruit et la silhouette de sa mère se tint en un instant devant lui.
Effrayante.
Dangereuse.
Puissante.
-Je mise beaucoup d'espoirs en toi Regulus.
Menteuse, aussi, des fois. L'enfant ne répondit pas.
-Tu m'as menti.
Regulus essaya de garder contenance face a l'accusation de sa mère, alors que la terreur s'engouffrait par tous les pores de sa peau. Le léger rictus de sa mère lui fit comprendre que ses efforts étaient vains.
Elle savait.
-Je-
-Ne me mets pas davantage en colère avec tes mensonges. J'estime que tu es assez intelligent pour comprendre ça. Ou du moins pour ne pas suivre les pas de ton frère. Tu sais où ça le mène.
Regulus hocha la tête.
-Tu vas donc me dire ce qu'il s'est passé.
La peur que sa mère lui instiguait l'avait toujours fait courber l'échine. Il l'aurait fait cette fois aussi si la silhouette de son frère n'avait pas attiré son attention derrière la frêle ouverture de la porte. Le bref coup d'œil qu'il jeta dans sa direction suffit à alerter sa mère, qui l'a dit claquer au nez de Sirius.
-Je viendrais m'occuper personnellement de ton cas plus tard Sirius.
Sa voix portait à travers la cloison, Sirius était prévenu.
Enfin, elle se tourna vers son plus jeune fils.
-Il s'est passé exactement ce que je vous ai dit plus tôt.
Une lueur dangereuse s'alluma dans les yeux de Walburga avant qu'un sourire n'apparaisse. Regulus sentir les poils de sa nuque s'hérisser. Sa mère ne souriait jamais.
-Sirius m'a tout raconté.
Quelque chose dans son regard dû se briser puisque l'attitude de Walburga se fit triomphante. D'expérience, Regulus savait que sa mère expérimentait sur lui et son frère ses capacités de manipulation, et cela faisait longtemps qu'il préférait ne plus croire en ce qu'elle lui disait. Mais Sirius était un Gryffondor, et un frère qui l'avait toujours protégé. Regulus ne serait pas surprit de savoir que ce dernier s'était dénoncé si cela voulait dire l'épargner de la colère de leur mère.
Il aurait presque pu y croire si sa mère ne se tenait pas devant lui à cet instant même, et non dans la chambre de son frère. Il l'avait vu, il allait bien. Elle ne lui avait rien fait. Ce qui était inhabituel. Alors avec tout le courage qu'il lui restait, il lui tint tête.
-Je vous ai dit l'entière vérité, Mère.
Sirius aurait été fier de lui. Mais la joie de le savoir ne fut rien comparée à l'effroi de voir les traits de sa mère se crisper dans une expression de fureur intense,
-Regulus.
Le jeune garçon resta pétrifié de terreur.
-Tu ne me laisses pas le choix.
Qu'allait-elle faire cette fois-ci ? Qu'avait-elle en tête pour lui faire cracher ce qu'elle voulait entendre. Les poings de Regulus se serrèrent sur ses cuisses et il se redressa. Prêt à affronter la douleur qui exploserait à l'intérieur de son crâne. Même après des années à subir les différentes legilimencies de Walburga, il n'était toujours pas suffisant fort pour la contrer.
Et même s'il le devenait, Regulus savait que face à sa mère, il resterait l'enfant de cinq ans qui avait menti en disant ne pas être sortit du manoir. Face à l'écrasante supériorité de sa mère, il ne gagnerait jamais.
Mais la douleur ne vint pas.
Elle ne vint jamais.
Et quand il voulut lever les yeux vers sa mère, il comprit.
Ses poings se desserrèrent d'eux-même, son corps se relâcha par une volonté qui n'était pas la sienne. Walburga approcha et si Regulus pensait avoir ressentit de la terreur auparavant, ça n'avait rien été comparé à ce qu'il éprouvait maintenant, sous le contrôle de l'instabilité et la colère de sa mère.
La douleur, il pourrait y faire face. Elle passerait. Il savait jusqu'où elle allait. Mais la folie de Walburga Black n'avait pas de fin. Et Walburga voulait la vérité. Elle irait au-delà de ce qui était moralement acceptable, si cela voulait dire obtenir ce qu'elle désirait. Et le corps de Regulus était prisonnier de cette folie destructrice dont il ne pourrait jamais échapper.
-Alors Regulus, es-tu décidé à me dire la vérité ?
Qu'allait-elle faire ?
-Je vous jure que c'est ce-
-Ne mens pas.
Regulus ne vit même pas la baguette de sa mère, mais la douleur sur sa pommette fut bien réelle. Il sentit le sang couler sur sa joue sans pouvoir le stopper. La coupure était nette et précise. Une précision qui divergeait de la lueur qui brûlait dans les yeux de sa mère.
-Lève-toi.
Son corps se releva si vivement que des articulations craquèrent. Regulus aurait voulu la supplier d'arrêter, mais sa bouche était murée dans un silence qui ne lui appartenaient pas. Seules ses pensées fonctionnaient encore mais ne lui étaient d'aucun réconfort. Il ne pouvait même pas trembler. Il était là marionnette de sa mère.
-Je te laisse une dernière chance.
Et Regulus aurait parlé. Il aurait avoué la vérité sans remords ni regrets, si cela équivalait à retrouver sa liberté. Mais sa bouche refusa de s'ouvrir, puis sa mère sourit, d'un sourire sadique.
-Bien.
Si ses yeux l'avaient pu, ils se seraient écarquillés en représentant l'effroi que ressentait Regulus en cet instant précis. Ses pieds contournèrent le lit pour aller se positionner devant la fenêtre toujours ouverte. Dans son dos il entendit sa mère approcher, puis son souffle dans son cou.
-Tu me déçois Regulus.
Il le savait. Il l'avait toujours su. Pourquoi le lui répéter maintenant ? Seraient-ce les derniers mots qu'il n'entendrait jamais ? Il était remplit de désespoir. Sa mère me tenait prisonnier de son esprit tordu, prêt à lui faire subir n'importe quelle torture.
Apres tout, à travers les yeux de toute la société, il n'était que le second. Une roue de secours dont la famille n'aurait jamais besoin. S'il venait à en mourir, sa disparition attiserait la sympathie. Son nom figurera à jamais sur la tapisserie de famille, juste en-dessous de son visage juvénile.
Il ne connaîtra jamais Poudlard.
-J'espère que tu ne doutes pas que je le ferais.
Personne ne saurait rien. Personne ne dirait rien. Un tragique accident. Non, il ne doutait pas une seconde qu'elle le ferait. C'était ça qui l'effrayait.
Regulus déglutit. Elle le ferait s'il ne jouait pas bien ses cartes. Or, bien que sa vie ne marqua personne, mourir ainsi, sans jamais n'avoir rien accomplit, était indigne d'un Black. Être digne du nom qu'il portait était la première chose qui lui avait été transmise. Comme pour Sirius.
-Monte.
Et il le fit. Il posa ses mains sur le rebord et s'y appuya afin de passer ses jambes par-dessus. Il était désormais debout sur un rebord d'à peine quelques dizaines de centimètres, une simple brise aurait pu le faire basculer dans le vide.
Walburga s'approcha de lui, faisant bien attention à ne pas le toucher, mais son souffle donnait la chaire de poule à Regulus. S'il le pouvait, il réfléchirait à vraiment sauter pour ne pas jamais avoir à sentir, de nouveau, cette présence dans son dos.
Regulus essaya de calculer la distance entre sa fenêtre et le sol et le résultat lui glaça le sang. Walburga était trop intelligente pour lui. La distance était parfaite. Il souffrirait, atrocement, mais n'en mourrait pas. A moins qu'elle ne le laisse agoniser,
-Tu n'en mourras pas.
Regulus s'en doutait.
-Mais je le referais autant de fois que nécessaire.
Regulus le savait.
-Et, même avec les os brisés et les organes éclatés, tu continueras de te relever, de remonter les escaliers et de resauter.
Regulus l'ignorait. Visiblement, il la sous-estimait.
-Maintenant, dis-moi la vérité.
Regulus aurait aimé avoir la force de s'opposer à sa mère. De garder Sirius en sécurité, pour un laps de temps donné. Il aurait voulu savoir qu'il irait à Gryffondor. Il aurait aimé être comme son frère. Il aurait aimé être jeté du haut de cette maison sans jamais ne rien dire. Mais il était incapable d'affronter ses peurs, la douleur. Il était incapable d'affronter sa mère. Car contrairement à son frère, Regulus savait qu'elle gagnerait quoi qu'il lui en coûte :
Alors, avec une voix mêlée de terreur, de remords et de colère, il parla.
-Il est entré dans ma chambre sans que je ne l'appelle.
C'était tout ce qu'elle voulait, et sans un mot elle recula. Regulus sentit qu'il le pouvait aussi. Dans un mouvement qui se confondait entre précipitation et calme, car sa mère ne lui pardonnerait pas s'il ne se contenait pas, il descendit du rebord de la fenêtre.
Le jeune garçon se sentit reprendre possession de son corps et commença à compter ses doigts à l'aide de son pouce. Il voulait être certain du contrôle qu'il avait de son corps.
-J'espère que cela te servira afin de réfléchir à tes prochains actes.
-Oui, Mère.
-Je ne tolèrerais plus ce genre de choses Regulus. Tâche de cesser de me décevoir à l'avenir.
Regulus hocha la tête et attendit que Walburga referme la porte derrière elle pour se précipiter vers la fenêtre encore grande ouverte et la refermer d'un coup sec. Il eu tout juste le temps d'apercevoir une dernière fois le vide de l'autre côté avant de s'effondrer au sol, le dos collé au mur.
La vision du vide en-dessous de lui, lui donna la nausée, alors que déjà sa respiration devenait saccadée. Ses doigts fonctionnaient seuls et lui donnaient l'impression d'être encore sous l'emprise de sa mère. Tour à tour ses ongles arrachaient sa peau. Tour à tour il comptait ses doigts.
1.2.3.4.
5.6.7.8
Il comptait, encore et encore, jusqu'à en perdre le fil ou que son pouce manque un de ses doigts. Autour de lui le silence devint pesant, uniquement brisé par le son de sa respiration. Regulus se sentit plusieurs fois partir et un gémissement passa la barrière de ses lèvres lorsque, dans la chambre d'au-dessus, il entendit une masse tomber au sol.
Plaquant ses mains sur ses oreilles, il continua à compter, pour faire semblant que tout allait bien. Que Sirius avait juste fait tomber une chaise. Que sa mère aurait fait apparaître un trampoline, si jamais elle avait réellement eut l'intention de le faire sauter. Que son père ne faisait pas que de se taire en noyant la douleur de ce silence et de ces gémissements dans l'alcool.
1.2.3.4.
5.6.7.8.
Il perdait le contrôle. Tu es un Black. L'honneur de la famille repose sur tes épaules à toi aussi. Les Blacks restaient stoïques. Il était un Black. Et sa respiration ne se calmait pas. Il était un Black. Et il avait l'impression que son crâne allait explosé. Il était un Black.
Un Black.
Un Black.
Un Black.
Black.
Black.
Black.
Et tout devint noir.
҉ ҉ ҉
La nuit était tombée lorsque Regulus rouvrit les yeux. Il était allongé au sol à l'endroit exact où il se souvenait s'être accroupi. Ses muscles le firent souffrir alors qu'il se redressait. Le dernier souvenir qu'il avait, était de faire face à son hyperventilation, le soleil descendant doucement dans le ciel.
Désormais il faisait nuit noire, plusieurs heures s'étaient écoulées sans que personne ne vienne le voir. Vérifier qu'il allait bien.
Regulus n'en fut pas surpris.
Personne dans cette maison n'allait bien.
Lorsqu'il fut début, Regulus se tourna vers la fenêtre, et, avant qu'une panique sourde et violente ne le prenne, ferma les rideaux.
Il tendit l'oreille, mais le manoir était plongé dans le silence. Prudemment il sortit de sa chambre. Le silence autour de lui bourdonnait dans ses oreilles. Ses parents dormaient, Regulus aurait pu le parier, mais il resta sur ses gardes jusqu'à arriver devant la chambre de Sirius.
Le chemin fut laborieux, ses muscles se refusaient au moindre bruit qu'il entendait, et à chaque craquement que le vieux bois de l'escalier faisait en ployant sous son poids, son cœur lâchait presque.
De la lumière passait sous la porte, signe que son frère était toujours éveillé. Regulus ne savait pas vraiment ce qui l'avait fait monter jusqu'ici. La peur de se retrouver seul dans une pièce plongée dans le noir ? L'inquiétude de savoir ce qui était arrivé à Sirius ? Quand bien même il ne connaissait pas la raison, Regulus toqua quand même. Et attendit une réponse qui ne vint jamais.
Avec prudence, Regulus tourna la poignée, et fut soulagé de constater que la porte n'était pas verrouillée. Il ferma les yeux lorsqu'il pénétra dans la pièce, aveuglé par la lumière.
Sirius était assis sur son lit, un livre à la main, ne prêtant nullement attention à son petit frère. Regulus sentit que quelque chose n'allait pas bien avant que Sirius ne parle. Une tension planait dans l'air, une tension que le plus jeune ne connaissait pas entre eux. Il ouvrit la bouche, mais Sirius, cette fois, fut plus rapide.
-Tu n'es qu'un imbécile.
Regulus sentit l'air quitter ses poumons. Les mots de Sirius le heurtant presqu'autant qu'un coup. Jamais son frère ne s'était montré aussi cru et méchant envers lui. Ce genre d'attitude, il le réservait à leur mère, et aujourd'hui Regulus ne voulait rien avoir à faire avec elle. Rien qu'au souvenir des événements de cet fin d'après-midi, il sentit ses jambes l'abandonner.
La fenêtre de la chambre de son frère était encore plus haute que la sienne.
Cela suffirait peut-être.
-Sirius ?
Sirius ne lui laissa aucune seconde de répit.
-Je te croyais plus intelligent que ça franchement. Ça fait des années que je me tue à faire ce qu'il faut pour t'éviter ce que je subis, et toi tu utilises le premier prétexte pour la provoquer. Toi bordel ! Mais tu n'as aucune conscience de ce qu'elle est capable de faire ? C'est d'une déception.
-Je le sais.
-Pardon ?
Sirius leva enfin les yeux et croisa le regard de son frère. Étrangement son attitude reflétait celle de leur mère. Il parlait comme elle, d'un ton froid et s'adressait à lui d'une manière dont Regulus n'était pas habitué.
Il sentit le regard de son frère se poser en-dessous de ses yeux, et Regulus se rappela de l'entaille que sa mère lui avait laissé. Il n'y avait plus repensée, mais déjà il ressentait de légers picotements.
-Si tu penses franchement qu'une coupure est ce qui t'arrivera de pire si tu continues, alors tu es plus bête que je ne le pensais.
-Non je-
-Pas ce soir Regulus.
-Mais-
-Va-t-en.
L'ordre de son frère lui fit l'effet d'une supplication. Sirius lui avait toujours fait l'effet d'un roc que rien n'ébranlait. Depuis petits il était celui qui savait le mieux se contrôler quant à l'image qu'il renvoyait aux autres. Mais ce soir, Regulus avait l'impression qu'il était sur le point d'imploser, comme une supernova, et le plus jeune prit soudain conscience d'un vacarme qui régnait dans sa chambre.
Certains meubles gisaient par terre, des objets étaient tombés, et Regulus reconnut la boule à neige que leur cousine Andromeda avait offert à Sirius quelques années auparavant. Désormais le verre était brisé et le liquide coulait au sol.
Regulus se tourna, prêt à partir, et ce qu'il vit lui glaça le sang. A côté de la cheminée, posé négligemment sur le parquet en bois sec, se trouvait un tisonnier ; dont la pointe encore orange et brûlante aurait pu enflammée la chambre de son frère. Mais cela semblait être le cadet de ses soucis. Regulus resta quelques secondes paralysé par la vision de l'objet métallique encore chaud. Et la seule pensée qu'il eu fut :
Lorsqu'il le fallait, lorsqu'elle le voulait, Walburga Black ne se contentait pas de ce que sa baguette lui permettait de faire.
Le garçon se tourna une dernière fois vers son frère. Son expression s'était davantage renfermée, et ses yeux lui hurlèrent de s'en aller.
Regulus ne se fit pas prier.
Seulement, après avoir refermé la porte derrière lui, il ne prit pas le chemin de sa chambre mais monta encore les escaliers. Toujours sous le choc, Regulus ne se préoccupait plus de faire du bruit ou pas. La seule chose qu'il ressentait désormais était cet étouffement qui le submergeait.
Il avait l'impression que les murs autour de lui se rapprochaient inexorablement. Il avait désespérément besoin d'air, il était sur le bord de l'évanouissement. Il se sentait perdu. Cette maison était trop grande pour lui. Il avait besoin de se retrouver. Alors il monta les marchés jusqu'à ce retrouver sous les combles et ouvrir la trappe qui menait jusqu'au toit.
Le vent lui gifla la figure, mais cette fois il garda les yeux ouverts. Tant pis si cela le faisait pleurer. Il accueillit l'air frais avec un sourire avant de monter jusqu'au plus haut qu'il pouvait. Et le plus loin du rebord. Enfin il leva les yeux, et, comme à chaque fois, le spectacle étoilé lui coupa le souffle.
Toutes les constellations se dessinaient au-dessus de lui et il commença a chercher. Regulus était certes une des étoiles les plus brillantes de la Voie Lactée, ce soir il se trouva bien fade. Il lui fallut trouver Vénus pour enfin s'apercevoir.
Il était là.
Elle était là.
Son étoile.
Et il pleura.
Regulus, le cœur du lion. L'animal qui symbolisait la bravoure et le courage. Ceux que tout le monde aimait. L'ironie était que Regulus ne le serait jamais. Ni brave. Ni courageux. Ni aimé.
Jamais il ne s'était sentit davantage seul, et le souvenir de ce début d'été où il avait contemplé ce même ciel avec son frère, redoubla sa solitude.
Et sous ce ciel étoilé, entre larmes et désespoirs, Regulus n'eut même pas le courage de chercher Sirius.
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