Chapitre 1: 1971-1972
Regulus n'était pas souvent désiré. Son existence ne l'avait pas été, pourquoi lui le serait-il ? Sa présence sur le quai de la gare tenait du miracle. Sirius était ce miracle. L'héritier. Celui qui avait fait se déplacer leurs parents jusque devant ce train. Regulus se demanda s'ils feraient de même pour lui l'année prochaine. Probablement pas. L'importance des seconds ne s'élevait pas au-delà des représentations officielles.
Pour ainsi dire Regulus n'aurait jamais dû être là. Ce que leurs parents avaient convenu était qu'il resterait à Grimmauld, à attendre, sagement. Sage. C'était ce qu'il devait être. Impérativement. Son unique tâche. Ne pas faire de vagues. Sirius aussi devait tenir ce rôle. Les Blacks devaient tenir ce rôle. Cela faisait partit d'eux. Cela l'avait toujours été. Enfin, c'était ce qu'il pensait.
Regulus sortait peu en dehors des endroits approuvés par ses parents. Le bruit autour de lui-d'eux-lui était étranger. Néanmoins plaisant. A sa gauche des enfants poussaient leur chariot remplit à ras-bord. A sa droite des parents faisaient de grands signes à leurs enfants assis prêts des fenêtres. Cette distraction n'avait rien de spectaculaire, Regulus le savait. Mais n'importe quoi lui suffirait pour échapper à ce que le petit groupe qu'il composait avec son frère et leurs parents dégageait. Une aura de respect mêlée de terreur. Regulus connaissait davantage la seconde.
Rien que ce matin.
La terreur le serrait encore dans ses bras.
Rien que ce matin.
Alors que les images revenaient, Regulus sentit une vague pression sur son flanc droit. Il tourna la tête pour croiser le regard de son frère. Lui, il souriait. Peu surprenant. Lui, il partait. Mais c'était grâce à lui si Regulus était ici. Ses parents y étaient opposés. Sirius avait insisté. Sirius insistait souvent, jamais comme ce matin. Leur mère avait cédé, quand finalement elle avait compris que ça ne servait à rien de s'acharner. Donc il était là, à contempler le train qui serait le sien l'année prochaine.
Donc, Sirius souriait. Et Regulus ne saurait lui en vouloir. Les pans de sa robe de sorcier cachaient les tâches de peintures bleues sur sa peau, encore fraîche de ce matin. Malgré la joie qu'il ressentait de se trouver ici, Regulus ne cessait de se répéter que son frère n'aurait pas dû insister de la sorte. Laisser couler. Après tout ils se retrouveraient l'année d'après. Mais il était trop tard, Regulus agissait souvent trop tard. Ses yeux gris ne semblaient être capable que de regarder les choses se faire.
-Pas trop triste Reggie ?
Regulus leva les yeux au ciel, en ayant vérifié que leurs parents ne regardent pas dans sa direction.
-Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler comme ça.
-Et tu sais bien que je n'écoute personne.
-C'est bien ça qui te cause tous ces problèmes.
Sirius n'arrêta pas de sourire, malgré le sous-entendu assez explicite de son frère. Pour lui aussi les souvenirs étaient frais. Et le seraient toujours. Il ne servait à rien de faire semblant. Regulus détourna son attention vers les gens autour d'eux, croisant des regards, pour la plupart curieux. Ils ne le surprirent pas, sa famille était curieuse. Tous les Blacks semblaient venir d'une autre dimension. Ils n'étaient pas comme tous les autres. Eux venaient des étoiles. C'était en tout cas l'image qu'entretenait toute la famille, avec le plus grand soin.
-Tu sais, je suis content que tu sois là.
Regulus se tourna de nouveau vers son frère.
-Ah ?
-Oui. Mais toi tu n'as pas l'air très content. Je comprends que tu aurais préféré rester au manoir sans les parents, pour une fois.
-Non. Pour une fois que je peux sortir de la maison tu veux dire. J'aurais étouffé tout seul là-bas. Merci d'avoir insisté.
Tout en disant ça, le regard de Regulus se baissa vers le bout de la manche que Sirius venait de retrousser sans y faire attention. De faibles écorchures restaient visibles, malgré les soins de leurs parents pour les masquer. Elles seraient disparues avant la fin de la journée. Regulus pouvait compter sur eux pour ça.
-Je ne voulais pas avoir à leur dire au revoir à eux seulement. Et je ne voulais pas avoir à te dire au revoir à toi là-bas.
Regulus hocha la tête, pour lui les deux revenaient au même : ils devaient se dire au revoir. Même si Regulus restait captivé par la grandeur de la locomotive, il n'empêchait qu'elle était celle qui lui arracherait son frère.
Jusqu'à Noël.
Il allait devoir tenir sans lui.
Jusqu'à Noël.
S'il le pouvait, Regulus monterait dans le train avec Sirius. Il serait renvoyé chez lui le soir même, et n'oserait imaginer ce qu'il lui arriverait à ce moment-là. Mais les corrections de ses parents vaudraient bien le coup de passer quelques heures de plus avec son frère.
Voyant que son frère ne lui répondait plus, Sirius détourna lui aussi son attention et le groupe redevint silencieux. Contraste étrange avec l'ambiance environnante animée. Elle donnait l'impression à Regulus de faire tache. D'être le point noir d'une toile encore vierge. Les regards curieux ne lui furent plus normaux, ils le heurtaient jusque dans sa chair. Regarder autour de lui ne lui procurait alors plus aucun réconfort. Mais il préférait ça à baisser les yeux. Rien qui ne puisse réveiller l'irritation chez ses parents.
Ses yeux continuèrent alors à balayer le quai autour de lui, ne s'attardant sur personne en particulier. Tout pour garder l'approbation de ses parents.
-Sirius. Regulus. Avancez. Votre oncle et cousine sont là-bas.
La voix froide de sa mère réveilla chez lui les dernières tensions qu'il ne ressentait pas encore. Regulus tenta en vain de les rendormir en se convainquant qu'elle n'avait encore rien trouver à redire à son attitude. Tout allait bien. Tout allait bien.
Son regard croisa brièvement celui de son oncle, et s'attarda un peu dans celui de Narcissa. Comme toujours elle était belle.
Belle.
Fière.
Glaciale.
Une Black.
-Orion. Walburga.
Son oncle salua ses parents sans prendre la peine de se tourner vers ses neveux.
-Cygnus.
-Le quai est remplit de Sang-de-Bourbe. Je sentirais presque l'absence totale de magie chez leurs moldus de parents.
-Certains se font petits. Ceux-là connaissent au-moins leur place.
-C'est donc la première année de Sirius ?
A côté de lui, Regulus sentit Sirius se redresser. Les deux enfants ne se préoccupaient plus de ce que leurs parents disaient, mais ils devaient néanmoins rester à l'écoute, au cas où la discussion dériverait vers un sujet qui les concernerait. Cela faisait surtout partit du travail de Sirius. L'héritier. Celui sur qui tout reposait. Regulus se faisait souvent oublier, et ça n'allait pas pour le déranger. Comme il le disait, il n'était pas souvent désiré.
Le jeune garçon patienta le temps nécessaire pour être certain de ne pas avoir à se joindre à la conversation avant de détourner son attention vers autre chose. Si possible une chose qui ne parlerait pas de moldus, de Sang-de-Bourbes ou encore de son frère. Cela, il le laissait volontiers à sa famille.
Regulus aurait pu continuer de faire comme les précédentes minutes, laisser vagabonder son regard de part en part, passer de familles en familles, juste de quoi s'offrir un peu de distraction. Et il comptait le faire, il comptait vraiment le faire. Mais ce fut sans compter les soudains mouvements qui apparurent juste derrière son oncle et sa cousine. Son regard fut happé par une petite famille. Plus précisément par les gestes surdimensionnés du garçon qui complétait le schéma familial du petit groupe avec les deux adultes debout à côté de lui.
Si Regulus avait réfléchi, il se serait rendu compte que les agissements excessifs du garçon n'étaient pas bien différents des autres de son âge, puisqu'il ne faisait aucun doute qu'il était de l'année de Sirius. Mais il voulait se donner une raison pour continuer à fixer l'étrange garçon.
Il était heureux, ç'aurait été criminel de ne pas le remarquer. Il se réjouissait dans un bonheur qui n'avait rien à voir avec celui de Sirius. Regulus n'eut aucun mal à comprendre pourquoi. Il avait la peau basanée, ce qui contrastait avec le teint pâle des Blacks, Regulus aima cette différence. Tout de suite. Ce garçon-là n'irait pas à Serpentard. Même si Regulus en connaissait assez peu sur le monde qui l'entourait, Serpentard était le sujet qu'il maitrisait le mieux, avec celui des sangs. L'héritage familial qui lui incombait. Ainsi qu'à Sirius.
Et malgré le bruit incessant autour de lui, Regulus l'entendit dire au revoir à ses parents, à coup d'embrassades et d'excitation.
-Adios Papa, Mama.
Espagnol. Cela expliquait la peau basanée. Au même moment où le garçon passa les portes du wagon, Regulus se rendit compte que c'était sans doute la dernière fois qu'il le verrait, et sans doute la dernière fois qu'il penserait à lui.
A côté de lui, Regulus sentit Sirius appuyé sur ses côtes une fois de plus. Lorsqu'il tourna la tête, le jeune garçon vit sa famille le regarder.
-Oui ?
-Ton frère s'en va.
Le ton de sa mère était froid. Plus froid que d'habitude. Elle seule était capable d'un tel exploit.
-Oh.
Les sourcils de Walburga se haussèrent et Regulus, malgré le vent frais de septembre, transpira. Narcissa prit la parole, Merlin soit louée sa cousine.
-Il souhaitait te dire au revoir seul à seul. Je vais monter et mon oncle et ma tante t'attendront plus loin.
-Encore une de ses exigences stupides.
Sirius continua à sourire, comme s'il n'avait pas entendu la remarque de leur oncle. Regulus regarda leurs ainés s'éloigner pour aller se tenir un peu plus loin, en silence. Dignes et fiers. Telles les statues grecques de l'Antiquité que sa cousine Andromeda lui avait montré en cachette plus jeune.
-Alors ça y est ?
-Tu t'en vas ?
Le sourire de Sirius se fit plus triste.
-Il faut bien. Tu verras, ça passera vite. Et l'année prochaine on sera de nouveau ensemble.
-Tu sais bien que le temps ne passe jamais vite à la maison.
Là, le sourire de Sirius disparut.
-Je t'écrirais, okay ? Tu m'écriras en retour ?
-Oui.
Puis son visage se fit sérieux, inquiet. Inquiet jusqu'à lui faire peur.
-S'il se passe quoi que ce soit, tu me le dis.
-Toi aussi.
L'espièglerie revint dans les yeux de son frère.
-Qu'est-ce que tu peux être bête ! Que veux-tu qu'il m'arrive à Poudlard ?
Regulus aurait aimé que son frère le prenne dans ses bras. Qu'il lui dise que tout ira bien, au lieu de le mettre en garde. Mais leurs parents regardaient. Leurs parents entendraient tout s'ils le décidaient. Ils n'avaient qu'à attendre d'être à la maison pour prendre connaissance de chaque mot que Sirius avait prononcé à son frère. Tous les deux savaient alors qu'il valait mieux se taire.
Un dernier regard de la part de Sirius avant que ce dernier ne monte dans le wagon, sans un regard en arrière. Sans regret. Regulus attendit autant qu'il put pour tenter de l'apercevoir faire des signes à la fenêtre, mais rien. Sirius l'avait déjà oublié.
Et il n'en était pas surpris.
Le train démarra et Regulus espéra une seconde pouvoir courir après comme d'autres petits frères et sœurs à côté de lui. Mais le regard de sa mère dans son dos était presque aussi inquisiteur que la poigne qu'elle aurait mise sur son épaule si elle s'était trouvée juste derrière lui.
Il regarda alors le train s'en aller, et le laisser pour toute une année.
҉҉҉҉҉҉҉ ҉ ҉
-Gryffondor ! Cet incapable. Jusqu'au bout il déshonorera jusqu'à notre nom !
La nouvelle était tombée. Sirius n'avait pas rempli sa mission d'héritier. L'héritage familial était brisé. Serpentard ne l'avait pas accepté. Pire, il avait été placé à Gryffondor. Sa mère hurlait. Son père pestait. Regulus se taisait. Se faisait le plus petit possible. Le plus oubliable possible.
Depuis la fin du diner il se trouvait dans sa chambre et ne l'avait plus quittée. Il avait arrêté de bouger à partir du moment où son père avait renversé les armoiries familiales, Regulus l'avait entendu d'en haut. Il avait arrêté de sangloter lorsque sa mère avait commencé à crier. Il faillit arrêter de respirer quand ils pénétrèrent dans sa chambre.
-Tu le savais ?
La voix de sa mère était calme. Impénétrable. Ses yeux étaient fous. Malades. Regulus décolla ses mains de ses oreilles et regarda tour à tour sa mère et son père. Il ne répondit pas, bien que sachant de quoi Walburga parlait.
-Tu le savais.
-Non.
-Ne mens pas !
Regulus sentit une terreur remonter à la surface. Rien que ce matin.
-Je le jure !
-Qu'est-ce que Sirius t'as dit ce matin ? Qu'est-ce qui était si important pour n'être entendu que par toi ?
-Il m'a dit au revoir. Je vous jure Mère, il n'a fait que me dire au revoir.
-Toi. Si insignifiant. Qu'avait-il à te dire que nous ne pouvions pas entendre ? Allez ! Parle !
Les mots de Regulus se bloquèrent dans sa gorge. La terreur qu'il ressentait était trop forte. Sa mère était trop forte pour lui. Mais ce qui lui faisait peur plus que tout c'était l'inconnu. Que choisirait-elle, cette fois, pour savoir ? Ce qui suivit ne dû prendre qu'à peine quelques secondes, mais elles lui parurent interminables. Son silence le trahit. Son silence le condamna.
Et il sentit sa tête brûler.
Chacun des souvenirs de sa journée remontèrent jusqu'au foyer de douleur. Il sentait sa mémoire imploser face à l'effort demandé. Sa mère ne se concentrait même pas pour ne pas le faire souffrir. Ce n'était pas son genre de se focaliser sur ce genre de choses.
La brûlure s'accentua lorsqu'elle arriva au souvenir qui l'intéressait. Regulus revit son frère le mettre en garde, lui demander de le prévenir en cas de problèmes. Il revit son frère le laisser derrière lui.
La brûlure cessa.
Regulus resta accroupit par terre, les mains sur la tête et les dents serrées. La douleur qu'il ressentait ressemblait davantage à une migraine mais le faisait toujours souffrir.
-Tu ne savais pas. Bien.
-Je ne savais pas. Je ne savais pas. Je ne savais pas.
-C'était pour la famille.
-Je ne savais pas.
-J'ai vu.
Le jeune garçon ferma la bouche lorsqu'il entendit sa mère avancer vers lui. Walburga attrapa son bras gauche et le fit se tourner vers elle. Ses yeux presque noirs ne laissaient transparaitre ni regret ni remord. Après tout Regulus ne sentait presque plus rien.
-Regulus, tu vas m'écouter bien attentivement. Me suis-je bien fait comprendre ?
Regulus hocha la tête. N'importe quoi qui la contenterait.
-Tu iras à Serpentard.
-Oui mère.
-Sirius est encore l'héritier.
-Oui mère.
-Mais je te veux préparer. Je te veux préparer à porter le nom Black à travers les siècles. Sirius nous a déçus. Toi, bien que second, n'auras pas le droit à l'erreur. S'il en devient nécessaire tu prendras sa place. Tu comprends ce que je te dis Regulus ?
-Oui mère.
-Bien.
Elle lâcha son bras et il fit de son mieux pour ne pas retomber au sol. Ses parents quittèrent la pièce sans un regard en arrière.
Ce n'était pas sur le quai de la gare que Sirius l'avait abandonné.
C'était dans cette famille qu'il l'avait laissé survivre.
҉҉ ҉ ҉
-Tu ne pourrais même pas imaginer comme c'est là-bas. Rien à voir avec ici. C'est joyeux, éclairé. C'est vivant.
Regulus hocha la tête, ne sachant pas vraiment de quelle façon réagir. Son frère était rentré en début d'après-midi et depuis il ne faisait que parler de Poudlard. Les deux garçons s'étaient réfugiés dans la chambre du plus jeune et Sirius faisait des tours dans la pièce en racontant les histoires ahurissantes qu'il avait vécu, pendant que Regulus l'écoutait parler sans répondre.
Il ne comprenait pas tout à ce que lui disait son frère, mais ne voulait pas passer pour un ignorant à ses yeux. La seule chose qu'il comprenait vraiment, c'était le bonheur dans le regard de son frère. Sirius était heureux, passionné. Comme il ne l'avait jamais été ici. Un bonheur que Regulus n'avait jamais réussi à lui apporter.
Et c'est là que la partie la plus douloureuse débuta.
-Je m'amuse tellement là-bas, et je me suis fais de vrais amis. Tu te rends compte ?
-Tu n'aimes pas Pandora ?
-Pandora ? Vraiment ?
-Je l'aime bien moi...
-C'est parce que vous êtes tous les deux dans votre monde.
Le jeune garçon baissa les yeux vers ses mains jointes et ne répondit plus. Sirius continua de parler et Regulus l'écouta. Il l'écouta lui raconter à quel point ses nouveaux amis étaient géniaux, intéressants, gentils. Joyeux. Heureux. Amusants. A quel point Peter le faisait rire lorsque ce dernier se retrouvait à côté de la plaque. Comment Remus s'émerveillait du monde magique comme un enfant. La façon dont James lui ressemblait. Comme un frère.
Pour Regulus ce fut comme s'il avait disparu. Son existence ne comptait plus. Porté disparu dans les souvenirs de son frère. A jamais introuvable.
James. James. James.
Blagueur. Joueur. Gai. Téméraire. Confiant.
Et à chaque fois qu'un nouvel adjectif se rajoutait à la déjà très longue liste, Regulus se sentait devenir davantage petit. Inexistant.
-Tu vas adorer Poudlard.
Sirius s'assit à côté de lui, le sourire aux lèvres, ne remarquant pas le regard abattu de son frère.
-Hmm...
-Merci pour l'écharpe. Je ne pensais pas que les parents te laisseraient l'envoyer.
-Ils ne savent pas. J'ai demandé à Kreattur de l'envoyer sans qu'ils ne le sachent.
-Mais c'est qu'il devient rebelle mon frère !
Et cette simple phrase, cette fierté dans la voix de son frère, le fit se sentir un peu moins petit.
-C'est juste une écharpe.
-Ne dis pas ça.
Le bout de tissu dépassait de la valise que Sirius avait ramenée, la déposant dans la chambre de son frère au lieu de la sienne. Les couleurs rouges et ors contrastaient avec l'ambiance lugubre de la pièce.
Regulus se souvint avoir passé de nombreuses heures à la tricoter en cachette, priant pour que ni son père ni sa mère ne remarque son petit stratagème. Sirius lui avait alors envoyé quelques lettres qui exprimaient bien le bonheur qu'il ressentait d'avoir été choisi à Gryffondor ; et malgré la colère et la déception de leurs parents, qui ne semblaient pas décider à envoyer quoi que ce soit pour l'anniversaire de leur héritier, Regulus avait voulut montrer à son frère que peu importe la maison, lui s'en fichait. Car Regulus souhaitait ardemment que Sirius fasse de même pour lui en septembre.
-Je pense que tu te sentirais bien à Gryffondor aussi.
Les épaules de Regulus se tendirent à l'évocation de la répartition des maisons annuelle. La voix de Sirius laissait entrevoir l'espoir que son frère le rejoigne. Ce qui n'était pas possible. Il devrait le savoir. Regulus n'avait rien à voir avec lui. Il n'était pas courageux, loin d'être brave.
-Je ne pense pas.
-C'est vrai que tu ressembles davantage à un Serdaigle.
-Sirius...
-Mais évite d'aller à Poufsouffle, les parents te déshériteraient.
-Je doute qu'ils ne fassent que ça.
Le regard de Sirius se porta enfin sur lui. Il commençait à être inquiet. Enfin il s'intéressait un peu à lui. Après plusieurs heures à ne parler que de ses incroyables amis. Regulus se mordit la lèvre à cette pensée. Il n'avait aucun droit d'en vouloir à son frère d'être heureux. Mais Merlin qu'il l'aurait voulu. Après tout c'était lui qui avait été laissé derrière. Pas Sirius. Sirius ne semblait même pas se préoccuper de ce qu'il se passait pour lui. De ce qu'il endurait dans ce manoir froid et calme.
-Il s'est passé quelque chose ?
-Non.
-Tu me le dirais si c'était le cas ?
-Oui.
-Bizarre que je ne te crois pas.
Sirius sourit pour faire descendre la pression qui s'était installé. Parler de leurs parents ne rendait jamais les choses faciles entre eux.
-Je veux aller à Serpentard.
-Serpentard ?! N'importe quoi ?
-Et pourquoi ça ?
Regulus n'avait pas l'habitude de s'énerver sur son frère. Il aimait son frère. Si l'amour signifiait quelque chose dans cette maison.
-Ca ne te ressemble pas.
-Car Poufsouffle oui peut-être ?
-Mais tu es gentil toi.
-Gentil ? Moi ?
Même Sirius se rendait compte que ce qu'il disait ne faisait aucun sens. Les Blacks n'étaient pas réputés pour leur gentillesse. Regulus ne dérogerait pas à la règle. Sa mère avait pris soin que cela ne se produise pas. Ne se produise plus. Serpentard était l'unique choix qui se présentait à lui. Et Regulus ne pensait pas qu'il puisse être si mauvais.
-Serpentard ce n'est pas si mal.
-C'est parce que tu ne les connais pas.
-Andromeda était gentille, et elle a été répudiée. Je ne vois pas pour quelle raison tu voudrais que moi je sois gentil.
-Les Serpentards craignent.
-Toute notre famille est allée à Serpentard.
-Sauf moi.
-Sauf toi. Mais ça ne compte pas.
-Comment ça je ne compte pas ?
-Disons que je suis presque sûr que tu l'as fait exprès, rien que pour énerver Maman et Papa.
Sirius attrapa le coussin derrière lui et le lança à la figure de son frère.
-Petit con va.
Pour la première fois depuis que son frère était rentré, Regulus eut l'impression que les choses redevenaient comme avant. Pour la première fois depuis qu'il était monté dans ce train, Regulus rit.
҉ ҉ ҉
-Toi tu voudrais aller dans quelle maison ?
Allongé dans l'herbe, Regulus ne voyait plus Pandora mais l'entendait toujours. Elle parcourait de part et d'autre le jardin sans vraiment écouter ce que le garçon pouvait bien lui demander.
Le ciel était dégagé et le printemps se faisait déjà sentir. Regulus aimait, plus qu'il ne le dirait jamais, le jardin des Rosier. Le manoir des Blacks se trouvant en plein milieu de Londres, le jeune garçon ne pouvait s'offrir le luxe de profiter des rayons du soleil en dehors des quelques visites que ses parents lui octroyaient chez la famille Rosier.
-Pandora, tu m'écoutes ?
-Tu sais bien que non.
Regulus se releva pour voir arriver derrière lui Evan Rosier. Le garçon tenait dans ses mains trois verres d'eau qu'il ramenait de sa cuisine. Regulus le remercia silencieusement lorsque son ami lui donna son verre et quand Pandora préféra les ignorer, il n'ajouta rien.
Evan s'assit à côté de lui et ne parla pas non plus. Dans ces moments-là, emplis de silence, Regulus apercevait ce qui liait le frère et la sœur. Les enfants Rosiers n'étaient pas réputés pour leur éloquence, pas en privé du moins. Ils étaient les enfants de Sang-Purs les plus calmes que Regulus connaissait. Et c'était agréable d'être en leur compagnie. Et il était soulagé, plus qu'il ne l'admettrait, de rentrer à Poudlard avec eux. Et c'était bon d'être loin de la maison ne serait-ce que pour un seul après-midi.
-Comment va ton frère ?
Le stupide calme, qui s'apparenterait presque à du bonheur, que Regulus ressentait jusqu'alors s'évapora. Comme ça. Avec une facilité déconcertante. A la simple évocation de son frère.
-Dernièrement ? Je ne sais pas. Il a arrêté d'envoyer des lettres.
Regulus ne parvint pas à masquer le ressentiment dans sa voix. Evan ne s'en formalisa pas.
-Il a été placé à Gryffondor c'est ça ?
-Ne fais pas comme si tu ne savais pas. Je paris que ça a fait le tour des 28 sacrés avant le petit-déjeuner du lendemain.
-Je présume que tes parents n'ont pas été ravis.
-Aurais-tu développer des capacités de divination Evan Rosier ?
Regulus ne savait vraiment pas comment il arrivait à garder son calme. Cela n'était-il pas évident ? Cela avait-il besoin d'être souligné ? Rappelé ?
-Tu iras à Serpentard.
Tu iras à Serpentard.
Regulus ferma les yeux au souvenir de ce 1 septembre. Exactement pareil. Au mot prêt.
-Je sais.
Je ne savais pas.
-Alors de quoi as-tu si peur ?
-Sirius... Sirius ne semble pas accepter le fait que ma place soit là-bas.
-Ne me dis pas qu'il t'a mis en tête d'aller chez ces crétins de Gryffondors ?!
-Merlin non ! Il m'en voudrait si je lui disais mais rien que de l'entendre parler de ces amis me donnent des nausées. Ils ont chacun l'air... stupides ?
-Des Gryffondors.
-Des Gryffondors.
-Qu'est-ce qu'ils ont les Gryffondors ?
Les deux garçons tournèrent la tête vers Pandora. La jeune fille avait grimpé dans un des arbres et s'amusaient à essayer de voir ce qu'il y avait derrière la barrière du jardin. Tout en parlant elle gardait un œil sur ce qu'il se passait de l'autre côté, néanmoins elle restait sérieuse. Pandora était toujours sérieuse.
-Attention Pandora. Papa et Maman ne me laisseraient pas tranquilles si tu venais à tomber.
-Tu voudrais aller dans quelle maison Pandora ?
La jeune fille haussa les épaules. Evidemment elle ne se préoccupait de rien de tout ça. Perdue dans son monde, Regulus se demanda quand commencerait-elle à grandir ?
-Ma sœur est une pure Serdaigle.
-Alors pourquoi tu me traites d'idiote tous les jours ?
-Car tu es une idiote.
Pandora arrêta de parler pour se focaliser sur autre chose. Son attention ne s'attardait sur une chose que quelques instants, et les garçons l'avaient déjà perdue. Regulus leva les yeux et remarqua que le soleil se couchait déjà, signe que Kreaturr arriverait bientôt pour le ramener à la maison. Il profita des derniers rayons de soleil. Du toucher de l'herbe entre ses doigts. De la brise du vent sur ses joues. De la respiration d'Evan à côté de lui. Du bois craquant sous le poids de Pandora.
Il mémorisa chacune de ses choses. Il les mémorisa pour pouvoir les raconter à Sirius. Car Regulus espérait que son frère s'y intéresserait. Car Regulus espérait que son frère s'intéresserait un peu à lui aussi.
Et pas qu'à Remus.
Et pas qu'à Peter.
Et surtout pas qu'à James.
҉ ҉ ҉
Regulus ne savait pas vraiment comment il avait réussi à convaincre ses parents de les accompagner. Son père avait seulement accepté. Pas d'esclandres. Pas de cris. Pas de punitions pour l'effronté qu'il était.
Pas comme à Noël.
Le quai était bondé comme en septembre mais Regulus ne prêtait plus attention aux gens autour d'eux. Il voulait juste voir Sirius. Vérifier qu'il était toujours heureux de voir son petit frère. Le garçon transpirait en-dessous de sa tenue impeccable à l'idée que Sirius ne soit pas ravi-DU TOUT-de le revoir. Ses doigts le picotèrent, mais le regard de sa mère sur lui le retenait de se les triturer. Pas en public. Pas devant elle. Pas en tant que Black.
Regulus n'en pouvait plus d'attendre que la locomotive entre en gare et il ne put s'empêcher de soupirer de soulagement lorsqu'elle arriva enfin. Son frère arrivait. Son frère revenait à la maison. Et il partirait avec lui en septembre.
Regulus n'aurait plus à regarder ce train partir sans lui.
Sirius n'aurait plus à lui parler d'à quel point Poudlard était incroyable.
Regulus ne serait plus jamais laisser sur le quai de la gare.
Sirius ne le laisserait jamais plus derrière lui.
Ils se l'étaient promis.
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