Chapitre11

L'écho des talons s'amplifie jusqu'à ce que la silhouette fuselée de la reine apparaisse. Elle s'arrête un court instant, sa bouche pulpeuse pincée, puis reprends ses longues enjambées chaloupées jusqu'à l'Empereur. Ce dernier ne s'est pas donné la peine ni de se lever ni de lui accorder le moindre regard.

Quant à moi, je disparais discrètement derrière un fauteuil : pas question qu'elle me reconnaisse.

— Morgal, grince-t-elle, tu as quelques explications à me fournir, je pense !

Oulah ! Déjà, elle l'appelle par son petit nom et le tutoiement est de mise. Allez Momo, je compte sur toi pour ne pas te laisser mener à la baguette par cette péripatéticienne de luxe. Montre un peu l'homme inflexible qui sommeille en toi !

Il décide enfin à poser ses yeux sur Luinil :

— Es-tu sûre que ce ne soit pas l'inverse, mmh ?

Oui, bien envoyé ! On va voir comment la belle réagit.

— Je n'ai rien à me reprocher ! se défend-elle, toi par contre ! Comment as-tu pu laisser Indil sortir avec ce... ce garçon !

— Indil est suffisamment grande pour choisir qui elle veut. Et je trouve son discernement très à propos.

— Il y avait des milliers de seigneurs qui demandaient sa main ! Nous aurions pu trouver bien mieux qu'un elfe pour elle !

Hein !? Indil est leur fille ? Ah... Ah d'accord. Oui, c'est logique, d'une certaine manière. Je comprends mieux le comportement de Morgal à présent.

— Cela te pose un problème que ce soit un elfe ? questionne-t-il avec un léger sourire, tu n'es pas très bien placée pour t'en plaindre.

— Rhaa ! Me prends pas la tête avec tes raisonnements : tu n'es pas vraiment un elfe, toi !

La reine me semble un tantinet nerveuse. Elle reproche à sa fille son propre comportement avec l'Empereur. C'est à la fois mignon et tragique : Luinil ne fait absolument pas confiance aux elfes et elle espère qu'Indil ne vive pas son cauchemar.

En tout cas, je remercie l'architecte de ce lieu d'avoir fait des loges insonorisées parce que sinon, tout l'opéra serait au courant. Et puis les chanteurs continuent à s'égosiller, aussi.

La reine secoue la tête pour chasser ses récriminations. Elle a bien compris qu'elle n'obtiendrait rien en criant sur mon maître.

— Au fait, continue-t-elle plus doucement, tu ne m'as pas répondu au sujet de ma proposition.

Ah ! ça devient intéressant !

— De ta requête tu veux dire, car tu ne me donnes rien en échange.

Elle croise les bras ce qui ne fait que compresser davantage sa poitrine généreuse.

— Je ne suis pas d'accord avec ça, Morgal.

— Prouve-moi le contraire.

— Je me donne toute entière à toi, murmure-t-elle en s'adossant sensuellement au balcon.

Je fixe Morgal : mon vieux, pas question de te laisser piéger par cette jolie souveraine. D'accord elle a un fessier qui vaut son pesant d'or mais là, elle ne cherche qu'à te berner, peu importe ce qu'elle te demande.

Mon maître sourit en laissant apparaitre sa dentition impeccable :

— Avec l'horreur que tu portes, cela me semble compliqué.

Je serre les dents tellement sa réplique est cinglante. C'est vrai que la robe vaut aussi le détour ! Entièrement constituée de dentelle noire et de satin rouge, elle s'ouvre dans le dos jusqu'aux reins alors que le col s'échancre excessivement sur ses seins. Une fente sur le côté révèle son bas-résille ainsi qu'une paire d'escarpins aux talons assumés. Je ne parle même pas de la coupe archi-moulante qui renvoie une image très appétissante de ses formes.

Mais apparemment, ça ne plait pas trop à Morgal qui doit trouver ça terriblement vulgaire.

Luinil ne s'offusque pas de sa phrase et le rejoint d'un pas sûr :

— Tu peux me dire la dernière fois que l'on s'est vu ? lâche-t-elle.

— Mmh... Un mois ?

— C'est beaucoup trop long ! J'ai l'impression d'être la cinquième roue du carrosse dans ce palais ! Je ne peux chasser Carnil ni assumer pleinement mon véritable statut.

— Justement, il se pourrait que j'accepte ta requête, à savoir, te faire impératrice, si en échange tu acceptes... ceci.

Il lui tend une enveloppe. Luinil fronce les sourcils mais se décide à la saisir.

— Je ne peux accepter, Morgal, conclut-elle en observant les lignes, tu me demandes beaucoup trop.

Mon maître ricane sadiquement :

— Mais tu as déjà accepté, Luinil. Depuis le moment où tu as consenti à être ma femme.

— Je ne poserai pas un seul pied en Calca.

— Avec moi, Luinil, c'est tout ou rien. Si tu deviens impératrice, tu abandonnes ton trône à Arminassë, poste que tu as occupé toute ta longue vie, tu vis ensuite avec moi au Chœur ou en Calca. Nos enfants seront reconnus entièrement aux yeux de tous ainsi que notre passé.

Elle baisse la tête, méditant le marché proposé :

— Je ne peux quitter mon trône, Morgal.

— Je sais. Mais il n'y a pas d'autre alternative. Sauf si tu me laisses me débarrasser de Carnil.

— Non.

— Eh bien, nous voilà sur l'arrête. Reste à savoir quel versant nous emprunterons et si nous serons deux sur la même voie.

Trop d'informations dans ma petite tête mise à mal. D'où Morgal et Luinil sont mariés ? J'ai vraiment loupé trop d'épisodes... Et mais ils sont chacun polygames, alors...

Luinil ne semble pas satisfaite de la tournure des événements. Elle est bien consciente que c'est soit la couronne d'Arminassë soit le statut d'impératrice.

— Peut-être, ajoute-t-elle en s'approchant de Morgal, que nous pouvons trouver un compromis, mmh ?

Il fronce les sourcils tout en se servant un verre.

— Quel genre de compromis ?

Pour toute réponse, elle lui retire sa coupe des mains et s'assoit sur ses genoux sans cesser de se mordre la lèvre inférieure. Bon, s'il te plait Morgal, remet-la à sa place, elle commence à prendre la confiance.

Mais ce dernier parait juste amusé, attendant une explication de la part de la souveraine :

— Peut-être que je suis ta femme, murmure-t-elle en lui caressant la mâchoire du doigt, mais en restant à Arminassë, je ne t'appartiendrais jamais entièrement. Je sais que tu as d'autres projets pour moi, mon chéri, et pour cela, tu devras réviser ta copie avant de me demander de rejoindre Calca.

Apparemment son petit chantage ridicule parvient à déstabiliser Morgal l'espace de quelques secondes où l'incertitude se lit sur ses traits. Luinil profite de ce moment pour coller son corps contre le torse de mon maître et l'embrasser énergiquement. Pourvu qu'elle n'éteigne pas la lumière d'intelligence dans le cerveau du psychopathe...

Heureusement, celui-ci ne se prête pas au jeu ; comme quoi, il garde des séquelles de sa frigidité de jadis. L'astre ne se démonte pas pour autant et continue à lui bouffer la langue pendant que sa main glisse sous la ceinture. Eh, c'est pas du jeu, ça !

— Tu ne pourrais te passer de moi, Morgal, on le sait tous les deux, souffle-t-elle tout en trifouillant vigoureusement dans le pantalon de son interlocuteur.

— Attention à ce que tu dis, lâche-t-il d'une voix rauque.

Morgal ! S'il te plait, je suis dans la même pièce, ne me laisse pas assister à ça ! Tu te fais complètement dominer, là !

— Sinon quoi ? relève-t-elle avec un air de défi.

— Tu as tendance à oublier qui je suis et ce dont je suis capable, si l'envie m'en prend, je peux très bien te...

Sa phrase se coupe soudain dans un glapissement.

— Luinil ! rugit-il.

Pas la peine de t'énerver, elle te tient par les bourses alors évite de la menacer ou de la contrarier.

Cette diablesse retire sa main pour flatter la protubérance du pantalon de son amant dans un sourire totalement innocent. Morgal l'assassine du regard : honnêtement, il n'a pas choisi la femme la plus facile. À croire qu'il n'avait pas trouvé une créature plus sulfureuse...

Je m'adosse contre le mur et me laisse glisser sur les fesses. Avec une bouteille à la main et une boite de loukoums dans l'autre, je me mets à l'aise ; m'est d'avis que ces deux petits malins en ont encore pour longtemps, alors autant s'installer. Si on oublie les cris stridents des chanteurs d'opéra, la situation pourrait presque me plaire parce que voir mon maître dans une telle situation est plutôt inédit. Enfin ça me semble toujours plus divertissant que la scène qui se déroule sous les loges.

D'ailleurs, c'est à se demander si les comédiens servent vraiment à quelque chose car la quasi-totalité des spectateurs observent les autres convives ou se livrent à certaines occupations moins saines.

À ce propos, je doute que Luinil parvienne à entourlouper l'elfe. Peut-être qu'il commence à bander sous les caresses de la reine mais le connaissant, il ne risque pas de lui donner raison.

— Peut-être, n'est-ce pas vraiment le moment de songer à la politique, minaude-t-elle avec un regard aguicheur.

Morgal plisse les yeux et saisit brusquement les poignets de la reine, lui arrachant un petit couinement de douleur :

— N'essaie pas de te jouer de moi, crache-t-il, je sais que tu fomentes des complots à mon encontre.

Loin de se laisser impressionner, Luinil pousse un léger gloussement avant de caler son intimité sur l'entrejambe gonflé de mon maître.

— Lâche-moi, murmure-t-elle en forçant sur les poignes d'acier, tu ne le regretteras pas.

Ouais, j'ai envie de voir, ça, tiens ! Je me suis installé pour l'occasion alors faites-vous plaise, moi je mate.

L'Empereur semble toujours réticent aux avances de sa partenaire, pourtant, je décèle une étincèle de désir dans son regard, l'étincelle qui met le feu aux poudres.

— Tu sais ce dont j'ai envie, Luinil ? demande-t-il d'une voix perçante.

Elle encercle son cou de ses bras fins :

— Dis-moi.

— J'ai envie de te prendre sur ce balcon, devant les yeux de toute cette foule, pour montrer au monde que tu es mienne, que tu m'appartiens...

Il lui défait son chignon et les boucles noires dévalent en cascade sur le dos nu de la souveraine.

— ...j'ai envie de t'honorer encore et encore, jusqu'à ce que tu ne puisses te passer de moi. Et cette nuit, compte sur moi pour te baiser à fond.

Eh calme-toi, Momo ! On est à Arminassë mais ce n'est pas une raison de sombrer dans les travers de tes besoins primaires !

Il écrase ses lèvres contre celles de Luinil et profite de l'instant pour déchirer la robe. La reine répond ardemment au baiser et laisse son amant délasser son corset, le tout dans de sympathiques grognements de satisfaction.

Non mais c'est ça, galochez-vous et pelotez-vous, faites-comme si je n'étais pas là, hein ?! De toute façon, je crois que Morgal a oublié ma présence ; il est bien trop occupé à redécouvrir la langue de Luinil ainsi que ses magnifiques nichons qu'il presse sans vergogne.

J'imagine mal les courtisans d'Arminassë découvrir leur souveraine ainsi, sur les genoux d'un elfe, en train de gémir de plaisir. Elle continue de se frotter contre l'érection de son amant pour le chauffer davantage. Ce dernier gronde comme un fauve, ses cheveux décoiffés lui donne cet air sauvage alors que tout son corps réclame toujours plus celui de la femme.

— Luinil, halète-t-il entre deux baisés, j'ai la queue en feu...

Il la plaque violemment sur le canapé et s'écrase entre ses cuisses sans lâcher ses lèvres. De ma cachette, je vois Luinil lui lacérer le dos de ses longs ongles noirs alors qu'il lui prend les fesses à pleine main. Dommage que Morgal me cache la reine, elle doit être bien jolie si peu vêtue. Parce que pendant que lui tire son coup, moi je mange des loukoums ! C'est quand même moins palpitant !

Mais apparemment, il rencontre une résistance avec Luinil qui refuse de se laisser dominer. Ah bah c'est le souci lorsqu'on fornique avec la Reine Vierge. Allez Momo, montre un peu ce que tu as dans le pantalon, je te ferais un récapitulatif après si tu veux, haha.

— Ne pense pas un seul instant que tu vas reprendre ainsi le contrôle après un mois d'absence, souffle la reine, les dents serrées.

—Tu changeras d'avis lorsque tu crieras mon nom dans tout l'opéra, gronde-t-il en la recalant brusquement sous lui.

— Pour ça faudrait déjà que tu parviennes à me prendre.

— Je vais te faire un gosse sur ce canapé, Luinil.

Non, très mauvaise idée.

Mais comme s'il ne voulait plus voir ses envies contestées, Morgal abat sa main entre les seins de sa maîtresse pour la maintenir couché et de l'autre, il déboucle sa ceinture, un sourire jouissif plaqué sur ses lèvres. Je ne l'avais jamais vu à un tel degré d'excitation mais c'est sûr qu'il y a de quoi fantasmer sur la plastique de la belle.

Il s'apprête à baisser son caleçon et à visiter la reine mais le destin ne lui en donne pas l'occasion : une explosion brutale nous fige tous sur place. Aussitôt, une onde de choc se répercute dans la loge, balayant tous les meubles dans une pulvérisation des plus violentes.

Mes loukoums se déversent sur le sol et ce mélangent tragiquement au champagne qui s'échappe de la bouteille brisée.

Suite au vacarme qui vient de se produire, je tends l'oreille, essayant de percevoir le moindre son. Mais il n'y a qu'un silence de mort.

Je me lève donc péniblement et m'accoude au balcon pour jeter un regard dans les gradins. Les courtisans commencent à se relever tant bien que mal même si le centre de l'allée principale est marqué par un cercle encore fumant. De grosses trainées noires s'étalent sur un rayon de cinq mètres et se confondent dans des traces de sangs ou les restes de boyaux et de chaires informes.

Ah ! Mais qu'est-ce que c'est que ça !? On dirait que quelqu'un a explosé et a répandu ses organes autour de lui, y compris sur les pauvres convives.

Je m'arrache à ce terrible spectacle et me tourne vers mon maître. Le sofa a été complètement retourné et les occupants projetés au sol.

— Quel est l'enfoiré qui a fait ça ?! tonne la voix impériale.

Morgal encore empêtré dans la robe se relève, totalement échevelé. Il saisit Luinil par le bras et la relève sans ménagement bien qu'elle soit encore sonnée.

Sous la loge, le ton monte :

— On a tenté de tuer l'Empereur !

Quel est cette mascarade ? Un elfe d'Onyx pénètre dans la suite et s'adresse à son créateur dans le plus grand calme :

— Majesté, un aristocrate de la cour d'Arminassë vient de se faire assassiner. Il usurpait votre identité, Majesté. C'est pour cela, nous pensons, qu'il a été éliminé.

Morgal remet son manteau en vitesse et rabat son épaisse capuche sur la tête :

— Comment est-il mort ?

— Un dispositif anti-valique avait été glissé dans son verre sans qu'il ne s'en aperçoive. La réaction avec son Vala a provoqué une explosion, Majesté.

— Ça apprendra à ces imbéciles de se faire passer pour moi ! Avez-vous des informations sur un potentiels responsable ?

— Il se trouve qu'un homme a été aperçu dans les coulisses. Nos agents sont sur le coup.

— Bien. Ne le laissez pas s'enfuir.

L'elfe s'incline respectueusement et prend congé. Je porte mon regard sur la reine qui fixe avec dépit la déchirure de sa robe ; avec son boa, elle cherche vainement une manière de dissimuler les dégâts. Comme quoi, son apparence a plus d'importance que le meurtre d'un membre de sa cour.

— Il est temps pour moi de me retirer, affirme-t-elle en redressant hautainement la tête, la fête est finie.

Morgal lui saisit le bras et lui murmure à l'oreille :

— Ne te crois pas débarrasser de moi comme ça.

Pour toute réponse Luinil lui roule un magnifique patin qui ne le laisse pas indifférent à en juger sa main qui se presse contre les fesses de sa maîtresse. Cette dernière met fin à leur échange et se retire de la loge ; le son des talons ne tarde pas à disparaitre dans les couloirs.

— Il fait chaud ici, fis-je remarquer.

Morgal tourne la tête vers moi, les yeux écarquillés :

— Qu'est-ce que tu fais là, toi ?!

— Vous ne m'aviez pas demandé de sortir de la loge...

Il bascule la tête en arrière et soupire :

— J'aime bien quand tu prends des initiatives, Binou. Pourquoi tu ne courses pas le meurtrier au lieu de bouloter toute ce qui te passe sous la main ?

— Je crois que vous n'êtes pas non plus irréprochable... Pas trop serré dans le pantalon ?

Perdant patience, il m'attrape par le col de mon horrible chemise et me tire comme un malpropre vers la porte.

— Soyez pas susceptible, Majesté... imploré-je d'un regard qui se voulait attendrissant.

— Je te vois encore une fois avant la fin de la nuit, Binou, je t'envoie nourrir Alacamor.

Sur ces mots d'une rare amabilité, je suis envoyé mordre la poussière sur le tapis de couloir. Je me relève et après avoir épousseté mon pantalon, je reprends dignement le chemin de la sortie, sans un regard en arrière. D'ailleurs l'Empereur doit déjà s'être téléporté. Il n'a vraiment pas d'humour celui-là ! Il suffit que je le voie fricoter avec l'autre bombasse bien roulée pour qu'il me jette comme une vieille chaussette.

Saperlipopette ! J'ai oublié de lui voler la bague !

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