Chapitre 9
Me voilà dans les cuisines. Je cherche Clark du regard et le distingue entre deux fourneaux, dégoulinant. Je pense que je ne pourrais pas profiter de sa compagnie. Ah ! Poulpinet est assis à la table du fond.
Je le rejoins en vitesse et slalome entre les gnomes tout en évitant de renverser mon plateau repas.
Enfin, j'arrive à son niveau et me pose sur le banc d'en face. Ce n'est qu'à ce moment que je remarque Tiny, collée contre lui. Alalah, elle s'est encore trompée de gnome ; celui-ci ne risque pas de comprendre ce qu'elle attend de lui.
— Binou ! s'exclame ce dernier, Tiny me parlait justement de toi.
— Ah... En bien, j'espère.
— Tout à fait, intervient-elle dans un grand sourire de tapineuse, je demandais justement à Poulpinet ce que vous faisiez ici, à la capitale.
— Nous fuyons l'esclavage, très chère ! Vous avez de la bière ?
— Tiens. Et où étais-tu ce matin ?
— Chez le prince Ambar.
Elle appuie son menton sur sa paume et soupire :
— Il est beau à s'en damner, le prince...
— Mouais... Je ne veux pas casser tes rêves mais je te rappelle que tu es une gnome, Tiny.
— Et alors ? J'ai déjà bien eu des liaisons avec des astres !
Oh. Je préfère ne pas imaginer la chose. Les astres sont vraiment un peuple bordélique !
— Mais au fait, Tiny, le prince m'a parlé de plusieurs pères. Que voulait-il dire par là ?
Poulpinet hausse les épaules :
— Peut-être que la reine avait plusieurs amants ?
— Il va vraiment falloir que je t'explique deux-trois détails sur le sujet, Poulpinet. Il n'a forcément qu'un seul père.
— Pourquoi ?
Je me détourne de lui pour obtenir une réponse de Tiny : inutile de se perdre dans une conversation stérile !
— En fait, explique-t-elle tout en reluquant ses longs ongles, Luinil est depuis longtemps accompagnée de certains favoris. Et les doutes sur la paternité de Carnil sont assez encrés à la cour. Si j'ai bien compris, ces privilégiés ont une forte influence sur leur souveraine et son fils. Donc, ce dernier les verrait un peu chacun comme une figure paternelle.
— C'est le bazar dans ma tête, se plaint le gnome d'Onyx.
— Ça l'est encore plus chez les courtisans. Chacun tente de comprendre de qui est réellement Ambar. Honnêtement, je pense que le père est l'Empereur.
Morgal ?!
— Mais Luinil le déteste, non ?
— Ouais. Mais on la connait, elle sait quand il faut écarter les jambes.
— Mais c'est insensé, murmuré-je.
Tiny s'accoude à la table et se penche vers moi pour lâcher dans un chuchotement :
— À ton avis, Binou, quelle est la place de la femme qui contrôle les sentiments de l'homme le plus puissant du monde ? Luinil vendrait son âme aux démons pour gouverner.
Je déglutis : elle a bigrement raison !
Mais est-ce qu'Ambar ressemble à Momo ? Je n'ai pas assez analysé son visage...
Et puis je me souviens brusquement des paroles de Luinil et du chef d'espionnage : un objectif, un sacrifice... C'est vraiment pas reluisant toute cette affaire !
Je demanderai à mon maître ce soir. En attendant, questionnons encore madame feu-au-cul :
— Et l'Empereur, tu l'as déjà vu ?
— Non. Il porte toujours un masque. Mais tout le monde sait qu'il l'enlève et qu'il s'infiltre parmi les courtisans, telle une ombre. Il murmure des sombres incantations aux oreilles des convives sans que ceux-ci ne s'en aperçoivent, il les ensorcèle jusqu'à ce que tous tombent dans sa toile sombre de perfidie ! Ceci dit, cela permet aux astres de le chercher à chaque réception. C'est un peu comme un jeu de cour : avoir pu s'entretenir avec l'Empereur et obtenir ses faveurs. Résultats, beaucoup d'hommes se font passer pour lui pour séduire ou proposer d'autres genres d'accords.
— Et Carnil dans tout ça ?
— Toujours le même. Il s'allierait aux astres de Lombal pour se débarrasser de l'Empereur. Mais il perdrait son fils en trahissant ainsi Luinil. Et tout le monde sait qu'il adore Ambar. Finalement, c'est peut-être lui le vrai père. Ou Nim. Il est toujours avec la reine, celui-là...
Elle s'étire dans un couinement de souris et se lève tout en tendant la main à Poulpinet.
— Tu m'accompagnes ?
Ce n'était pas vraiment une question. Le gnome d'Onyx se lève pour la rejoindre mais je le rassis de force à mes côtés.
— Poulpinet reste avec moi, décrété-je fermement.
— Comme vous voulez, les garçons... À ce soir !
Elle nous quitte, à peine frustrée, tout en remettant de l'ordre dans sa longue chevelure bleutée.
— Mais... proteste mon compagnon.
— Je viens de t'éviter un moment très gênant, alors remercie-moi.
Il lève un sourcil, sans comprendre. Encore une fois, j'abandonne.
— Elle avait l'air bonne, soupire-t-il.
— Pardon ? déglutis-je.
— Je n'ai pas égorgé quelqu'un depuis des lunes !
— Mais on ne tue pas les gens comme ça !
— Ah ?
Je secoue la tête pour chasser l'image du gnome dévorant Tiny, une serviette autour du coup et des couverts dans chaque main.
— Écoute, Poulpinet. Il est temps de se mettre à notre mission.
— Et c'est toi qui dis ça ? Où étais-tu hier, hein ? À part culbuter Tiny, te faire dévorer et finir hospitalisé dans le lit de la Reine Vierge, je ne vois pas ce que tu peux rajouter de crucial !
Je rougis malgré moi. C'est vrai que ça n'a pas été très fructueux en termes d'indices.
— Et toi ? Qu'as-tu trouvé de si palpitant ?
— Suis-moi.
Je lui emboite le pas hors de la cuisine, curieux de ses découvertes. Sans vérifier si je le suis, il passe par une fenêtre ouverte et commence l'escalade.
— Heu... Poulpinet...
Il ne prête aucune attention à ma perplexité et continue de se hisser sur la façade. Je lâche un grognement bien senti et me lance à mon tour. Petit à petit, le sol s'éloigne de nous jusqu'à devenir lointain. Je m'agrippe aux corniches et aux ferronneries pour me hisser toujours plus et bientôt, nous atteignons les toits. Le dôme s'élève derrière nous avec majesté. Mais c'est vers la forêt de donjons que se dirige mon compagnon. Nous poursuivons notre chemin sur l'arrête du bâtiment.
— Nous allons nous faire voir ! préviens-je.
— Non, rétorque-t-il en secouant sa petite queue de cheval, j'ai analysé tous les postes et tours de gardes et en ce moment, nous avons la voie libre uniquement par cette route.
— Quelle est notre destination ?
— Çà.
Il pointe du doigt la coupole de la plus haute tour.
— C'est une plaisanterie ?
— Absolument pas, ricane-t-il, mais ne t'inquiète pas : les pierres sont assez bosselées pour trouver des prises jusqu'au faîte.
— Je vais glisser et m'écraser dans les jardins !
— Je pourrais récupérer ton matériel de torture ?
J'écarquille les yeux.
— S'il te plait, Binou...
— N... Non ! Et pas touche à mes bouteilles aussi !
— Tu devrais arrêter de boire.
— Heureux de savoir que tu te soucies de ma santé !
— Si tu es ivre pendant une mission, je risque d'y passer aussi.
— Bah tiens, je me disais aussi.
— D'ailleurs, si ça arrive, récupère mon Onyx, merci.
— Ton quoi ?
Il ne me répond pas, trop occupé à grimper le long des murs de soutien. On s'attaque alors à l'immense donjon. Rien que de me tordre le cou pour percevoir sa hauteur me donne des sueurs froides. Allez, du courage, Binou ! Mais ceci-dit, s'il n'y a rien d'intéressant là-haut, j'égorge Poulpinet après lui avoir arraché la voute plantaire.
Je plante mes poignards entre deux pierres et réitère le geste jusqu'à m'élever indéfiniment. Heureux de faire de l'alpinisme ! Comme si je n'avais pas d'autres soucis à gérer ! Je dois savoir ce que mijote la Reine Vierge et Nim et surtout trouver un moyen de dérober la bague d'argent. Parce que je n'ai guère l'envie de saluer ce si aimable Fimou. Qu'est-ce qu'une bague peut bien faire : sceller une lettre ? Contenir un artefact extrêmement puissant ? Je n'en sais strictement rien mais je me vois mal aborder Morgal comme ceci :
— Bonjour Majesté, auriez-vous l'amabilité de me prêter votre bague en vue de la donner à votre potentielle progéniture ?
Non mais honnêtement, c'est du gros n'importe quoi le Cosmos, en ce moment. Y a un mélange foireux de technologie et de magie. Ça pue la merde ! En plus de ça, je ne reconnais plus mon maître : d'accord, il est toujours attiré par le pouvoir mais je ne l'ai vu à aucun moment faire preuve de violence. Ce n'est pas normal. Et de plus, j'ai l'impression qu'il a noué des liaisons avec d'autres femmes, ce qui est impensable en le connaissant. Hein, c'est qui cette Indil ? Une sorte de femme créée pour le satisfaire ? Et d'après Tiny, il profiterait de son statut d'Empereur pour soumettre Luinil à ses désirs. Alala, tant de perversité me fatigue. Et... Et il me reste plusieurs dizaines de mètres à gravir jusqu'à la prochaine fenêtre ! Poulpinet, je boirai mon prochain whisky dans ton crâne étroit !
D'ailleurs, où est Féathor dans cette histoire ? Il serait le premier à prendre la défense de sa chère maman...
— Poulpinet ?
— On y est presque, Binou ! rit-il comme si l'expérience l'enchantait.
Je le vois disparaitre par une meurtrière. Il me faut moins d'une minute pour le rejoindre. Essoufflé, je m'affale comme une larve sur l'escalier en colimaçon. Ma poitrine se soulève à un rythme effréné et mes cheveux sont humides de sueur. Même s'il partage mon état, le gnome d'Onyx trépigne d'impatience.
— Debout grosse limace !
— Je meurs.
— Allez... Si je te disais que ta Nalpalyre était là-haut.
Mais c'est pas vrai ! Tiny lui a tout raconté ! Je vais tuer cette petite peste.
— Je prendrais le chemin inverse. Si Püpe m'aperçoit, elle serait capable de m'éviscérer !
— Oh... Je croyais que...
— Pas du tout ! elle a tenté de m'enfoncer une dague dans l'œil, la dernière fois !
— C'est mignon de te voir nier qu'elle te manque.
— TA-GUEULE, Poulpinet, t'en sais rien, t'es qu'un crétin de gnome d'Onyx. T'as pas la moindre idée de ce qu'on peut ressentir pour quelqu'un ou de ce qu'on ressent lorsqu'on nous abandonne à notre sort !
Je vois ses sourcils pivoter vers l'extérieur dans une expression de tristesse : je l'ai blessé mais je m'en moque. En ce moment, la seule chose qui m'importe est l'absence de ma femme. En fait, j'ai beau me mentir pour sauver mon orgueil malmené, je donnerais tout pour la voir encore une fois, de la sentir comme avant. De tout recommencer.
Je me renfrogne comme un adolescent immature et lui tourne le dos.
— Binou, hasarde-t-il en s'approchant de mon épaule, je ne veux pas t'alerter mais nous n'avons pas toute la journée. La relève ne va pas tarder à arriver.
Je soupire d'agacement et me lève pour finir l'escalier à ses côtés.
Une porte se présente à nous. Tiens donc ! La voilà fermée. Je ne m'y attendais pas ! Poulpinet se penche devant la serrure et enfonce des petits crochets pour la déverrouiller.
On ne pourrait pas inventer un sort qui ouvrirait toutes les portes sans se casser le dos ? Et si la bague que l'autre hurluberlu recherche ouvre un coffre, ou quelque chose du genre ? Ce n'est pas une bête idée...
Enfin, le battant s'ouvre et nous arrivons dans un petit observatoire. Des lunettes astronomiques s'allongent vers la coupole de verre alors que des cartes jonchent les bureaux et les rebords de la bibliothèque.
— Qu'as-tu trouvé ? demandé-je enfin à mon frère d'arme.
— Ceci.
Il débarrasse un fatras de papiers et dégage un énorme coffre. Il l'ouvre et dévoile son contenu sans cérémonie. Je me penche au-dessus et découvre une sphère bleuâtre, emprisonnée dans un branchage de gemmes.
— C'est beau mais... qu'est-ce que c'est ?
Sûrement pas un objet de grande valeur sinon, il ne serait pas là.
— L'arme de Lombal !
— La quoi ?
Il souffle d'exaspération et croise les bras sur sa poitrine :
— Tu ne t'es vraiment pas informé, ces dernières années !
— Non, pas vraiment.
— L'arme de Lombal est le premier prototype d'annulation valique à haute portée.
— Redis-le normalement.
— Eh bien il suffisait d'enfoncer la lame liée à la sphère dans le cœur de la victime pour capter toute la magie et en dépourvoir son propriétaire. Mais la lame a été brisée suite à la bataille de Maylë en terres d'Olorë. Elle a permis au roi Carnil de retirer tous les pouvoirs de notre maître. Enfin... l'espace d'une année.
— D'accord, il m'en avait parlé, en effet... Et en quoi le reste de cette arme est-elle si importante pour notre mission ?
— Parce qu'elle est la preuve que le roi Carnil va tenter une alliance avec Lombal pour évincer l'Empereur !
— ?
— Regarde !
Il saisit la sphère dans ses mains et me la tend.
— Heu... ça ne brûle pas ?
— Mais non !
J'attrape le globe translucide et observe l'intérieur. D'infimes particules multicolores gravitent à l'intérieur. Je distingue enfin des bribes de scènes qui me laissent perplexe.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Des souvenirs de ce qu'il s'est passé. Mais en fait, la sphère a été vidée de sa magie.
— Pour quoi faire ? interrogé-je sans comprendre grand-chose.
— Pour ce qu'il y a derrière cette porte.
Je me retourne et distingue une grille qui donne sur une pièce obscure.
— Inutile de te préciser qu'elle est protégée par un sort du roi en personne. Quiconque tente de l'ouvrir se retrouvera incinéré en plus de déclencher l'alerte !
— Ah... Et à ton avis, qu'est-ce que cette porte cache ?
— Un relais. J'ai vu les mages de Carnil travailler toute la nuit pour confectionner cette étrange machine. Ils ont extrait la substance magique de l'arme de Lombal et l'ont installée dedans après avoir augmenté ses effets.
— Et cette machine relais est reliée à Lombal ?
— J'imagine. Il doit y avoir plusieurs relais dans le pays. Et lorsque la source-mère est activée, un flux d'énergie traverse toutes ces machines pour ensuite créer un dôme insensible à la magie. C'est un moyen pour Arnil de réduire le royaume de Fanyarë sous son contrôle. Car faut admettre que les astres d'Arminassë sont très peu développés technologiquement.
— Et donc Carnil l'aiderait à mettre la main sur son propre fief ? ça ne tient pas debout.
— Ils ont dû passer des accords ensemble... Bon, on ouvre cette porte ?
— Après toi, mon cher Poulpinet.
Il secoue la tête tout en agitant sa queue de cheval et s'avance vers la grille. Aïe, je crains le pire.
— Tu as peur que je meure ? demande-t-il en examinant la serrure.
— Un peu.
Il glousse quelques secondes avant d'insérer les pinces métalliques dans le loquet. Comme cela ne semble pas fonctionner, je le vois s'énerver contre la grille, crochetant n'importe comment le verrou.
— Att...
Ma phrase meurt dans ma gorge lorsqu'un terrible éclair fulgurant traverse la pièce. Poulpinet tombe à la renverse, je le rattrape avant qu'il ne s'écrase contre le plancher.
Ces cheveux châtains sont désormais crépus et dressés sur sa tête, ce qui lui donne plus un air de balayette qu'autre chose.
Il se redresse, encore parcouru de petits éclairs douloureux et tente de tenir sur ses pattes. Finalement la porte est bien ouverte.
— Et le sort qui était sensé te réduire en cendres ?
— Cela aurait été le cas si j'avais eu un Vala actif. Allez hop, entrons.
Il traverse la porte sans complexe. Après quelques hésitations, je descends la marche et me retrouve dans une sorte de laboratoire étrange où s'enchâssent des objets dont la nature m'échappe complètement. Tous convergent leurs fils et leurs tuyaux vers une grosse machine métallique qui tousse d'étranges vapeurs noires. Sympathique !
— Je dois admettre que tu avais raison, Poulpinet, reconnus-je en contemplant toujours le monstre de métal.
— Tu me lanceras tes éloges lorsque nous aurons désactivé le piège.
Il contourne la machine comme s'il savait ce qu'il cherchait et ajoute :
— À mon avis, ils vont tenter de l'activer ce soir, lorsque l'Empereur sera présent. Sans ses pouvoirs, il est très aisé de le supprimer.
— Merci pour le filon.
— Ah non, interdit d'assassiner notre maître !
— Pourquoi ? Nous serions libres.
— Si l'Empereur décède, toute sa création suit.
— Oh...
J'ignorais que tous les gnomes et elfes d'Onyx dépendaient ainsi de Morgal. Mais je serais tout de même curieux de le voir sans ses pouvoirs. D'après ses dires, cela est arrivé il y a quelques années à cause de l'arme de Lombal.
Je reporte mon attention sur mon coéquipier qui s'amuse à pousser les leviers et appuyer sur n'importes quels boutons. La machine a plus l'allure d'une grosse pieuvre qu'autre chose : d'énormes tentacules de métal rejoignent une étrange capsule où une cuve transparente renferme une sphère étincelante.
— Tu vois la turbine en haut ? Il faudrait pouvoir la retirer et partir avec. À cette hauteur, ils ne se rendront pas compte de sa disparition.
Je hoche la tête et grimpe sur l'énorme engin, accompagné du gnome d'Onyx. Lorsque nous atteignons le faîte, six mètres plus haut, nous dévissons la turbine avec précaution. Elle n'est pas bien grosse, il sera donc pratique de repartir avec.
Mais des voix retentissent de la bibliothèque.
— Qu'est-ce qu'on fait ? chuchoté-je à Poulpinet.
— Inutile de descendre, l'alarme a été donnée dès que la porte s'est ouverte.
Je regarde autour de moi pour trouver une cachette digne de ce nom et lève la tête vers la charpente. Comme s'il avait compris mes pensées, mon compagnon saute sur la poutre la plus proche. Nous nous calons inconfortablement entre le toit et un arbalétrier en espérant de rester discret dans notre pénombre.
Enfin, des astres pénètrent dans le laboratoire. À en juger leurs uniformes, il s'agirait de soldats ou des membres d'une organisation spéciale.
— Qui aurait eu vent du relais ? demande sourdement un des hommes.
— Les espions sont partout. Peut-être l'un d'entre eux a-t-il aperçu les scientifiques, cette nuit et a su s'immiscer pendant la relève ?
— Il serait encore ici. Personne n'est descendu par les escaliers ni par l'extérieur.
Je me crispe contre Poulpinet, sentant la sueur dégouliner dans mon dos. Pourvu qu'ils n'inspectent pas toute la pièce.
— Rejoignez Nim et prévenez-le que l'alerte a été donnée. Je me charge de garder la porte avec Hurdge.
Le reste du groupe obéit et disparait par l'embrasure de la porte.
Donc, si j'ai bien compris, il ne s'agit pas de soldats de la garde royale mais plutôt de l'escadron d'espionnage. Intéressant. Cela signifie que Nim est aussi à la solde de Carnil.
— On descend ? demande Poulpinet dans un murmure.
— Il y a encore deux gardes !
— T'as une dague ?
— Oui mais...
— Alors la question ne se pose pas.
Sur ce, il glisse souplement de la poutre et se réceptionne comme un chat sur le sol, sans le moindre bruit. Conscient que je ne partage pas son agilité, je m'aide des saillies entre les pierres pour descendre.
Poulpinet m'attend en retrait. Mon cœur tambourine dans ma cage thoracique et mes jambes sont prises de légers tremblements : si nous échouons, nous mourons.
Tous deux, nous nous approchons silencieusement des deux gardes, la lame au poing. Dans leur conversation, ils ne prêtent pas attention à leurs arrières. Petite erreur qui ne pardonne pas.
D'un commun accord, nous nous élançons sur nos cibles et enfonçons nos lames dans le défaut du casque, au niveau de la nuque. Aussitôt, les espions s'affalent dans un immonde gargarisme sanglant.
Finalement c'était plus simple que prévu. Je regarde le liquide vital s'écouler de la gorge du cadavre : voilà mon appétit coupé. Ce qui n'est pas le cas de Poulpinet qui lèche son poignard.
— Ah, fais pas ça, c'est répugnant.
— Je fais ce que je veux.
— Bon... On pourrait peut-être se tirer ?
— Tu as la turbine ?
— Oui.
— Alors ne perdons plus une seconde.
Nous sortons du laboratoire puis de la bibliothèque et regagnons notre lucarne alors que le corps des astres se désintègrent derrière. Une telle descente ne m'enchante absolument pas !
En tout cas, si l'alerte est donnée, tout le palais sera mis sous haute surveillance. Comme si on avait besoin que cela se complique !
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