Chapitre 74

Comme le lendemain d'une soirée un peu trop arrosée, je tangue d'un pied sur l'autre, un peu barbouillé.

Je dois rejoindre mes amis en espérant qu'ils soient tous saufs.

— Binou.

Je me retourne vers la princesse Indil :

— Madame ?

— Merci, tu as été parfait jusqu'au bout.

Je lui réponds par un sourire gêné. C'est pas comme si j'avais été mis au courant de tout ce qui se tramait, hein ? On m'a bien utilisé, mine de rien.

Mais comme la princesse me gratifie d'un charmant baiser sur le front, j'accepte de lui pardonner.

Son affection pour moi n'a pas l'air de plaire à son détestable fiancé arrogant qui lui fait signe de le rejoindre.

De leur côté, Sanar et Anarrima sont bien trop occupés par leur fils convalescent.

Je salue Féathor alors que Narlera me prend dans ses bras, heureuse de me retrouver. Pfiou, que d'émotions mais je dois vérifier que les autres gnomes ne gisent pas dans une mare de sang.

— Tu ferais mieux d'éviter de prendre les couloirs principaux, me conseille Tronche Parfaite.

— Pourquoi cela ?

Le fils de mon maître se mord la lèvre avant de soupirer :

— J'imagine que c'est encore à mon tour d'empêcher un massacre.

Je fronce les sourcils d'incompréhension.

— Les elfes d'Onyx, retenus dans les casernes souterraines, viennent de se soulever contre les astres de Lombal. Or, avec la surcharge que nous avons causée, les astres ont leurs sapiors désactivés. Autrement dit, ils risquent de se faire torturer puis massacrer.

— Mais vous avez un ascendant sur la création de votre père ?

— Oui, j'ai été nommé intendant de ses armées et je prends la place de roi durant son absence.

— Oooh... Et par pur hasard, vous saurez réactiver un gnome d'Onyx si vous possédez sa pierre d'Onyx ?

— Oui...

C'est parfait, ça ! Il va pouvoir ressusciter Poulpinet !!

Tout guilleret, j'emprunte les coursières extérieures par lesquelles j'étais apparu et trottine vers les terrasses du palais. Püpe et Tiny ne sont plus présentes sur les lieux, à l'instar de leurs adversaires.

J'espère qu'elles vont bien...

— Elles sont saines et sauves, si tu veux le savoir.

Je me retourne vers Ravénor, perché sur un clocheton finement sculpté.

— Vous voilà, vous !

— Me voilà...

— Vous vous êtes servi de moi !

— Pour administrer la drogue à Malgal et lui empêcher le transfert d'âme ? Possible...

— Que cherchiez-vous dans toute cette affaire ?

L'ange secoue ses longues ailes rouges en soupirant :

— Je voulais avant tout empêcher la victoire d'Arnil. Mais surtout, je tenais à ce que les deux frères soient réunis.

— Bah bravo, ils sont réunis au fond de la mer, maintenant. Très utile !

Et personnellement, je doute que Morgal ait eu assez de force pour se téléporter avec son frère.

— Ne soit pas désobligeant, Binou, c'est très mal connaitre ton maître que de penser cela.

— Oui, oui...

À mon tour, je pousse un long soufflement, comme pour décompresser une bonne fois pour toute. C'est fini. Fini toutes ces histoires sans queues ni-têtes qui m'ont pourri le quotidien. Cette aventure finit en même temps que cette journée trépidante ; le soleil disparait derrière l'horizon tourmenté et les quelques rayons qui parviennent à percer les nuages éclairent faiblement la cime du palais impérial avant de s'éteindre à leur tour.

Mes oreilles fatiguées perçoivent tout de même l'échos des armes, dans les salles du palais ; les astres doivent dresser une résistance contre les elfes d'Onyx, bien que leur roi soit mort. Ils ne tarderont pas à se rendre.

Au-dessus des quartiers du Chœur, d'énormes vaisseaux décollent dans des vrombissements sourds.

— Où vont-ils ? interrogé-je.

— Ils partent à Arminassë pour expulser définitivement les astres de Lombal.

— La reine est en vie ?

— Elle va bien. Ambar aussi.

— Et Arquen et Nim ?

— De même. Le couple royal leur doit une fière chandelle. Carnil et Luinil seraient probablement morts sans le courage de ces deux hommes.

— Mais j'y pense ! Laïdjha et Silovan se sont enfuis !

— Pas pour longtemps...

— Si vous le dites...Vous êtes tout de même un moine étrange, Ravénor.

— C'est le cas.

— Vous êtes bizarre mais je ne vous déteste pas.

— Ça tombe bien ; je te ramène sous le bras.

Ma respiration stoppe net :

— Hein ?!

— Je suis navré mais c'était déjà prévu.

— Prévu de quoi ? De me raccompagner aux enfers ?!

Il fronce innocemment les sourcils :

— Non, pas du tout, je t'emmène avec moi au monastère du Pallar, en terre d'Olorë.

— Un monastère ?

— Oui, ça te fera le plus grand bien !

Mais... Mais quoi ?! Il se moque de moi !

— Tu en sais un peu trop, Binou. On va attendre que les choses se tassent un peu et surtout qu'on te retire l'entité qui te dévore les intestins en ce moment.

—...

— Ne t'en fais pas, la vie de moine t'ira très bien ! Le novice Binou ! Cela sonne mal mais ce n'est guère étonnant, après tout.

— Mais...

— Allez, faut pas trainer ! De nouvelles aventures, t'attendent, Binarvivox ! Et les prochaines commenceront dans la cellule d'une abbaye !

Mais non, je ne veux pas, moi ! Est-ce que j'ai mon mot à dire dans cette affaire ou pas ? Je crains que non.

Oh et puis merde, c'était prévu que ça partirait complètement en quenouille. J'en ai assez !

Il y a cependant un point positif dans cette affaire :

Les monastères ne servent-ils pas les meilleurs alcools ?

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