Chapitre 48

Les orchestres battent toujours leur plein lorsque je me réveille, dans un couloir désert du palais. L'équipe de nettoyage a dû m'installer là pour ne pas que je gêne le passage. Fernéo, tu as intérêt à te cacher pour le restant de ta vie, car je jure devant le Créateur que je vais t'accrocher dans une salle de torture et te dépecer de ta peau d'endive. Au moins, toute cette histoire a eu l'avantage de me dessouler. Malheureusement, la douleur est encore présente, à cause de ma chute. Rhaaa, je suis encore plus irrité du fait que c'est cet incapable qui m'a fait ça.

Enervé, je me lève et claudique jusqu'à l'extrémité du couloir. Là, une jolie petite tribune donne directement sur l'immense salon principal. Les courtisans dansent dans un panel de couleurs vives ; c'est magnifique. Cependant, je ne croise pas de têtes connues... Ah si ! La reine, accompagnée de Djoïk, discute calmement avec quelques nobles. Son garde du corps, toujours aussi imperturbable, observe les moindres recoins de la pièce, prêt à parer n'importe quel attentat.

Pas de trace de Carnil, de Morgal ou même de son fils. Faut dire que les masques sur les têtes n'aident pas vraiment.

Une délicieuse odeur monte à mes narines, venant des banquets. L'eau à la bouche, je descends l'escalier et rejoins ces si jolies tablées.

De toutes façons, aucun risque qu'Arquen me sermonne : il doit déjà s'être trouvé une tripotée de nanas pour égayer sa soirée.

J'aperçois la reine s'écarter des pistes de danse et venir s'asseoir sur une tribune où l'attendent de confortables fauteuils. De là, elle peut contempler sa cour et personne ne peut la rater ; même écartée du pouvoir, Luinil tient à rester LE monarque d'Arminassë dans la pensée de toute l'aristocratie astrale. Aucun doute que dès l'accouchement passé, elle reprendra les rênes du pays, quitte à assassiner son mari. Et je crois que l'affection qu'Ambar voue à son père adoptif ne suffira pas pour l'arrêter, cette fois. Il n'y a pas de plus grand affront pour elle d'être écartée de ce dont elle est faite. Rien que de la voir, sur son siège, avec son bâton astral en main, dissuaderait tout autre souverain de la provoquer. Bon, sauf Momo, mais là, c'est une autre affaire.

Mu par la curiosité, j'attrape un plateau au hasard et la rejoins sur son piédestal afin d'en connaitre plus sur ses intentions. De toutes façons, je suis sûr que tous les nobliaux à ses côtés l'ennuient mortellement.

— Binou ! s'exclame-t-elle avec un grand sourire, je n'arrive toujours pas à m'habituer à ta couleur de cheveux.

Oulah, oui moi aussi.

— La soirée se passe-t-elle bien pour vous, Majesté ?

— Pour tout t'avouer, me chuchote-t-elle à l'oreille, ça m'ennuie sérieusement d'être là. Mais c'est indispensable pour mon rang ; il ne s'agit pas de faire oublier qui est le maître ici.

— Vous avez raison.

Elle soupire et resserre sa main sur la hampe magique.

— Où est votre mari ?

— Lequel ?

— Ben, les deux...

— Carnil avait une affaire de dernière minute à régler. Quant à Morgal, il m'en veut. Tu ne peux pas savoir à quel point il me met une pression infernale pour que je rejoigne le Chœur, ou pire, Calca.

— Ce sera bien le prix pour devenir impératrice, Majesté.

— C'est vrai. Je dois trouver une solution pour ne pas abandonner mon peuple et finir sous la coupe de ton maître.

— Vous parlez de lui comme s'il était votre geôlier, gloussé-je.

— Penses-tu ? Il veut appeler mon fils Armal ! C'est un nom d'elfe, ça !

— Vous avez donné le nom de votre choix à vos deux premiers fils, à lui de choisir. Avec Püpe, on alternait, même si la plupart du temps, je m'absentais le temps de toute la grossesse et donc c'était à elle d'improviser.

— Tel maître, tel esclave.

Je hausse les épaules et envoie un clin d'œil à Djoïk pour essayer de le dérider. Échec, bien entendu. La reine reporte son attention sur ses invités impatients et leur offre ses sourires si ensorcelants.

Un désagréable son aigu me fait soudain tourner la tête : c'est comme un grésillement métallique qui parvient à couvrir l'écho des orchestres. Pourtant, je semble être le seul à l'entendre. Peut-être que mes longues oreilles parviennent-elles à capter les sons plus en profondeurs ?

C'est horrible, ça augmente, je deviens fou. Instinctivement, je porte les mains à mes oreilles mais rien n'y fait, le son empire.

— Binou ? s'interroge Luinil, tout va bien ?

— Je... J'entends un grésillement atroce.

Immédiatement, le garde du corps intervient :

— Majesté, suivez-moi.

— Que se passe-t-il, Djoïk ?

— Je n'ai pas le temps de vous expliquer, ma reine, mais si seul le gnome peut entendre, c'est que ce n'est pas bon signe.

L'astre relève sa souveraine par la main et la guide vers les escaliers de la tribune. Je leur emboite le pas, voulant moi-même échapper à cette désagréable sensation. Mais quelque chose cloche, c'est certain.

Et puis brusquement, tout s'arrête. Les vitres du salon ainsi que les verres explosent en éclat. Une lumière aveuglante m'éblouit, comme si un torrent de feu déferlait dans la salle. Une explosion digne d'une éruption volcanique balaie le palais dans toute sa profondeur. La ville entière semble se désintégrer sous ce flot irradiant. Pourtant, aucune douleur, ni même sensation de chaleur ne me touche. Seuls les cris de panique des convives me lacèrent les tympans. Je devine sans mal une bousculade se créer et l'affolement s'emparer de chacun.

Le vrombissement de moteurs me fait lever la tête. Merde... Des lumières blanches venant de vaisseaux balaient les pièces du palais, tel le regard d'une bête affamée.

On dirait que Lombal veut se joindre à la fête...

Mais que fait la milice royale ?! Oh mon Dieu... Je comprends enfin... Je crains que Carnil ne soit pas étranger à cette intervention. Plus le temps de comprendre pourquoi, faut se tirer.

Je me tourne vers la reine. La pauvre a été violemment propulsée contre un mur. Djoïk la relève en vitesse et l'entraine dans sa retraite. Sans hésiter, je m'élance derrière eux, le ventre noué. La sueur commence déjà à perler sur mes tempes et dans mon dos à fur et à mesure que je les rejoins.

Mais alors qu'on courait pour échapper à la menace, une dizaine d'hommes brise le cadre du plafond de verre et nous barre le chemin.

Équipés d'une étrange armure lisse, ils portent des désintégrateurs en joue, prêt à détruire leur cible. D'un geste expert, Djoïk dégaine sa hache et fait glisser le bouclier qui recouvrait son dos sur son bras.

— Courrez, Majesté, je m'occupe d'eux.

— Djoïk...

— Fuyez !

J'attrape la main de la reine et la tire avec moi. Pas le temps de s'attarder sur le sort de l'astre... D'un regard en arrière, je l'aperçois affronter ses ennemis dans de monstrueux coups qui ne pardonnent pas.

La reine et moi, nous courons à en perdre haleine dans les couloirs du palais, désertés de tout alliés. Les astres de Lombal ont déjà dû rassembler la population pour la surveiller car la totalité des quartiers sont envahis par leurs patrouilles et leurs détecteurs. Ils ont frappé fort, on ne peut pas le nier. Ils ont probablement attaqué le palais sur tous ses flancs en même temps. Pourvu que mes amis et Püpe soient toujours de ce monde... Quoiqu'il en soit, ils craignent moins que la maîtresse de mon maître.

— Les passages secrets ! souffle Luinil.

Elle stoppe brusquement devant un pan de mur banal mais rien ne s'opère. La magie ne sort même plus de ses mains graciles.

— Un bouclier anti-valique... murmure-t-elle.

Nom de...

Plus une minute à perdre. Nous continuons notre route sans savoir dans quelle direction nous diriger. Parvenus à une intersection, nous ne tardons pas à nous faire encercler. Je sors la dague de ma botte, prêt à riposter. Mais en face, les guerriers parés de combinaisons et d'armes technologiques ne craignent pas grand-chose. Luinil dévisse le pied de son bâton, découvrant une longue lame tranchante.

— Lâchez vos armes ! tonne une voix irréelle, lâchez ou on tire.

Ils ne toucheront pas la reine mais moi par contre...

Des déflagrations retentissent et je ferme les yeux, comme si ça pouvait me sauver. Mais ce sont les astres de Lombal qui s'effondrent ; Morgal, avec une arme de tir dans chaque main, esquive les balles et met à terre l'adversaire dans un calme effrayant. Bientôt, pas un ne survit à cette intervention meurtrière.

Lorsqu'il parvient jusqu'à nous, il transperce Luinil du regard :

— La prochaine fois, tu m'écouteras avant de n'en faire qu'à ta tête, lui murmure-t-il les dents serrées.

— Morgal, il faut nous téléporter.

— JE NE PEUX PLUS ME TÉLÉPORTER ! hurle-t-il sur sa femme, ILS VIENNENT DE PULVÉRISER TOUTE ACTION À PORTÉE MAGIQUE SUR LE ROYAUME À CAUSE DES RELAIS !

Elle blanchit devant le désastre qui se profile.

— Ils ne nous reste qu'à atteindre les navettes du palais, déclare-t-il d'un ton plus calme, c'est notre dernière chance.

Luinil hoche la tête et d'un commun accord, nous nous remettons à courir en direction des terrasses d'atterrissage. Nous longeons les vastes arcades alors que les vaisseaux de Lombal patrouillent dans le ciel sans rencontrer la moindre résistance. D'énormes néons percent l'obscurité de la nuit, à la recherche de la reine. S'ils mettent la main sur l'Empereur... Je n'ose même pas imaginer ce qu'il se passerait...

La fin du passage se présente à nous : une immense cour découverte nous sépare de l'ascenseur qui nous conduira aux pistes.

— On n'a pas le choix, assure Luinil.

— C'est trop dangereux ! rétorque mon maître, il faut passer par l'intérieur !

— Nous n'avons plus le temps !

Décidée, la reine s'engage en courant dans la cour, aussitôt suivie de l'elfe. Plus la peine de tergiverser : le salut se trouve en haut de l'ascenseur. Nous traversons tous trois le vaste espace et par miracle, aucun ennemi ne nous repère.

C'était sans compter mon maître qui chute brusquement sur les dalles dures.

— Morgal ! s'exclament Luinil en stoppant.

Je m'arrête devant lui pour vérifier qu'il n'est pas blessé. Il tente de se redresser mais ses jambes ne répondent plus. Oh non... Un troisième essai avorté et il abandonne.

— Continuez sans moi, souffle-t-il, je ne pourrai jamais marcher sans ma magie...

Quel désastre ! Je n'aurais jamais le temps de réactiver son système ! Le voir ainsi à terre, tel un insecte à qui on aurait arraché les pattes, me retourne complètement.

— On ne peut pas vous laissez là, Majesté, m'écrié-je.

— Binou... Emmène Luinil, et prends ça...

Il sort un objet métallique de son manteau et me le tend. Son sapior...

— Apporte-le à Malgal, il saura quoi faire. Mais je t'en conjure ; n'échoue pas.

Je hoche vivement la tête et pousse Luinil vers l'ascenseur. Déjà, des dizaines de lumières se stabilisent sur le corps immobilisé de l'Empereur ; des navettes s'apprêtent à se poser dans la cour pour mettre la main sur la personne la plus puissante de la dimension.

D'un geste sec, je referme la porte de l'engin cubique derrière nous après avoir activé le contre-poids. Nous montons dans une désagréable sensation d'angoisse. De notre petite prison, nous parvenons à voir les astres envahir la cour et entourer Morgal. Luinil se pince les lèvres, le visage figé par la peur et la colère.

— Le bébé tient le coup ? demandé-je doucement alors que nous poursuivons notre ascension.

— Je... Je ne sais pas... J'espère...

C'est sûr qu'elle risque la fausse couche dans de telles conditions. Et la vue de son amant s'apprêtant à tomber dans les mains de l'ennemi semble détruire totalement sa volonté de guerrière. Cramponnée à son bâton astral d'une main, elle tient son ventre de l'autre, la respiration coupée.

— On va réussir, assuré-je, je donnerai le sapior à Malgal et tout reviendra dans l'ordre. Votre enfant va survivre, Luinil.

Elle m'envoie un triste sourire ; si sa condition de Réceptacles le lui permettait, elle se serait sans doute mise à pleurer. Je lui fais des promesses que je ne suis absolument pas en mesure de tenir mais si ça peut la rassurer...

Enfin, l'ascenseur arrive au dernier étage et nous débouchons sur une vaste salle circulaire avec des fenêtres pour office de murs. Il doit s'agir d'un observatoire dont la hauteur aurait préservé ses vitres de l'explosion.

Mais de la seule issue possible, une troupe d'astres nous barre le chemin. Leurs armures noires et brillantes les désincarnent totalement, comme si nous n'avions que des machines en face de nous. Cette fois-ci, la reine ne se laisse pas faire ; elle empoigne son bâton à deux mains et se jette sur ses ennemis comme une lionne. Sa lame acérée tranche les combinaisons des hommes dans une violence sanglante. Le sang macule les vitres et les cris d'agonie remplissent la pièce.

— Ne la tuez pas ! ordonne le chef de la milice, il la faut vivante !

Malheureusement pour eux, la souveraine ne l'entend pas de cette manière ; elle saisit un désintégrateur et liquéfie ses adversaires. De mon côté, j'empêche tout encerclement possible. Mais ils sont trop nombreux. Nous n'allons pas pouvoir tenir longtemps.

Et puis, contre toute attente, Poulpinet apparait brusquement, abattant son épée dans la nuque d'un astre trop distrait. Un peu d'aide ne fait pas de mal. À trois dans l'observatoire, nous tenons tête avec toute la volonté qui nous reste. Cependant, je crains que la fatigue ait raison de nous. Luinil est sur le point de s'effondrer. Un homme la saisit violemment par la nuque pour la neutraliser. Il va la tuer ! De son gantelet, une lueur bleuâtre s'échappe dans une vapeur anesthésiante.

Sans hésiter, Poulpinet intervient et lui tranche les tendons pour le mettre à terre. La reine se dégage et reprend sa respiration avec difficulté.

— Désintégrez ces gnomes ! vitupère leur chef.

Je me jette à terre pour éviter tout tir fatal. Ne partageant pas ma peur, Poulpinet s'élance vers les armes mortelles, son épée prête à trancher.

— POULPINET ! crié-je.

La détonation troue mes tympans déjà mis à mal et mes yeux se ferment malgré moi, sans doute pour éviter d'assister à ça.

Lorsque je reporte mon regard sur la scène, une longue trainée rougeâtre s'étend sur plus d'un mètre. Je reste sans voix.

De Poulpinet, il ne reste que le bas de son corps, le buste et la tête ayant été complètement explosés. C'est ignoble. Ce carnage me coupe les jambes sans que je ne parvienne à détacher mes yeux des restes sanglants de mon ami. Choqué, mes membres refusent de bouger ; je plonge en plein cauchemar. Je vais me réveiller, ce n'est pas possible. Les larmes dévalent sur mes joues, obstruant ma vision.

Les détonations continuent pourtant autour de moi mais je ne peux plus me joindre au combat. Je n'ai pas été formé pour assister à ça...

Petit à petit, le silence se fait, les hurlements de douleurs cessent dans des bruits spongieux. Je m'essuie les yeux et découvre la silhouette de la reine, droite, inébranlable.

Elle vient d'exterminer toute une garnison astrale et son regard reste de marbre. La vengeance repeint son visage ; son mascara coulant ainsi que sa longue robe noire déchirée lui donnent l'apparence d'un envoyé de la Mort. Ainsi, elle n'a jamais autant ressemblé à mon maître.

Je me relève maladroitement pendant qu'elle court vers les fenêtres donnant sur la cour.

— Majesté, interviens-je d'une voix tremblante, nous ne pouvons plus revenir en arrière, il faut partir...

— Ils vont l'emmener, murmure-t-elle, lui et mon fils Ambar...

Je m'avance dans l'observatoire et m'arrête devant la dépouille du gnome. Un nuage ne tarde pas à se former autour et à évaporer les restes. De tout ce carnage, il ne reste plus qu'un petit pendentif étrangement ciselé. Sans réfléchir, je l'attrape, et le met dans ma poche auprès du sapior. Je m'approche alors lentement de la reine, craignant que dans sa douleur, elle ne m'accorde le même sort que tous ces hommes.

— Il faut y aller, chuchoté-je sans la brusquer.

J'en profite pour jeter un regard dans la cour : juste en dessous de nous, les néons se sont tous figés sur l'Empereur. Des soldats l'entourent, l'arme au poing. Mais que craignent-ils, de toutes façons ? Morgal ne peut plus rien leur faire... Il est coincé comme un rat.

— C'est de ma faute... gémit Luinil.

— Majesté, il faut partir, insisté-je, je lui ai promis de vous mettre à l'abri.

Elle hoche silencieusement la tête et se détourne de ce triste spectacle... Pour se retrouver face à Silovan.

— Vous ! m'exclamé-je.

— On dirait que je vais mettre fin à plusieurs milliers d'années de règne, ricane-t-il en saisissant un désintégrateur qui trainait à terre.

Mon sang ne fait qu'un tour :

— Non, ne faîtes pas ça !

Sans l'ombre d'un regret, il appuie sur la gâchette et le coup part. Devant la balle foudroyante qui fond sur elle, Luinil porte ses mains à son ventre, comme si ça pouvait protéger son enfant. Mais cela n'empêche par le tir de lui trouer la poitrine. Propulsée par l'impact, la reine traverse les fenêtres dans un éclatement de verre. Son long cri transperce le palais des combles aux caves. Sa chute reste gravée sur ma rétine ; elle se rapproche du sol de plus en plus vite sans que personne ne puisse plus rien pour elle. Les longs tissus de sa robe la transforme en un cygne noir, s'abattant vers la mort.

Tel s'incarne la fin d'une ère.

La reine s'écrase, cent mètres plus bas.

Son corps désarticulé gît sans vie dans la cour, incrusté dans un cratère profond. Ses longs cheveux décoiffés recouvrent son visage aux yeux vitreux alors qu'une mare de sang se répand autour d'elle.

C'est abominable, les choses ne peuvent pas se dérouler ainsi, ce n'est pas possible...

À seulement quelques mètres du cadavre, Morgal regarde sa femme, les yeux écarquillés.

— LUINIL !

Son cri me glace d'effroi.

Il ne peut la rejoindre, ni même ramper jusqu'à elle ; des guerriers, le tirent déjà vers l'intérieur d'une navette. Il se débat comme il peut, mais en vain... La distance ne fait que croître entre lui et son seul amour.

De ma hauteur, je distingue des hommes accourir auprès du corps. Je crois reconnaitre Arquen et Nim. Mais eux aussi, ne tardent pas à se faire maîtriser.

— Binou, je crois que tu as quelque chose pour moi.

Je me retourne vers Silovan. La tristesse ne tarde pas à se faire remplacer par une colère sourde. Rien que de voir la sale gueule de ce type, fier de son acte, décuple mes envies de meurtre :

— Vous mériteriez de pourrir dans une geôle pour l'éternité, grincé-je.

— Il n'y avait plus rien à tirer de la reine, assure-t-il sans le moindre regret, je ne me serais pas débarrassé d'elle si elle m'avait accepté dans son lit cependant.

— Elle attendait un enfant !

— Une créature bâtarde qui était destinée au chaos. Je connais les conséquences d'une union entre deux Réceptacles.

Je recule, guère rassuré devant l'arme pointée de l'astre.

— Bien, Binou, assez parlé ! Donne-moi le sapior de l'elfe ! Il me le faut.

— Toutes mes excuses !

Je me retourne vers la fenêtre brisée, remets ma dague dans son étui et m'élance dans le vide, sous le regard effaré de l'astre. Le vent me gifle le visage mais je ne dois pas fermer les yeux ou alors ce sera ma fin à moi aussi. Comme attendues, les guirlandes festives m'arrêtent dans mon saut et après m'être rattrapé, je maintiens mon fourreau sur la longue décoration, les mains à chaque extrémité et me laisse glisser à toute allure vers le bout de ma tyrolienne improvisée. Mes mèches blanches se plaquent à l'arrière de mon crâne face à la vitesse qui s'amplifie ; j'aurais dû choisir une guirlande plus horizontale...

Devant moi, le mur se rapproche dangereusement. Espérons que je puisse me glisser par la fenêtre ; l'attache est juste au-dessus du cadre. Je serre les dents, le visage marqué par le choc qui va suivre.

Mais brusquement, tout cède. D'une main, je garde le fourreau et de l'autre je saisis la guirlande qui par un mouvement de rotation m'envoie en plein dans la fenêtre. Des bouts de bois et le reste de verre volent en éclat avant que je ne me mange le tapis du couloir.

Complètement sonné, une seule chose me reste en tête : mettre le sapior en lieu sûr.

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