Chapitre 21

La vie à la cour peut se révéler fort palpitante. Par exemple, aujourd'hui, nous avons le droit à une sympathique petite exécution. Toute cela sera fort amusant !

Ici comme partout ailleurs, le sang émoustille les passions. Du sang, du sexe et des sous ! Les trois S qui caractérisaient l'Île des Sirènes avant sa fermeture. Trop de nostalgie pour mon petit cœur...

Par association d'idées, je parlerais bien à Morgal du cas d'Arquen. Peut-être y aurait-il moyen qu'ils renouent des liens après cette tragique dénonciation.

Je longe la balustrade d'un balcon intérieur, en direction de la chambre de la reine. Tiens ! Monsieur-Vêtements-Cauchemardesques discute en bas. Quel dommage... J'attrape le manche de la théière et verse la tisane du haut de mon perchoir. Le liquide encore bouillant ruine totalement sa coiffure nourrie au gel et lui arrache des petits cris affolés. Le voilà qui court dans tous les sens en quête d'une bassine d'eau froide.

Bien fait !

Satisfait, je reprends ma route, le sourire aux lèvres. Il faut bien s'occuper dans ce palais ! Je pousse la porte des appartements de la reine et traverse le boudoir, toujours mon plateau sur les bras.

Le petit-déjeuner est servi ! Moi aussi je voudrais que l'on m'apporte à manger dans mon lit.

Comme la plupart des matins, Morgal partage encore la couche de Luinil. Il porte toujours un intérêt non dissimulé à mon plateau qui embaume le croissant. Je le comprends : ils sont drôlement bons. À vrai dire, je ne me gêne pas pour en avaler cinq en chemin.

Mes lèvres reluisantes de gras ne trompent personne, d'ailleurs.

— Bonjour Binou ! me salue joyeusement la reine.

Elle profite que je dépose le plateau entre elle et son amant pour m'attraper et déposer un baiser bruyant sur ma joue. Vraiment, elle m'adore.

— Ce n'est pas un enfant, répète Morgal en s'enfilant les viennoiseries en douce.

Luinil se tourne vers lui, les yeux plissés :

— Tu mets des miettes partout ! s'indigne-t-elle, et arrête de te servir dans mon plateau !

Il hausse innocemment les sourcils, la bouche pleine.

— Demande à Binou d'apporter un deuxième plateau, baragouine-t-il.

— Je ne tiens pas à ameuter tous les courtisans en leur fournissant des preuves sur notre relation.

Il secoue la tête avant d'engouffrer un quatrième pain au chocolat.

— Et arrête de t'empiffrer, tu t'engraisses.

Arquen sort de ce corps !

— Faux, contredit Morgal, je ne peux pas grossir.

— Ah oui ? Et c'est quoi ça ? fait-elle remarquer en lui pinçant le gras du ventre.

— Du muscle décontracté.

— C'est ça...

— Regarde-toi dans une glace avant de m'accabler, hein ? Tu ne rentres même pas dans tes robes hideuses !

Oulah, ça chauffe ici... Luinil ne se laisse pas démonter à ce que je vois. Le temps qu'ils finissent leur petite scène de ménage, je m'assois dans cette confortable causeuse.

— Je te rappelle que j'ai été trois fois enceinte, donc évidemment que je garde des séquelles ! Alors tu vas me faire le plaisir de suivre un régime à base de chou. Parce que depuis que tu es Empereur, tu t'empâtes comme un coq, mon gros.

— Pfff, comme si j'allais t'obéir... j'ai d'autres chats à fouetter.

Je fronce les sourcils, imaginant mon maître fouetter la reine. Je dois vraiment arrêter avec mes idées tordues...

— Tu ne m'écoutes jamais de toutes façons, soupire Luinil.

— C'est pour cela que je suis Empereur, aujourd'hui, ricane-t-il.

— En attendant, notre rang exige d'être présent à cette maudite exécution.

— Envoie le vieuk et ce blaireau de Nim te représenter et prends ta matinée. Quitte à passer des vacances de quelques heures, autant les passer à mes côtés.

— Si tu crois que je n'ai pas envie de régler cette histoire de condamné comme d'habitude dans la fosse...

— Je ne comprends pas comment tu ne t'es pas encore débarrassée de ces immondes reptiles !

Son point de vue n'est pas si erroné lorsqu'on se rappelle son état après son premier accrochage avec les aratayas. Et comme s'il s'était senti appelé, Fimou débarque dans la chambre avec un sympathique grognement affamé.

Sans perdre une seconde, je bondis du fauteuil et me jette dans les bras de Morgal qui s'empêtre dans les draps. Le gros lézard doré gronde devant les deux paires d'oreilles pointues mais sa maîtresse lui interdit de donner un coup de dent inopportun :

— Viens voir maman, mon gros.

— Et lui, il a le droit d'être gros... marmonne mon maître en décidant à s'habiller, énervé par l'affection déplacée de sa femme.

Il m'attrape par le collet et me pose sur le tapis pour se débarrasser de moi alors que la reine fait des papouilles à son horrible animal de compagnie.

— Lève-toi, Luinil, ordonne-t-il, je croyais que nous devions nous préparer pour l'exécution.

— Commence pas à me mettre la pression.

Malgré son opposition, Luinil quitte sa couche à son tour et part dans le boudoir. Jolie sa petite nuisette en plumes blanches ; quand elle marche, le tissu léger se soulève sur ses cuisses, ce qui donne un bel aperçu sur le balancement de ses délicieuses fesses.

Oups, je ne devrais pas m'attarder sur ce genre de détails avec le psychopathe à mes côtés. Mais heureusement, ce gros pervers matait la même chose que moi, donc aucun risque, héhé.

Il se secoue la tête comme pour revenir à la réalité et enfile son habituel manteau de cuir noir.

— As-tu remis ton rapport ? me demande-t-il.

— Oui, Majesté.

Il se dirige vers une cloison dans un coin de la pièce qu'il s'empresse de faire pivoter. Tiens, un passage secret ! Je lui emboite le pas ; c'est pratique de rejoindre sa maîtresse toutes les nuits avec ce genre de petits chemins à l'abri des regards. Après, je pense qu'une téléportation est plus rapide mais il s'agit de ne pas en abuser.

— Qui sera exécuté ? m'enquis-je en trottinant derrière lui.

— Un traitre de la cour. Je t'avoue que cette histoire me passe au-dessus de la tête.

— Oui, vous avez « d'autres chats à fouetter ».

— Tes pensées sont salaces, Binou.

— Mais arrêtez de vous immiscer ainsi dans ma tête !

— Je fais ce que je veux : je suis l'Empereur.

Rhaaa... Cesse de me tourner en bourrique.

Mon mécontentement se tasse au fur et à mesure que nous grimpons ces marches assassines. Je suis persuadé que les architectes avaient prévu un tel prototype d'escalier pour que les pauvres gens se rompent le cou. Rien que les fissures et l'étroitesse de la marche m'arrachent des grommèlements vindicatifs.

Heureusement, mon maître pousse une porte étroite qui donne direct dans une loge déserte.

— Bienvenu dans la salle d'exécution ! s'exclame-t-il sans grand enthousiasme.

— Un lieu qui devrait vous plaire, non ?

— Mmh...

Apparemment pas. Nous longeons le balcon intérieur jusqu'à rejoindre la loge royale. Là, divers courtisans discutent joyeusement, leurs parures étincelant de luxe. Les deux trônes du couple royal se dressent au centre des gradins et donnent directement sur le lieu d'exécution, à savoir une scène en contrebas. D'autres loges se greffent au mur circulaire de la vaste pièce, toutes en hauteur.

Carnil s'entretient avec son confident avant que sa femme ne le rejoigne à ses côtés. Je ne perçois pas l'ombre de la culpabilité traverser son visage, à cette petite garce : elle passe son temps à tromper son mari mais cela ne semble pas l'empêcher de sourire !

Après, je doute que le roi ne soit dupe. Il connait Morgal, son véritable impact, et doit se douter que son rival passe du bon temps avec Luinil. Légitimité du prince remise en cause !

À ce propos, quitte à suivre le Dégénéré, autant lui demander :

— Dîtes, Majesté...

— Quoi ?

Rhoo ça va, il a vraiment l'air de broyer du noir, celui-là ! À croire que c'est le lieu qui l'a transformé comme une chappe d'amertume qui s'abat sur ses épaules.

— Le prince Ambar...

— Eh bien ?

— Vous avez un quelconque lien du sang avec lui ?

— Évidement que non ! Ne commence pas à m'assimiler avec le fils de l'autre raclure !

— Bah excusez-moi, je ne pensais pas que Carnil vous prendrait ainsi la place.

Il s'arrête brutalement et je me rentre le nez dans son dos. Aïe ! Il se retourne lentement vers moi et me lâche :

— Reste à ta place, le gnome : ici, tu côtoies les hommes les plus puissants de la dimension, ne l'oublie pas.

Cela n'explique pas le fait que ta femme t'a trompé avec son mari. Mmh... Cette phrase n'a aucun sens.

Mais je comprends maintenant pourquoi Morgal a écarté Ambar. Le prince le gênait probablement auprès de la reine.

Mon maître gagne les sièges réservés aux favoris. Quelle joie de se mêler ainsi avec Grande-Gueule, Motte-de-Beurre, le Crapaud, le vétéran sans émotions et notre bien aimé Nim. Bon, clairement, je doute que Grundar et l'ignoble petit scientifique dégoulinant entrent dans le cadre de potentiels amants. Ils feraient fuir les puces les plus attentionnées. Entre Djoïk et Silovan, je remarque encore la présence de l'inconnu. Un épéiste, il me semble. Son visage me dit vaguement quelque chose. Après, je suis si vieux qu'il est fort probable que nos chemins se soient déjà croisés. L'épéiste de la reine, peut-être. Son entraineur ? Il est plutôt bien de sa personne, lui aussi.

Enfin, les gradins se remplissent par un flot accru de courtisans. Tous s'envoient de magnifiques sourires hypocrites avant de s'asseoir dans leurs fauteuils rembourrés. Discrètement, je me positionne au fin fond des gradins, de manière à avoir une vue d'ensemble sur les convives et sur la scène d'exécution, une dizaine de mètres plus bas. La voix de Silovan survole ce brouhaha général ; cet astre imbu de lui-même apprécie s'imposer à la cour par son caractère à la fois jovial et lourd. Sa nouvelle cible réside en mon maître à qui il parle sans discontinuer. Mais étonnamment, Morgal soutient la conversation avec un sourire légèrement mesquin. Ça pue la manipulation émotionnelle à plein nez mais je m'en moque pas mal : ce n'est pas la première fois que le psychopathe tente de soutirer des informations par sa verve unique. Mais pourquoi le fait-il lui-même ? Il est Empereur, que diable, pas un pauvre trouffion d'espion !

Ah ! Le prisonnier et ses bourreaux arrivent sur la terrasse élevée à cet effet. Chic ! À en juger les machines et les chaines, nous allons assister à un écartèlement. D'habitude, j'ai toujours un comparse pour parier sur quel membre lâche en premier. Poulpinet se serait délecté du spectacle mais j'ignore encore où cet abruti s'est fourré.

La future victime tente de se débattre et de crier mais un sévère bâillon l'entrave à l'instar de ses fers. Mmh... Je crois que ses geôliers l'ont trainé dans les égouts d'Arminassë si on considère son état de propreté. Je parie que ses plaies sont infestées de vers. Une vieille natte crasseuse dégage son visage sale : la lueur haineuse qui anime son regard ne parait pas effrayer les spectateurs, au contraire, ça les amuse. Malgré les blessures et un séjour prolongé en prison sans nourriture, je devine un corps robuste, préparé au combat. Bref, pourquoi m'attardé-je autant sur ce bougre qui ne tardera pas à se multiplier sous nos yeux ?

Un des bourreaux, recouvert de son épaisse cagoule noire, lui arrache le bâillon : les courtisans préfèrent entendre le supplicié hurler jusqu'à ce que la mort ne le cueille.

Enfin, pour ce qu'il est de Luinil, elle semble se morfondre sur son siège. Son éventail cache de nombreux bâillements inconvenants. Même Carnil grimace devant la perte de temps que représente cette exécution. Il se retourne lentement et envoie un regard pesant à Morgal, accompagné d'un sourire que se veut provocateur. Oulah... Je ne saisis pas l'ampleur de cet échange mais je crois que j'interrogerai l'Empereur après cette sympathique petite activité.

Mais profitant de sa bouche libérée, le supplicié se redresse et s'adresse brusquement aux souverains :

— Misérables vermines ! Vous pensez prendre plaisir devant mon immolation ! Vous pensez maîtriser la situation, gagner cette guerre ?! Vous ne savez rien, rien !

— Bon on l'écartèle ou on attend demain ? soupire Luinil sans grande conviction.

Loin de s'en arrêter là, le prisonnier continue ses exclamations fumeuses malgré l'amusement de son auditoire :

— Vous riez ? Vous riez, n'est-ce pas ? Et quelle tête tirerez-vous lorsque je vous apprendrai que le prince Ambar s'est écrasé sur nos terres ! Je préfère mourir par l'écartèlement que connaitre la fin que mes compagnons lui réservent, haha.

Carnil l'interrompt :

— Balivernes !

Luinil est immobile, espérant de toute son âme avoir à faire à un menteur.

— Je ne vous mens pas, nobles sires, ricane-t-il, le dragon du prince a été pourfendu par nos machines de guerre sur les terres du Levant ! Lui et son misérable compagnon sont désormais entre nos mains. Leur sang ne tardera pas à abreuver les racines de nos arbres, haha, à moins que vous ne procédiez à un échange...

— Tu ne seras plus là pour le savoir, grince Carnil.

D'un geste, il donne l'ordre aux bourreaux d'en finir. Les quatre étranges engins métalliques sont fixés sur les dalles, telles des colonnes qui s'encrent dans le sol. Les chaines sont alors attachées à chaque machine, toutes reliées aux poignets et aux chevilles de l'illuminé. Tu feras moins le malin quand ils tourneront leur manivelle : à ce moment, les liens s'enrouleront progressivement autour des colonnes, tireront sur les membres et après, sprotch.

Les injures proférées à l'encontre des deux monarques ne tardent pas en effet à se transformer en hurlements de douleur. La dislocation des os craque lugubrement sur l'assemblée. Personne ne pipe mot à cause de la précarité qui plane sur le prince. Normalement, les rires et les commentaires fusent mais là, je trouve que la froideur générale rend l'attraction moins amusante.

Si le squelette de notre cher provocateur est déjà en miette, son enveloppe de peau est encore intègre, comme si les os brisés s'enfermaient dans le tissu de son épiderme. Et puis d'un coup, tout se déchire. C'est toujours les bras qui lâchent en premier. Les jambes viennent ensuite. Mais les cris d'agonie n'excitent plus la foule : tous semblent voir dans cette mise à mort la fin tragique d'Ambar.

Un énième cri et voilà notre supplicié aussi efficace qu'un scarabée sur le dos. Ou un ver de terre, ça dépend du point de vue. C'est triste pour lui qu'il soit encore conscient, normalement, il devrait s'évanouir. Pour achever le spectacle dans les plus brefs délais, un bourreau répand un puissant brasier sur le mourant. Les flammes se chargent alors de réduire notre bougre à l'état de cendres.

Quelle bonne odeur de chair grillée ! Avec la fin du traitre, les courtisans reprennent des couleurs et se tournent progressivement vers le couple royal.

Carnil garde stoïquement son calme mais je le sens bouillir de l'intérieur. Quant à sa charmante épouse, elle laisse échapper un rire nerveux avant d'assassiner son amant du regard.

Cours Momo ! Si le prince est parti de la capitale c'est de ta faute. Luinil va te détruire, te réduire en pâtée pour aratayas et danser sur ta dépouille !

D'ailleurs, ce dernier se lève dans un calme olympien et se dérobe discrètement à la vue de sa maîtresse. Haha, il n'est pas fou, lui : il sait ce qui l'attend. Je reconnais ce regard : ce regard fuyant où l'on voit l'homme craindre la confrontation avec son pire ennemi de toujours : la femme !

Une porte le sépare désormais de la salle d'exécution. Mais j'y pense ! Je suis responsable, moi aussi ! C'est moi qui lui ai donné la bague d'argent qui lui permettait de libérer son dragon et de partir ! Sans plus attendre, je me précipite vers la sortie aussi rapidement que mes courtes jambes le permettent. C'est limite si je ne me jette pas sur la poignée mais à ce moment, une main me retient par le col. Je manque de m'étrangler...

Mais laissez-moi à la fin !

— Tu ne t'en sortiras pas comme ça cette fois ! me postillonne Grundar.

J'ai blessé son égo en lui échappant une première fois puis une deuxième et cette fois-ci, il ne me le pardonnera pas.

Sans que je ne puisse me remettre sur mes pieds, il me traine dans les couloirs sans prêter attention aux astres qu'il croise. Super, je sers de serpillère à présent !

Il ouvre la porte d'un salon privé et me jette comme un malpropre sur le tapis. À peine me suis-je redressé pour m'enfuir qu'un violent coup de poing me projette une nouvelle fois au sol. Mon nez pisse le sang et je recule avec difficulté sur les fesses. Dans mon champ de vision entre le couple royal, accompagné de Nim et du reste de la clique.

— Arrête Grundar, ordonne la reine.

Encore une fois, le Crapaud perd ses moyens. Mais malgré son intervention, Luinil reste froide à mon égard. Ouais, faut pas pousser, non plus. Je suis en partie responsable de la séquestration de son fils. J'essuie vite-fait le sang, les entrailles nouées par la scène qui va suivre.

— Où est le prince Morgal ? m'interroge calmement Carnil.

— Je... Je n'en sais rien, il a dû se t... s'enfuir.

La reine souffle d'exaspération et se tourne vers son époux.

— Ambar ne détient sûrement plus ses médicaments.

— Bah, murmuré-je, il ne les avait déjà plus lorsqu'il est parti...

— QUOI ?

Luinil m'empoigne par les épaules et me secoue comme un prunier pour me faire parler :

— Je les avais volés... J'avais dérobé ses flacons...

— Où ?! Où sont-ils ?

— C'est un agent de votre chef d'espionnage qui les détient.

Elle tourne la tête vers Nim, attendant une réponse.

— Je ne suis pas au courant, se défend-il, de qui s'agit-il ?

— De Püpe.

Allez, je la balance mais je n'en ai que faire ! C'est sa faute, après tout, je lui refile le bébé et moi je suis innocenté. Elle n'avait pas à me larguer comme une vieille chaussette !

— Faites-la venir, demande le roi sans se départir de son calme.

Je frissonne en regardant Motte-de-Beurre poser sur moi son regard porcin. Cette saleté de scientifique semble réfléchir par quel moyen me disséquer. Seul Silovan continue à sourire dans cette assemblée silencieuse.

Enfin, un garde ramène la gnome par le bras.

— Nous aurais-tu manqué de loyauté ? lâche Nim à son agent.

— Je ne comprends pas, murmure-t-elle innocemment.

Elle déglutit lorsqu'elle croise mon sourire triomphant. Avec le sang qui coule sur mes lèvres, je dois légèrement paraitre flippant.

— Où sont les médicaments de mon fils ? s'enquiert Carnil.

— Je... Je ne les ai plus...

— Quel dommage, ricané-je.

— Toi tu la fermes ! s'emporte Püpe.

— Je ne crois pas non. Tu n'es pas en mesure de me dire quoi faire.

— T'es qu'une sale raclure, Binou, un couard qui a besoin de se dédouaner en accusant l'autre. Si les enfants...

— Ah non ! Les enfants n'ont rien à voir là-dedans !

Elle se dégage de la poigne du garde et avale la distance qui nous sépare en quelques secondes. Un coup de genou dans le plexus me coupe net le souffle. Je manque de m'effondrer mais je me rétiens à elle et lui envoie mon poing dans la mâchoire. Nous tombons tous les deux et la lutte s'intensifie en chocs et en morsures.

La garde rapprochée de la reine nous sépare de force, sûrement peu encline à assister à cette chamaillerie de couple.

Luinil semble désespérée :

— Nous ne pouvons pas laisser Ambar et Lanov en contrée hostile, gémit-elle, nous devons envoyer des secours !

— Oh mais Morgal va s'en charger ! s'exclame le roi, c'est lui qui a provoqué ce merdier.

— Il est loin à présent, grogne Nim, mais maintenant que j'y pense...

Sans que je n'aie pu esquisser le moindre mouvement, ses doigts puissants se referment sur mon cou.

— Il adore cette immonde petit troll.

Il dégaine un poignard et ajuste la lame froide contre mon ventre nu. Oulah ! Pitié !

C'est au tour de l'autre salope de ricaner. Rhaa je vais l'étrangler, cette garce. Enfin... Si Nim ne m'éventre pas avant.

— Que fais-tu ? demande la reine sans comprendre.

— Morgal n'accepterait pas que son gnome ne meure. S'il le sait en danger, par la marque, il rappliquera aussi vite pour empêcher que mon poignard ne le vide de ses tripes.

— Laisse, Morgal me rejoindra d'ici quelques instants, affirme-t-elle, et vous pouvez être sûr que je l'enverrai en personne retrouver mon fils.

Le chef de l'escadron d'espionnage se redresse après m'avoir lâcher et ajoute à son tour :

— Je n'ai aucune confiance en lui. Je pars aussi.

C'est ça ; monsieur veut prouver sa valeur à l'élue de son cœur ? Pathétique.

— Moi aussi je me porte volontaire, clame Grande-Gueule de son air grandiloquent, et je jure ne jamais remettre les pieds à Arminassë sans le prince et son compagnon.

Bien ! D'autres candidats ? Ils ne peuvent pas demander à des spécialistes plutôt qu'à des courtisans ou des personnes de trop grandes valeurs ?

— Comme vous le souhaitez, accepte Carnil, mais je veux que Grundar et Djoïk vous accompagnent, à l'instar de Jenar. Vous serez tous remplacés à la capitale, le temps de cette mission de la plus grande importance.

Ah, Jenar, c'est donc l'épéiste que je ne connaissais pas. Un type qui parait inoffensif mais je suis sûr qu'il n'en mène pas large dans un combat.

— Vous partirez demain, conclut Luinil, je vous demande la plus grande discrétion, bien entendu.

— Et les gnomes ? demande le Crapaud, ils sont au courant.

— Oh, ne vous en faites pas, ils se joindront à la fête.

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