7 | 'RÉCUPÉRER LA VESTE'
Le ciel s'était recouvert de son manteau de nuit, et les étoiles commençaient déjà à éclairer la nuit quand Ran et Rindo arrivèrent à la réunion du Tenjiku, les mains dans les poches. Alors que le plus âgé avait toujours son sourire las sur les lèvres, pas dérangé pour deux sous, Rindo serrait les dents, incapable de cacher son mécontentement suite à la tragique mort de ses chères lunettes.
Levant les yeux, ils observèrent Izana, qui était à moitié allongé sur un contenaire, sans son uniforme, jouant avec ce qui paraissait être un stylo, un petit sourire satisfait trônant aux coins de ses lèvres. Les frères Haitani ne jetèrent pas d'autre coup d'œil en direction des autres cadres du gang, les yeux rivés vers leur boss.
Après quelques instants de silence, Kurokawa laissa tomber le stylo et porta finalement son attention vers son gang.
« Izana. Avant de commencer, j'ai une question, le coupa Rindo avant que le mat de peau ait pu dire quoi que ce soit.
L'intéressé haussa donc les sourcils, intrigué, et incita son subordonné à continuer.
— C'est qui le connard qui a cassé mes lunettes hier matin ?!
Il y eut quelques murmures perdus dans l'assemblée, durant un silence de marbre. Personne n'osa assumer ce dont on les accusait.
— Tu parles du mec qui a agressé l'autre couillon ? fit remarquer Izana en se levant. Enfonçant ses mains dans ses poches, il sauta du contenaire et s'approcha des deux frères.
— C'est peut-être un couillon mais il avait dix-huit ans ce jour-là. C'était mes lunettes qu'il portait, je vais pas laisser passer ça.
Izana hocha lentement la tête.
— C'EST UNE EXÉCUTION PUBLIQUE ALORS ?! ALLEZ QUOI, QUE LE PION QUE J'AI FRACASSÉ HIER SE MONTRE ! le jeune homme aux cheveux blancs se tourna vers tous ceux qu'il considérait comme les-dits "pions".
— Izana, marmonna Ran, assez ennuyé, Tu fiches quoi avec Tohma ?
— Tohma ? assez confus, Kurokawa pencha la tête sur le côté.
— Notre voisin. Cheveux violets, boucle d'oreille–
— Aaah, il s'appelle Tohma, alors. C'est votre voisin ? C'est pas mal ça, il se retourna une nouvelle fois, assez amusé. Une lueur satisfaite brillait dans son regard et il sourit de manière un peu trop condescendante, De toute façon, Ran, tu ne vas rien faire, ça ne te regarde pas. Et si j'ai envie d'avoir quelqu'un avec moi, tu ne vas pas m'en empêcher, pas vrai ? »
Le tressé ne rajouta rien, les lèvres pincées. De toute façon, contre Izana, même s'il le voulait, il n'aurait rien pu faire. Et honnêtement, entre lui et Tohma, il ne savait pas quel côté il choisirait si les choses tournaient mal. Kurokawa sourit un peu plus, toujours de cette manière horrible, un sourire si faux et hypocrite.
« Ne t'en fais pas, se moqua-t-il, Je ne touche pas trop aux personnes auxquelles je tiens. »
Ran serra un peu les dents. Étrangement, il avait quand même vraiment de mal à lui faire confiance.
Au même moment, un lycéen s'approcha en silence, le visage renfermé, les mains derrière le dos.
« C'est moi qui ai cassé les lunettes ! il se plia presque en deux, sa tête touchant quasiment le sol tellement il se penchant pour se faire excuser, Je m'excuse, chef !
— Hm ? Izana le regarda avec de grands yeux, étonné. Puis il se remit à sourire, envoyant des frissons le long de l'échine de l'adolescent, Ah nan, moi les lunettes je m'en branle. Par contre si tu m'ignores une nouvelle fois, je te ferais creuser ta propre tombe. »
Il tourna le regard vers Rindo.
« Dépêche-toi. On n'a pas toute la nuit devant nous. »
Rindo se mit à sourire, se craquant les doigts et les articulations.
Ah, y'avait pas à tortiller, détruire les gens, il adorait ça.
Pendant ce temps, Tohma était enfermé dans sa salle de bain, frottant désespérément afin de faire partir ce qui était écrit sur son front.
{❦}
Il était huit heures quand Izana s'arrêta devant une maison aux airs assez modernes, assez loin de sa chère ville de Yokohama. Pas riche et pas franchement bien entretenue, mais pas non plus un taudis. Un sentier de graviers de quelques mètres où était grossièrement garée une voiture, des herbes un peu trop hautes et une haie mal taillée. Izana n'y prêtait pas attention, il n'en avait que faire de l'esthétisme d'un lieu de vie.
Le soleil brillant fort dans le ciel, dans son débardeur blanc et son pantalon cargo, il avait même presque un peu chaud. Non sans coutume, il plongea ses mains dans ses poches et traversa d'un pas nonchalant l'allée de graviers, ignorant la poussière qui pouvait alors venir salir ses chaussures à talons.
Arrivé devant la porte, il donna trois coups assez bruyants pour signaler aux habitants qu'il était là.
Après quelques secondes d'attente, la porte s'ouvrit finalement sur une femme dans la trentaine d'années, probablement. Izana l'inspecta, le regard critique. Ses longs cheveux noirs retombaient et cascadaient sur ses épaules dénudées en longues ondulations. Ses lèvres étaient pulpeuses, et d'une couleur rouge éclatant. Assez étonné, le jeune homme scruta sa nuisette rouge en dentelle.
Il avait l'impression d'avoir atterri dans un bordel.
Cette impression se renforça quand la femme posa sa main sur son épaule et la caressa sensuellement.
« T'es assez jeune mon chou, je m'attendais pas à ça quand tu as appelé, elle se rapprocha un peu de lui, Tu veux payer maintenant ou après av–
— AAAAAAAAAAHHHHH ! NON ! le cri vint du haut des escaliers, et la prostituée et Izana tournèrent instinctivement la tête, pour voir Tohma, complètement paniqué et visiblement dégouté. Kurokawa sourit alors doucement, assez amusé.
— Heh ? Tohma ? Mais qu'est-ce qui te prend ? »
Essoufflé, le jeune homme aux cheveux violets dégringola les escaliers quatre à quatre avant de brutalement attraper sa mère pour la faire reculer de plusieurs mètres. Il était en uniforme pour aller en cours, son sac à dos se balançant sur son épaule droite.
« NON, NON, NON ! répéta-t-il, outré, ÇA VA PAS BIEN, C'EST PAS UN DE TES CLIENTS !!
Sukoku cligna des yeux, perdue. Après quelques instants de confusion, elle fit la moue et posa ses mains sur ses hanches, ennuyée.
— Mais comment je suis censée le savoir, ça ?! »
Tohma ne sut pas quoi répondre. Il cherchait quelque chose du regard sans savoir quoi et il avait l'impression d'avoir des sueurs froides.
Il ne venait pas de trouver sa mère en train d'essayer de coucher avec le garçon qui l'attirait.
« Je viens chercher ma veste, finit par faire remarquer Izana, qui trouvait la situation assez comique.
— Ah– Oui ! Tohma repartit en courant à travers la maison, sprintant vers sa chambre.
— DÉPÊCHE TOI TU VAS FINIR PAR ÊTRE EN RETARD EN COURS ! renchérit sa mère. Elle s'en foutait royalement si son fils venait à actuellement être en retard, il pouvait même sécher les cours comme il l'avait déjà fait plusieurs fois, ça ne la dérangeait pas. Elle voulait juste le stresser encore plus, parcequ'elle trouvait ça mignon de le voir paniquer. Elle tourna d'ailleurs la tête vers Izana en souriant grandement, Hehe ... Il est pas mignon comme tout quand il panique comme ça ?
— Hm ? Kurokawa observa Sukoku, et sourit un peu plus, Si on veut, oui. »
La brune le dévisagea un peu plus longuement, comme si elle cherchait à déceler quelque chose de crucial dans son visage.
« Dis moi, t'es qui au juste ? finit-elle par demander assez brusquement, Tohma n'a pas d'amis à part les voisins.
— Je suis personne en particulier, admit-il simplement en sortant les mains de ses poches pour s'étirer. Il était sincère quand il disait ça : il n'avait pas de véritable relation, quelle qu'elle puisse être, avec Tohma.
— Tu serais pas la personne qui a écrit sur son front hier ? elle se rapprocha une nouvelle fois de lui, mais cette fois-ci de manière plus intriguée, comme si elle le jugeait à son tour. »
Kurokawa ne répondit rien. La mère de Tohma avait l'air vraiment gentille et ouverte, en plus de rigoler et de blaguer pour un rien. Comme quoi les gens critiquaient les prostituées pour un rien. Certes, être un fils de pute n'était pas vraiment flatteur – après tout, c'était assez clair qu'on était une erreur – mais il n'y avait pas de quoi en faire une insulte.
Il aurait bien aimé avoir une mère comme elle. Vivre dans cette maison aurait probablement été plus sympa que ce qu'il avait vécu.
Il aurait aimé avoir quelqu'un qu'il pouvait appeler famille, qu'il pouvait aimer, même si c'était un amour vache, ça aurait été mieux que rien.
Ah, il avait l'impression d'avoir rendu ça bizarre. Il détourna le regard de Sukoku, l'air plus morose qu'avant, pour observer Tohma, qui réapparaîssait dans les escaliers. Il avait l'air tout paniqué avec la veste du Tenjiku dans les mains, en essayant de vérifier qu'elle était en parfait état. Les traits de son visage reprirent une expression plus apaisée. Effectivement, il était assez mignon.
« Ouhhh ... souffla Sukoku en l'observant, taquine, Ça aurait été vraiment catastrophique si j'avais essayé de te baiser.
— J'aurais pas accepté dans tous les cas, fit remarquer le Philipin en lui jetant un coup d'œil assez supérieur.
— Ah, t'es homo.
— Ça sert à quoi de mettre des étiquettes sur tout et n'importe quoi ? lâcha-t-il en souriant une nouvelle fois, au moment même où Tohma revenait finalement, à bout de souffle, On est, c'est tout. »
Le plus jeune fronça les sourcils, confus, et finit par réaliser quelque chose.
« Comment t'as su que j'habitais ici Izana ?
— J'ai pas à te répondre.
— ... Quoi ? derrière eux, Sukoku rigolait bien, insouciante. »
Izana secoua la tête et attrapa sa veste, signe qu'il refusait de continuer toute conversation.
« Sois pas en retard en cours loser. »
Sans rien rajouter, il quitta la maison, un léger sourire apaisé sur les lèvres, les yeux clos. Il profita juste du silence et de la brise matinale qui venait frapper son visage malgré l'atmosphère assez fraîche de cette matinée de Novembre.
Au fond, il avait comme un goût amer de jalousie. Il n'aurait jamais une famille comme celle-ci, aussi horrible qu'elle soit aux yeux de Tohma. Il aurait donné cher pour avoir une mère qui l'acceptait, voir une mère tout court. Il aurait aimé avoir rien qu'un frère, pour le comprendre. Mikey lui avait retiré ça.
Il claqua sa langue contre son palet, soudainement agacé. Ses sourcils se fronçant, il plaça ses mains dans les poches de sa veste. Au lieu de pouvoir continuer à maudire Mikey, il se trouva assez étonné de sentir un petit objet dans sa poche gauche.
Assez intéressé, il sortit le petit cube de sa poche pour tomber nez à nez avec un rubix-cub.
« Ah, ce Tohma est vraiment un couillon, conclut-il finalement. »
NDA : Vacances. Joie. °^°
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