6 | 'DES ÉCRITURES SUR LE FRONT'
Tohma fut réveillé par les premières lueurs du jour, probablement aux environs de cinq heures trente, alors que le bruit des premières voitures et taxis sur la route commençaient à emplir ses oreilles.
Il ouvrit les yeux doucement, avec un mal de crâne abominable et des douleurs partout sur le corps, comme s'il était courbaturé. Lentement, il réalisa qu'il était assis sur un trottoir, adossé contre un mur quelconque, au milieu de nulle part. Il cligna des yeux, quelque peu confus. À ses pieds jonchaient les lunettes de Rindo, brisées. Les évènements de la veille lui revinrent alors en tête, et il eut soudainement envie de pleurer.
« Putain j'en ai marre, murmura-t-il d'une voix tremblante, en plaquant ses mains contre son visage, la respiration saccadée. »
Alors qu'il commençait à bouger, la veste qui recouvrait son corps tomba par terre, et il se figea. Cette veste ne lui appartenait pas, et il était persuadé de ne pas avoir volé quoi que ce soit dans un quelconque magasin. Une grande veste rouge pétant, avec un symbole étrange dans le dos.
Ah. Il se souvenait d'Izana.
Izana qui l'avait sauvé puis laissé là, sans aucune honte.
Il l'avait laissé là, mais il s'était agenouillé devant lui, avait sorti un stylo de sa poche et avait écrit quelque chose sur son front. En se relevant, il avait fait la moue, et avait déposé son uniforme sur lui, comme s'il s'agissait d'une couverture de survie.
Le jeune homme prit l'uniforme entre ses mains, le visage écarlate, et sourit doucement avant d'enfouir son visage dans le vêtement pour se cacher, gêné.
{❦}
Il était presque sept heures quand Tohma arriva devant chez les Haitani. Il était épuisé, avait mal partout, mais il était prêt à expliquer pourquoi il avait disparu et pourquoi les lunettes de Rindo étaient complètement délabrées. Les verres étaient en morceaux, la branche gauche avait disparu et la branche droite était pliée en trois.
Il était sur le point de toquer quand la porte s'ouvrit violemment sur le-dit Rindo. Les deux restèrent figés, les yeux du blond scannant chaque parcelle et morceau du corps de son voisin.
« C'est la veste du Tenjiku que tu portes ou je– Attends mais tu t'es bastonné ? Et– il plissa les yeux, confus, C'est quoi le charabia écrit sur ton front ?
— Je suis tombé sur des mecs d'un gang, et ils m'ont tapé parceque j'étais bourré, marmonna-t-il, Ils ont cassé tes lunettes et Izana est arrivé et les a remis à leur place. C'est sa veste. Et c'est lui qui a écrit sur mon front. »
Rindo cligna des yeux en silence. Et il cligna des yeux, encore. Incapable de dire quoi que ce soit, il finit par froncer les sourcils, la bouche entrouverte.
« Ils ont cassé mes lunettes ?! »
Tohma se contenta d'hocher la tête en silence et de lui tendre les débris de verre qu'il tenait dans sa main gauche. Alors que le jeune homme attrapait l'objet, abasourdi, Ran arriva à son tour.
« Oh Tohma, t'es devenu un personnage principal tout seul de ton côté ? »
Il le zieuta rapidement, le jugea du regard et haussa les épaules.
« Je comprends pas grand chose mais bon.
— Ah– Ran, y'a quoi d'écrit sur mon front ?
Le plus âgé jeta un rapide coup d'œil aux écritures, fronça les sourcils, et enfin sourit mollement.
— Je comprends pas, il haussa les épaules, Ça doit pas être si important. Tu devrais rentrer, par contre. Ta mère est passée ce matin à six heures.
— Ça m'apprendra à réveiller les gens tôt, j'ai souffert, elle m'a secoué comme un sac à patate et j'ai rien pu faire, déclara enfin Rindo, le regard toujours rivé vers ses pauvres lunettes. »
Tohma esquissa un timide sourire et prit quelques pas en arrière.
« Ah, bon bah à plus alors. »
Ran lui fit un léger signe de la main tandis que Rindo observait toujours ses précieuses lunettes.
« Je vais casser des mères moi ce soir, se promit-il, agacé.
— Va falloir parler à Izana vite fait, renchérit Ran, son sourire tombant dès que Tohma eut le dos tourné, Je veux quelques explications sur ce que Tohma fiche avec lui. »
Le-dit Tohma retourna vers sa maison, jouant avec le bout des manches de l'uniforme qu'il avait mis sur ses épaules. Ses pieds traînaient dans les graviers, assez réticent à l'idée d'affronter sa mère. Il l'avait quitté sans rien dire le jour de son anniversaire, et n'était pas revenu de la nuit. Il soupira, ignorant la douleur dans sa cage-thoracique et poussa la porte d'entrée.
Les lèvres pincées, une lueur désolée brillant dans ses yeux, il regarda sa mère se redresser, précédemment affalée contre le plan de travail. Ses cheveux habituellement brillant étaient ternes et mal coiffés, et pour une fois, elle n'était même pas maquillée.
« Tohma ! Tu étais où ? s'inquiéta-t-elle. La voir aussi paniquée le mettait mal à l'aise, il s'en voulait.
— Pardon ... Les voisins m'ont entraîné dès quatre heures du matin et ...
— J'ai pas besoin d'excuses. Tu vis ta vie, soupira-t-elle, T'es adulte.
— Maman–
— Mais bon, j'avais préparé mon emploi du temps pour passer du temps avec mon fils ! elle posa sa main sur son front de manière beaucoup trop dramatique. Ses nombreux bijoux faisaient du bruit à chacun de ses mouvements, et ses grandes créoles manquaient de s'accrocher dans ses cheveux à tout moment, Aaah, tristesse, je devrais peut-être ne pas te donner ton cadeau après tout ! »
Il sourit doucement. Il était clair que sa mère ne lui en voulait pas. Sukoku était peut-être nulle en tant que mère, mais Tohma l'aimait quand même. Elle sourit elle aussi et se mit à rire gentiment.
« Du coup, c'est en retard, mais bon anniversaire mon fils. »
Elle attrapa d'une main agile une petite boîte mal emballée. Ce n'était pas mentir que d'admettre qu'il y avait plus de scotch que de papier cadeau. Tohma plissa les yeux, assez amusé. Il prit le cadeau et commença à gratter le scotch du bout des ongles pour réussir à l'ouvrir. Après quelques instants, il réussit à déballer son cadeau, et il resta sceptique.
« Un rubix-cub ? murmura-t-il. Il avait du mal à cacher la déception sur son visage.
— Oui !
— ... Euh ... C'est tout ? il le regarda sous un autre angle. Il n'était même pas fait, signe qu'il n'était pas neuf. Est-ce qu'elle avait vraiment pris n'importe quel objet qui traînait dans sa chambre pour le lui offrir ?
— Oui, c'est tout. Sache que je l'avais quand j'avais ton âge. C'est ta grand-mère qui l'a fabriqué exprès, mais je me dis qu'il te servira plus à toi qu'à moi. Après tout, tu as l'air d'avoir quelqu'un dans ta vie, alors que moi je n'aurais jamais personne. »
En prononçant ces mots, elle avait fixé le front de son fils avec un certain amusement. Elle ne voulait pas le montrer, mais ses yeux prouvaient qu'elle avait envie d'éclater de rire. En attendant, Tohma ne voyait pas en quoi un rubix-cub allait être important dans sa vie amoureuse. Il haussa les épaules, peiné, et le rangea dans la poche de l'uniforme d'Izana.
« Ah, mais maman, réalisa-t-il, soudainement intéressé, Tu sais ce qui est écrit sur mon front ?
— Ah oui, elle pouffa de rire.
— Et donc, tu ne comptes pas me le dire ?
— Nan. Pas envie. C'est ta punition pour être parti sans rien dire plus d'une journée entière, petit filou. »
Tohma avait réellement l'impression qu'elle se moquait ouvertement de lui. Il soupira de frustration.
« Très bien. Je m'en occuperai moi-même alors.
Alors qu'il tournait les talons, Sukoku l'interpella à nouveau.
— Ah au fait ! son fils se retourna, ennuyé, Ton ami, le voisin là, le blond. Je crois qu'il a un truc pour les femmes au fort caractère, je pourrais presque l'avoir comme client.
— EURK ! NON ! le cri qui quitta les lèvres du jeune homme fit beaucoup rire Sukoku, et sa grimace dégoûtée n'arrangea pas son fou rire. »
Assez agacé par l'énormité de la situation, il monta les escaliers quatre à quatre et traversa l'escalier pour entrer dans sa chambre. Une fois dedans, il referma immédiatement la porte pour plus d'intimité et se colla pratiquement au miroir, pour se rendre compte que bien évidemment, l'écriture était inversée. Un juron quitta ses lèvres au même instant où il mettait sa main dans sa poche pour attraper son téléphone. Tenant sa mèche d'une main pour avoir le visage dégagé, il prit un selfie dans le miroir.
Le visage assez renfermé, parceque mine de rien, ne pas savoir commençait à l'énerver sérieusement, il se concentra sur son téléphone. Après quelques manipulations, il put finalement lire les caractères et écritures anglaises écrits sur son front.
“ La Super Julie à mon Petit Poâ. Loser va. ”
L'air exaspéré sur le visage de Tohma s'envola en quelques secondes. Il se laissa glisser sur le sol, ses orbes bleu océan obnubilées par la photo. Les points s'étaient reliés très vite dans sa tête, peut-être même trop, parcequ'il avait la vague impression que son cœur avait court-circuité. Il avait l'impression de pouvoir ressentir des battements jusque dans ses oreilles, et son visage le brûlait tellement il rougissait comme un idiot. Il savait ce que ces quelques mots signifiaient.
« Il a regardé Sam-Sam, Tohma avait envie de s'arracher le sourire niais qui trônait sur ses lèvres. »
Il enfouit lentement sa tête contre ses genoux, excité comme pas possible, et finit par redresser la tête en expirant calmement. Sourire tellement lui faisait mal aux joues, mais il s'en foutait : de toute façon, il avait déjà mal partout. Son regard vint se perdre dans le blanc immaculé de son plafond.
« Loser toi-même, souffla-t-il en silence. »
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