26 | 'VISER LES LÈVRES'
« Je vais devoir récupérer mon uniforme, pour aujourd'hui. Ça ne te dérange pas ? »
Izana baissa la tête vers Tohma, qu'il serrait contre lui sur son lit. Le plus jeune était allongé sur lui, la tête contre son torse, assez silencieux. Il était collé à lui, cherchant le plus de réconfort possible après les jours assez minables qui avaient suivi sa rencontre assez absurde avec Kisaki. Il finit par lever les yeux pour plonger ses orbes bleutées dans celles du Philipin.
« Bien sûr, je peux pas t'en empêcher, c'est ta veste d'uniforme après tout, je peux pas te la voler comme ça.
— Je te la rendrai après ce soir, déclara-t-il assez mollement, Elle te va bien, mais j'en aurais besoin, en tant que roi du Tenjiku. »
Tohma hocha simplement la tête, compréhensif. Il ne se permit pas de lui dire que ça permettrait au vêtement de regagner son odeur qu'il trouvait si addictive, assez embarrassé d'admettre ce simple fait. Izana se passa bien lui aussi de faire la remarque qu'en ayant récupéré sa veste, il aurait l'impression d'avoir Tohma à ses côtés quand il irait se battre.
Il était encore tôt, probablement dans les alentours de huit heures. Rindo et Ran n'étaient déjà plus chez eux, la lumière étant éteinte, et Kurokawa avait décidé sans demander l'autorisation au préalable de venir passer la nuit chez les Asanai, prétendant qu'il avait des choses à faire à Tokyo le lendemain. Ce n'était pas qu'une simple excuse, c'était vrai : il avait bel et bien prévenu Tohma qu'il s'en irait dans la matinée parcequ'il avait des choses à régler avec sa famille, et des plans à exécuter.
Ça ne rassurait pas son amoureux, honnêtement, qui avait senti une boule croître dans le fond de son estomac en l'entendant prononcer ces mots.
« Tu peux porter un gilet pare-balles, tant que t'y es, en dessous de ton uniforme ? proposa Asanai, ses mains jouant et caressant le dos d'Izana, anxieux. »
Les yeux écarquillés, le délinquant les cligna doucement, ahuri. Il finit par sourire de manière assez confiante, et il rit un peu.
« J'ai pas besoin de ça, t'es con Tohma. »
Il lui ébouriffa un peu les cheveux et embrassa très légèrement son front. Le plus jeune plissa un peu les yeux, ressentant comme des petits picotements agréables à l'endroit où il venait de déposer ses lèvres. Il sourit grandement, rayonnant presque. Ça avait été largement suffisant pour le remettre de bonne humeur.
« La prochaine fois, vise les lèvres. »
Voir Izana bégayer et avoir l'air assez gêné fut une grande première pour lui et il parut assez émerveillé. Le Philipin ne rougissait pas spécialement, ce que Tohma lui envia particulièrement, mais il détourna les yeux, l'air confus et perdu et plaqua le dos de sa main contre sa bouche.
« T'es gêné ? J'ai réussi à te rendre embarrassé ? fasciné, Tohma se redressa un peu. Ses mains vinrent se poser sur le torse d'Izana et il s'assit plus confortablement sur lui.
— Arrête ça, je m'y attendais pas c'est tout, il se redressa à son tour, et comme s'il était un poids plume, il vint prendre son petit ami par la taille pour le placer à côté de lui au lieu de sur lui – ça n'arrangeait pas son état de le savoir assis sur son bas-ventre.
— Pour une fois que ce n'est pas moi qui suis gêné, Tohma paraissait assez fier de lui, et il sourit un peu plus, Ça me rassure vraiment de te voir comme ça !
— Quoi, Izana reprit son air assez confiant, T'étais pas rassuré avant ?
Asanai fit la moue vaguement.
— Tu vas te battre contre Mikey, c'est normal que je sois inquiet.
— Il sera détruit avant d'arriver à moi, crois-moi, marmonna le délinquant en regardant ailleurs. Il reporta son attention sur le garçon à ses côtés, La prochaine fois, je viserai la bouche. »
Et une fois encore, Tohma ne sut pas contrôler le rougissement qui s'ancra sur ses joues.
Izana se redressa et pivota pour sauter hors du lit. Il s'étira un peu et observa la porte fermée de la chambre du plus jeune.
« Je vais devoir y aller.
— Déjà ? s'étrangla le garçon aux cheveux mauves. Assez brusquement, il était debout à son tour, paniqué, Mais il est à peine neuf heures !
— J'ai des choses à faire couillon, je te l'ai dit. Je mettrai une patate à Mikey pour toi ce soir, t'inquiètes pas pour ça, il regarda autour de lui en prononçant ces mots. »
Quand finalement, ses iris aux nuances violacées trouvèrent sa veste, trônant sur la chaise de bureau de Tohma, il s'y dirigea et l'attrapa pour l'enfiler. Dans le plus grand des silences, l'autre jeune homme le regardait faire, les lèvres pincées. Il croisa les bras, ne sachant pas vraiment que faire avec ses mains, et il finit par retrouver l'usage de ses cordes vocales.
« Je te raccompagne jusqu'en bas ?
— Comme tu veux, Kurokawa lui tournait encore le dos, et quand il lui fit face, il lui sourit de manière assez assurée. »
Une fois dehors, Tohma regretta presque l'avoir accompagné tellement il avait froid. Blotti dans son sweatshirt, il jeta un dernier regard soucieux au Philipin.
« Dès que t'as terminé, tu m'appelles. Ou tu m'envoies un message. Ou tu viens. Qu'importe l'heure, même s'il est trois heures du matin, je veux te voir après tes règlements de compte.
— Tu t'inquiètes autant que ça ? sarcastique, Izana pencha doucement la tête sur le côté.
— Oui. »
Le délinquant soupira un peu, embêté, et finit par très faiblement secouer la tête. Il tendit ses bras en avant, signe qu'il voulait que Tohma vienne s'y blottir.
« T'es fatigué ? sceptique, le jeune homme vint tout de même le prendre dans ses bras.
— Non. Juste envie d'un câlin, avant de partir, marmonna Kurokawa en fermant les yeux, Tu sais, quand je suis avec toi j'ai l'impression de redevenir un gosse.
— Et c'est ... Une bonne ou une mauvaise chose ?
— Une bonne, il n'élabora pas plus.
— Fais attention à toi. »
Ils finirent par se détacher, et Izana s'en alla pour grimper sur sa moto. Muet, Tohma le fixa, les bras croisés, frigorifié. Au moment où le moteur du véhicule vrombit jusque dans ses oreilles, il eut un déclic, et il trottina jusque sur le trottoir.
« Iza ! s'écria-t-il.
Sur sa moto, l'intéressé tourna la tête, confus.
— Quand tu reviendras, tu viseras la bouche. Elle sera là, la prochaine fois. »
Le Philipin hocha la tête et lui sourit. Asanai serait bien allé directement le voir pour l'embrasser, tout bêtement, mais il ne voulait pas lui prendre encore trop de son temps : il l'avait déjà bien empêché de partir à l'heure à laquelle il voulait. Ce n'était pas si grave, quand Izana reviendrait, il le ferait. Il pourra déposer ses lèvres sur les siennes. Sur ces-dites lèvres trônait un sourire assez satisfait alors qu'il observait son petit ami disparaître de son champ de vision.
Son sourire tomba un peu, s'effondra comme une avalanche en pleine montagne, et la boule dans le fond de son estomac regagna sa place. Il avait encore ce mauvais pressentiment. Il secoua brutalement la tête pour se défaire de ses pensées et tourna les talons pour se dépêcher de rentrer chez lui, au chaud.
Il attendit longtemps. Toute la journée même. Il n'arrivait pas à se concentrer sur la télévision quand il la regardait, et avait passé un peu trop de temps sur la préparation des repas. Il avait erré dans sa propre maison sans savoir que faire, en attente d'un signe. L'angoisse ne l'avait pas quitté, et, à vingt-trois heures, en boule sur son lit, il se rendit finalement compte qu'elle n'avait fait que croître. Ce stress qui s'accumule et qui s'accumule, pour finalement le faire totalement craquer.
Ses mains tremblaient, et il avait la forte envie de vomir : son estomac était complètement retourné, alors qu'il avait à peine touché à son dîner car il n'avait pas faim. Il se leva, se dirigea vers la fenêtre, et l'ouvrit.
Izana lui avait appris à se fier à son instinct, et là, il avait réellement l'impression que ça n'allait pas. Il n'y avait pas de vent dehors, les arbres étaient silencieux, aussi silencieux que lui, et pourtant, il sentit ses yeux le picoter et les larmes venir brouiller sa vue. Sa respiration flancha, tremblota, et il referma immédiatement la fenêtre.
Il descendit les escaliers, sans se rendre compte que des grosses goutelettes au goût salé roulaient déjà sur ses joues et ses pommettes. Dans le salon, Tohma tomba nez à nez avec sa mère, qui paraissait prête à s'occuper d'un homme qu'il n'avait jamais vu avant.
« Maman, bredouilla-t-il. Des nœuds se forgeaient dans son ventre, et il avait l'impression qu'il ne réussirait pas à s'en défaire, jamais. »
Sukoku fit volte-face, surprise. Les yeux écarquillés, elle le regarda pleurer.
« Je le sens vraiment pas, pour Izana. »
Elle pressa son client hors de chez elle très vite – peut-être même trop vite – pour pouvoir prendre son enfant dans ses bras. Elle vint s'allonger sur le canapé en le gardant collé contre elle, assez apeurée de le voir dans cet état-là. Elle le berça, comme s'il était un enfant, comme quand elle n'avait que vingt ans, plus d'une dizaine d'années plus tôt, passa sa main dans ses cheveux, mais elle réalisa bien qu'elle était totalement incapable de le faire arrêter de trembler. Elle sentait ses spasmes contre la paume de ses mains.
Tohma n'arriva pas à s'endormir cette nuit-là. Il aurait préféré ne jamais avoir appris à suivre son instinct, et il s'en voulut même pour avoir pris Izana en photo, ce jour-là, dans cette boutique de chaussures.
NDA : Après ce chapitre, y'en a plus que deux et un ou deux bonus (à voir si j'en écris un deuxième, j'arrive pas encore à me séparer d'eux -3-)
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