22 | 'LE RÉVEILLON DE NOËL'

Le réveillon de Noël, Tohma commençait à le vivre assez mal, et ce, pour la simple et bonne raison qu'il se tenait face à une nourriture indescriptible tellement elle était noire. Toute la cuisine paraissait comme enfumée, et il n'arrivait pas à se dire que l'immondice dans l'assiette cassée sous ses yeux était censée être son repas du soir. Sa gorge lui paraissait comme serrée, ses poumons refusaient d'absorber l'air qu'il tentait en vain d'inspirer. Abasourdi, il tourna lentement le regard vers sa mère, dans le plus grand des silences. Elle était adossée au mur, en souriant de manière assez gênée, preuve qu'elle était bien coupable de ce crime sur poulet.

« C'est quoi ça ? murmura son fils en pointant du doigt l'échec culinaire de Sukoku, entre deux quintes de toux incontrôlées.

Du poulet – un peu grillé, mais du poulet quand même.

— Un peu grillé ? s'indigna-t-il, choqué, Même l'araignée dans le fond de la salle de bain n'est pas aussi noire que ça, et crois-moi, elle est velue, la saleté.

T'étais dans ta chambre, je ne voulais pas te déranger alors que tu étais occupé.

— Je cherchais juste le chargeur que j'ai perdu, mon téléphone vient de rendre l'âme, déprimé il baissa les bras, Tu me déranges plus maintenant, regarde le bordel que t'as foutu !

— Eh, au moins j'ai fait un effort ! sa mère se redressa assez brusquement, vexée.

Oui ... Merci. »

Il soupira bruyamment suite à son commentaire sarcastique et ouvrit les fenêtres, pour faire sortir la fumée qui l'empêchait de respirer. Il allait faire froid, mais c'était un sacrifice nécessaire : il avait l'impression que ses pauvres poumons étaient emplis de fumée et de cramé. Alors qu'il commençait à nettoyer, visiblement épuisé, il entendit le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvrait, suivi des exclamations moqueuses d'un certain délinquant.

« J'étais sûr que ça allait cramer là dedans ! l'air las et pas étonné pour deux sous, Rindo s'invita dans leur maison, un sac à dos sur l'épaule.

J'ai prévu le plan de secours, Ran était sur ses talons, et avait entre ses mains un plat de ramen, J'ai fait plusieurs paquets de nouilles instantanées, ça fait un repas.

— Vous êtes pas censés être un minimum riches ? Même le SDF au bas de la rue peut avoir pitié de notre repas, là, marmonna Tohma, les yeux plissés. »

Alors que Ran posait sur la table le récipient, Rindo sortit de sa poche un petit pot, avant d'en verser le contenu sur les nouilles.

« Hop, des confettis comestibles rouges. C'est Noël. Fais pas chier.

— C'est cool que vous soyez dispo ce soir, fit finalement remarquer Sukoku, les bras croisés, souriant plus sincèrement qu'avant.

Même les racailles passent Noël avec des gens. En conséquence, on n'a rien à faire non plus.

— Rien à faire, ce qui veut dire pas de copine non plus, soupira bruyamment le blond en s'asseyant grossièrement à table.

En même temps si tu niques des mères, tu devrais pas t'attendre à grand chose, amèrement, son voisin sortit des assiettes sans lui jeter un seul coup d'œil.

C'est trop d'entretien de toute façon une petite amie, je suis bien seul.

— Tu mens comme tu respires. T'es juste jaloux.

— Je vais t'enfoncer mes baguettes dans les yeux, on va voir qui aura envie de me traiter de menteur jaloux après ça.

Sukoku coupa immédiatement leur dispute d'enfant en s'asseyant à son tour.

Quelle belle ambiance de Noël ! s'exclama-t-elle en riant, Vous voulez ouvrir les cadeaux avant ou après manger, les gosses ? »

Bien qu'ils se sentent assez agacés par l'appellation assez péjorative, il suffit aux deux plus jeunes d'un seul regard complice pour se relever.

« Je commence à donner ! ordonna Tohma, enthousiaste, en se dirigeant rapidement vers le salon.

Mieux vaut maintenant, sinon Tohma va être insupportable, Rindo s'en alla d'un pas plus nonchalant, avec un certain dédain qui se voulait être un semblant de fierté. »

Ran les suivit rapidement, assez amusé, et quand Sukoku arriva à son tour, son fils était déjà assis par terre, à trier les quelques cadeaux qu'il avait acheté pour ses proches. Elle s'assit sur le canapé sans un mot et observa les garçons. C'était bien, comme ça. Elle ne se faisait pas juger ou mépriser pour son métier, et on ne la regardait pas bizarrement. Les Haitani n'étaient clairement pas des jeunes qu'on pouvait qualifier de gentils mais ils la respectaient, et ça lui suffisait.

« Votre sapin est trop moche, fit remarquer le blond à lunettes en grimaçant visiblement.

Bah, de toute façon, les sapins de Noël ressemblent aux mamans.

— Mais ? bredouilla son voisin, confus, T'insultes ta propre mère là, gros couillon.

— Oui, pas tort, mais c'est un sacrifice nécessaire. Vous avez pas de sapin chez vous, pas vrai ? »

Rindo jeta un coup d'œil sceptique à son frère, qui haussa simplement les épaules et finit par secouer la tête, signe qu'ils n'avaient absolument rien décoré chez eux.

« Exactement. Et c'est logique. Parceque comme votre sapin, votre mère vous l'avez jamais vu. »

Rindo commença à jurer ouvertement et il promit qu'il le frapperait. Tohma ne l'écoutait pas, trop occupé à rire de sa propre blague, et surtout de la réaction sacrément démesurée de son voisin, qui ne s'attendait visiblement pas à ça.

« Bon arrête, arrête ! s'étouffa le plus jeune en essayant de se redresser un minimum, pour paraître quelque peu présentable, Je te donne ton cadeau, après tu me frappes. »

Le blond haussa un sourcil, toujours aussi méfiant, mais arrêta de l'insulter. Il attrapa le paquet et hésita quelques instants avant de le déballer. Quand il tomba nez à nez avec le petit coq en peluche, il resta de marbre. Asanai remarqua pourtant que ses dents s'étaient légèrement serrées, et il resta statique en attendant une réelle réaction venant de lui. Son voisin finit par serrer le jouet si fort qu'il lâcha un petit couinement et il le posa brutalement sur le sol, un sourire agacé se dessinant au coin de ses lèvres. C'est seulement à ce moment exact que Ran lâcha un léger pouffement, très amusé par la tête que son petit frère tirait.

« Je passe l'éponge, souffla Rindo, et il attrapa un objet emballé de son sac, Ouvre. »

Tohma tendit les mains pour qu'il le lui donne, et, assez curieux, il l'ouvrit rapidement. Son sourire tomba en l'espace de quelques millisecondes. Les sourcils froncés, il pinça du bout des doigts un paquet de préservatifs.

« Tu te fous de ma gueule ? marmonna-t-il, dépité.

Oui. Je savais que t'allais m'offrir ton truc nul, il fouilla un peu dans son sac et lui jeta un autre cadeau en plein visage, Tiens. »

Le garçon aux cheveux mauves jeta les capotes à sa mère, n'ayant même pas besoin de préciser le fond de sa pensée avant de les lui donner, et il ramassa l'autre cadeau. Il n'eut pas le temps de l'ouvrir que le bruit de la sonnette retentit dans ses oreilles. Il se crispa, juste le temps d'une seconde, surpris, et entreprit ensuite de reposer son cadeau au sol. Il se releva, s'épousseta très brièvement les genoux et se dirigea vers la porte en prévenant distraitement qu'il s'en occupait.

Il n'avait pas encore abaissé la poignée, mais il pouvait tout de même entendre le vent claquer derrière les murs. Quand il finit par ouvrir, immédiatement transi par le froid, il ne fut pas si surpris que ça de tomber nez à nez avec Izana. Son écharpe et ses boucles d'oreilles voletaient dans le vent, et quelques unes de ses mèches venaient recouvrir son front. Sa chevelure d'ailleurs immaculée paraissait comme s'harmoniser avec les quelques flocons de neige qui se posaient doucement dessus. Il tenait dans sa main son téléphone, et le montrait assez visiblement.

« Tu n'as pas répondu.

J'ai perdu mon chargeur, répondit simplement Tohma, toujours aussi époustouflé. »

Il aurait pu le regarder toute la journée. Ses longs cils blancs couverts de flocons, battant délicatement, ses yeux aux couleurs de pierre précieuse le scannant de haut en bas, avec une certaine douceur qui l'avait lentement gagné au fur et à mesure qu'il avait côtoyé Tohma, sa peau étrangère à la sienne. Sa beauté ne cesserait jamais de l'impressionner, que ce soit ce soir là, au réveillon de Noël, ou que ce soit peut-être deux ans plus tard : il savait qu'à chaque fois qu'il le verrait, ce serait comme le rencontrer pour la première fois, et avoir le sentiment de tomber nez à nez avec un ange. Un ange aux ailes de sang, quand on apprenait à le connaître un peu plus, mais un ange quand même.

Ce soir là, Izana était un peu plus grand que lui, sûrement parceque lui était en chaussettes, et que le délinquant portait des talons.

Kurokawa finir par sortir une petite boîte sans emballage de sa poche, après avoir remarqué que Tohma ne prononcerait rien d'autre.

« Joyeux Noël. »

Le plus jeune resta assez étonné devant le cadeau, ne s'y attendant pas réellement, et, assez hésitant, il le prit calmement dans ses mains et sourit un peu plus.

« Noël c'est demain, Iza.

— Chipote pas, soupira le Philipin en enfonçant ses mains glacées dans ses poches, Ouvre. »

Assez intrigué, il pencha vaguement la tête sur le côté puis finit par ouvrir le petit boîtier. Quand il vit les deux bagues aux reflets dorés trôner dans leur écrin, un petit hoquet de surprise quitta ses lèvres. Ses yeux écarquillés, il reporta toute son attention sur celui qu'il aimait, qui avait d'ailleurs l'air d'attendre sa réaction.

« Ah mais non, c'est pas possible ça ! s'exclama alors Tohma brusquement. »

Il referma vivement la petite boîte et, la tenant fermement dans sa main, tourna les talons pour s'enfuir à l'étage.

Izana cligna des yeux, assez choqué, et dans le fond de la maison, il vit Rindo le regarder avec un visage blème. Ran avait les lèvres pincées et ne pipait pas un mot. Les deux Haitani n'arrivaient pas vraiment à croire que ce soit Izana Kurokawa qui venait de se faire rembarrer devant leurs yeux. Sukoku, elle, tournait la tête pour ne pas qu'on la voie rire.

Kurokawa les fixa en silence, probablement tout aussi choqué que les frères, même s'il était surtout assez confus.

Après quelques instants de grand silence, où seul le vent sifflait, frigorifiant, Tohma redescendit les escaliers aussi vite qu'il les avait grimpés. Essoufflé, son poing droit était serré, et dans sa main gauche se trouvait toujours les bagues qu'Izana venait de lui offrir. Il reprit son souffle, et brandit son poing en avant pour finalement l'ouvrir et en dévoiler le contenu.

« Des bagues, j'en ai aussi, admit-il. Il avait comme une impression d'aigre-doux dans le fond de sa bouche suite à la situation dans laquelle il se trouvait. »

Izana fronça un peu les sourcils, et finit par soupirer audiblement.

« J'ai failli ne pas comprendre, couillon, avoua-t-il avant de sourire agréablement, Donne ta main.

— Laquelle ?

— Gauche. »

Assez déboussolé, Tohma lui tendit sa main comme demandé. Kurokawa récupéra sa boîte et l'ouvrit. En silence, il prit une des bagues pour la passer sur l'annulaire gauche du plus jeune. Puis, toujours sans rien dire, il enfila à son tour sa bague, mais sur son annulaire droit.

« Mets moi ta bague sur le doigt gauche, tu te la mettras sur le doigt droit. »

Tohma eut l'air de réaliser, et il finit par acquiescer. Avec très peu d'aisance, il prit dans la sienne la main gauche d'Izana puis lui mit la bague au doigt. Quand il eût terminé d'enfiler la sienne sur son propre annulaire, il prit la main du délinquant dans la sienne pour entrelacer leurs doigts. Il allait rajouter quelque chose, son cœur battant la chamade, mais la voix féminine de sa mère vint casser leur moment.

« Vous comptez garder la porte ouverte longtemps, les mômes ? Je paye le chauffage moi, si vous voulez mourir de froid, faites le sans nous ! s'écria-t-elle depuis le salon.

Tohma lâcha la main d'Izana pour faire volte-face.

Tu gâches tout ! embarrassé, il s'empressa de retourner à l'intérieur, et avant de véritablement entrer dans le salon, il jeta un coup d'œil visé au Philipin, Tu viens ?

L'intéressé haussa d'abord les sourcils, mais il finit par hocher la tête.

D'accord. »

Il referma la porte derrière lui, fermant doucement les yeux alors qu'il secouait la tête pour faire tomber la neige qu'il avait dans les cheveux. Alors qu'il retirait son manteau, ses chaussures et son écharpe, il décida d'ignorer les remarques cassantes d'un Rindo ennuyé envers Tohma. De toute façon, maintenant, il ne pensait qu'à Asanai. Peut-être pour la deuxième fois dans sa vie, il se sentit aimé et à sa place, sans envie de tuer quelqu'un : il n'en avait pas trop besoin, quand le mauve était avec lui.

Après réflexion, il se dit que ce n'était probablement pas seulement la deuxième fois. Tohma avait toujours forcé pour qu'il accepte son amour, et au moment où il le regardait retourner s'asseoir avec sa mère et les Haitani, le visage rouge d'embarras mais incapable de s'empêcher de rire tellement il paraissait heureux, il se dit qu'il l'avait peut-être accepté dans sa vie intime et personnelle, lui et seulement lui, depuis le début.

NDA : J'ai pas tout compris, le chapitre s'est dépublié azy wtf, Wattpad quelle merde.

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