Chapitre 22
Les hommes chargés de faire respecter l'ordre leur avait prêté une maigre somme d'argent ainsi qu'un modeste fiacre, qui devait les mener jusqu'à leur village. Hortense avait été forcée d'y monter, après avoir été dépouillée de ses vêtements et bijoux. Elle ne portait plus que sa chemise de tissu blanc, et cela lui était complètement égal. Dakota s'était assise en face d'elle, la couvant d'un regard infiniment empli de reproche, mais aussi de désir. La rousse ne pouvait faire cesser les larmes qui coulaient en un flot ininterrompu sur ses joues. Elle ne faisait même plus l'effort de les essuyer, car cela ne changeait rien. Elle ne pouvait pas s'arrêter de pleurer en silence. Il lui semblait que le trou dans sa poitrine était immense, et ne pourrait plus jamais être comblé. Car elle ne reverrait jamais Lysandre. Rien que le fait de penser à lui arracha de nouvelles larmes à la jeune femme. Elle entendit le brun soupirer, et se recroquevilla un peu plus contre la portière en fermant les yeux. Elle voulait tellement que tout ce cauchemar ne soit qu'un mauvais rêve... Elle se mordit violemment la lèvre en serrant les paupières, mais lorsqu'elle rouvrit ses yeux, le décor n'avait pas changé. Elle était toujours dans ce fiacre sombre, avec Dakota qui la fixait. Elle lui lança un regard de pure haine, et se détourna. Tout était de sa faute. S'il ne s'était pas obstiné à vouloir l'épouser, s'il avait compris qu'elle le détestait, et s'il n'était pas venu la chercher, rien de tout cela ne se serait passé. Et elle serait encore en compagnie de Lysandre. Elle hoqueta en revoyant ses magnifiques prunelles ainsi que son beau sourire, et eut une nouvelle crise de larmes en prenant son visage entre ses mains. Il lui manquait tellement, c'était atroce. Elle avait l'impression qu'une main de fer lui comprimait le cœur, la cage thoracique et les entrailles. La rousse hoqueta, et plaqua ses mains sur son cœur avant d'étouffer un gémissement de douleur. Elle entendit :
« - Ecoute, Hortense...
- Tais-toi ! lui hurla-t-elle. Tout ça, c'est à cause de toi ! Je te déteste, si tu savais à quel point je te déteste !
- Non, toi tu m'écoutes ! »
Il se précipita sur elle, et alors qu'elle tentait de se dégager, il la colla contre la banquette et l'immobilisa. Il tenait ses poignets d'une main et son visage de l'autre. Il la força à le regarder, et détacha soigneusement chaque mot :
« - Tu seras ma femme. Tu n'avais qu'à l'accepter. Ce noble ne t'aimait pas, il ne voyait en toi qu'une... Qu'une vierge à dépuceler. Et je suis heureux qu'il n'ait pas réussi.
- Ne parle pas de Lysandre comme ça, siffla la rousse. Tu ne le connais pas, alors que moi si. Tu ne sais pas à quel point il n'était pas comme tu le décris... »
Sa voix se brisa, et elle passa sous silence le fait qu'elle se soit offerte à Lysandre. Il eut un regard méprisant, et son ton devint dur :
« - Tu vas m'écouter, Hortense. Tu es à moi. Tu devais te douter que je serais venu te chercher. J'allais pas te laisser dans les bras de ce vieux. Donc on va rentrer, et tu vas m'épouser sans faire d'histoires.
- Jamais ! »
Elle le poussa violemment, et il chuta sur l'autre banquette. Elle pointa un doigt accusateur sur lui, et lui hurla à travers ses larmes :
« - Ne compte pas sur moi pour te faciliter la tâche ! Je te déteste, et je te détesterai toujours ! Tu n'es rien à côté de lui, et je ne ressens que de la haine pour toi ! Alors laisse-moi tranquille, laisse-moi pleurer, laisse-moi exprimer mon chagrin de l'avoir perdu ! »
Les larmes l'empêchèrent de continuer, et elle s'effondra sur le siège en sanglotant. Elle ramena ses jambes contre elle, et se cacha derrière un rideau de cheveux roux. Dakota ne lui inspirait que de la répulsion, et elle refusait d'admettre qu'elle allait devoir l'épouser, qu'il veuille encore d'elle après sa fuite. Elle avait pourtant espéré le contraire, mais encore une fois, elle avait tort.
.......................................................................................................................................................
Le voyage fut éreintant. Le paysan ne la laissait jamais seule, même pas lorsqu'elle faisait sa toilette. Alors, il se retournait, et attendait qu'elle le prévienne qu'elle avait terminé. Mais ce manque de liberté ne l'attristait plus. Tout semblait dérisoire et futile à côté de la cruelle perte de son amour. Hortense ne cessait de songer à Lysandre, et s'inquiétait. Que lui était-il arrivé ? L'avait-on maltraité ? Etait-il toujours vivant ? Pensait-il à elle, comme elle pensait à lui sans arrêt ? Elle ne savait que penser, que répondre à cette dernière question. Le doute lui étreignait sans cesse le cœur, et elle essayait de repousser l'hypothèse à laquelle croyait Dakota. Le noble ne pouvait pas s'être joué d'elle, c'était impossible. Du moins, elle tentait de s'en convaincre.
Elle ignorait totalement le brun, alors même qu'il prétextait dans toutes les auberges qu'ils étaient de jeunes époux. Elle ne pouvait ni le voir, ni l'entendre. Le moindre contact avec le jeune homme lui soulevait le cœur, et elle s'efforçait de se tenir loin de lui. Quand ils devaient dormir dans des chambres communes, elle refusait de se coucher dans le même lit que lui, et se retrouvait à se pelotonner sur un fauteuil. Mais, encore une fois, cela ne la dérangeait pas. Car elle sentait le trou dans sa poitrine grossir, dévorant tout.
Hortense avait parfois des crises d'angoisse, que Dakota ne pouvait calmer, et elle suffoquait pendant de longues minutes en sanglotant, et en revoyant le visage parfait de Lysandre. Quand elle reprenait sa respiration, elle voyait très bien le regard blessé que lui lançait le paysan, mais n'en avait cure. Elle dépérissait, et ne voulait pas être sauvée de cette mélancolie qui l'accablait. De plus, rien ne pouvait la sauver, elle le savait. Qu'est-ce qui pouvait la distraire, alors qu'elle était ignorant du sort de son aimé, et qu'elle était si loin de lui ? Rien.
.......................................................................................................................................................
Le fiacre s'arrêta, et la rousse remarqua que le paysan regardait par la fenêtre. Il eut ensuite un léger sourire, et aussitôt, elle écarquilla les yeux. Ils étaient arrivés, c'était sûr. Elle sentit son cœur se serrer violemment, et se plaqua une main sur la bouche. Durant tout le trajet, elle n'avait pas pensé à l'accueil qu'elle pouvait recevoir en rentrant. Elle savait que sa mère n'allait pas être ravie de la revoir, mais comment Jeanne allait-elle réagir ? L'angoisse lui tordit les entrailles, et la jeune femme se rendit compte que Dakota avait son regard fixé sur elle. A cet instant, elle avait envie de se réfugier dans ses bras, pour qu'il la rassure. Car elle constata qu'elle avait bien plus peur de la réaction des villageois que de lui. D'un geste instinctif, elle enroula ses bras autour d'elle, et essaya de respirer calmement. Mais sa détresse était telle qu'elle sentait une sourde douleur dans sa poitrine, et elle hoqueta. Immédiatement, le brun la prit par la taille et la colla vers lui. Sans réfléchir, elle se raccrocha à sa chemise, et enfouit son visage dans son cou. Il enserra fortement sa taille, et, le nez contre sa peau, elle sentit un court instant sa peur s'éloigner. Mais lorsqu'elle respira, et qu'elle sentit que son odeur était différente de celle de Lysandre, elle fondit en larmes. Le noble lui manquait tellement, c'en était invivable. En sentant qu'elle pleurait, Dakota soupira, et l'écarta de lui :
« - Ecoute Hortense, tu devais t'attendre à ce qu'ils soient pas très contents de te revoir.
- Pourquoi tu es venu me chercher ? »
La question lui avait échappé, et elle vit son regard devenir plus dur. Il remua la mâchoire, et siffla :
« - Tu dois être ma femme. C'est tout. »
Sur ces mots, il ouvrit la portière et sortit. La lumière solaire envahit l'habitacle, et Hortense pouvait presque entendre les murmures désapprobateurs des villageois. Elle eut un instant un moment de courage, se disant qu'elle descendrait et qu'elle passerait devant eux sans un regard. Mais aussitôt, elle y renonça. Jamais ils ne la laisseraient les ignorer. Alors, elle inspira profondément, essuya ses larmes et lissa sa chemise, avant de sortir à son tour du fiacre, tentant d'avoir l'air digne. Elle s'arrêta devant eux, et soutint leurs regards hostiles en tentant de ne pas montrer son angoisse. Sa mère semblait être la plus en colère, car ses yeux noirs lançaient des éclairs. Brusquement, elle marcha vers la rousse, et arrivée devant elle, la matrone la gifla avec tant de forces que sa tête tourna. Des larmes lui vinrent aux yeux, et elle écouta en silence Jeanne lui hurler :
« - Espèce de fille indigne ! T'as cru quoi ? Que Dakota allait te laisser t'encanailler avec ce noble ?! Mais franchement, comment t'as osé partir ?! »
Sa mère ponctuait ses répliques de coups de poings, et Hortense leva ses bras devant son visage pour se protéger, tout en ne disant mot. Ce silence finit par mettre hors d'elle la brune, qui poussa violemment la jeune femme. Cette dernière s'écroula par terre, et ce fut comme s'il y avait eu un signal. Tous les villageois se ruèrent sur elle, et elle sentit une pluie de coups s'abattre sur elle. Elle ferma les yeux de toutes ses forces, et se mordit violemment la lèvre pour ne pas trahir sa souffrance. Jamais elle ne s'excuserait pour sa fuite, ni pour son amour. La rousse se recroquevilla, et après de longues minutes de déferlement de haine, tout cessa. Cependant, elle resta immobile, attendant que tous s'en aillent. Elle refusait de céder devant eux. Une personne lui cracha dessus, puis le silence s'installa sur la place.
Soudain, une main caressa ses cheveux, et elle releva brusquement la tête en s'asseyant. Mais ce n'était que Dakota. Il l'observa se relever avec difficultés, et lorsqu'elle tituba, il l'attrapa par la taille afin qu'elle ne tombe pas. La jeune femme grimaça lorsqu'elle sentit de vives douleurs dans ses jambes et au niveau de son ventre, et étouffa un gémissement de souffrance quand elle essaya de marcher. Mais il l'entendit, et la souleva dans ses bras, comme le faisait parfois Lysandre. Hortense n'eut même plus la force de pleurer, et se contenta de se blottir contre lui. Elle avait beau le détester, elle avait l'impression qu'il était la personne qui la détestait le moins de tout le village. Et malgré sa personnalité changeante qui la déboussolait, elle appréciait presque sa compagnie, car elle n'était plus seule avec ses pensées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top