Chapitre 13

Ils se séparèrent en sursautant, et firent face à Castiel, qui les observait avec un sourire en coin. Aussitôt, Lysandre soupira :

« - Bon sang, Castiel...

- Mais dis-donc, que vous est-il arrivé ? »

Le rouquin fixait la robe d'Hortense, qui haussa les épaules :

« - Rien de bien grave.

- Bon, dans ce cas... Il tapa dans ses mains. Bien, maintenant que vous vous êtes retrouvés, j'aimerais bien rentrer, car cette Ambre m'horripile. »

Lysandre hocha la tête, mais la rousse demanda :

« - Ce n'est pas... Malpoli ? »

Les deux hommes posèrent leur regard sur elle, et elle se troubla :

« - Oh, je... Non, ce n'est pas important.

- Hortense, sourit son aimé. Ne vous en faîtes pas pour cela. Dans ces bals, nous pouvons partir quand nous le voulons.

- Oh, d'accord. »

Il lui prit la main, et fit un signe de tête à Castiel. Puis, ils se mirent en marche. Le rouge soupira :

« - Essayons de sortir en évitant notre hôte. Premièrement, elle n'appréciera pas de voir... Hortense dans cet état-là. Et je tiens à éviter le plus possible sa fille. »

Lysandre se contenta de hocher la tête, la main entrelacée avec celle de la rousse. Il lui caressait doucement les doigts, et, de temps en temps, leurs regards se croisaient. Alors, ils se souriaient, puis détournaient les yeux. En voyant leur petit manège, le rouquin leva les yeux au ciel :

« - Eh bien, heureusement que vous ne vous êtes pas séparés plus longtemps... Ça aurait été encore moins animé comme conversation. »

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Ils avaient finalement pu quitter l'endroit sans croiser de De Soubise, et s'étaient engouffrés dans le carrosse de Castiel. Ce dernier avait donné sa propre adresse, et la calèche s'était mise en route. Lysandre et Hortense s'étaient assis côte à côte, ne séparant pas leurs mains. Le rouquin les contempla un instant avec un léger sourire, puis demanda soudain :

« - A propos, quel âge avez-vous, Hortense ? »

La rousse posa son regard sur lui, et fronça les sourcils. Pourquoi posait-il cette question ? Elle savait parfaitement qu'elle était bien plus jeune que l'homme qu'elle aimait, et n'avait pas besoin qu'on le lui rappelle. Mais Lysandre pressa doucement ses doigts, et elle se détendit. Après tout, Castiel n'avait pas forcément de mauvaises intentions. Alors, elle répondit :

« - J'ai eu vingt ans il y a deux saisons.

- Vingt ans ? Et vous êtes venue toute seule ici ?

- Oh... Oui. »

Elle haussa les épaules, et sentit une douce pression sur ses doigts. Elle tourna son visage vers Lysandre, et se sentit fondre d'amour en voyant ses prunelles posées sur elle. Elle se rapprocha légèrement de lui, et posa sa tête sur son épaule. Délicatement, il sépara leurs mains et lui enserra la taille d'un bras. Castiel eut un rictus amusé, puis, lorsque la calèche s'arrêta, il leur fit un signe de tête :

« - D'ailleurs, ne descendez pas ici. J'ai ordonné au cocher de vous conduire chez vous, Lysandre. Je ne pense pas que cette demoiselle soit à sa place chez moi. Néanmoins, si vous n'en voulez pas, je veux bien m'en occuper. »

Hortense saisit le sous-entendu, et frémit. D'un geste protecteur, son aimé la serra plus contre lui, et secoua la tête :

« - Ne vous en faîtes pas Castiel. Je la garde avec moi. Mais merci pour tout.

- De rien. Passez une bonne soirée. »

Il descendit, referma la porte, et peu après, le carrosse s'ébranla de nouveau. Peu à peu, le noble desserra son étreinte, et lui sourit :

« - Ne vous inquiétez pas. Il ne disait pas cela sérieusement.

- Je l'espère...

- A ce propos... Où avez-vous appris à parler comme cela ? »

Elle s'écarta un peu de lui, pour le fixer, ne comprenant pas :

« - Que voulez-vous dire ?

- Et bien... Dans les jardins, lorsque Nathaniel de Soubise est arrivé... On vous aurait prise pour une parfaite femme du monde.

- Oh, c'est votre ami qui m'a appris quelques formules d'usage avant de m'emmener là-bas. »

Il hocha la tête :

« - Je comprends mieux. Et vous m'apparaissez encore plus fascinante. »

Cette phrase fit rougir la rousse jusqu'aux oreilles, et elle sentit une vague de chaleur l'envelopper toute entière. Elle se détourna, gênée et ne sachant que répondre, et regarda par la mince ouverture qui servait de fenêtre. Elle l'entendit rire, et il se rapprocha d'elle pour venir s'asseoir juste en face. Il lui attrapa le menton entre ses doigts, et lui murmura d'un air amusé :

« - Vous êtes adorable, Hortense. Vous avez parcouru une énorme distance, seule, pour me retrouver, votre périple n'a sans doute pas été simple, et pourtant, malgré cela, vous êtes incapable de répondre à un mot affectueux. »

Elle plongea son regard dans le sien, et finit par répondre :

« - C'est que... Les premiers que j'ai reçus venaient de vous, et...

- Comment cela ? »

Il fronçait les sourcils, et elle s'expliqua doucement :

« - Jamais personne ne m'a dit de mots gentils. Enfin, peut-être mon père, mais... »

Elle se mordilla la lèvre, et en voyant qu'il semblait toujours préoccupé, elle leva la main et passa lentement ses doigts sur ses sourcils. Il se détendit légèrement, et lui attrapa les doigts pour les entrelacer avec les siens. Elle lui fit un petit sourire, et secoua la tête :

« - Ne vous inquiétez pas. Ce n'est pas grave. Comme on dit chez nous, il y a un début à tout. »

Il sourit à son tour, et déposa un léger baiser sur ses mains avant que le carrosse ne s'arrête. Puis, il se dégagea, et ouvrit la portière. Il descendit de la calèche, et lui tendit galamment la main pour l'aider à descendre. Lorsqu'elle posa à son tour les pieds sur le sol, elle ouvrit de grands yeux devant la demeure de Lysandre. L'habitation était grande, est faite en pierre blanche. Elle comportait deux étages, donc le premier avec un large balcon. Mais le noble la détrompa :

« - Ne vous fiez pas à l'apparence, Hortense... La moitié des pièces ne sont pas meublées.

- Oh, mais... Pourquoi ? N'avez-vous pas d'argent ? »

Lysandre lui était toujours apparu comme un homme riche, alors elle fronça les sourcils. Mais lorsqu'elle vit qu'il la considérait d'un air surpris, elle comprit qu'il croyait qu'elle ne s'intéressait qu'à sa fortune. Alors, elle lui agrippa le bras :

« - Non, je... Ce n'est pas important, je... Je ne voulais pas dire ça. »

Elle tenta de lui sourire, et, par bonheur, il hocha la tête :

« - D'accord. Venez, ne restez pas dehors, vous devez avoir froid. »

Alors seulement, la rousse prit conscience qu'en effet, elle n'était pas réchauffée du tout. Elle acquiesça, et accepta le bras qu'il lui tendait, et ils s'engouffrèrent ensemble dans la maison. Dès que la porte se referma, elle frissonna à cause du changement de température, et, prévenant, Lysandre lui mit sa veste sur les épaules. Hortense huma la senteur qui se dégageait du tissu, et rougit en reconnaissant l'odeur de son aimé. Malgré tout, elle s'emmitoufla dedans, et fourra son nez dans le tissu. Puis, elle détailla le hall, et ne put s'empêcher de s'émerveiller. Elle voyait bien que le mobilier n'était pas le même que celui de chez Castiel, car moins décoré, mais elle appréciait plus cela. Il n'y avait qu'une commode en acajou, un tableau d'un homme aux cheveux et aux yeux noirs au mur, ainsi que deux chaises au tissu vieilli. Un escalier menait à l'étage, et une personne s'y tenait. Lorsqu'elle la reconnut, Hortense s'exclama :

« - Bertrand ! »

Elle courut jusqu'à lui, et le serra dans ses bras. Il balbutia :

« - Mais... Comment es-tu arrivée ici, et... Où as-tu trouvé ces vêtements ?

- C'est une longue histoire, mais...

- Bertrand. Pourriez-vous prévenir Blanche, pour qu'elle aide Hortense à se déshabiller ? les interrompit Lysandre.

- Oui, Monsieur.

- Bien. Je vous emmène là-haut. »

Il attrapa délicatement le poignet de la rousse, et ils gravirent les escaliers. A l'étage, la jeune femme remarqua avec un serrement de cœur que les pièces qu'ils traversaient contenaient très peu de meubles. En voyant son regard attristé, le noble soupira :

« - La plupart du mobilier que j'avais au château m'avait été prêtés par Castiel.

- Mais... Vous êtes un noble ? Donc... Vous n'êtes pas forcément riche ? »

Il eut un léger rire, et s'arrêta de marcher pour la maintenir en face de lui. Il eut un sourire qui fit chavirer son cœur :

« - Dieu que vous êtes attendrissante, Hortense... Pour vous répondre, il se peut que certains nobles aient juste une particule, sans la fortune qui va avec. Et c'est un peu mon cas.

- Oh... Je vois... Mais... Vous êtes heureux comme ça ? »

Il fut surpris, et la considéra longuement, avant de murmurer d'un air songeur :

« - Je pense que vous devez savoir mieux que quiconque que l'on peut être heureux sans argent. Et c'est mon cas. Surtout depuis que je vous ai retrouvée. »

Il déposa un léger baiser sur ses lèvres, avant de l'inciter à se remettre en marche. Ils arrivèrent devant une large porte de bois blanc, et Lysandre la poussa, avant de la faire entrer dans la pièce. Elle était spacieuse, et un mur entier était occupé par un monumental lit. De l'autre côté de la pièce, il y avait deux fauteuils et une sorte de repose-pieds, autour d'une petite table basse. Soudain, il sembla prendre conscience d'une chose, et eut une mimique embêtée. Aussitôt, Hortense s'inquiéta :

« - Qu'y a-t-il ?

- Je... Je n'avais pas pensé au fait qu'il n'y avait qu'un seul lit dans cette demeure... Mais... Ce n'est pas grave, je dormirai sur les sièges. »

Il se dirigea vers les fauteuils, et les arrangea pour faire une sorte de lit de camp sommaire. La rousse le regarda faire, et décela un léger changement d'attitude. Elle trouvait son ton plus froid. Alors, elle proposa :

« - Attendez, si vous voulez, je peux vous laisser le lit, je suis habituée à dormir sur quelque chose de dur, et...

- Non, la coupa-t-il. Il n'est pas convenable de laisser une demoiselle dormir dans de mauvaises conditions.

- Mais, je...

- Hortense. »

Il s'arrêta, et posa sur elle un regard soudain las :

« - Laissez-moi faire, je vous prie. Puis, il avisa qu'elle portait encore sa veste. Et vous pouvez vous découvrir. Il fait plus chaud ici. »

Refroidie par son comportement, elle enleva doucement la redingote, et la déposa sur le lit, avant de s'asseoir au bord de celui-ci. Elle regarda ensuite Lysandre s'affairer en silence, redoutant de dire une chose qu'il ne fallait pas. Lorsqu'il eut rapproché les fauteuils et étalé une couverture dessus, il se tourna vers elle, et détourna soudain le regard :

« - Une femme de chambre va venir vous préparer pour dormir. »

Elle acquiesça sans rien dire, et, sans un mot, il sorti de la pièce. Aussitôt, les larmes lui montèrent aux yeux. Elle ne comprenait pas ce brusque changement d'attitude. Lui qui était auparavant si doux, il était devenu distant, comme si elle n'était qu'une étrangère. Elle se mordit violemment la lèvre pour ne pas pleurer, et réagit à peine quand le porte se rouvrit. Une petite dame d'un âge avancé se planta devant elle. La rousse releva les yeux vers l'inconnue, et comprit qu'il s'agissait de la femme de chambre. Cette dernière était tout en rondeur, et avait sans cesse un sourire maternel sur le visage. En voyant la détresse d'Hortense, elle eut une moue ennuyée, et soupira :

« - Eh bien, ma petite... Il faut sourire, la jeunesse, c'est fait pour être heureux ! »

Puis, comme la jeune femme ne se déridait pas, elle haussa les épaules, et lui fit un signe de tête :

« - Allez, debout. Je vais vous déshabiller. »

Docilement, elle obéit, et leva les bras pour que Blanche puisse lui dégrafer son corsage. Quand elle vit que le corsage était délacé en dessous, elle eut une exclamation de surprise :

« - Mon Dieu, mais... Que vous est-il arrivé ?

- ... Rien. »

La servante resta silencieuse un instant, puis, tandis qu'elle ôtait les jupons de la rousse, elle lui murmura :

« - C'est à cause du comportement de Monsieur, n'est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas pour ça. Cela fait longtemps qu'il n'a pas reçu de femme à la maison. A vrai dire, depuis la mort de Madame...

- Il était marié ? »

Hortense se retourna brusquement vers la femme de chambre, en ouvrant de grands yeux. La vieille dame haussa les épaules :

« - Eh bien oui, que vouliez-vous ? Il est d'usage de se marier entre nobles. Mais elle a disparu d'une maladie de poitrine il y a environ... Dix années de cela, et depuis cette date... Monsieur est resté seul. Mais, maintenant, vous voilà. Mais je vous préviens. Son ton se voila de menaces. Ne vous avisez pas de lui briser le cœur. J'ai beau n'être qu'une humble servante, je le respecte énormément.

- Ne vous inquiétez pas. Je... Je l'aime vraiment. »

Blanche eut un petit sourire devant cet aveu, puis, enleva la chemise de la rousse. Aussitôt, gênée, elle croisa les bras sur sa poitrine, ce qui fit rire la servante :

« - Ah, vous êtes adorable. Voilà une chemise propre. »

Sans perdre de temps, Hortense enfila la longue chemise qui lui arrivait jusqu'aux genoux, et qui avait de longues manches. Le décolleté était très discret, et ne parvenait pas jusqu'au renflement de sa gorge. La femme de chambre frappa dans ses mains :

« - Bien. Vous pouvez maintenant vous coucher. Monsieur remontera plus tard.

- Oh... D'accord.

- Et, ma petite... Ne vous inquiétez pas pour son comportement. »

Elle lui sourit avec bonté, et, alors qu'elle soulevait la couverture, la jeune femme se sentit soudain mieux. Elle lui rendit son sourire, et la regarda sortir. Puis, elle se glissa dans le lit, et soupira d'aise en s'enfonça dans le matelas de plume. En y réfléchissant bien, elle ne se sentait plus capable d'abandonner ce confortable lit pour dormir sur des sièges. Et cette pensée la ramena au comportement de Lysandre. Malgré ce qu'avait dit Blanche, il lui semblait qu'elle était fautive. Peut-être avait-elle dit quelque chose qui avait déplu au noble ? Elle repensa à ses remarques sur son manque d'argent, et soudainement, se persuada qu'elle avait trouvé la cause de cette froideur. Il avait cru qu'elle n'était intéressée que par sa fortune. Les larmes lui montèrent aux yeux, et elle ne put les retenir. Elle se fit submerger par les pleurs, et s'effondra sur l'oreiller en sanglotant.


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