Stiles regardait Derek, éberlué. Avait-il bien entendu ? Le loup venait-il réellement de lui dire qu'il allait effectuer sa part du contrat ? L'hyperactif n'y croyait pas, c'était presque trop beau pour être vrai, à tel point qu'il ne se détendit pas le moins du monde. Bien au contraire. Sans doute disait-il cela pour mieux l'amadouer et profiter de son corps sans limite. Corps complètement dénué de tout intérêt, mais suffisant pour vider les organes génitaux du loup.

- Tu me fais une blague ? Non parce que si c'est le cas, c'est vraiment pas drôle, se renfrogna l'adolescent.

- Est-ce que je suis du genre à rire ? Demanda Derek en haussant un sourcil.

Bien que Stiles connaissait la réponse, il garda le silence, une prouesse par rapport à d'ordinaire. Peut-être l'amertume en lui impactait-elle son comportement ? C'était fort probable. Derek n'était pas de ceux qui aimaient plaisanter, c'était même tout l'inverse. C'était à se demander s'il avait déjà ri un jour dans sa vie. Pourtant, Stiles se sentait tellement blessé qu'y croire lui paraissait inconcevable. De plus, il commençait réellement à s'en vouloir d'avoir eu cette idée de merde.

- Par contre, Stiles, si on conclut ce pacte... Il faut que les deux parties soient consentantes. Je ne veux pas que tu te forces à respecter ta part du marché, continua Derek, plus sérieux que d'ordinaire, ce qui était assez difficile à faire. Il faut que tu en aies envie.

- Et qu'est-ce que ça change, que j'en aie envie ou pas ? S'enquit Stiles, surpris par la tournure que prenait la discussion.

Derek leva les yeux au ciel, agacé par le comportement de l'adolescent mais ne fit aucun commentaire. Stiles voyait très bien où il voulait en venir mais il le forçait à s'expliquer, indirectement.

- Si tu n'en as pas envie, c'est un viol, répondit tout naturellement Derek.

Autant être crû pour lui faire regretter ses précédentes paroles. Contrairement à ce que Stiles avait plus que laissé entendre, le loup ne le considérait pas comme « sa pute ». Loin de là. Il avait beau être du genre bourru, ce n'était pas un mauvais bougre, encore moins un monstre : disons simplement que la proposition de Stiles l'avait surpris et qu'il avait réagi plutôt maladroitement, voire... Instinctivement.

Derek était un peu un handicapé social, mais il travaillait sur ça.

- Et qu'est-ce que ça peut te faire ? Continua Stiles, beaucoup plus curieux que véhément.

Et même si cette question rhétorique blessa un peu Derek, il n'en montra rien. Au fond, il comprenait la réserve de Stiles : il s'était comporté comme un idiot en disant qu'il allait réfléchir à sa proposition alors que le garçon s'était déjà donné à lui pour remplir sa part du marché. Alors, Derek garda son calme.

- Je suis pas un monstre, Stiles, dit-il simplement. Si tu n'en as pas envie, je trouverai un autre moyen.

Et c'était sincère. Oui, Stiles lui avait fait passer l'une des meilleures nuits de sa vie et accomplir l'acte charnel après tant d'inactivité de ce côté-là lui avait fait un bien fou : pour autant, faire du mal à l'adolescent était loin d'être ce qu'il voulait. Pourtant, son nez commençait déjà à sentir à nouveau de plaisants effluves provenant de l'odeur de Stiles, des effluves qu'il avait déjà sentis. Son loup se mit aussitôt à gratter aux portes de son esprit mais Derek le musela tout de suite. S'il le laissait faire, il serait déjà en train de déshabiller Stiles et ce n'était peut-être pas la chose à faire en cet instant.

Stiles le toisait d'un regard indéchiffrable, à tel point que si Derek n'était pas un loup, jamais il n'aurait pu deviner ce qu'il ressentait à cet instant. Mis à part cette fragrance d'excitation qui trahissait son envie, l'hyperactif avait peur. Il était perdu et avait honte. Honte de quoi ? Derek n'en avait aucune idée mais c'était loin d'être la première fois qu'il sentait cela et autant dire que ça piquait sa curiosité. Ce qui le perturba, en revanche, fut la tristesse qu'il put déceler entre tous ces sentiments étranges. Elle était là, faible, mais présente. Était-ce à cause de la veille ? De ce matin ?

- D'accord, finit simplement par dire l'adolescent.

Si quelque chose en plus troublait le loup, c'était bien l'attitude de l'adolescent. Qu'il soit sur la réserve, ça, il pouvait le comprendre. Qu'il ait l'air aussi peu à l'aise, c'était autre chose. Et puis Derek se souvenait parfaitement de la manière dont Stiles avait enfilé sa veste : son geste avait été à la fois brusque et rapide. À ce moment-là, le stress avait dominé son odeur. Là encore, c'était obscur.

- Puisque nous sommes d'accord, tu veux bien me dire ce que tu désirerais en contrepartie ? S'enquit logiquement Derek.

Il voulait bien remplir sa part du marché, encore fallait-il savoir de quoi il s'agissait. Dès qu'il eut terminé de poser cette question, le loup vit l'adolescent se tendre, tout autant qu'il le sentit. La honte prédomina d'un coup d'un seul dans son odeur. Stiles détourna le regard alors que ses joues rougissaient légèrement.

- Je... Je te le dirai plus tard, finit-il par lâcher.

Pourquoi était-il aussi gêné ? Derek haussa un sourcil.

- Pourquoi t'as honte ? Demanda-t-il de but en blanc.

Stiles soupira et marmonna à quel point l'odorat lupin était une plaie, qu'on ne pouvait rien cacher même si c'était vital. Là en l'occurrence ça ne l'était pas, mais l'hyperactif aimait bien exagérer les choses.

- Pas envie d'en parler maintenant, c'est tout, maugréa-t-il.

Derek le regarda avant d'hocher la tête, compréhensif.

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Stiles se réveilla en sursaut à l'entente de son alarme stridente. Il fallait qu'il se lève pour aller en cours, il le savait. Pour autant, est-ce qu'il en avait envie ? Pas du tout. Pour cette fois, Derek n'était pas la cause de sa fatigue, ni de sa mauvaise humeur. Non, ce qui l'embêtait, c'était son sommeil et plus particulièrement les nuits qu'il passait depuis un bon moment. Elles n'étaient pas vraiment reposantes et Stiles se réveillait de nombreuses fois pour il ne savait quelles raisons tout en enchaînant les cauchemars. C'était un garçon particulièrement torturé, quand on y repensait. Rares étaient les fois où il pouvait passer plusieurs heures sans se réveiller en sueur. En plus, un mauvais rêve revenait particulièrement souvent et le laissait généralement pantelant durant de longues minutes, avant qu'il n'arrive à se rendormir.

C'était une intrusion nocturne. Souvent, Stiles entendait les pas se rapprocher, lents et lourds. Dans son rêve, il faisait tout pour garder son calme et faire semblant de dormir, contrôlant au maximum sa respiration et muselant son envie d'hurler. Stiles ne savait pas pourquoi, mais c'était toujours ce qu'il faisait. Par la suite, il sentait des doigts effleurer sa peau douce de sa nuque et c'était là qu'il devait faire appel à toute sa force mentale pour ne pas bouger, ne pas ouvrir les yeux alors qu'il n'avait qu'une envie, crier, appeler à l'aide.

Lorsque ce cauchemar se terminait, Stiles tremblait durant de longues minutes et peinait à retenir ses larmes tant il avait peur. Cela avait été le cas cette nuit aux alentours de quatre heures du matin, tout autant que ça l'était actuellement, à sept heures. Stiles soupira en tremblotant. Il n'arrivait pas à s'y habituer et doutait d'y arriver un jour. De toute façon, il n'avait pas envie que ça dure, à raison d'ailleurs. Avoir des nuits coupées et raccourcies par son esprit torturé, ce n'était clairement pas son truc. Sa vie était déjà assez compliquée comme ça alors pas la peine d'en rajouter. Peut-être devait-il songer à prendre des somnifères pour être sûr de ne pas se réveiller et avoir des nuits plus ou moins normales. Stiles se demanda un instant si ce genre de médicaments empêchait de rêver, ce qui l'arrangerait bien. En temps normal, il aurait eu la réponse à cette question mais là, son esprit était encore un peu embrumé et pour y remédier, rien de tel que se lever et déjeuner.

Stiles se redressa dans son lit, alluma sa lampe de chevet et s'habilla directement. Autant ne pas perdre de temps. Penser à autre chose le plus tôt possible lui ferait le plus grand bien. Les abdos de Derek, tiens. C'était une bonne source de divertissement qui arrivait toujours à lui faire oublier ses peurs. Sauf que Stiles s'y refusa. Parce que penser aux abdos de Derek lui rappellerait forcément leur conversation de la veille. Discussion qui avait d'ailleurs grandement perturbé l'hyperactif qui ne savait pas quoi penser. Pour être honnête, Derek avait laissé Stiles pantois.

L'adolescent, les pensées partant clairement dans une direction définie, sirota un petit verre de jus d'orange tout en mangeant une tranche de pain avec une certaine pâte à tartiner étalée dessus. Il n'aurait pas dû penser aux abdos de Derek, parce que désormais, il était focalisé sur leur discussion. Le cerveau de Stiles était comme ça : il créait du lien partout.

Derek avait eu beau paraître assez... « Avenant » par rapport à d'ordinaire, Stiles n'oubliait pas sa réaction le lendemain de leur première fois ensemble. Son hostilité, son égoïsme, cette manière de prendre sans vouloir donner. Mais il pensait également à son attitude calme de la veille. Stiles s'était littéralement montré exécrable, n'avait rien caché de son énervement. Il l'avait même un peu exagéré et le seul moment où Derek s'était légèrement emporté avait été lorsque Stiles s'était dénigré. Enfin, dénigré... Il avait juste énoncé un fait, mais soit. Il ne comprenait d'ailleurs toujours pas sa réaction plutôt excessive par rapport à ce qu'il avait dit. Au moins, ça concordait avec son désir apparent de ne faire les choses que de manière consentie par les deux parties : là, son comportement pouvait paraître plutôt logique. Mais cela voudrait donc signifier qu'il avait un cœur. Le beau mais froid Derek Hale avait-il vraiment un cœur ? N'était-ce pas une légende urbaine ?

Par la suite, le loup était parti en lui disant qu'il pouvait faire ce qu'il voulait, c'était à lui de choisir, désormais. Et c'était peut-être ça qui avait le plus surpris Stiles. Derek ne lui avait pas sauté dessus, il ne l'avait même pas touché. Pourtant, il avait entraperçu la lueur d'envie qui avait traversé son regard l'espace d'une seconde. Elle avait été brève, fugace, mais bel et bien présente. La question était de savoir pour quelle raison le loup n'avait pas cédé à ses pulsions.

« Je suis pas un monstre » avait-il dit. En soi, Stiles était d'accord avec ce fait. Néanmoins, il ne comprenait pas tout, mettant une ombre à son image de petit génie. C'était comme ça : quand il s'agissait des autres, Stiles avait réponse à tout. Lorsque c'était lui que ça concernait, il devenait profondément handicapé au niveau des analyses relationnelles. Trop réfléchir l'amena à penser que, peut-être, une nouvelle discussion avec Derek devait avoir lieu. Il secoua alors intérieurement la tête. C'était stupide et disons qu'il n'avait pas vraiment envie de se retrouver à nouveau en tête à tête avec lui, au risque de passer pour un idiot fini – si ce n'était pas déjà le cas. Il n'aimait pas non plus le fait que Derek sente aussi facilement ses émotions. Mais ça, tous les loups un minimum expérimentés en étaient capables. Stiles soupira longuement de désespoir.

Pourquoi son entourage était-il presque exclusivement composé de loups-garous ?

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- Ca va, bro ? T'as une tête à faire peur, lui fit gentiment remarquer Scott en le voyant arriver au lycée.

Stiles grimaça. Il était vrai qu'il ne dormait pas beaucoup et que cette nuit n'avait pas été des plus reposantes. La faute à son cerveau d'hyperactif et à son cauchemar récurrent, avec tous les autres qui avaient suivi ou précédé. Disons qu'en ce moment, ce n'était pas vraiment la joie pour Stiles. Il en était presque à se demander s'il ne valait pas mieux qu'il fasse quelques nuits blanches de temps en temps, juste pour avoir le plaisir de ne pas se réveiller en sursaut à chaque mauvais rêve, tout tremblant de peur qu'il était.

- Merci du compliment, railla Stiles. Soit dit en passant, je déteste ton t-shirt. Tu as mauvais goût en matière de couleurs et de... Motifs.

C'était une petite vengeance. Très légère. Et pas vraiment sincère. Cependant, cela suffit à noyer le poisson. Montrer qu'il agissait toujours de la même manière suffirait à berner Scott. C'était un bon meilleur ami, un peu trop naïf pour son bien, mais adorable quand même. Mais Stiles ne lui en voulait pas, parce qu'il ne voulait simplement pas qu'il sache ce qui lui arrivait en ce moment ou plutôt... Depuis longtemps. Oui, l'hyperactif avait laissé entendre à son alpha et ami Scott que sa période de « haine » de soi-même était passée, tout ça parce qu'il ne voulait pas l'inquiéter et parce que de toute manière, le loup ne pourrait jamais comprendre réellement ce qu'il ressentait. Autrefois, peut-être. En l'état actuel des choses, non. En tant que meilleur ami, Stiles voulait également le préserver. Il savait que ce nouveau « job d'alpha » tout autant que son statut stressait un peu Scott. Même si cela faisait plusieurs mois qu'il dirigeait leur semblant de meute, Stiles savait que son acolyte de toujours n'était toujours pas à l'aise avec cette idée, qu'il avait toujours l'impression de ne pas être à la hauteur.

- Parce que tu me parles de chiffons maintenant ? Rit Scott.

- Ouais, répondit simplement Stiles en souriant, amusé.

- Bah alors change de fringues mec, parce que tu n'es pas en restes avec tous ces trucs fades et... T'es fin, tu sais, tu devrais pas t'habiller aussi large.

Et Scott riait toujours. Stiles, lui, ne souriait plus. L'alpha lui avait parlé de manière si innocente, si honnête... Que sa remarque bonne enfant lui perça le cœur. Il serra discrètement les poings. Il était aussi fin qu'une brindille, une pauvre branche d'arbre qui servait juste au chien du voisin. Un truc distrayant. Sans muscle apparent. Hideux. Faible. Tout juste bon à cou... Stop Stiles, s'intima-t-il intérieurement. Il n'avait pas le droit de réagir, pas le droit de se sentir mal. Il se devait de museler ses émotions, de manière à ce que Scott sente le moins possible son trouble. Le pire fut qu'il y arriva assez bien, esquissant même à nouveau un semblant de sourire et... Il fit dériver la discussion sur un autre sujet avec ce talent qui n'appartenait qu'à lui. Sans doute le seul. IL avait cette aisance à l'oral qui lui permettait de manipuler la plupart des discussions à sa guise, d'éviter au maximum les sujets qui pouvaient lui déplaire, sauf...

... Sauf avec Derek.

Stiles voulut soupirer mais se retint. Encore lui. Il fallait vraiment qu'il arrête de penser à lui à chaque fois qu'il se perdait dans ses réflexions. Derek était une énigme et Stiles avait du mal à résoudre ses propres énigmes mentales alors s'il pouvait éviter de se faire encore plus de nœuds au cerveau...

Pour une fois, Stiles voulut bénir la sonnerie stridente de son lycée, celle qui annonçait le début des cours. Parce qu'il allait enfin pouvoir se permettre d'essayer de se vider l'esprit avec des formules mathématiques, des règles scientifiques, des tournures littéraires complètement tordues ou encore des dates impossibles à retenir mais dont il se souviendrait quand même.

Il fallait qu'il occupe son cerveau à autre chose. Ainsi, peut-être que sa colère bien camouflée ou encore sa tristesse – une vieille amie – passeraient à la trappe la mettraient en veilleuse.

Dans la foulée, il reçut un message de Derek et rien qu'en voyant le nom du destinataire, Stiles leva les yeux au ciel et mit son téléphone en mode silencieux. A un moment, il choisit même de l'éteindre. Il fallait vraiment qu'il se déconnecte un peu. Tant pis si l'un de ses amis lui envoyait un message, il n'aurait qu'à dire qu'il n'avait plus de batterie. Pour ce genre de mensonges futiles, Stiles arrivait à contrôler un minimum ses battements de cœur. De toute manière, qui s'intéresserait à savoir s'il disait la vérité ? Ce n'était qu'un pauvre téléphone.

Et Stiles se vida la tête l'espace de quelques heures durant lesquelles il était juste Stiles Stilinski, l'hyperactif agaçant de la meute, l'adolescent qui parlait sans discontinuer avec son sarcasme légendaire. L'inébranlable Stiles Stilinski, celui qui n'en avait strictement rien à faire de porter des vêtements trop larges pour lui.

L'illusion était parfaite.