Chapitre 20
Rien n'avait dérapé, aucun vêtement n'avait fini au sol et pourtant, ce n'était pas l'envie qui avait manqué au loup. Néanmoins, il n'avait pas voulu aller au-delà de caresses et baisers sensuels qui ne nécessitaient pas de se retrouver nu. Le sexe, c'était toujours agréable, mais il y avait des moments pour. Derek avait jugé que leur interlude ne devait pas divaguer de son objectif premier : détendre son amant. Le faire penser à autre chose. Lui faire oublier Scott et, éventuellement, ce moment qu'il lui avait fait passer devant le miroir. Il reconnaissait que sa méthode était un peu brutale, mais il avait pu évaluer l'étendue de la haine que Stiles portait à son propre corps.
Néanmoins, Derek ne s'arrêterait pas là. Même si cela ne lui plaisait pas, Stiles aurait à nouveau à se confronter au miroir par la suite. De manière générale, il devait pouvoir supporter de se voir. Eviter son reflet, c'était s'éviter soi-même et ça, ce n'était pas bon, d'autant plus que Stiles... Derek l'imaginait bien s'affirmer. Le jeune homme dégageait déjà une énergie folle alors même qu'il se cachait au plus grand nombre, dissimulait ses complexes aussi bien que possible. Le loup se doutait qu'une fois libéré de toutes ces chaînes qui l'étouffaient... L'hyperactif ressemblerait sans doute à un soleil tant il serait lumineux.
Derek caressa la peau douce sous le haut et la veste de l'hyperactif qui acceptait le contact tant qu'il ne cherchait pas à lui retirer ses vêtements alors que les lumières étaient allumées. Le frisson qu'il sentit le fit doucement sourire. Stiles était sensible à son contact. Plus que cela : il l'appréciait et en redemandait. Pour preuve, il se pelotonna contre lui mais, par pudeur sans doute, cacha sa tête en la nichant dans son cou. Leur intimité était telle qu'il était impossible pour eux de nier qu'ils s'appréciaient peut-être un peu plus que de raison. Cependant, Stiles gardait de potentiels sentiments pour lui tandis que Derek, de son côté... Eh bien, il ne les imaginait pas vraiment. Disons qu'il tenait à aider l'hyperactif, mais il ne réfléchissait pas vraiment à la nature de cet attachement qui le poussait à ne pas l'abandonner. Dans le fond, il n'en avait pas besoin. Son truc à lui, c'était d'avancer et de prendre les choses telles qu'elles arrivaient. Ainsi, leur proximité lui paraissait on ne peut plus naturelle et pas le moins du monde précipitée – surtout si l'on prenait en considération toutes ces fois où ils s'étaient unis dans l'ombre. On dit parfois que le sexe rapproche. Cependant, une partie de jambe en l'air ne fait pas tout. Pour qu'une relation, quelle qu'elle soit, fonctionne, il faut que les partenaires partagent une certaine alchimie.
Les concernant, c'était le cas. Une étonnante alchimie des corps et des âmes.
Derek, l'hyperactif contre lui, continua ses caresses distraites empreintes d'une douceur surprenante.
- Arrête, ou je vais finir par ne pas vouloir partir, soupira Stiles, la tête toujours nichée dans son cou.
- Dans ce cas, reste, répondit tout naturellement Derek en fermant les yeux.
- T'es pas censé me dire ça. T'es censé me pousser au cul pour que je rentre chez moi, fit l'hyperactif d'une voix presque plaintive.
- Pour que tu rumines dans ton coin ? Sans façon.
- Non mais ça va aller, je vais pas...
- Stiles, le coupa Derek en le serrant doucement contre lui. Je te connais, alors tu vas me faire le plaisir d'arrêter d'essayer de me convaincre de quelque chose alors que tu n'es toi-même pas convaincu pour un sou.
Stiles se recula lentement et plongea son regard ambré dans les yeux clairs de son vis-à-vis, qui y lut une confusion certaine.
- On couche ensemble, alors ? Demanda-t-il sérieusement.
- Non, pas maintenant, répondit Derek, perplexe.
- Après ?
- Pas forcément, mais... Pourquoi tu me poses cette question ?
Le châtain haussa les épaules sans cesser de le regarder.
- Je sais pas, c'est... C'est pas pour ça que tu me proposes de rester ? En plus on est encore sur le lit...
Derek poussa un soupir. Il y avait très clairement des choses à revoir dans sa façon de penser... Des choses qu'il allait lui montrer tout doucement.
xxx
Stiles ne savait pas toujours dire non et dans le cas précis, il n'en avait pas forcément envie non plus. Pourtant, il savait qu'il aurait dû refuser la proposition – demande insistante – de Derek et se carapater chez lui, dans sa chambre. Sauf qu'il n'avait pas pu s'y résoudre : les bras du loup étaient beaucoup trop attirants pour lui. Pire que ça... Ils étaient pour lui une sorte de refuge, une source de réconfort certaine.
Alors oui, peut-être que c'était pour cette raison qu'il avait fini par accepter de rester. Autrement dit, passer la nuit au loft. Sauf que ce n'était pas une bonne idée. Et pourtant il en avait diablement envie.
Dans la salle de bain, Stiles évita sciemment de laisser son regard se balader trop loin. Il évita ainsi le miroir, dont la présence l'embêtait toujours autant. Le pire, c'était celui de la chambre de Derek : il lui paraissait énorme. Alors forcément, il faisait tout pour se retrouver dos à l'objet, histoire de se faciliter la tâche. Une fois sa douche prise, l'hyperactif enfila les vêtements mis à disposition par Derek. Par chance, ils faisaient à peu près la même taille de caleçon. Pour le reste, il laissa le t-shirt tomber sur ses épaules, ferma la veste que le loup avait pensé à lui fournir, et serra un peu l'élastique du pantalon de jogging. Leur différence de taille n'était pas des plus grandes. En fait, il s'agissait surtout d'un problème de corpulence.
Derek était bien bâti, possédait une large carrure toute en muscle. Et lui ? Il n'y avait même pas besoin de chercher à le décrire tant il était différent. Et c'était idiot parce qu'au final, il était juste un peu plus fin. Pas beaucoup. Dans tous les cas, il était svelte sans vraiment le croire parce qu'il se considérait tantôt comme une brindille, tantôt comme une baleine. Cela dépendait de son humeur. Actuellement ? Il avait l'impression d'être... Trop fin, trop petit. Ridicule à porter ces vêtements qui n'étaient pas les siens.
Il avait honte, aussi. C'était bête, mais Stiles savait qu'il allait mal dormir. Ses nuits étaient rarement reposantes, encore moins complètes. Il était d'ailleurs quasiment certain de réveiller Derek malgré lui : ses réveils étaient rarement... Discrets. Là encore, il se demanda comment se faire pardonner, car il se sentait coupable par avance. Il eut bien une idée, mais elle le révulsa aussitôt.
Ce n'était pas de coucher avec Derek, le problème. C'était de commencer à y penser pour tout et n'importe quoi, comme si une partie de jambes en l'air pouvait réparer chacune de ses erreurs. Stiles s'en rendait bien compte et en même temps... Il n'avait rien à offrir. A vrai dire, il se demanda même pourquoi Derek se montrait aussi gentil à son égard sans même chercher à aller plus loin. La piste du sexe ne tenait pas debout : le loup avait refusé par trois fois de s'unir avec lui, préférant le caresser avec douceur et patience tout en lui parlant de temps à autres. En plus, il était au courant que Stiles était incapable de lui résister, incapable de lui dire non à ce sujet et c'était d'autant plus vrai lorsqu'il allait si mal. Le fait que l'ancien alpha ne cherche pas le moins du monde à en profiter le perturba davantage. Car si l'hyperactif était prêt à assouvir ses besoins, il n'en avait pas toujours envie au plus profond et ça... Derek le savait. Et il le respectait. C'était normal en soi, mais Stiles... Il lui arrivait parfois de ne pas comprendre ou du moins, pas de son point de vue. C'était son absence de confiance en lui qui parlait, mais pas que. Il y avait aussi cette impression d'être inférieur, de n'être qu'un humain faible face à un loup surpuissant en tous points et... Mine de rien, les paroles de Scott commençaient doucement à se déformer dans son esprit. Derek avait eu raison sur ce point : il ruminait. Il n'arrivait pas à se les sortir de la tête.
Avant d'aller retrouver Derek en bas, Stiles s'exhorta au calme. Il se mentalisa et réussit à contrôler son anxiété grandissante, celle qui se demandait sans arrêt ce qui allait se passer pour lui. Concernant le sujet qui le stressait le plus à l'heure actuelle, autrement dit cette nuit, l'hyperactif ne vit pas d'autre option que d'en parler à Derek. Et si avec cela, le loup choisissait de revenir sur sa demande, eh bien... Stiles rentrerait. Toutefois, la perspective de pouvoir embrasser l'ancien alpha avant d'aller dormir lui plaisait beaucoup, et pas seulement parce que son cœur battait toujours un peu plus vite chaque fois qu'il le voyait. Il y avait aussi toutes ces choses que Derek lui transmettait sans s'en rendre compte. Son calme, sa sérénité... L'illusion d'un bonheur aussi léger qu'éphémère. Une bouffée d'air frais, de cet oxygène dont raffolait l'hyperactif. Le sexe avec Derek ? C'était le summum de l'extase... D'habitude. Là, il n'avait pas envie. En fait, il trouvait ça presque déplacé, comme s'il... Ne méritait pas de se retrouver dans le même lit que le loup. Comme si c'était anormal.
Stiles voulut se gifler mais se contenta de fermer complètement la veste prêtée par Derek, remontant la fermeture éclair à son maximum. Pour ruminer, ça il ruminait, oui. Et le pire, c'est qu'il ne se sentait pas capable d'outrepasser ces pensées-là seul. Il fallait qu'il se change les idées, alors... Tant pis si Derek sentait son odeur. Il n'avait qu'à l'ignorer et... Stiles trouverait un moyen de s'occuper l'esprit. Alors il descendit, peu sûr de lui, en espérant toutefois que l'ancien alpha ne lui ferait aucune remarque. S'il pouvait s'éviter un poids supplémentaire... Ah et puis il y avait cette histoire de pacte, aussi. Après l'épisode de câlins qui avait suivi l'horrible exercice du miroir – à quoi cela avait-il servi, bon sang ? –, Stiles avait tout bonnement oublié ce détail, comme s'il était secondaire. Pourtant, il revêtait une importance capitale. Si Derek voulait modifier leur deal... Jusqu'où voudrait-il aller ? Désirait-il l'approfondir ou, à l'inverse, le rendre un peu plus léger, moins... Demandeur. Et si, à terme, le loup voulait le supprimer ? C'était possible, d'autant plus que Stiles n'était pas idiot. Comme il l'avait si souvent dit, Derek pouvait avoir n'importe qui à ses pieds pour satisfaire ses envies et ce, sans avoir besoin de conclure quelque pacte que ce soit avec ses partenaires. Ainsi, pas besoin de se soucier d'une quelconque contrepartie à devoir assurer. C'était une chose qui pouvait accepter, néanmoins... Le spectre de ses démons était toujours là et il le hantait, attendant son heure pour fondre sur lui. Parce que l'air de rien, c'étaient ces petits moments hors du temps avec Derek qui l'aidaient à maintenir la tête hors de l'eau. Néanmoins si son amant lui exprimait la volonté d'arrêter... Il le respecterait. Il repensa alors à ses refus un peu plus tôt : et si c'était le cas ? Et si Derek voulait tout arrêter ? Peut-être que ce qu'il avait pris pour du respect était simplement une envie décroissante de lui, de son corps... Et si Stiles confondait tout depuis le début ?
- Tu viens à peine d'arriver et j'ai déjà l'impression de t'entendre penser.
Stiles manqua de sursauter et releva les yeux vers... Cet apollon qui n'était autre que son amant. Un apollon vêtu tout à fait normalement, à la différence qu'il avait retiré sa propre veste et enfilé un tablier tandis qu'il faisait cuire les oignons avec les lardons. Gêné d'avoir été pris sur le fait, Stiles déglutit et marmonna un faible « désolé ». Histoire de détourner l'attention du loup-garou et de lui rendre service, l'hyperactif entreprit de mettre la table tout en essayant de ne pas penser. Connaissant le loft, il alla tout naturellement ouvrir les placards adéquats pour en sortir ce dont il avait besoin. A défaut de l'avoir aidé à faire à manger, il pouvait au moins faire ça... Son oreille distraite capta le bruit du gaz que l'on éteignait, mais il n'y fit pas attention plus que cela. Cependant, à peine eut-il posé assiettes et couverts sur la table qu'une main se posa sur son épaule.
- Détends-toi et dis-moi ce qui te tracasse, entendit-il.
Stiles se crispa et retint un soupir. Qu'était-il censé faire, déjà ? Ah oui, mettre la table, mais... Derek saisit doucement ses poignets, l'empêchant de se saisir des couverts.
- Stiles...
- Ça va, ça va... Lâcha-t-il simplement, incapable de dire quoi que ce soit d'autre.
A vrai dire, rien ne lui venait en termes de mot. Il savait que les siens sonnaient comme le mensonge qu'ils étaient, cependant... Que dire ? Il ruminait, il angoissait, il réfléchissait et ce, sans arrêt. En somme, rien qui ne change de d'habitude. Simplement, cette fois-ci était un peu plus poussée, sans doute parce qu'il se posait davantage de questions. Derek le lâcha alors et Stiles se retourna vers lui et décida de le mettre à l'aise :
- Si mon odeur t'indispose, je... Je peux rentrer chez moi sans problème.
Il regarda sans vraiment le voir Derek retirer son tablier et le poser, l'air de rien, sur le dossier de l'une des chaises. Disons qu'il savait que ses émotions se reflétaient dans son odeur et qu'il était conscient de l'effet que cela pouvait faire à un loup-garou. Sans doute se rappelait-il de certaines paroles que Derek avait prononcées au début de leur « relation »... Lorsqu'ils s'unissaient, le loup sentait parfois ses émotions, quand l'hyperactif n'arrivait pas à les réprimer suffisamment. Cela l'avait dérangé. Par la suite, l'ancien alpha avait éclairci ce qui était au départ un quiproquo en tentant de prouver au châtain qu'il ne le dégoûtait pas : au contraire, il avait à cœur de le faire se sentir bien. Et dire qu'ils s'étaient boudés une bonne semaine...
Derek le regarda d'un air indéchiffrable mais lui prit la main, doucement. Stiles ne chercha pas à la retirer, toutefois... Sa confusion fut pour le moins... Visible. Sans un mot, le loup le tira à sa suite jusqu'au salon et le fit s'installer sur le canapé avant de s'assoir à côté de lui. Il ne lâcha pas sa main.
Et Stiles comprit alors qu'il voulait discuter.
De son côté, il n'en avait pas la moindre envie. Disons que l'angoisse le poussait à vouloir s'isoler, à éviter de parler outre mesure. Au regard que lui lança Derek, il sut cependant qu'il ne pourrait pas y échapper. Alors, il attendit, tout en fixant leurs doigts entrelacés.
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