Chapitre 15
Stiles et Derek n'avaient, pour ainsi dire, pas couché ensemble. Du moins, pas vraiment. Si le loup avait effectivement perçu l'allusion qui n'était en réalité qu'un aveu innocent, il avait refusé en son for intérieur de jouir sur son malheur – c'était sa métaphore à lui. Mais, parce qu'il savait comment lui vider la tête, Derek avait pris les choses en main – puis en bouche. Ou plutôt la chose. Sous les draps, bien sûr. Dans un moment où Stiles allait mal, il avait à cœur de ne pas augmenter son inconfort en repoussant ses vêtements, puis les draps. Abaisser son pantalon et son boxer en gardant les draps bien haut était un bon compromis qu'il était content d'avoir trouvé.
Derek se sécha les mains après les avoir lavées, tout comme sa bouche, soit dit en passant, et se regarda dans le miroir. Ses propres lèvres étaient rougies par le plaisir qu'il avait englouti pour ne pas tâcher les draps. Très honnêtement, le goût ne lui plaisait pas vraiment, mais il n'avait pas eu envie que Stiles se déverse sous les draps parce qu'il aurait fallu les changer et que Derek préférait retourner au lit avec lui que de faire disparaître les tâches de ce petit moment intime.
Très honnêtement, Derek s'étonnait lui-même. Il ne se savait pas si... Généreux. Il avait un cœur et aimait aider les membres de la meute, mais Stiles... Exerçait un certain charme, sur lui. Avec lui, il avait envie de faire plus d'efforts, de lui faire plaisir, de le protéger, de l'aider à outrepasser ses démons... Bordel, ce qu'il avait eu envie de lui, dans ce lit. Il n'avait pas l'habitude d'être celui qui donnait, de masturber, de prendre en bouche. A vrai dire, c'était la première fois qu'il le faisait et il fallait dire qu'il avait fait preuve d'une patience inouïe. L'envie de posséder encore et encore ce jeune homme envoûtant l'avait tenaillé tout du long, mais il avait su fermer le caquet à son loup, en lui faisant comprendre que Stiles n'était pas en état. Derek ne voulait pas lui faire du mal, que du bien et ce, dans tous les sens du terme : il avait appliqué ce plan à la lettre, faisant jouir Stiles sans concession. Il avait bien compris que le sexe l'aidait à aller mieux, dans un sens. A ne pas se prendre la tête. C'était une échappatoire bienvenue, dont il avait cruellement besoin. Derek avait donc satisfait ses désirs innocemment énoncés par sa jolie bouche, mais le problème n'était pas réglé pour autant, bien au contraire.
Stiles haïssait toujours son corps pour une raison inconnue. Il le haïssait au point de se rendre malade, de faire des crises de panique, au point de se pourrir la vie. Le sexe l'aidait, oui, mais il n'en profitait toutefois pas complètement non plus. N'aimerait-il pas laisser ses yeux aller et venir sur le corps nu de son amant ? Voir son engin le pénétrer encore et encore, assister au merveilleux spectacle de leurs bassin aller et venir en harmonie ne serait pas quelque chose qu'il voudrait voir ? Le sexe avait plusieurs dimensions, toutes extrêmement importantes aux yeux de Derek. Il adorait les sensations que lui procuraient ses unions régulières avec Stiles, mais... Il se languissait de ce corps qu'il entrevoyait un peu à chaque fois. Il ne voulait pas deviner ses courbes, il voulait voir le soleil les caresser de ses rayons chaleureux, tout comme il mourait de voir la lumière se refléter dans ses yeux couleur miel complètement grisés par le plaisir.
Plus que ça : il voulait voir Stiles vivre sans avoir peur que l'on voie un centimètre carré de sa peau de trop. Il voulait juste que l'hyperactif se rende compte qu'il n'avait pas à se mettre dans des états pareils. Pas que cela ne soit pas légitime, simplement... Il se pourrissait complètement la vie avec ça. S'il s'agissait ni plus ni moins que d'un complexe, il n'y aurait pas de gros problème à cela. Derek aussi avait ses complexes et ses peurs à lui mais heureusement, il avait réussi à les dompter. Plus ou moins. Disons que c'était différent et pas le même degré de... Profondeur. Stiles avait dû probablement avancer seul, développer cette peur du regard des autres par rapport à son corps, au point que c'était devenu invivable.
Au point qu'il n'était même plus capable d'être en t-shirt devant qui que ce soit, pas même son amant. Au point qu'il faisait une crise de panique en se voyant simplement dans le miroir.
Derek revint dans la chambre et retrouva Stiles dans la position dans laquelle il l'avait laissé. Pantelant, extatique, les joues rouges et les yeux fermés. Magnifique. Voilà le premier mot qui venait à l'esprit de Derek en le voyant. Comment Stiles pouvait-il se haïr à ce point alors qu'il était... Oh bordel. N'y tenant plus, le loup le rejoignit et se glissa sous les draps, à ses côtés. La lumière était allumée mais puisque les draps étaient remontés jusqu'à son cou, Stiles ne paniquait pas. Et Derek ressentit un besoin fort, puissant : celui de le prendre dans ses bras. Et de l'aider.
Stiles ne se débattit pas et se lova contre lui sans aucune hésitation, comme si une proximité autre que sexuelle avec Derek ne le dérangeait pas. Au contraire. Comme s'il avait simplement besoin de sa présence. Si tel était tellement le cas, le loup pouvait éventuellement profiter d'une certaine marge de manœuvre. Il ferma les yeux et respira son parfum naturellement caramélisé. Un baume pour son cœur aux plaies éternelles, de celles qui ne se referment jamais. Derek se força à ne pas penser à ces choses auxquelles il songeait très régulièrement, pour ne pas dire tous les jours. A vrai dire, il ne pensait pas à l'extinction brutale de sa famille lorsqu'il était avec Stiles. En général, il se concentrait sur leur plaisir commun et... Le mal-être de son amant. Sentant qu'il risquait de dériver vers sa tristesse habituelle s'il ne recadrait pas ses pensées, il décida de suivre cette ligne directrice : le malheur de Stiles.
- Tu devrais me parler, tu sais.
Stiles grogna. Enfin, essaya. Son grognement était plus de l'ordre du râle boudeur que d'un réel grognement. Derek faillit esquisser un sourire : c'était mignon. Adorable. Tais-toi. Après, il était clair que l'hyperactif avait son petit charme à lui. Pour preuve, Derek n'arrivait pas à se passer de lui. C'était au point où, depuis leur première union charnelle, il avait coupé les ponts avec tous ses autres partenaires.
- Pas envie...
Le mensonge était aussi clair que les yeux de Derek, qui se décida à le titiller un peu, pour la bonne cause.
- Tu n'as pas envie d'avancer ? Tu n'es pas fatigué, à force de te cacher sans arrêt ? Tu n'en as pas marre, de faire des crises de panique à chaque fois que tu te vois ?
C'était peut-être un peu trop direct, mais il avait raison et faisait mouche. Contre lui, Stiles soupira et cacha sa tête dans son cou, dans un geste aussi naturel qu'inédit. Mais il y avait une raison à cela : il était fragile, sortait d'une crise de panique qui avait été difficile à enrayer et c'était encore très frais malgré la bienheureuse parenthèse que lui avait offerte Derek.
- J'peux pas me contrôler, Der, finit-il par avouer.
Le loup vint passer sa main sous ses différentes couches de vêtements et caressa son dos, gardant pour lui l'utilisation inédite de ce surnom.
- Je ne dis pas que c'est facile, mais tu pourrais par exemple essayer d'apprendre à vivre avec. Ce que je veux dire par là c'est que peut-être que tu n'aimes pas ton corps, mais tu ne peux pas vivre indéfiniment en le cachant. C'est pas une vie, Stiles.
Il parlait beaucoup, en tout cas plus qu'à son habitude. Pourquoi avec Stiles, c'était si facile ? Pourquoi les mots lui venaient ainsi, sans qu'il se sente trop bavard ?
- Je sais, souffla douloureusement l'hyperactif.
C'était difficile pour lui. Dans l'état actuel des choses, disons... Qu'il ne voyait pas comment les choses pourraient en être autrement. Il était tellement habitué à se haïr que toute autre éventualité lui était étrangère.
- Je sais pas comment m'aimer, Der.
A nouveau, le surnom aux allures intimes toucha Derek d'une bien étrange manière. Autrefois, il aurait envoyé Stiles bouler pour cette familiarité inappropriée. Mais maintenant... Ils couchaient ensemble, se câlinaient dans le lit et... Il essayait d'aider Stiles à sa manière. L'hyperactif était de son côté trop désemparé par sa propre condition, si bien qu'il n'avait même pas remarqué qu'il avait instinctivement attribué un surnom à son amant.
L'aveu de l'hyperactif toucha Derek en plein cœur, si bien qu'il le désarçonna un instant. Il sentait que ces mots, aussi simples que parlants, était le début de l'ouverture de la carapace que Stiles s'efforçait de maintenir à flot depuis des lustres. Le loup se fit la réflexion que cet aveu était le premier pas vers une amélioration certaine. En reconnaissant son problème, Stiles pourrait avancer.
Il réfléchit un instant.
- Tu pourrais... Apprendre, lui suggéra-t-il prudemment.
- J'ai même pas confiance en moi...
Les mots faisaient d'autant plus mal qu'ils étaient vrais, et Derek resserra un tantinet son étreinte sur l'adolescent.
- Tu pourrais apprendre aussi.
- Comment ? Ricana Stiles. Je patauge, j'arrive pas à me sortir de... De ça.
Derek ne pouvait que le confirmer mais pour autant, cela ne lui paraissait pas insurmontable, tout simplement parce que Stiles était bien plus fort qu'il ne le pensait.
- Je peux t'aider, s'entendit-il dire.
Si son expression ne changea pas, il se surprit lui-même et n'en crut pas ses oreilles. Lui, Derek Hale, avait proposé de manière directe son aide à l'hyperactif ? L'aider, c'était une chose. Il pouvait agir dans l'ombre, distiller quelques indices et sa façon de voir les choses mais... Poser des mots là-dessus, c'en était une autre. Et pourtant, il l'avait fait.
Stiles releva la tête vers lui et ancra son regard à la fois perdu et empli d'espoir dans le sien.
- Et comment tu compterais t'y prendre ? Demanda-t-il d'une voix un tantinet fébrile.
Pour le coup, il lui posait une colle, tout simplement parce que Derek n'avait pas eu le temps d'y réfléchir.
- Chaque chose en son temps, dit-il toutefois, avant d'avoir une idée. Mais avant toute chose, il faut que je sache comment tu en es arrivé là.
L'hyperactif se tendit et ce qui n'avait été qu'un moyen de gagner du temps prenait une autre tournure aux yeux du loup, qui avait ouvert sans le savoir une porte des plus importantes. Cela faisait un moment qu'il voulait savoir ce qui avait conduit Stiles à se haïr de la sorte, mais jamais avant ce jour il n'avait osé formuler la question.
Le regard de Stiles s'embua légèrement, très légèrement. Pas assez pour pleurer réellement, mais assez pour montrer que les intentions de Derek le touchaient sincèrement. Et pourtant, il ne dit rien. Il ne lui demanda pas s'il comptait vraiment l'aider, ne lui dit pas comment il en était arrivé là. Il baissa juste la tête et se pelotonna contre le loup dans une acceptation silencieuse.
La porte était ouverte, il ne restait plus à Derek qu'à la franchir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top