Chapitre 12
Stiles n'avait pas envie. Non, sincèrement, il n'avait pas envie. En soi, le concept de soirée meute ne l'avait jamais dérangé : c'était les activités qu'il pouvait y avoir qui le tendaient. Personne – Derek mis à part – ne connaissait son petit secret, cette aversion dont il ne parlait jamais, alors forcément, les membres de la meute pouvaient se montrer taquin sans imaginer ce que cela pouvait lui faire. Parce que pour eux, Stiles allait bien, il était normal. Aucune précaution n'était jamais prise et dans un sens, c'était compréhensible. Pourquoi donc faire attention à quelque chose dont on ne se doutait absolument pas de l'existence ? C'est pareil avec l'expression « ce qu'on ne sait pas ne peut pas nous faire du mal ». La logique était la même.
En temps normal, les soirées meutes hypaient Stiles, sincèrement, malgré cette appréhension qui revenait à chaque fois. C'était toujours la même chose et pour être honnête, cette petite, toute petite angoisse qu'il cachait l'empêchait de profiter de ce genre de moments qui servaient à décompresser, à oublier l'espace d'une soirée le côté surnaturel de la vie et les soucis qui allaient avec. Et même si c'était une bonne chose en soi parce qu'il pouvait ainsi retrouver tout le monde sans avoir besoin d'être autour d'une table à exposer l'un de ses innombrables plans de sauvetage, Stiles ne pouvait pas être à fond. La peur d'avoir une tenue ridicule et qu'on lui demande de retirer sa chemise ou sa veste l'angoissait. Et puis le pire, c'était quand même les jeux. La meute, dans sa quasi globalité, restait très jeune, puisque la plupart de ses membres était au lycée. Alors, forcément, ils en avaient, des idées. Entre action et vérité, stip poker et d'autres, Stiles devait se surpasser et rivaliser en ingéniosité pour tout éviter sans qu'on ne se doute de quoi que ce soit le concernant. Autant avec des gens comme Scott, c'était simple de faire semblant, autant échapper au regard perçant de Lydia qui, sans être une louve, avait un bon sens de la déduction, le défi était un peu plus difficile à relever.
Et puis maintenant, il y avait Derek.
Il savait. Plus ou moins. Stiles avait beau lui avoir parlé de son souci, il n'était pas pour autant entré dans les détails. Il s'était contenté d'énoncer les faits, sans décrire concrètement tout ce que cela lui faisait. Enfin si, il... Il lui avait parlé de ce dégoût presque viscéral qui ressentait envers sa propre personne. Bon, peut-être qu'il s'était légèrement étalé sur un détail inutile as fuck. Mais de toute façon, Derek n'était pas du genre à se compliquer la vie. Stiles savait que cette discussion n'allait rien entraver en ce qui concernait leur petit pacte et c'était tant mieux. Tout ce que Derek voulait et avait à faire, c'était de le faire grimper aux rideaux, que ce soit pour son propre plaisir ou celui de l'adolescent.
Le reste n'avait aucune importance.
Et si au fond, cette pensée serra légèrement le cœur de Stiles, il la réprima en s'habillant rapidement. Lydia avait donné rendez-vous à tout le monde au loft à dix-huit heures trente et ce que Lydia voulait, Lydia l'obtenait. Ce petit bout de femme avait du caractère et savait en imposer, souvent plus que Scott et sa tête de chiot perdu. Celle qui avait une âme de dirigeante, c'était bien la banshee. Même s'il s'agissait de son meilleur ami, Stiles devait quand même parfois avouer que Scott... N'avait pas vraiment le bon rôle. D'accord, il était encore jeune et diriger une meute, c'était quelque chose, mais quand même... Il était sacrément perdu et à part pour dire « on peut éviter de tuer » et faire apparaître ses yeux rouges de grand méchant loup, il ne faisait pas grand-chose. Enfin bon, il apprenait, comme tout le monde. Toutefois, Stiles restait intimement persuadé que même en tant qu'être « humain », Lydia ferait une bien meilleure alpha. Derek aussi. Merde. Il allait vraiment falloir que Stiles arrête de penser à Derek et de le relier à chacune de ses réflexions. Toutefois, il ne pouvait nier que malgré sa brutalité et son caractère trempé, Derek avait fait du bon travail en tant qu'alpha. Il savait diriger. A l'époque, il était juste un tantinet trop... Aigri. Là, ça allait. Si on lui annonçait que le loup aux yeux bleu-vert-gris-rouille-magnifiques reprenait sa place d'alpha, Stiles ne serait pas contre. Très franchement, il trouverait même cela sécurisant. Derek avait la tête sur les épaules, contrairement à Scott. Enfin, ce n'était pas pour tacler gratuitement son meilleur ami mais Stiles se devait d'être honnête, au moins avec lui-même.
Une fois prêt, Stiles sortit de chez lui et c'est un tantinet stressé qu'il s'installa au volant de sa Jeep. Oh, il aurait très bien pu refuser d'aller à cette soirée meute et prétexter une interdiction de son père ou bien une maladie quelconque, mais quelqu'un serait forcément venu vérifier. Les plus susceptibles de faire ça, c'était bien Lydia et Derek. Scott ne le faisait plus vraiment depuis un moment. Il laissait les choses venir et si elles n'arrivaient pas, tant pis. Il ne se posait plus vraiment de question et dans un sens, c'était un peu triste, mais Stiles faisait avec. Il acceptait en silence et sans vraiment s'en rendre compte l'éloignement lent et graduel de son meilleur ami qui ne semblait plus vraiment le porter dans son cœur, de toute manière. Si tel était le cas, il ferait bien plus attention à lui comme Stiles le faisait, c'était certain. Parfois, l'hyperactif se demandait pourquoi il était gentil avec celui qui le refoulait à chaque fois qu'il ne le croyait pas ou qu'il lui sortait l'inverse de ce qu'il voulait entendre. Et puis il se rappelait que, malgré tout, il s'agissait de son meilleur ami et qu'il ne pouvait décemment pas arrêter de lui rendre service simplement parce que... Parce qu'il faisait moins attention à lui et à son bien-être. Et puis les piques qu'il lui lançait parfois, c'était simplement... Des blagues. Scott ne savait rien, comment pourrait-il deviner que ses paroles blessaient sans arrêt l'hyperactif ? Il ne le pouvait pas, alors Stiles n'avait pas réellement le droit de lui en vouloir. C'était bon enfant, des plaisanteries comme tant d'autres. Sur son physique. La manière dont il s'habillait.
Très sincèrement, Stiles rêvait d'un autre style ou du moins, de quelque chose de moins informe. Mais il n'avait pas le corps pour et préférait le cacher plutôt que de se ridiculiser. Il en avait assez de ces vieilles affaires qu'il se traînait depuis des années et avait envie de les jeter. Cependant, elles étaient larges, très larges, suffisamment pour cacher son dégoût aux autres. Et puis voilà, Stiles renvoyait ainsi une image de geek un peu renfermé mais gentil. Tant que ça lui permettait de ne pas avoir à se montrer... C'était ok.
xxx
L'hyperactif cacha son stress dès son arrivée au loft. Sa technique ? Sourire et parler. Parler souvent. Sans arrêt. Au moins, cela ne changeait pas de d'habitude, si bien que personne, pas même un loup, ne grilla son petit manège. Isaac était intelligent et observateur, Liam aussi même s'il était un peu moins attentif. Pourtant, eux non plus ne firent pas assez attention à son odeur qui restait quand même parlante. Lydia, qui avait pourtant des yeux partout, ne se douta pas un instant de la comédie qui se jouait sous ses yeux tant Stiles avait l'habitude d'exercer cette performance tous les jours. Disons que les réunions de meute étaient légèrement plus demandeuses en énergie et que son jeu se devait de s'adapter en conséquence, devenir un peu plus technique. Il fallait juste qu'il se contienne, qu'il fasse comme s'il ne ressentait pas sa propre angoisse. Comme si elle n'était qu'une poussière sur son épaule.
- Purée, Stiles, t'aurais pu faire un effort quand même. C'est pas tous les jours qu'on fait une soirée meute...
Le regard de Stiles changea un instant, mais c'était si fugace que personne ne remarqua ce qu'il s'était passé. Il s'arma d'un sourire façade plus vrai que nature et se retourna vers Scott, qui le fixait avec des yeux qui exprimaient clairement ses pensées, tout autant que ses paroles l'avaient fait.
- Genre... Je sais pas, t'avais pas d'autres vêtements ? Demanda l'alpha alors que quelques-uns des loups assistaient à l'échange sans vraiment le prendre au sérieux.
C'était une blague, quelque chose de basique.
- Je sais pas, toi tu peux pas changer de gueule ? Non parce que la tienne... T'aurais pu faire un effort pour la soirée, rétorqua Stiles, piquant comme à son habitude.
Près d'eux, Jackson éclata franchement de rire et avoua que pour le coup, il était du côté de Stiles. Légèrement rasséréné même si sa blague à lui était très basse – un poil méchante – et avait pour seule utilité de cacher le mal-être que lui avait provoqué l'intervention de son ami, Stiles s'autorisa un petit rire faussement fier. Tailler les gens, ce n'était pas ce qu'il préférait, mais c'était la première chose qui lui était venue à l'esprit et il avait fallu qu'il agisse vite pour ne pas montrer ce que ça lui faisait, c'est-à-dire, mal. Stiles n'avait que ses vêtements à lui pour se cacher et éviter de trop souffrir. Cependant, les remarques de Scott étaient de plus en plus nombreuses et récurrentes. Puis très honnêtement, l'hyperactif se disait que le tacler lui n'était pas forcément nécessaire : il n'avait déjà pas grand-chose pour lui, ce n'était pas la peine de lui rajouter critiques et remarques sur le dos. Il n'en avait pas besoin, ce n'est pas comme s'il se fustigeait tout seul régulièrement...
Alors que Scott était pantois et sans voix avec un air benêt peint sur le visage, Stiles vit Isaac saluer quelqu'un de loin. Quelqu'un qui descendait les escaliers. Stiles tourna la tête et fut complètement ébahi devant la vision qui s'offrait à lui. Derek posa le pied sur le sol après avoir passé la dernière marche. Sa tenue était relativement simple, mais... Oh bordel. L'hyperactif était déjà conquis. Il savait – mieux que quiconque – à quel point l'ancien alpha était bien foutu, mais ses vêtements continuaient de mettre ce corps si attirant en valeur. Pourtant, elle rivalisait de simplicité et l'on voyait que Derek n'avait sans doute pas dû mettre longtemps à choisir la manière dont il allait s'habiller. Des baskets blanches classiques, un pantalon noir moulant mais pas trop, laissant quelques zones de mystère, un t-shirt blanc également et à col en V. Rien d'extrêmement recherché en soi, mais sur Derek... Aw. Si Stiles ne se retenait pas, il se serait mordu la lèvre inférieure. Son amant secret en jetait, quand même... Et puis graduellement, ce fut la douche froide, alors même que son visage parsemé de grains de beauté dissimulait déjà son émotion réelle. Si se prendre une remarque par Scott lui avait fait mal, voir Derek aussi bien au naturel – comme toujours – eut carrément sur lui l'effet d'un coup de poing. Oui il était beau, magnifique même et s'ils n'avaient été que tous les deux... Bordel, comment ce mec avait-il pu le prendre lui comme amant ? C'était toujours la question qui revenait parmi les autres. Derek était là, élégant et toujours bien propre sur lui et Stiles... Stiles était toujours aussi mal fagoté, avec son physique à effacer et ses tares habituelles. Pour la première fois depuis longtemps, Stiles eut carrément honte d'être ici, dans cette tenue qui était le genre de choses qu'il portait tous les jours – quoique cette fois-ci, il avait pris un peu plus oversize que d'ordinaire à cause de son stress. L'hyperactif se détourna après avoir fait semblant de le saluer de la même manière que d'ordinaire en présence des autres, c'est-à-dire assez rapidement mais avec le sourire, histoire de ne pas attirer l'attention. Mais il ne vit pas le regard bleu-vert qui s'attardait discrètement sur lui, sur sa silhouette longiligne cachée par ses vêtements trop grands.
Après avoir discuté en continuant d'exercer sa comédie malgré son trouble grandissant, Stiles trouva le moyen de s'isoler dans la cuisine sans regarder si elle était bien libre. Il se rendit compte un peu tard que Peter l'occupait déjà, aux fourneaux depuis un moment. Il se retourna vers l'hyperactif mais ne dit rien, se contentant d'un air étonné puis d'un sourire moqueur. C'était un vieux loup si on le comparait au reste de la meute : le jeu de Stiles marchait un peu moins sur lui. Et puis il fallait dire que l'hyperactif pensant trouver la cuisine vide, il avait légèrement relâché ses efforts. En d'autres termes, il avait momentanément arrêté d'ignorer ce qu'il ressentait, toutes ces choses qu'il essayait de garder loin de lui quand il était avec les autres. Toutefois, Peter ne dit rien mais son sourire en disait long. Dans sa période très éphémère de bonté et de bienveillance – quoi ? –, le loup décida de le laisser tranquille. Pour se donner une contenance, Stiles se proposa toutefois pour l'aider un peu, histoire de ne pas rester en sa présence pour rien. Tant qu'il évitait un peu Derek... Dans le but de se convaincre que c'était simplement le temps qu'il puisse maîtriser un peu mieux ses émotions, Stiles seconda le loup, jusqu'à carrément prendre sa place – Peter savait argumenter et arnaquer avec subtilité pour pouvoir s'éclipser et s'éviter toute forme de corvée. Bien sûr, çaa arrangeait grandement Stiles, puisque ça lui évitait de composer avec les autres, sachant qu'il n'était pas bien heureux d'être là.
Oh oui, s'il pouvait rentrer chez lui, il l'aurait déjà fait. Après, il pouvait toujours rentrer en plein milieu de soirée ou quand l'ambiance commençait à retomber. Impossible de prétexter une maladie soudaine, ses compatriotes étaient des loups... Et grilleraient automatiquement la supercherie. L'essentiel était qu'il reste assez de temps pour pouvoir justifier son départ. Stiles mit le tout à cuire à un feu plus doux. Autant prolonger son moment de solitude volontaire.
Mais Stiles devait parfois savoir que dans la vie, on n'a pas toujours ce qu'on veut.
- Tu es très efficace quand il s'agit de t'effacer.
L'hyperactif sursauta mais ne se retourna pas, préférant se concentrer sur les patates que sur Derek.
- Je rends service à Peter, éluda-t-il.
En soi, ce n'était pas vraiment un mensonge : même si ce n'était pas le but de base, c'était effectivement ce qu'il finissait par faire. De ce côté-là, il avait donc la conscience tranquille.
- Tu t'effaces.
- Non.
- Si.
Stiles soupira. Pourquoi Derek venait-il vers lui ? Pourquoi s'intéressait-il à sa fuite ? Pensant que répondre ne faisait que donner raison au loup et prolonger inutilement la conversation, Stiles ne chercha plus à nier et pour cela, il se tut. En fait, il surveilla carrément ses patates d'un œil un peu trop méticuleux.
- De quoi tu as honte ?
Stiles soupira aussitôt d'agacement. Il oubliait sans arrêt qu'en plus d'être un loup-garou à l'odorat surdéveloppé, Derek était tenace et posait toujours les questions qui l'emmerdaient. Ne pouvait-il pas le laisser dans son inconfortable confort ? Sans se retourner, il demanda :
- Si je te le dis, tu me laisses tranquilles ?
Il tenait à ne pas prolonger la conversation plus que nécessaire, surtout en sachant qu'un peu plus loin, dans le salon, ça fourmillait. Tout le monde était là, il n'y avait pas un absent et Stiles n'avait aucune envie qu'une oreille indiscrète les écoute.
- Tout dépendra de ta réponse, entendit-il derrière lui.
Stiles remonta légèrement l'intensité du feu. C'était bien de faire durer pour rester ici un peu plus de temps que prévu, mais il ne fallait tout de même pas qu'on le suspecte de quoi que ce soit.
- Tu me fais chier, lâcha-t-il honnêtement.
Oh, il n'avait pas vraiment peur de la réaction de Derek. Il le connaissait bien et à part le plaquer contre des murs de temps à autres et lui rappeler sa menace habituelle sans jamais l'exécuter, le loup ne lui faisait pas grand-chose. Et puis, il y avait ce pacte. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Derek semblait y tenir même si Stiles ne comprenait pas vraiment pourquoi. Il était purement remplaçable et des amants, il y en avait de bien meilleurs que lui. Des beaux hommes avec un corps naturellement beau, bien sûr que c'était trouvable. Stiles avait beau être extrêmement disponible en plus d'être consentant, il savait qu'il n'était qu'un choix facile. Derek finirait tôt ou tard par le lâcher à ce niveau-là, c'était certain.
- Et maintenant, en plus d'avoir honte, tu es triste.
Ce n'était pas un jugement, simplement un constat et Stiles avait beau en être conscient, cela l'agaçait. Il ne pouvait rien cacher, en tout cas pas à Derek.
- Agacé, aussi.
Stiles se retourna un peu brutalement et ne put s'empêcher de s'écrier, un tantinet :
- Mais c'est bon tu vas deviner combien de fois j'vais chier par jour aussi ?
Ce n'était pas très subtil et on pouvait dire que ça manquait de classe, mais l'hyperactif n'en avait rien à faire. Derek le cherchait, très clairement. Et le pire, c'est qu'il le trouvait. Stiles était... Trop... Il prenait trop les choses à cœur, en fait. Était-ce le fait de côtoyer Derek de manière intime qui le rendait aussi à fleur de peau ? Ou y avait-il autre chose ? Pourquoi ne se retenait-il pas, comme il le faisait avec les autres ?
Un instant, Derek eut l'air décontenancé et un brin amusé, avant de reprendre une attitude parfaitement impassible mais posée. Il croisa les bras sur son torse en lâchant d'un ton nonchalant :
- Je t'avoue que cette information ne m'intéresse pas vraiment.
Stiles leva les yeux au ciel. Ben oui, sans déconner.
- Et tu vas me dire que mes émotions t'intéressent ? Allez, pourquoi ? Je t'écoute.
Par souci de bien faire, Stiles surveilla quand même ce qu'il y avait sur le feu du coin de l'œil. Si quelque chose brûlait, Peter ne se gênerait pas pour le dénoncer et se moquer de lui.
Derek, au lieu de répondre, décida de prendre les rennes de la conversation, pas le moins du monde décidé à l'écourter :
- J'ai vu comment tu m'as regardé, tout comme j'ai senti tes émotions s'enchaîner. D'abord tu as apprécié, puis tu as eu ce mélange bizarre entre la honte et la tristesse. Et là, tu continues d'être tourmenté. Tu sais, je ne suis pas aussi aveugle que les autres.
- Sans déconner, si je l'avais pas remarqué... Tu es... Tu es le seul à t'intéresser à ça, soupira l'hyperactif.
Que son amant semble plus s'inquiéter pour lui que ses propres amis, c'était quand même un comble. Il avait suffi de quelques parties de jambes en l'air pour que Derek le décode petit à petit, apprenne son secret et cherche à... Cherche à quoi ? Stiles ne le savait même pas lui-même. Tout ce dont il était sûr, c'est que le loup lui avait posé plus de questions que Scott, tout comme il avait poussé plus loin son analyse... Sans vraiment le lui dire. Car Derek avait déjà ses hypothèses : il voulait simplement entendre Stiles lui avouer les choses. Les épaules de l'hyperactif s'affaissèrent. En fait, continuer de se prendre la réalité en pleine face lui faisait autant de mal que de bien. Sa résistance se craquela. Derek savait-il que l'attention était l'un des points faibles de Stiles ? Le loup fit quelques pas en avant, jusqu'à poser sa main sur l'avant-bras recouvert par la manche de la veste de l'hyperactif dans un geste empli d'une étrange bienveillance, ce qui contrasta avec ses paroles simples et aux apparences agressives :
- Crache le morceau.
Sa voix n'était pas si dure et son ton, pas si sec. Il voulait savoir, sincèrement. Et Stiles baissa les yeux sur la main posée sur son avant-bras. Songeur, il ne put s'empêcher de lâcher :
- Je ne sais même pas comment tu peux continuer de me toucher.
Derek ne dit rien, pas même qu'il ne touchait techniquement que sa veste. Il tenait quelque chose, il le savait, et préférait par conséquent attendre que Stiles se livre plutôt que de l'interrompre et risquer qu'il se ferme. Pourtant, il aimerait déjà lui répondre, lui dire qu'il ne pouvait simplement pas résister, qu'il l'attirait beaucoup trop, qu'il ressentait le besoin de l'aider, de... Savoir d'où venait ce dégoût démesuré envers sa personne.
- Tout ça... Je ne vois pas où est la logique là-dedans. Tu me connais... Mieux que personne. Tu m'as touché, tu as tout senti, tu as... Tu sais. Tu sais que je ne... Enfin, tu sais. Je ne comprends pas pourquoi tu n'as pas l'air dégoûté, pourquoi t'as l'air de... Je sais pas.
Derek pressa doucement sa main sur le bras de Stiles tout en surveillant ce qui était sur le feu en jetant de légers coups d'yeux de temps à autres au cas-où. Très honnêtement, voir Stiles montrer cette part de lui ne lui plaisait pas vraiment. Il n'aimait pas cette version timide et mal à l'aise de l'hyperactif, qui ne savait comment formuler ses idées, comment exprimer ce qu'il ressentait correctement. En fait, dans un sens, cela lui faisait mal. Il l'avait connu impétueux, sarcastique, libre, sûr de lui. Mais tout ça... Ce n'était qu'une façade pour cacher de vieilles blessures qu'il semblait ne pas réussir à guérir. Le visage de la pile électrique cachait une lumière bel et bien vacillante. Mais elle brillait. Elle avait du potentiel, cette lumière.
Stiles continua, la tête légèrement baissée, incapable de ne pas continuer à se livrer :
- Quand je t'ai vu arriver, je... J'en ai presque eu le souffle coupé. Tu te rends pas compte d'à quel point t'es... T'es magnifique, putain. Il suffit d'un rien pour que tu sois plus que présentable et c'est... C'est injuste. Moi je... Ouais, j'ai eu honte et c'est toujours le cas. Je suis... Mal fringué, je le sais, Scott me l'a bien fait remarquer... Mais lui il a pas ce problème que j'ai, il... Il est bien, lui aussi. Pas besoin de faire d'effort quand on a une belle plastique... J'ai des meilleurs vêtements et je sais que j'aurais sans doute pu faire un effort, mais... Je peux pas montrer ça, soupira-t-il en désignant vaguement son corps de sa main libre. Et puis aussi, je...
Mais Stiles fut coupé. La soudaine pression sur ses lèvres et sur sa nuque étaient sans équivoque et en plus d'être profondément déstabilisé, il ne savait pas comment réagir. Il ne s'y attendait pas, bordel ! En toute logique, il devrait le repousser, ne serait-ce que par peur qu'on les découvre, dans la cuisine, de peur de mettre Derek dans une position inconfortable, mais... Mais non. Stiles ferma les yeux et laissa les lèvres du loup happer les siennes avec un mélange de faim et de douceur. Non, il ne pouvait pas résister. Et on ne pouvait pas dire qu'il en avait sincèrement envie. La peur de se faire surprendre devrait le faire réagir et pourtant ce ne fut pas le cas. Sans approfondir le baiser, Stiles y répondit tout de même avec une ardeur non négligeable. Oubliées, la honte et la tristesse. Oubliées, ses préoccupations. Si Derek avait bien un don, c'était bien celui de l'embarquer dans un monde sans problème en lui permettant de se vider la tête. Un monde de désir. Un monde où seule l'union des corps comptait.
Mais Derek finit par s'éloigner et Stiles grogna. Il lui fallut toutefois plusieurs secondes pour rouvrir les yeux, retrouver ses esprits et supporter le poids de tous ses soucis qui lui retombait dessus. Il manqua de chanceler tant ce qu'il venait de vivre lui avait... Fait du bien. Mais il fallait qu'il reprenne contenance, que Derek ne tienne pas son abandon pour acquis : c'était exceptionnel et... Il n'avait pas fait exprès de se confier. Fort de cette constatation qui sonnait étrangement faux dans son esprit, l'hyperactif grogna d'un air mécontent :
- C'était quoi ça ?
- C'était pour te faire taire, répondit tout naturellement Derek.
- C'était cliché, lui fit remarquer l'adolescent en haussant un sourcil perplexe et suspicieux.
- C'était cliché mais ça a marché.
Le réel constat était là. Stiles s'était tu. Son monologue était clos. Il était clair qu'il n'avait rien à dire de ce côté-là. Pour le reste, en revanche... Se rappelant de l'endroit où ils étaient, Stiles s'emporta légèrement et l'on vit de légères rougeurs naître sur ses joues.
- T'es quand même taré, on aurait pu nous surprendre, grand malade que tu es !
- Premièrement, c'est pas comme si j'en avais quelque chose à faire et deuxièmement, j'ai des oreilles. Je t'aurais quand même prévenu, par politesse, si quelqu'un arrivait.
- La belle affaire, soupira l'hyperactif en levant les yeux au ciel.
Derek se rapprocha à nouveau de Stiles et le toisa de toute sa hauteur – pas aussi grande que cela. Par réflexe, l'adolescent détourna le regard, incapable de le fixer plus longtemps qu'une pauvre seconde.
- Fais pas comme si ça t'avait pas plu, fit le loup d'un ton légèrement sec.
- Et toi, fais pas genre t'as pas faim, répliqua l'adolescent sans lever les yeux.
C'était un fait, Stiles avait senti le désir du loup, ce désir dont il commençait à être coutumier, à force, même s'il lui paraissait toujours incompréhensible. Lentement mais sûrement, l'évoquer lui permettait de faire dériver la conversation. Il ne lui manquait plus qu'à espérer que Derek ne s'en rende pas compte et oublie la tournure qu'il avait fait prendre à leur discussion au départ.
- Je ne vais pas le nier, j'ai faim, avoua sans honte le loup. J'ai toujours envie de te croquer, Stiles.
L'hyperactif, en entendant cette phrase à laquelle il ne s'attendait pas le moins du monde, releva brusquement la tête et planta son regard outré vers Derek. Sans prendre en compte la mesure de son geste, il attrapa un peu violemment le col du haut de son amant et s'emporta :
- Mais t'es malade de dire ça ici, gros bêta !
Derek haussa un sourcil, pas impressionné pour un sou. Malgré toute la bonne volonté qu'il y mettrait, Stiles ne pourrait jamais lui faire peur, ni le faire se sentir menacé.
- Personne ne nous entend, Stiles. Ils sont actuellement tous trop occupés à choisir le film de ce soir.
- Mais j'en ai rien à foutre ! Fais attention, merde !
- Stiles, soupira Derek, si tu recommences, je te fais taire encore.
Bien loin de l'impressionner ni même de l'énerver, cette menace fit légèrement hésiter l'hyperactif. Pour un baiser de Derek, il pouvait faire beaucoup de choses, surtout au vu de la manière dont il le faisait virevolter ailleurs, comme hors de ce corps qu'il détestait tant. Oui, mais ce serait bien qu'il évite de continuer à perdre sa crédibilité de cette manière ou bien le loup obtiendrait toujours ce qu'il voudrait.
Ah, si seulement il savait...
Le regard de Derek s'éclaira légèrement et son air se fit ravageur. Se rapprochant un peu plus de Stiles, il alla lui chuchoter à l'oreille :
- Par contre si tu arrêtes de t'entêter de cette façon, je pourrais te rendre service.
Il se stoppa un instant, appréciant le souffle coupé de l'hyperactif qui, au lieu de se reculer et de partir, restait là, très proche de lui, à l'écouter. Son cœur battait vite et l'odeur qui émanait de lui commençait à changer et ça lui allait. Il se délecta de la fébrilité qui commença à naître chez Stiles, cette fébrilité qui précédait parfois l'apparition d'un plaisir charnel intense. Oh oui, Derek lui plaisait et celui-ci savait parfaitement l'effet qu'il lui faisait. Mais Stiles se demanda : comment ? Toutefois, il ne put formuler cette interrogation à voix haute tant cette étrange proximité électrique lui asséchait la gorge. Encore une fois, il oublia où il se trouvait, comme il oublia la présence de la meute quelques pièces plus loin. Ce qu'il mourait d'envie, d'un coup, de passer ses bras autour du cou du loup et de se laisser harceler de baiser...
Et comme s'il avait entendu son interrogation et son envie, Derek passa un bras autour de lui avant de le ramener contre son torse ferme et de chuchoter bassement :
- J'ai une pièce isolée, en haut. Un endroit aux murs épais, difficile de bien entendre et de vraiment sentir les odeurs de l'extérieur. Si tu es sage, on montera discrètement pour faire notre affaire. Personne n'en saura rien.
Le cœur de Stiles rata plusieurs battements tant cette information lui faisait de l'effet. Il faisait un peu chaud, non ? Sa veste lui semblait de trop, tout comme le reste de ses vêtements. Stiles ferma les yeux pour essayer d'empêcher son esprit de trop partir en vrille mais ce fut encore pire : il imagina Derek, l'embrasser puis laisser courir sa langue le long de son cou avant d'exécuter un premier coup de rein. Il fut alors obligé de se mordre la lèvre inférieure pour s'empêcher de gémir. La bouche frôlant toujours son oreille, Derek sourit avant d'ajouter sensuellement :
- Moi aussi, j'ai envie.
Et puis, il se recula, laissant un Stiles un peu pantelant et pas entièrement remis de cette proposition qui le mettait dans un état... Derek serait bien resté contre lui, se serait bien amusé à le chauffer tout en faisant attention à ce que leurs odeurs respectives n'attirent personne.
Oui, mais il avait un plan.
Et il avait bien l'intention de le mener à bien.
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