08 - Carnet vert

Jersey PDV

Je suis devant mon carnet vert, fermé. Je le regarde fixement depuis ce qui doit être de longues minutes qui s'enchaînent pour former une demi-heure. Je passe ma main dans mes cheveux que je me décide à les attacher parce qu'il commençait sérieusement à m'énerver. Je fixe toujours ce maudit bout de carton reliant des monceaux de feuilles qui étaient tous anciennement un pauvre arbre qui n'avait strictement rien demandé. Mais maintenant, cet arbre est devenu ce sur quoi je lâche mes pensées presque aussitôt qu'elles viennent. Habituellement lorsque je rentre, j'ai presque toujours quelque chose à dire, mais là, non.

C'est le néant, un trou béant. Comme si une partie de moi ne trouvait plus l'utilité de façonner mes mots sur des feuilles de papier que personne ne lira un jour, qui finira par pourrir ou simplement par brûler. Je n'arrive à rien alors depuis toute à l'heure je le fixe dans l'espoir que cela me fera agir. Ce n'est pas normal, ce n'est pas naturel chez moi. Non clairement pas. Le syndrome de la page blanche ne m'était pas arrivé une seule fois en plus de 20 ans de vie alors pourquoi maintenant ? Pourquoi maintenant que j'ai rencontré ce bel irlandais prénommé Niall Horan, je me mets avoir ce syndrome ? Ce n'est vraiment pas possible, je crois que j'ai besoin de prendre l'air.

Et comme si mon corps avait entendu mes pensées, il se lève tout seul. Mes mains prennent le carnet fébrilement et je me dirige vers ma fenêtre en prenant dans ma dernière main de libre la chaise de mon bureau que je laisse traîner sur le sol. Tant pis pour les voisins du dessous, au pire je ne les connais même pas alors ils n'ont qu'à aller se faire voir ailleurs si l'herbe n'y est pas plus verte. Je place la chaise en-dessous de ma petite fenêtre parce que je suis trop petite pour l'atteindre et me mets debout dessus. J'ouvre ma petite fenêtre et prends place sur le rebord avec mon carnet. Il fait excessivement chaud et c'était encore la seule fenêtre que je n'avais pas ouverte.

Le soleil se couche quelque part, sur l'horizon sinon il n'y aurait pas des nuances de rose, de mauve et d'orange dans le ciel. Je contemple le petit bout de ciel que j'ai le droit de voir et prends ensuite mon carnet où un stylo à bille est accroché à la couverture. Enfin, il n'y est pas vraiment accroché, c'est juste que j'ai mis l'ustensile autour de la couverture parce qu'il avait une barre qui ressortait. Je prends le stylo à bille et ouvre mon carnet à la première page. La couverte verte est assez âgée et usée mais elle tient bien le coup contrairement à tous mes précédents carnets, comme si le fait qu'elle ait une valeur sentimentale l'obligeait à durer infiniment, ou comme si le carnet que Nina m'avait offert essayait de tenir malgré la vie tumultueuse qu'il a contrairement à son ancienne propriétaire.

J'ouvre à la dernière page où j'ai écris. C'était juste avant l'arrivée de Niall et de son ami, Louis. Le blondinet m'a avoué le prénom de son meilleur ami en voulant s'excuser pour lui parce qu'il ne semblait pas se daigner à se bouger le cul pour le faire alors qu'il le devrait. Ça m'avait fait sourire la manière dont il avait parlé, parce que ça ne ressemblait clairement pas au langage que j'ai pu entendre durant toute mon existence. C'est clair qu'avec mes parents, il ne fallait surtout pas être grossier, lâcher un juron ou mâcher ses mots en serrant les dents. Donc en ce qui concerne de parler pour ne pas passer par quatre chemins en employant un vocabulaire pas forcément très enrichissant ; ça n'irait pas du tout. Putain, heureusement qu'eux ne sont plus en vie parce que je ne sais pas ce que je ferais. Je crois que si j'avais du les voir un seul jour de plus, je les aurais tué de mes mains. Mais non, ils n'ont pas eu besoin de mon aide pour cela, ils l'ont très bien fait tout seul avec leur véhicule et je dois avouer que je n'aurais pas pu faire mieux qu'eux sur ce coup-là.

Les mots qui précédemment ne venaient pas parce que je pensais trop à ce blondinet maintenant, prennent toute la place dans ma tête et je dois essayer le plus rapidement possible de remettre de l'ordre dans mes pensées pour écrire quelque chose de cohérant sur le papier quadrillé de mon petit cahier. Les mots s'enchaînent dans ma tête plus rapidement que je ne l'ai le temps de les écrire et j'ai l'impression que l'expression « écrire plus vite que la pensée » me convient parfaitement sur le coup. La page qui ne se trouvait même pas à moitié complète, est maintenant remplie et la suivante aussi, si bien que je dois tourner la page pour m'attaquer à une feuille.

Les mots se bousculent dans ma tête et c'est là encore une fois que je me rends vraiment compte que je suis une putain de dépendante à ces petites choses. Je suis dépendante, comme un drogué à sa drogue fétiche, des mots. Je suis droguée aux mots. Ils ont prises une importance capitale dans ma vie que je ne pourrais jamais accepter, que je ne pourrais jamais avouer parce que ça rendrait les choses tellement plus réelles, tellement plus vraies. Et encore, je peux dire que je suis droguée aux mots à moi-même mais pas au reste du monde. Je ne peux pas, parce que je n'ai pas envie qu'on retourne tout cela contre moi. Je n'ai pas envie qu'on me prive de l'une des dernières choses qui me tient à cœur, qui me fait rester en vie, qui me maintient sur cette planète à peu près stablement.

C'est ce Niall là qui me rend ainsi. Je vais finir complètement folle à cause de lui. Son rire cristallin emplit ma tête et je refuse que cela arrive alors je plaque brusquement mes mains sur mes oreilles. Mais son rire résonne dans toute ma boîte crânienne et je ne peux pas accepter cela. Non, je ne peux accepter que quelqu'un entre dans ma vie comme ça, comme si de rien n'était et vienne prendre de place –surtout plus qu'il n'en faut. Je ne peux pas accepter cela, parce que j'ai toujours veillé à fuir la race humaine pour ne pas avoir mal même si c'est comme ça que je me suis fais du mal.

Je suppose que ça fait moins mal de se faire du mal à soi-même plutôt que lorsque ce sont les autres qui vous font du mal. J'ai remarqué cela, donc j'ai arrêté depuis longtemps de le supposer, avec mes parents et avec Nina. J'ai arrêté de croire que la race humaine pouvait être bénéfique et apporter des bonnes choses aux autres individus de son espèce. J'ai arrêté de croire en la race humaine comme en l'humanité en elle-même. Et je ne veux pas que cet irlandais entre dans ma vie véritablement, qu'il y prenne de place alors qu'il n'a rien à faire là et qu'il bouscule tout comme ça. Je ne peux pas accepter que ce foutu Niall Horan réussisse à faire changer ma perception des choses.

***

Musique ; Kids - OneRepublic
NDA ; Bonjour ! Comment allez-vous ? Personnellement j'ai repris les cours mardi et je suis fatiguée d'autant plus que je n'ai pas pu écrire lundi, mardi et mercredi. Sinon, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? N'hésitez pas à commenter durant la lecture et à partager l'histoire autour de vous. Comme d'habitude, le "meilleur" commentaire aura le droit à la dédicace du prochain chapitre ! Bonne journée.

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