IV. Disparition

Non. Non. Non. Ils ne pouvaient pas la perdre maintenant. Elle était l'élément principal de l'enquête. Sans elle... Ils n'avaient plus rien.

Et pourtant il fallait se rendre à l'évidence. Cette cellule était vide. Enfin... Les scientifiques la remplissaient à présent. Mais pas de jeune femme aux cicatrices. Non.

Juste une mare de sang, qui emplissait la petite pièce sombre et humide d'une odeur de mort.

Peter Osborn arrivait en courant dans le couloir, longeant les cellules des autres détenus. Il n'avait sûrement jamais autant couru, et aussi vite, de sa vie. Épuisé, il stoppa net devant la fourmilière. C'était la panique. Tous couraient dans tous les sens. Un vrai bazar. Le brun s'approcha d'une jeune de ces collègues, qui prenait des notes devant la porte de la scène de crime, vraisemblablement. Peter était trop stupéfait pour prononcer un mot, et puis, il devait reprendre son souffle. Oui, il se dit qu'il devrait vraiment arrêter de fumer une bonne fois pour toute. Mais avec ce nouveau rebondissement et le stress que cela provoquait... Cela n'allait pas arriver de sitôt. Il se servit du mur comme un appuie.

- Vous pouvez m'expliquer la situation ? " demanda-t-il à la jeune policière. Elle leva les yeux de son carnet, et fut surprise. Elle n'avait pas entendu son chef arrivé. Elle le salua et s'empressa de lire ce qu'elle avait pris en note :

Le gardien qui s'occupait de la vidéosurveillance a remarqué un bug sur la caméra de... La terroriste. Image brouillée, plus de son. Il a couru pour voir ce qu'il se passait et... C'est ce qu'il a trouvé.

Elle désigna la flaque de sang au sol. Un véritable massacre avait eu lieu.

- La porte de la cellule était ouverte ? " dit l'inspecteur, observant la porte blindée, en parfaite état.

- Non. Fermée à double tour. Ils sont en train de visionner la vidéosurveillance des couloirs, des autres cellules, pour voir si le complice est visible quelque part...

- Un complice ? " s'étonna-t-il.

- Il y a forcément un complice, Monsieur.

Il haussa un sourcil. Un complice... Jane Doe avait un complice ? Cela lui semblait impossible. Ou alors, elle était une très bonne menteuse. Car personne ne la connaissait. Personne n'avait su l'identifier. Autre hypothèse, tous ceux qui le pouvaient sont morts ou complices. Un complot aussi tordu était-il possible ? Vraiment, il était en train de perdre la tête. Il laissa la recrue, lui ordonnant de tenir à l'écart les journalistes. Ces derniers étaient sûrement la pire chose qui pouvait lui arriver en ce moment. Le monde n'avait pas besoin de savoir qu'une potentielle terroriste s'était enfuie d'un commissariat surveillé par des centaines de caméras et de policiers.

Le barbu se dirigea vers les scientifiques, en combinaison blanche. Du coin de l'œil, il vit un jeune policer appliqué le ruban jaune " Police Only ", pour éloigner les curieux sur la scène de crime. Au commissariat, tous allaient être suspect. Donc, il ne fallait que personne ne pollue la pièce sombre. Sur la porte de la cellule, un scientifique récoltait déjà les différentes empreintes digitales qui étaient sur la poignée. Plus loin, au fond du couloir, on interrogeait le gardien.

Oliver Kyles, dans sa tenue aseptisé, lui fit signe. Il pouvait entré dans la pièce sombre. Peter fit un petit pas. Il avait déjà vu des scènes de crime. Des dizaines, même. Il avait vu des horreurs. Toutefois, même si ce n'était qu'une flaque de sang, qu'il n'y avait pas de corps, le trentenaire ne pouvait s'empêcher de trembler. Il avait peur. Peur des conséquences qu'aura cette disparition.

- Qu'est-ce qui s'est passé, Mr... Je veux dire, Oliver ?

- On ne sait pas encore. Vu qu'on a pas la personne qui a perdu tout ce sang, il faut l'analyser. Pour savoir à qui il appartient. Mais, c'est assez étrange... " commença-t-il à marmonner pour lui.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Et bien, vous voyez cette trace ?

Le scientifique désigna le mur à leur gauche. Une énorme fissure était présente sur le mur, elle aussi couverte de sang. C'était un impact de quelque chose, en forme de cercle, assez net. Ce quelque chose avait percuté le mur violemment, assez pour l'ébrécher.

- On a frappé le mur ?

- On a trouvé des cheveux dans les fissures, ainsi que dans le sang...

Un silence régna dans la pièce, le jeune inspecteur se rendant compte de l'horreur de la scène qui s'était joué ici.

- On a frappé la tête de quelqu'un dans ce mur ?... Mais... C'est incompréhensible.

- Oui. Vu l'impact du choc, ça m'étonnerait que la victime ait le cerveau en bon état de fonctionnement. Sans compter qu'un morceau du mur a été arraché, et maintenant il se retrouve près de la flaque de sang. Ici. Il est petit, mais assez pointu pour blesser. Il est anormalement couvert de sang par rapport aux autres morceaux de mur donc...

- C'est l'arme du crime.

Le sage de l'équipe acquiesça en silence, puis se pencha pour montrer la tache qui rougissait le sol. Elle faisait bien un quart de la pièce, au minimum. La vue du policier tournait légèrement, et il respira profondément.

- Quelqu'un était là. On voit des traces de pas dans le sang. Après avoir le crâne réduit en bouillie, on lui a ouvert ses veines. Ou quelque chose dans le genre. La victime s'est vidée de son sang ici, près du mur.

- La victime... Peut-elle être encore vivante ? " hésita le détective.

- Vu la quantité de sang, je dirai qu'elle est plus proche de la mort que de la vie. Il faudrait savoir la taille et la corpulence de cette personne, et de savoir quelle quantité de sang se trouve ici. C'est dur de déterminer à l'œil nu.

Peter soupira. Il avait peut-être un nouveau mort sur les bras. L'enquête allait se complexifier. Comme si ce n'était pas assez difficile déjà. Oliver se rapprocha de lui.

- Peter... Ta Jane Doe est sûrement morte.

Le brun se figea. Elle... Morte ? Non. Impossible. Elle avait un complice, elle s'est enfuie avec lui, ou elle a tué quelqu'un pour s'enfuir... La jeune femme était bien trop maligne pour mourir. Bien sûr, elle faisait partie de la liste mais...

Le scientifique le sortit de ses pensées. En force.

- Des cheveux courts, clairs, raides ont été retrouvé dans le sang et dans la fissure du mur. Des cheveux comme les siens. Bien sûr, on doit les analyser, tout comme le sang, et les empreintes digitales. Mais j'ai bien peur que notre seul suspect ne vienne de mourir dans nos murs. " déclara-t-il, doucement, comme s'il ne voulait pas blesser son interlocuteur.

Peter ne réagissait pas. Il ne voulait pas réagir. Ou peut-être, il ne pouvait tout simplement pas réagir. Car un flot d'émotions le parcourait. Tout d'abord, la peur. Elle était présente depuis le début. Mais, les mots que venaient de prononcer son collègue lui fit voir la vérité. Plus de Jane Doe. L'enquête allait reculer. Le public allait leur mettre la pression. Pendant ce temps, les Haters, alors que la police va se concentrer à retrouver un putain de cadavre et un coupable, pourront, dans leur trou à rat, projeter le prochain attentat. D'autres morts. Et... Ce sera la faute d'un putain système de sécurité défaillant ? Il allait devoir endurer la haine de toute la population mondiale à cause de...?

Le brun se tourna vers la caméra de la cellule. Jane Doe, en tant que suspecte d'un acte terroriste, avait le droit à une surveillance renforcée. Renforcée, bien sûr. On voyait ce que ça donnait. Toutefois... Il tapota l'épaule de son aîné, qui prenait en photo la flaque de sang, sous tous les angles.

- La caméra est explosée.

- Merci, mais on l'avait remarqué. C'est la première chose qu'ils ont vérifié en arrivant sur les lieux. " il marmonna pour lui même. " C'est fou, il y a aucune autre trace de sang à part cette flaque. C'est... Trop net. Je ne vois pas comment ils ont pu déplacé le corps...

- Explosée ? Ils ont explosé une caméra ? Mais... Comment ils sont entrés avec des charges explosives ? On fouille à l'entrée, et puis, comment ont-ils pu sortir avec un corps... " se questionnait-il. Peter était stressé comme jamais. Il sentait son heure approché. " Et puis, elle allait être transféré... Autre part. Peu de gens était au courant. Et paf, quelques heures avant, elle disparaît ? Ce serait une trop belle coïncidence. On a affaire à des pros.

- Comme lors des attentats. " continua Mr Kyles, lui jetant un regard soutenu.

Les Haters... C'était une évidence. Cela ne pouvait être qu'eux. Pourtant, c'était incohérent. Peter réfléchissait rapidement, regardant tous les détails. Non, décidément, rien ne collait. Ou alors, ceux derrière cet assassinat voulait les perdre. Il voulait fumer. Une petite cigarette, pour qu'il puisse retrouver ses esprits. Il voulait sortir de cette cellule humide et puante et respirer l'air frais de la nuit, même s'il était pollué. Il voulait frapper le mur pour se détendre, ou pour se réchauffer. Il avait froid, froid aux mains... Une cigarette pouvait le réchauffer, non ? Non, il devait se concentrer. Le frisé devait mettre de côté son addiction et se plonger dans son enquête. Mais il avait peur. Il en tremblait.

- Donc, si je résume, ils seraient arrivés ici, avec une petite charge explosive, ou quelque chose pour exploser la caméra, ici, dans la cellule. Or, ils doivent entrer dans la cellule pour la détruire. Mais il n'y a rien sur la vidéosurveillance. Tu me suis toujours ? Ils seraient venus ici, avec la ferme intention... De la tuer ? De la faire taire ? C'est là que ça cloche. S'ils l'ont tué, pourquoi ont-ils pris le corps ? Pourquoi ne l'ont-ils pas tué autres parts ? Pourquoi ne pas la libérer tout simplement ? Elle ne nous aurait pas parlé dans tous les cas. Elle ne serait pas parti je ne sais où.

- Peut-être qu'elle... Ne voulait pas ? " tenta le scientifique ridé.

- Oui, c'est l'hypothèse qui tient le plus... Mais si elle ne voulait pas qu'on la capture, on aurait vu des traces des luttes, des traces dans le sang, non ?

- Oui... Comme je le disais, c'était parfait. Elle s'est laissé tuer, peut-être...

Peter en doutait. Puis il songea aux cicatrices de la jeune femme sur ces avant-bras. Elle avait voulu en finir. Cette occasion était peut-être la bonne pour elle...Non, non. Elle lui avait parlé " d'erreurs du passé ". Elle lui avait semblé regretter ses cicatrices. Il ne voulait pas y croire. Il était la seule personne à être capable d'avoir une véritable discussion avec elle. Il avait senti une connexion entre eux... Non, il ne devait pas y songer. Cette femme était une terroriste.

- Non, c'est trop étrange. Et puis... Ils n'avaient rien sur eux pour la tuer. Ils l'ont tué avec un morceau de mur. Pourtant, leur mission était risquée. Ils devaient bien avoir des armes pour se défendre, dans un commissariat remplit de policiers armés.

- Une arme à feu aurait fait trop de bruit. Un couteau n'aurait pas passé les portiques de sécurité...

- Mais ils ont fait explosé une caméra. C'est fait pas de bruit, ça ?

Oliver n'avait plus rien à répondre. Il y avait quelque chose qui clochait, c'est sûr.

- Monsieur Osborn, vous aurez le temps de répondre à toutes ses questions les prochains jours.

Une femme venait d'entrer dans la cellule sombre, discrètement. Elle était habillée strictement, et tous se taisaient à son passage. Le silence était de plomb, figeant tous ceux qui se trouvaient dans la salle.

- Madame la Procureure... " prononça le jeune inspecteur.

- Vous n'êtes plus en charge de l'enquête des attentats, mais de celle-ci. Les ordres viennent d'en haut.

- Mais je viens...

- Le public est déjà au courant. Il y a eu des fuites. Bientôt, on vous traitera d'incompétent. Comme toute la police de cette ville. On est en état d'alerte maximum. Personne ne dormira sur ses deux oreilles dans cette ville cette nuit. Donc trouvez moi cette fichue Jane Doe et ses complices, au plus vite. J'ai déjà nommé quelqu'un d'autre pour l'enquête des attentats...

Il ferma sa bouche et observa la flaque de sang, perdu dans ses pensées. Qu'est-ce qui s'est donc passé ici ?

Quelques heures plus tard, il aurait les résultats de l'analyse des cheveux et du sang. Et il eut la confirmation de ce qu'il craignait le plus. Jane Doe était morte.

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