II. 18 Mars.
- Bonjour, Monsieur l'inspecteur. Ça va aujourd'hui ?
Jane souriait, toujours menottée, dans cette foutue salle. Au moins, ça lui faisait une sortie dans la journée, entre sa cellule et cette salle. Et cela brisait le silence qui s'était installé dans sa petite vie... Clairement, elle en avait marre de sa situation. Le problème, c'est qu'elle ne pouvait rien faire. À part discuter avec ce monsieur anonyme, inspecteur, ou qui possédait n'importe quel grade, elle ne savait pas. Elle ne savait rien, de ce qui se passait à l'extérieur, des recherches...
- On a du nouveau dans l'affaire." déclara Peter Osborn, d'entrée de jeu. " Et particulièrement par rapport à votre histoire de bug... "
- Vraiment ? Qu'est-ce que... C'est impossible ! " s'exclama-t-elle. Peter s'installa sur sa chaise, tranquillement, alors qu'elle le regardait ébahie. Pourquoi était-elle aussi étonnée ? C'était pourtant elle qui leur avait donné l'information. Après son premier interrogatoire, il avait dit aux agents de la cyber défense de tout vérifier. Tout. Une cyber attaque était peut-être sur le point de se produire. Et... Il ne fut pas déçu des résultats de cette action.
- Et bien, vos amis les terroristes ont laissé une signature sur les sites web des entreprises touchées par les bombes. Le dessin, là, votre symbole. Et je ne vous l'avais pas dit, pour voir si vous vous dénonciez vous même... Mais les entreprises touchées travaillaient tous, de loin ou de près, bref, elles avaient toutes des liens avec une firme... Je vous laisse deviner. " lâcha-t-il, mystérieux.
- Une firme ? Je sais pas ? Vous allez me dire, de toutes façons...
La femme aux cheveux courts fixaient... Les cheveux bouclés du brunet, ce qui le déconcentrait. Il grimaça, était-ce une technique pour le déstabiliser ? Elle commençait à vraiment à lui taper sur le système, elle et son petit air narquois. Elle s'amusait, elle les narguait, et elle ne disait rien.
- La firme TechPulse. Vous savez, celle des robots... Une cyber attaque était en cours contre elle, peu après que vous aviez dit que quelque chose bugé.
La jeune femme s'arrêta un instant de sourire, elle se mit à réfléchir, en baissant la tête, observant ses mains enchaînées.
- ... Des robots...? Des robots. " murmura-t-elle.
C'était au tour du trentenaire de sourire, cette fois. Il sentait qu'il se rapprochait du but. Le problème, c'est que la femme semblait... Effrayée, ou quelque chose du genre. Elle avait pâli et ses mains tremblaient légèrement.
- Alors, ça vous rappelle quelque chose ?
Elle ferma les yeux, un bref instant et secoua la tête.
- Non... Vous n'y êtes pas du tout. Ce n'est... Pas ce bug. Il n'a aucun rapport avec vos terroristes... Et ces robots. Je crois. Il a juste un rapport avec moi. Mais ces robots... TechPulse, c'est ça ?
Le brun haussa un sourcil. Mais où voulait-elle venir à la fin... Il allait finir par croire qu'elle était vraiment innocente dans l'histoire. À moins que l'on se soit servi d'elle. Le problème, c'était bien sûr la question de son identité et de ce qu'elle faisait dans cet appartement, où rien ne lui appartenait. Pas de sac à main, pas d'instruments qui auraient pu lui servir à ouvrir la porte de l'habitation. Pas de clés. Rien du tout. TechPulse... Ce nom l'avait fait tiquer. Cette entreprise, cette multinationale, cette firme, elle était la première au niveau mondiale, pour la robotique. Elle avait créé les cyber abeilles, qui permettaient de les remplacer, vu leur disparition... Et oui, les abeilles étaient en voie d'extinction à cause des produits chimiques, des insectes prédateurs et autres... Elle s'était spécialisé dans la bio robotique. Des robots à l'allure animale, ou pour la médecine, comme des bras robotiques pour les amputés et autres... Cette entreprise était à la pointe de la technologie.
- Oui, c'est cela. Vous savez quelque chose ? " questionna-t-il, détaillant chacune des actions de la femme aux cicatrices.
Elle évita son regard, triturant ses doigts nerveusement. Bien sûr qu'elle savait quelque chose. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Peter tenait le bon bout. Le problème, c'est qu'il craignait qu'elle soit devenue muette une nouvelle fois. Bizarrement, il était la seule personne à qui elle voulait bien parler. Il ne voulait pas perdre cet avantage. Après quelques secondes, elle rouvrit la bouche.
- ... Non. Juste que ça sent mauvais, cette histoire. " expliqua-t-elle, rapidement.
- Pourquoi donc ? Que cherche à faire les Haters ? " s'impatienta-t-il.
Elle resta silencieuse. À quoi pensait-elle exactement ? Il aurait rêvé pouvoir lire dans ses pensées. Cela aurait résolu l'affaire en deux minutes. Il savait que des mentalistes existaient, ce genre de personne, capable de deviner les intentions des autres. Elle soupira.
- Je ne sais rien. Je répète souvent ça, non ?
Jane avait une mine triste, malgré son sourire. Qu'est-ce qu'elle cherchait à protéger, à la fin ?
- Jane. Aujourd'hui, c'est le dernier jour où vous pourrez me parler. Me dire tout ce que vous savez. Demain... Vous passerez dans les mains d'une autre unité gouvernementale. Ils en ont marre d'attendre. Ils veulent des réponses. Ils chercheront à les avoir, coûte que coûte.
Elle se figea. Bien sûr, elle devait s'en douter. Sa vie ne se finirait pas ainsi, entre sa cellule et cette salle d'interrogatoire. Non, ils voulaient toute la vérité. Elle ne serait plus jamais libre. L'avait-elle déjà été, au moins ?
- Cela devait arriver un jour ou l'autre... C'est gentil de me prévenir, mais, je ne dirai rien de plus, je crois. Ni à vous, ni à eux. Je ne suis pas coupable de ce crime.
L'enquêteur recula sur sa chaise, croisant ses bras. Gentil, lui ? C'est sûr, il n'aurait jamais dû lui dire cette information confidentielle. Mais il avait espéré une réaction, n'importe quoi ! Il valait mieux qu'elle se confesse maintenant qu'après. Elle pouvait encore s'en sortir. Au fond de lui, il voulait qu'elle s'en sorte, mais si elle ne s'aidait pas elle-même, comment pourrait-il le faire...?
- On en a pas fini pour aujourd'hui. Reprenons sur votre identité...
Elle soupira, une nouvelle fois. De soulagement ou d'exaspération, le trentenaire ne put le deviner.
- Bien. Vous avez du neuf ? Vous pensez me connaître ?
Cette inconnue était de nouveau d'humeur à se moquer de leur travail acharné. Il allait s'arracher les cheveux à la fin.
- On a contacté plusieurs milliers de personnes. Des chirurgiens esthétiques, des coiffeurs, maquilleurs, des policiers, des aéroports, ports, frontières, des agents immobiliers, des familles de disparus... En une semaine, on a presque ratisser le pays, voir le monde, pour vous trouver. Il y avait des personnes vous ressemblant, certes, mais ce n'était pas vous. Vous avez mis la CIA en déroute. Vous vous rendez compte ? " Il s'arrêta, un instant. Cette enquête avait mobilisé tout le pays. Tout le monde scrutait le visage de cette femme, essayant de se rappeler, si on l'avait déjà vu quelques parts. Bien sûr, de nombreuses personnes avaient reconnu en elle une silhouette, une ombre. Certains avaient donné des noms. Mais rien ne collait parfaitement. Peter reprit : " C'est impossible. On a cherché parmi les personnes vivant seules, sans famille, dans les hôpitaux... Alors soit vous vous êtes effacé de la société... Soit vous faites parti d'un quelconque département militaire d'un quelconque pays, et vous avez changé d'identité... Ou alors on vous a caché délibérément, peut-être depuis votre naissance. Jusqu'à ce que ce jour arrive. On a vérifié, toujours par rapport à votre "quelque chose " qui " bug ", des millions de données, pour savoir si on vous avez délibérément effacé du système.
Elle resta pensive, face à toutes ses théories. Ils avaient vraiment fait tout cela ? Elle qui pensait pouvoir passer inaperçu, mener une petite vie tranquille, on la traquait... Même si elle prouvait son innocence, elle serait aux yeux de tous une terroriste. Tous connaîtront son visage.
- On a cherché auprès des familles de suicidés... Des centres psychiatriques.
Un ange passa dans la salle. Jane Doe retenait son souffle. Ses fichues cicatrices étaient connues de tous. Sa plus grande honte, ce passé qu'elle cachait avec de longues manches, étaient exposées de tous. Elle expira bruyamment, au bord des larmes.
- Qu'est-ce que ça va vous apportez, de connaître mon nom et mon prénom ? Pour fouiller dans ma vie, pour vérifier que je ne suis pas une terroriste ? Désolé, mais j'ai pas envie qu'on regarde ce que j'ai fait. J'ai pas envie qu'on sache pourquoi j'ai ça sur les bras. Je me sens déjà assez humiliée comme ça... Quoi qu'il arrive, je resterai croupir ici ou là-bas. Que je vous dise la vérité ou pas, la situation ne changera pas. Les Haters doivent vraiment apprécier d'avoir un bouc-émissaire comme moi... Je complique vraiment votre boulot. Je vous ralentis, l'enquête n'avance presque pas. Ils ont de la chance, ces salauds.
Le policier s'apprêta à lui faire une remarque sur son langage quand il se rendit compte et bien, qu'elle avait raison. Ici, il était dans une impasse, un cul-de-sac, dont il avait beau poussé le mur, aucune entrée n'apparaissait. Un piège...? Cette anonyme en parlait comme si elle était détachée de tout ça, comme si... Cela avait été un hasard qu'elle se soit trouvé dans cet appartement. Elle avait porté les vêtements d'une morte et... Cela ne la choquait pas plus que cela. Cambrioleuse ? Pourquoi était-elle alors arrivée dans l'appartement à 14 heures ? C'était... Si étrange.
Voyant l'enquêteur profondément plongé dans ses pensées, la femme à la coupe à la garçonne continua :
- Quoiqu'il arrive, je suis une femme morte. Personne ne peut me sauver. Faites ce que vous voulez de moi, je m'en fiche. Je n'aurai plus de vie. Je n'existe plus.
Un sourire triste apparut sur son visage. Peter Osborn, une nouvelle fois, était déconcerté. On tapa sur la vitre teintée, derrière lui. C'était fini. Elle aussi entendit le bruit, et elle releva son regard rougi vers cet homme, le seul à qui elle avait parlé en quelques jours. Et c'était fini. Elle serait seule, à présent. Elle hésita un instant, et rapidement, elle prononça ses mots :
- Avant de partir... Puis-je seulement avoir votre nom ?
Le barbu fut déconcerté par cette demande. Ce n'était pas la première fois... Pourquoi tenait-elle tant à connaître son nom ? De toutes façons, en prison, ou où qu'elle parte, cette information ne lui servirait à rien. Elle l'avait dit elle-même : elle était condamnée avant tout jugement. Sa vie ne serait plus jamais la même.
- Peter Osborn. Voilà, vous êtes contente ? " déclara-t-il, en haussant les épaules.
Jane Doe se pencha vers lui et murmura, pour que seul lui entende :
- Peter Osborn. Je vous jure de vous prouver mon innocence et d'arrêter ces terroristes, au péril de ma vie.
Il pouffa doucement. C'était mignon, cette réaction, mais tellement inutile.
- Comment allez-vous faire ? Je vous rappelle que c'est moi le policier dans l'histoire, et vous la suspecte, derrière les barreaux...
- Je vous fait une promesse. Je la tiendrai, parole de...
Elle se stoppa, bloquant sur la suite. Son élan de courage avait soudainement disparu. Il la détailla. C'était la dernière fois qu'il la voyait... Pourquoi était-il si troublé par elle ? Pourquoi son visage lui était... Familier ? Il n'avait pas réussi à répondre à toutes ses questions, et cette rencontre... Il se posait encore plus de questions qu'au début. Mais c'était fini pour elle, il le savait que trop bien. Il ne fallait pas... Qu'il ressente quelque chose envers elle. Le brun se leva, s'étira, et alla vers la porte. Il ne jeta pas un regard en arrière.
- Au revoir, Mademoiselle.
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