03 Décembre 2034.

Je soupire en levant les yeux au ciel face au comportement enfantin de mon petit frère. Cependant, il me fait rire aussi.

— Tu sais que tu vas les revoir à la fin du mois, hein ? lui rappelé-je.

Il marmonne des mots que je ne peux pas entendre d'où je me trouve puis accentue le câlin qu'il est en train de faire à Hugo.

— Tu crois qu'il peut l'étouffer ? me chuchote Ezra à ma droite.

Mon regard se pose sur mon petit-ami, emmitouflé dans le manteau que je lui ai donné, il y a quelques semaines. Je remonte un peu l'écharpe qu'il a autour du cou en me mordillant la lèvre.

— Ça n'est jamais arrivé, mais c'est une possibilité que nous ne pouvons pas écarter malheureusement...

Nous ricanons comme des gamins tandis que du coin de l'œil, je remarque Elliott se poster derrière nous. Il se racle la gorge et nous affirme sur le ton de confidence :

— J'ai failli y passer à plusieurs reprises...

Il fait un clin d'œil à Ezra avant de nous contourner en grognant :

— Lâche-le, bon sang ! Je dois le ramener en vie à ses pères.

Dae se recule à contrecœur, la moue boudeuse. Elliott lui ébouriffe les cheveux en riant en le voyant agir. Mon bras se pose sur les épaules d'Ezra, tout en observant nos amis à quelques mètres de nous. Mon frère profite qu'Elliott installe son bagage à côté de celui de Hugo pour grimper sur son dos comme il en avait l'habitude avant son entrée à l'université.

Nous avons beau être dans notre rue londonienne, à attendre le taxi que Hugo et Elliott ont appelé pour les emmener chez la mère du blond, c'est comme si nous étions dans la rue principale de Barnard Castle. Nous sommes chez nous partout, le reste du monde n'a plus la moindre importance tant que nous sommes ensemble.

Je me rends alors compte d'une chose. Le temps a passé, c'est vrai, mais nous sommes toujours les mêmes. En un peu mieux. Je rapproche Blue de moi et lui embrasse la tempe, heureux qu'il soit avec nous à présent.

— Mais vous m'avez tellement manqué pendant tous ces mois, se plaint Dae en serrant ses bras autour du cou du géant. Je n'ai pas envie que vous partiez déjà !

— C'est vrai que vous auriez pu rester plus longtemps, interviens-je, naturellement.

Elliott se tourne vers moi comme s'il n'avait pas Dae sur lui. Il lève un sourcil et me taquine :

— Toi, tu veux juste profiter de mon copain alors hors de question !

Nous nous sourions, amusés comme des gamins par le petit jeu que nous avons.

— Tu lis en moi comme dans un livre ouvert...

Je n'étais pas spécialement très proche d'Elliott avant leur voyage, mais nous arrivons à trouver un terrain d'entente. Une certaine relation se tisse entre nous et ça me fait plaisir.

— Allez, Dae, descends de là, lui ordonne gentiment Hugo en lui donnant une tape sur les fesses.

— Pas de chance, les mecs, j'ai l'impression que Hugo a une nouvelle proie en vue, déclare Ezra d'une petite voix.

Nous nous tournons vers lui tel un seul homme et pendant quelques secondes, le silence se fait entre nous, alors que nous le détaillons, surpris qu'il intervienne pour blaguer. Puis finalement, nous éclatons tous de rire. Je crois même qu'une larme glisse du coin de mon œil.

Une fois calmé, je ne peux m'empêcher de me caler derrière lui et d'enfouir mon nez entre son écharpe et son cou. Mes bras l'entourent et mes mains retrouvent les siennes dans ses poches de veste. Il lie immédiatement nos doigts alors que Dae continue de faire ses adieux éplorés à nos amis.

— Il les aime beaucoup, murmure Ezra pour que je sois le seul à entendre.

Je pousse un hum pour confirmer avant d'ajouter :

— Surtout Elliott. Il l'a beaucoup aidé à s'intégrer au lycée quand on a déménagé à Barnard Castle.

Ezra hoche la tête pour me montrer qu'il comprend. Je l'embrasse dans le cou juste avant qu'il affirme :

— Toi, c'est Hugo.

Je ne sais pas comment interpréter le ton qu'il utilise pour dire ces quelques mots. Je grimace malgré moi parce que la dernière chose que je veux, c'est qu'il soit jaloux de Hugo.

— En effet, me contenté-je pour le moment.

— Il... Il y a eu quelque chose entre vous ?

— Qui ? Hugo et moi ?

Ma voix est un peu trop aiguë, je m'en rends compte tout seul. Il hoche la tête tandis que je relève la mienne. Je jette un coup d'œil au blond qui discute avec Elliott et Dae. C'est vrai qu'à une époque, Hugo me plaisait, mais c'est du passé. Un sourire un brin nostalgique finit par s'épanouir sur mes lèvres.

— Ça aurait pu...

Ce n'est peut-être pas la chose à dire à son petit-ami, mais je préfère être honnête avec lui. Garder ça n'aurait aucun sens, ça voudrait dire que j'ai quelque chose à me reprocher. Or nous n'avons jamais rien fait de mal. Ce n'est pas aujourd'hui, alors que nous sommes chacun en couple et heureux, que ça va changer.

— Mais il ne s'est jamais rien passé. Il est amoureux d'Elliott depuis toujours...

Je dépose un nouveau baiser sous sa mâchoire.

— Et moi... de toi !

Il rit. Il ne se moque pas, mais il doit imaginer que je ne suis pas sincère et que je cherche seulement à le rassurer. Cependant, je pense que nous sommes bien ensemble. Nous nous complétons et surtout...

— Je suis heureux avec toi.

— Alors je n'ai aucune raison d'avoir peur quand tu disparais avec lui pendant presque une heure ? m'interroge-t-il, en baissant la tête.

Il fait référence à hier soir, quand Hugo et moi sommes allés discuter dans les escaliers de secours. Nous n'avons pas vu les minutes passer et sommes restés plus longtemps que prévu dehors, malgré le froid. Je n'aurais pas dû. Je le serre dans mes bras et lui souffle :

— Aucune... Je suis désolé, il voulait juste me parler de Dae... Et de toi...

— Bon les mecs, s'écrie soudainement Elliott en se plantant devant nous, le taxi est arrivé !

Je m'éloigne d'Ezra et remarque le véhicule noir derrière le géant. Je lui souris en lui tendant la main pour le saluer.

— C'était cool de vous revoir, lui confié-je.

Il imite mon rictus.

— C'était pas mal en effet.

Il se tourne vers Ezra et pose une paluche sur sa frêle épaule.

— J'ai été ravi de te rencontrer.

— Moi aussi, répond-il tout bas.

Elliott le tapote amicalement et j'ai presque peur qu'il lui fasse mal. Je grimace même, mais Hugo attire mon attention en m'appelant. Il a les bras ouverts et attend que je le rejoigne dans une accolade.

— Depuis quand tu fais des câlins en public, Trésor ?

Il va peut-être falloir que j'arrête ce genre de surnom aussi si je ne veux pas qu'Ezra se fasse des films. Je secoue la tête et profite tout de même de ce qu'Hugo m'offre.

— Vous êtes beaux tous les deux, me murmure-t-il à l'oreille avant de s'écarter.

Nous échangeons un regard et le bonheur m'envahit. Ce qu'il me dit me fait plaisir.

— Tout va s'arranger. Fais-toi confiance...

Il a raison. Il faut juste que je sois présent pour lui, peu importe ce qu'il aura à me livrer. Dans un élan impulsif, je le reprends dans mes bras pour le remercier.

— Tu vas le lâcher, Lim !

— Oh, ne sois pas jaloux, Elli, le taquiné-je en me tournant vers lui. Tu sais bien que je ne pourrais jamais te voler l'amour de ta vie dont tu t'es lang...

— Si tu es attaché à ton beau visage, je te conseille de te taire maintenant, me menace le géant, un sourire en coin.

— Oh tu penses que je suis beau ? m'exclamé-je, en tapant dans mes mains juste pour l'embêter.

Nous rions un peu avant qu'ils ne montent dans la voiture. En moins de dix secondes, ils se sont évanouis sous les pleurs de mon petit frère.

— Tu vas bientôt les revoir, lui rappelé-je pour énième fois.

— Je sais, mais ils me manquent déjà, geint-il.

Je passe un bras sur ses épaules pour le réconforter.

— Quand vous êtes tous les quatre... Vous êtes complètement fous...

Nous portons notre attention sur Ezra qui a toujours le regard fixé sur le bout de la rue.

— Je les aime bien, déclare-t-il avant de retourner dans l'immeuble. Chocolat chaud pour tout le monde !

Avec Dae, nous restons immobiles quelques secondes.

— Je crois que ton copain est aussi fou que nous, chuchote mon frère.

Il se frotte les mains l'une contre l'autre.

— Je l'adore, annonce-t-il, joyeusement.

Dae court après Ezra en criant :

— Je m'occupe du film !

— Ouais, on est tous tarés, murmuré-je pour moi-même.