pacte.
07 Novembre 2034.
Jeff me donne un grand coup dans l'épaule en criant :
— Il t'a embrassé !
Je lève les yeux au ciel. Nous marchons dans la rue depuis cinq minutes et il n'arrête pas de hurler, faisant profiter toute la population londonienne de notre conversation. Chose dont je me passerais bien.
— Tais-toi, idiot, maugréé-je en me frottant l'endroit qu'il vient de maltraiter.
— Non, jamais ! Il t'a embrassé et tu as rougi comme un préado boutonneux !
— C'était juste un bisou sur la joue, lui fais-je remarquer de manière désinvolte.
— Ton rougissement était d'autant plus digne d'un gamin, du coup !
Je hausse les épaules. J'aimerais lui dire qu'il a tort, mais ça serait un gros mensonge. Il y a à peine quelques minutes, nous avons dû quitter Ezra pour rentrer chez moi récupérer le sac de Jeff pour qu'il puisse prendre son train tout à l'heure. Pour me dire au revoir, mon fameux serial killer d'une nuit a innové. Mon sang n'a alors fait qu'un tour quand ses lèvres se sont posées sur ma peau. Mes joues ont surréagi et mon cœur a battu un record. J'étais ridicule.
— Mais je comprends...
Je me tourne légèrement vers lui pour voir sa tête et déterminer s'il se moque encore de moi. Cependant, il ne semble plus railleur comme précédemment. Mon sourcil se relève.
— Quoi ?
— Que tu craques complètement pour lui !
— Pas du tout, nié-je, peu convaincant.
— Ouais c'est ça. En tout cas, le destin a été super cool avec toi. Il t'a apporté sur un plateau d'argent exactement le genre de personnes qui te convient.
Je m'arrête en plein milieu de la petite rue qui mène à mon immeuble même s'il y a des voitures qui veulent passer. Jeff leur fait d'ailleurs signe pour s'excuser à ma place tout en me tirant par le bras.
— De quoi tu parles ?
Il hausse les épaules puis entre le code, le connaissant par cœur après quatre jours ici. Je le suis, l'esprit en surchauffe. Nous préférons les escaliers à l'ascenseur sous prétexte que nous avons mangé comme dix selon mon ami puis quand nous sommes devant la porte de mon appartement, je n'y tiens plus. Les clés en main, je m'arrête et me tourne vers lui pour l'interroger :
— Qu'est-ce que tu entends par le genre de personnes qui me convient ?
— Ouvre et je t'explique ! On ne va pas parler de ça sur le palier.
Je m'exécute dans la seconde, trop impatient et curieux. Nous enlevons nos manteaux et Pancake vient directement se frotter à mes chevilles. Je l'attrape pour pouvoir retirer mes chaussures et le caresse tout en allant m'asseoir dans le canapé :
— Alors ? J'attends toujours !
— Je me trompe peut-être, commence-t-il en me rejoignant. Mais j'ai l'impression que tu as tout le temps besoin de protéger les gens qui t'entourent et encore plus ceux que tu aimes. Dae en est la plus belle preuve. Tu ne serais pas là sinon.
J'ouvre la bouche, prêt à me défendre. Jeff me lance alors un regard signifiant « Essaie pour voir » et j'abdique aussitôt. Ça ne sert à rien, il a raison.
— Pas faux...
Son hochement de tête montre son assentiment avant qu'il reprenne son argumentation :
— Et cet Ezra, on dirait un oisillon tombé du nid avant d'avoir appris à voler.
Je ricane. Comme si l'image que Jeff vient de donner lui parlait, Pancake se lève de mes genoux, tourne sur lui-même à plusieurs reprises en observant autour de lui et finit par se réinstaller dans sa position initiale.
— C'est vrai ! C'est la première chose que j'ai pensé quand il descendait de son vélo. Il se cache derrière toi, te tient la main comme si sa vie en dépendait, ne te quitte pas du regard... Si ce n'était pas si mignon à voir, je me serais inquiété que tu traines avec lui.
— Il est juste... un peu craintif avec les gens qu'il ne connaît pas. Enfin...
Je m'arrête dans ma phrase et les sourcils froncés, tente de me souvenir de nos débuts. Pas notre rencontre en elle-même parce qu'il était tellement préoccupé pour Pancake, qu'il n'était pas dans son état normal, mais du lendemain, quand il est venu demander des nouvelles du chat. Il a été un peu réservé, mais il a réussi à me regarder et même à me parler.
— Il n'a jamais été comme ça avec toi, n'est-ce pas ?
Il annonce tout haut ce que je pense tout bas...
— Je ne crois pas. Il était réservé, mais pas comme avec toi et Dae.
— Il a peut-être vu que Dae et moi n'étions pas si gentils que ça.
— N'importe quoi, m'exclamé-je en riant.
— Rappelle-moi la dernière fois que tu as fait quelque chose de mal ou dit une méchanceté !
Sa réplique fait cesser mon hilarité. Il est sérieux.
— Tu te rends bien compte que je ne suis pas un saint ? lui demandé-je, mi-figue, mi-raisin.
— Oh oui ! C'est Hugo, le saint, tu sais bien !
Mes yeux se révulsent automatiquement à sa légère moquerie.
— J'ai fait du mal à Adele cette année et dit des choses à Dae...
— Il le méritait ! me coupe-t-il. Ton frère est cool, mais il est trop centré sur lui-même. Il ne remarque pas que tu vis pour lui et même que tu souffres !
— Je ne souffre pas...
— Si, depuis des mois voire des années. Je m'en suis aperçu depuis Leeds et lui ne voit rien alors qu'il est dans la chambre à côté de la tienne.
— Ne revenons pas là-dessus. On parlait d'Ezra !
— Oui, tu as raison. C'est bien mieux parce que lui, il est raide dingue de toi !
Trop heureux d'entendre ça, mon sourire apparaît aussitôt.
— Par contre, il y a un truc...
Le coin de mes lèvres retombe.
— Il est super renfermé ! Il est intéressant et surtout intéressé par les autres, mais il ne lâche rien sur lui.
— Je te l'avais dit ! J'ai bataillé dur pour avoir quelques infos qui ne sont même pas très personnelles. Il...
Un bruit retentit dans l'appartement, m'arrêtant dans mon élan. Une sonnerie de téléphone que je connais assez pour savoir que c'est celle que Dae utilise pour ses appels. Nous tournons la tête vers sa chambre et après ce que nous venons de dire, mon ventre se serre de peur. Je croise les doigts et prie pour que mon frère ait juste oublié son portable.
Mes espoirs se brisent quand la musique est remplacée par la voix de Dae. Avec Jeff, nous échangeons un regard et si lui explose de rire, pour ma part, je ne me sens pas bien. Nous sommes déjà en mauvais terme alors ça ne va pas arranger les choses d'entendre que mon meilleur ami pense qu'il est narcissique. Je grimace en enfouissant mon visage dans mes mains.
— Oh ne te prends pas la tête avec ça, Sun. Il sait déjà tout ça et mon avis sur lui. Je peux même lui redire en face s'il le souhaite, déclare-t-il, sûr de lui.
Tout en grognant, je baisse les doigts de manière à ne laisser que mes yeux visibles. Jeff est souriant comme si tout allait bien. Il me donne une tape amicale avant de me faire un geste vague pour me signifier de passer à autre chose. La voix de Dae s'évanouit, nous abandonnant dans un silence tendu.
— Tout va bien, me murmure-t-il pour me rassurer.
Je prends une profonde inspiration et mes mains retrouvent le pelage de mon chat. Le caresser me détend un peu. Des sons provenant de la chambre de Dae m'indiquent qu'il doit se préparer à sortir. Je garde mon regard fixé sur la porte entrouverte.
— Hey ! m'interpelle Jeff pour que je reporte mon attention sur lui. Déstresse !
— OK...
Mais je sens que je ne suis quand même pas serein.
— Et c'est pareil pour Ezra, ne te prends pas la tête ! Fonce et vis tout ce que tu peux avec lui, tu réfléchiras à toutes les merdes que tes parents t'imposent plus tard. C'est tellement dur de trouver l'amour alors ne lui tourne pas le dos. S'il te plaît.
Les larmes lui sont montées aux yeux en me disant ça. Son histoire avec Elliott est toujours trop ancrée en lui. Je souhaiterais sincèrement qu'il passe à autre chose, à quelqu'un d'autre...
— Seulement si tu en fais de même ?
Sans même réfléchir, il me tend sa main. J'ignore si je suis capable de me lancer dans cette relation. Ma rupture et le mal que j'ai fait à Adele à ce moment-là me hantent encore. Je ne peux pas me permettre de faire la même chose avec Ezra. Il ne me semble pas aussi fort que mon ancienne petite-amie. Mais en même temps, j'ai envie d'essayer, de vraiment vivre pour moi avec cette histoire. Après un instant d'hésitation, je tape la paume de Jeff scellant ainsi notre pacte.
À cet instant, mon frère arrive dans le salon, un sac de sport sous le bras et des écouteurs dans les oreilles. J'ai alors l'espoir qu'ils ne nous aient pas entendus. Cependant, quand il tourne la tête vers nous, une certaine tristesse transparaît sur ses traits. Il baisse les yeux et se détourne. Sans un mot, il met ses baskets et part.
— Tu vois ? Tout va bien, me répète Jeff.
Mais au fond de moi, jesais que ce n'est pas le cas. Cette émotion sur le visage de Dae m'a fait malparce que cela faisait des semaines que je ne l'avais pas aperçue chez lui.Depuis sa rupture avec Ady.
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