Noël.

25 Décembre 2034.

À peine ai-je mis un pied hors de la salle de bain qu'une main m'attrape le bras et me retient, m'empêchant de retourner dans ma chambre. L'étreinte n'est pas forte, mais m'ayant pris par surprise, elle reste peu agréable. Les sourcils froncés, je tourne la tête et découvre mon frère. Il me lâche, un sourire timide aux lèvres.

— Qu'est-ce qui se passe ? lui demandé-je aussitôt.

Il déglutit, hésitant.

— Depuis l'autre soir, j'ai beaucoup réfléchi...

Une blague me vient naturellement à l'esprit, mais je ne dis rien. Nous n'en sommes pas encore à ce genre d'humour. Je me racle la gorge et me tourne vers lui pour signifier qu'il a toute mon attention. Il se mordille la lèvre avant de murmurer :

— Je pense que les parents... autant l'autre soir, bon, ça pouvait passer, tu vois ?

J'hésite à lui dire que, non, je ne comprends rien. Je me contente alors de hausser un sourcil.

— Norman, Jeff et Mohamed sont rentrés puis Elliott et Hugo squattaient la véranda. Ady... Bref... C'était donc logique qu'Ezra soit dans ta chambre, mais la nuit dernière...

Ah ! Je commence à entrevoir le lien entre tous les mots qui sortent de sa bouche, mais je ne suis pas sûr que ça me plaise beaucoup.

— Par contre, ça ne l'est plus qu'Ezra continue de dormir dans ton lit alors qu'il y a la véranda avec canapé-lit et tout le tintouin. Les parents doivent bien se douter de quelque chose...

Je me frotte le visage. Stupidement, je n'ai pas réfléchi à ça hier soir, ou plutôt cette nuit. Nous avons fait notre réveillon en famille, très tard, après le service au restaurant. Éreintés, nous avons fait comme la veille.

— Non ? insiste-t-il doucement n'ayant pas de réponse.

— Si, tu as raison, je... Merde !

Mes paupières se ferment avec force tandis que mon cerveau assimile la bêtise que j'ai faite. Mais pas une seule seconde depuis que j'ai pris la décision d'inviter Blue ici, l'idée de dormir dans des pièces séparées ne m'a traversé l'esprit. Ça serait beaucoup trop me demander.

— Je suis désolé.

Je secoue la tête. Il n'a pas à l'être. C'est moi qui ne veux rien dire à mes parents et qui ne réussis même pas à tenir deux jours sans me faire griller comme un abruti. J'ai vingt-deux ans, mais parfois, j'ai la réflexion d'un gamin de six mois. C'est affligeant. Je lui tapote l'épaule pour le remercier et me dirige vers ma chambre, la tête un peu ailleurs.

Quand j'arrive à la porte entrouverte, Ezra est debout au pied du lit. Son regard reste fixé sur les vêtements qu'il a étalés sur le matelas. Ses poings sont calés sur ses hanches et ses sourcils sont froncés comme si son pantalon détenait tous les mystères de l'univers. Je m'accote au chambranle, les bras croisés devant moi et l'observe.

Juste quelques secondes.

Juste le temps de me souvenir la chance que j'ai de l'avoir à mes côtés.

Juste un instant pour me rappeler que je ne peux pas le perdre alors que je viens à peine de le retrouver.

Juste un moment pour comprendre que je n'ai pas le choix...

— Si tu ne comptes pas entrer, commence Ezra.

Je sursaute légèrement, surpris de l'entendre alors que j'étais persuadé qu'il n'avait pas remarqué mon arrivée.

— Je te conseille de sortir et de fermer derrière toi, annonce Ezra, sans faire le moindre mouvement.

— Pourquoi ?

Mon Blue relève seulement les yeux vers moi sans que le reste de son corps ne bouge.

— Parce que je compte me changer et qu'il est hors de question que qui que ce soit dans cette maison me voit en sous-vêtement.

Je fais un pas en avant et rabats la porte derrière moi. Un sourire en coin, je m'adosse au mur et lui demande, d'un ton léger :

— Et moi ?

Il ricane.

— Tu sais très bien ce que j'en pense, souffle-t-il avec le même rictus que moi aux lèvres.

Je me redresse et vais me lover derrière lui. Mes mains glissent sur ses flancs alors que mon visage se dissimule dans le creux de son cou. Je hume longuement son odeur, les yeux fermés, et profite de cette étreinte.

— Tu as dit quoi à tes parents à propos de moi ?

Sa question me laisse interdit, me faisant sortir de mon agréable cachette.

— Le strict nécessaire. Pour...

— C'est-à-dire ? me coupe-t-il.

Son ton n'est pas froid, mais il n'est pas non plus celui que je préfère. Je recule d'un pas, mes mains toujours sur ses hanches.

— Que tu étais un ami qui travaillait de nuit dans un hôtel, que tu avais besoin de vacances et que je t'appréciais beaucoup. Pourquoi tu me...

— Explique-moi alors ces cadeaux !

Il tourne sur lui-même tout en restant dans mes bras. Il est moins sur la défensive, il semble juste vouloir comprendre la générosité de mes parents. C'est vrai qu'ils n'ont pas fait les choses à moitié, mais ça ne m'étonne pas d'eux. Déjà en Corée, avant les problèmes, ils avaient à plusieurs reprises été récompensés pour leurs nombreux dons à des associations et avaient même monté une fondation pour venir en aide aux jeunes.

— Ils aiment offrir, proposé-je en haussant les épaules.

— Un pantalon, c'est de la bonté envers un inconnu. Mais le manteau...

À cette évocation, il montre un point dans mon dos avec son index. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et repère aussitôt l'habit d'hiver d'un bleu marine magnifique posé sur ma chaise.

— Comment ont-ils su que je n'en avais pas ?

Son regard m'inspecte comme s'il allait pouvoir lire en moi. Mais il ne trouvera rien.

— Je te jure que je ne leur ai rien dit à propos de ça. J'ai pensé que ça te mettrait mal à l'aise...

— À juste titre !

— Je ne dis pas le contraire.

— Alors comment ont-ils su ? insiste-t-il.

Je baisse les yeux sur le hoodie qu'il porte. Un blanc avec sur le devant un panda qui tend les bras comme s'il réclamait un câlin. Instinctivement, je resserre mon emprise autour du bassin de mon petit-ami.

— Je l'ignore.

Mais si ce n'est pas moi, ça ne peut être que Dae... Il fait confiance à mon petit frère et je ne veux pas qu'il la perde alors je ne lui dis pas même si je me doute qu'il fera lui-même le lien. Si ce n'est pas déjà fait.

— Tu les aimes ? l'interrogé-je.

— Oui, mais... ça me gêne. Je... C'est trop !

— S'ils t'ont offert ça, c'est que ça leur faisait plaisir.

Il secoue la tête, peu convaincu. Son envie d'indépendance et de ne devoir rien à personne l'empêche d'apprécier de simples présents. Je me penche et l'embrasse doucement.

— Ce ne sont que des cadeaux !

Il soupire avant de reculer.

— Tu ne saisis pas, murmure-t-il en s'assoyant sur le bord du lit.

— Si, Blue.

Je m'installe à ses côtés. Ma main prend place sur sa cuisse.

— Je comprends et respecte ton choix. Mais là, ce n'est pas une question de dépendre de qui que ce soit. C'est Noël, on est en famille. Ce ne sont que des cadeaux. Tout comme ceux de Dae ou les miens.

En plus du hoodie qu'il porte, Ezra a reçu un coffret de vernis à ongles de la part de Dae. Mon frère a été généreux lui aussi. Tout comme le t-shirt rose et les deux livres d'Agatha Christie qu'il m'a offerts.

— C'est surtout que je ne veux pas qu'ils aient pitié et une mauvaise image de moi, Sun...

Ma bouche s'ouvre à cette déclaration. Je ne m'y attendais pas alors que j'aurais dû le comprendre. Mes doigts s'enfoncent doucement dans sa chair pour lui montrer mon soutien.

— Mes parents ne connaissent pas la pitié. La sympathie, l'empathie, oui, mais jamais la pitié. C'est un truc de famille, je crois, chuchoté-je alors que ma main libre lui caresse la joue.

Mon Blue ramène ses cheveux en arrière et m'avoue :

— J'ai pas vraiment l'habitude de tout ça. Les seuls cadeaux que mes parents me donnaient étaient des machins qui... pouvaient permettre ma féminisation. Alors qu'on soit si... généreux avec moi sans qu'il y ait une contrepartie, c'est bizarre.

— Qui a dit qu'il n'y en avait pas aux miens ? m'exclamé-je, sur un ton plaisantin.

Son visage se tourne vers moi. Il ignore comment prendre mon intervention. Je l'embrasse et lui demande tout bas :

— Tu n'as pas encore compris ?

Seul un mouvement de tête négatif me répond ce qui me fait sourire. Pour Noël, je lui offert une chemise blanche et tout le nécessaire pour se remettre à peindre. Il y a même des toiles que j'ai planquées dans la chambre de Dae à Londres.

— Tu ne sais toujours pas pourquoi je t'ai acheté cette chemise deux fois trop grande ?

Il me donne une tape sur la cuisse.

— Tu vas cracher le morceau, s'énerve-t-il.

Il perd patience et ça m'amuse. Mais je ne peux pas jouer trop longtemps.

— C'est pour que tu peignes habillé seulement d'elle...

— Seulement...

— Rien d'autre !

Je lui sers un rictus coquin et il lève les yeux au ciel.

— On ne dirait pas comme ça, mais tu es un obsédé !

— Absolument pas, le contré-je sans grand succès.

C'est vrai. Je ne suis pas le genre de garçon qui pense avec ce qu'il a en dessous de la ceinture et c'est toujours le cas.

— J'aime juste ton corps, lui avoué-je. Alors je profite de toutes les occasions pour le voir.

Pour appuyer mes dires, je dépose un baiser sur ses lèvres. Il ne met pas longtemps pour y répondre. Mon Blue encadre mon visage de ses mains et approfondit même notre échange. Je sens les picotements venir pour mon grand plaisir. Cependant nous sommes bien trop vite interrompus par des coups à la porte. Je me recule.

— Oui ? grogné-je, mécontent.

Le haut du corps de Dae passe par l'ouverture et avec un sourire navré, il nous dit :

— Les parents nous attendent pour le déjeuner !

Je hoche la tête pour le remercier et il disparaît, refermant derrière lui.

— Allez, je vais pouvoir inaugurer leur cadeau !

Il se relève en commençant à déboutonner son pantalon. Je prends appui sur mes coudes, derrière moi. Mes yeux papillonnent sur chaque élément du physique de mon copain qu'ils peuvent capter. Son vêtement à mi-cuisses, il s'arrête et me fixe, un sourcil froncé.

— Tu fais quoi là ?

— En résolution pour la prochaine année, tu devrais essayer de m'écouter un peu plus...

L'espace d'un instant, il ne comprend pas puis il percute. Il râle pour la forme, mais continue de se changer sous mon regard qui le fait rougir. Je ne peux pas le perdre. C'est impensable. Je sais ce que je dois faire...

Je profite de son geste vers le pantalon que mes parents lui ont offert pour m'emparer de son poignet. Les yeux dans les yeux, je lui rappelle, une petite boule dans la gorge :

— Je t'aime...

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