monstre.

06 Décembre 2034.

La déclaration d'Ezra résonne en moi pendant de longues secondes. Je tente désespérément de trouver sa signification, mais c'est au-delà de ma compréhension, je crois. Je pose mes mains sur ses hanches et le rapproche de moi en lui soufflant :

— Tu es norm...

— Non, me coupe-t-il en baissant les yeux.

Son front vient prendre appui sur ma poitrine et il inspire profondément. Il me manque des informations pour que ça ait un sens, mais j'ai conscience que quelque chose se passe. En lui. Entre nous. Que ce moment est important. Alors je lui laisse du temps, ne le presse pas et me contente de lui caresser doucement les hanches avec les pouces, par-dessus son t-shirt.

Il relève la tête vers moi et nos regards se croisent. Ses yeux sont voilés de larmes et ça me fait mal au cœur. Ma gorge se serre face à ce spectacle. Alors que je m'attendais à ce qu'il pleure, il se met sur la pointe des pieds et m'embrasse. Avec fougue. Passion. Mais surtout désespoir. Ses doigts, toujours calés dans mon cou, semblent vouloir se fondre en moi. Ses ongles s'enfoncent même dans ma peau et j'aime beaucoup trop cette sensation qui s'empare de moi quand il fait ça.

Les frissons dans mon dos me font resserrer la prise sur ses hanches alors que ma langue passe déjà sur sa lèvre supérieure pour demander l'accès. Dans la seconde, il me l'accorde. Le désir monte en moi et je perds le contrôle de moi-même et de la situation, laissant les rennes à mon excitation.

Son gémissement meurt entre nos bouches. C'est sensuel. Bien qu'étouffé, ce son est incroyable. Alors quand il se reproduit, les fourmillements dans mon bas-ventre reviennent à la charge, mais cette fois, je les écoute. J'apprécie leur présence. Me délecte de l'ampleur qu'ils prennent à chaque seconde qui passe. Savoure leur intensité.

J'agrippe les bords de son t-shirt et les remonte pour le lui enlever dans un geste maîtrisé. Il se laisse faire, relevant même les bras pour m'aider. Je jette l'habit plus loin. Je n'ai pas le temps de regarder Ezra dans son entièreté que ses doigts et ses lèvres reviennent déjà à leurs places. Son empressement est presque palpable. Son excitation audible.

Mes mains ne savent plus où elles doivent se poser. Ses hanches, son ventre, son dos. Tout leur semble si attrayant. Ses ongles me griffent la nuque, me faisant étonnement gémir de plaisir. Mes pensées sont embrouillées, seul mon instinct paraît encore fonctionner correctement. Lentement, sans quitter sa bouche, je commence à le faire reculer. Le canapé. Notre chambre. Le tapis. La cuisine. Rien ne convient. Tout me convient.

Ses doigts abandonnent mon cou, je grogne de mécontentement. J'aime lorsqu'il la maltraite. Ils vont directement vers ma chemise qu'ils déboutonnent. L'initiative me plaît beaucoup. Malgré qu'il ne voie pas ce qu'il fait, trop pris dans notre échange, il réussit rapidement à l'ouvrir et finit par me la retirer avec impatience.

Sa langue lèche ma lèvre, mais au lieu de lui laisser l'occasion de poursuivre, je préfère titiller quelques secondes le lobe de son oreille avec mes dents. Je dépose des baisers jusqu'à sa clavicule. Au niveau de celle-ci, je mordille la peau. Cette fois, c'est mon gémissement qui s'élève entre nous. Cette zone est ce que j'adore le plus chez Ezra.

Je serais bien tenté d'abandonner un suçon, mais je n'aime pas trop l'idée de laisser une telle marque sur son corps. J'aurais l'impression de l'abîmer. De l'entacher. Mes mains glissent de ses hanches dans le creux de ses reins avant d'atteindre sans la moindre résistance ses fesses. C'est la première fois que je les touche et la réaction de mon corps ne se fait pas prier. Mon entre-jambes se retrouve à l'étroit dans mes vêtements.

Sa tête part en arrière. Sa respiration est aussi chaotique que la mienne. Je n'ai jamais eu autant envie de quelqu'un qu'à cette seconde. Tout en malaxant ses fesses, je dévore son cou qu'il a laissé à découvert. Sa peau sous mes lèvres est douce, sucrée et brûlante. Délicieuse. Il est délectable. Un gémissement fait vibrer sa gorge que je mordille et je me rends compte que le timide Ezra est bien loin à présent.

Nos bouches se retrouvent. Bougent en harmonie. Lentement, mes mains glissent sur le bord de son pantalon en toile, frôlant l'inconnu. Lorsque mes doigts s'activent autour du bouton, je rapproche son corps du mien imperceptiblement, espérant un contact entre nos entre-jambes. Cependant, ça n'a pas l'effet que j'escomptais.

Tout s'arrête. Se brise. Il pose ses paumes sur mon torse et se recule, mettant le plus de distance entre nous. Je me retrouve démuni, les bras ballants. Mes paupières papillonnent sous l'incompréhension et je déglutis. Je ferme les yeux et secoue la tête comme pour me réveiller. Ou alors avoir une illumination sur ce qui se passe entre nous, en lui pour qu'il réagisse ainsi.

Pendant un long moment, nous tentons de regagner une respiration normale. Quand j'ouvre les yeux et les pose sur lui, je ne peux pas ignorer les larmes qui coulent silencieusement sur ses joues. Mais il n'est pas en pleine crise comme la première fois. Il se triture les doigts, semblant chercher ses mots ou un certain courage pour prendre la parole.

— Je ne suis pas normal. Je ne l'ai jamais été, murmure-t-il.

Ses lèvres tremblent. Je fais un pas vers lui, mais il met son bras entre nous pour m'ordonner à rester à ma bonne distance de lui. Un sanglot lui échappe avant qu'il n'essuie rageusement ses yeux.

— Je... Je... Je suis...

Il enfouit son visage dans ses mains tout en grognant.

— Ezra, soufflé-je, pour tenter de le calmer. Tu peux tout me dire. Jamais, je ne te jugerai.

Un nouveau sanglot me pousse à avancer vers lui, mais sa voix, soudain froide et autoritaire, me paralyse sur place quand il assène sa vérité :

— Je suis intersexe.

Ma bouche s'ouvre puis se referme brusquement. Je ne comprends pas. Sûrement à cause de l'excitation qui il y a encore quelques minutes courrait dans tout mon corps, mes neurones ne réussissent pas à décrypter ce qu'Ezra vient de me dire. Alors je répète bêtement en le fixant :

— Intersexe ?

Dans un premier temps, il se contente de hocher la tête. Puis il doit comprendre que c'est la première fois que j'entends ce mot.

— Mais aussi, je ne connaissais pas. Et même s'il est censé me correspondre, je n'arrive pas à me accepter que... qu'il me définit réellement.

Il passe une main dans ses cheveux, mal à l'aise. Son regard se pose sur tout ce qui se trouve dans cette pièce sauf moi. Je suis toujours aussi perdu. Pourtant, je devrais savoir. Je devrais comprendre ce qu'il me dit, mais je n'y parviens pas. Mon esprit a envie de le presser pour qu'il me donne une définition, une explication, mais mon corps est totalement incapable de faire quoique ce soit, même parler.

— Quand je suis né... Putain que c'est difficile, râle-t-il, d'une voix grave.

Il va s'asseoir sur le canapé et je le regarde faire, amorphe. Il pose ses avant-bras sur ses genoux et lie ses doigts. Il prend une profonde inspiration.

— Je n'en ai jamais parlé à qui que ce soit. Je ne sais pas comment faire pour que tu ne prennes pas peur. J'ai l'impression que quoi que je dise, tu vas... m'abandonner.

— Non...

Seul ce mot accepte de passer mes lèvres alors que je reste debout à quelques mètres de lui, les sourcils froncés.

— Si...

Il lève les yeux au ciel pour tenter d'effacer ses pleurs, mais cela ne semble pas avoir le moindre effet.

— Parce que je suis un monstre, Sun.

Une claque. Un uppercut. Un violent courant électrique percutant chaque centimètre carré de mon corps. C'est comme ça que j'encaisse l'affirmation d'Ezra. Mes membres ne répondent plus à mon cerveau et je me précipite vers lui. Je m'agenouille devant lui et pose mes mains sur ses joues pour lui relever le visage :

— Tu n'es pas un monstre, me contré-je. Je ne sais pas ce qu'être intersexe signifie, mais je peux t'assurer que tu n'es pas un monstre.

— Si...

— Je t'interdis, crié-je pour le couper.

Il sursaute un peu à ce ton brusque que je n'ai pas l'habitude d'avoir. Je grimace, me maudissant d'agir ainsi avec lui alors que tout ce dont il a besoin maintenant, c'est de tendresse et d'amour.

— Je t'interdis de dire ça, dis-je plus doucement. Et encore plus de le penser.

Un timide sourire fait une rapide apparition sur ses lèvres gonflées par nos baisers. Il me caresse la joue et me dit :

— Tu es trop gentil... Je l'ai vu tout de suite.

Ma tête suit le mouvement de ses doigts, cherchant un peu plus de contact avec eux.

— Mais le Ezra que tu connais n'existe pas.

Mes mains tombent sur mes genoux. Mon système nerveux a un court-circuit. Il ne me laisse pas le temps d'analyser ses mots qu'il poursuit déjà :

— Pour le monde entier, je m'appelle Elya Roberts.

Elya ? Ce prénom me dit quelque chose, mais c'est son genre qui prend de l'importance dans mon esprit. C'est un prénom féminin...

— Tu es... transgenre ? me risqué-je à l'interroger.

Il hausse les épaules. Il passe son index sous son nez à plusieurs reprises avant de m'expliquer :

— Je suis né... ni vraiment fille, ni vraiment garçon. Aucun des deux. Et en même temps, les deux.

Il m'a perdu. Je m'assois sur mes talons et tente de comprendre.

— C'est comme être... hermaphrodite ?

Je ferme les yeux un court instant, espérant ne pas le blesser, mais j'essaie de me raccrocher à un mot que je connais. À une définition qui m'est familière pour ne pas me perdre. Ne pas le perdre.

— Non... c'est différent... Selon mon dossier médical, je... quand je suis né, j'avais un testicule, un pénis mal formé et même une prostate, mais mon ADN disait que j'étais une fille.

Je ne peux m'empêcher de laisser passer une légère exclamation à cette annonce.

— N'étant pas... n'ayant pas tout ce qu'il convenait, et dans la facilité, j'ai été élevé en tant qu'Elya, mais... Je ne me reconnaissais pas totalement. Et plus je grandissais et moins je ressemblais à une fille...

Les larmes refont leur apparition sur les joues d'Ezra. Je suis trop abasourdi pour avoir une réelle réaction à cet instant.

— Regarde-moi... Je n'ai pas de poitrine, pas de règles... Une voix qui a mué... Physiquement, je parait être un garçon. Mais même avant tout ça, déguisé en fille par ma mère, j'étais un garçon. Je le savais.

Mes yeux le détaillent quelques secondes. Je me fiche de son corps, c'est ce qu'il ressent qui compte. J'en viens à la conclusion que peu importe son genre, je l'aimerais.

— Je l'ai toujours su, poursuit-il. Mais pas pour...

Il ne termine pas sa phrase et il n'en a pas besoin pour que je comprenne quelque chose dans cette conversation.

— Je suis désolé, chuchote-t-il, tristement.

Mon sourire apparaît sans que je ne puisse le maîtriser. J'ai la sensation qu'un poids énorme vient de se retirer de mes épaules parce que je saisis enfin que ce qui le gêne entre nous, dans nos moments, c'est juste... ça. Je suis comme soulagé. Lentement, mes doigts remontent le long de ses bras nus, son cou et vont se caler sur ses joues. Je plonge mon regard dans le sien et lui affirme, avec une certitude sans faille :

— Tu n'es pas un monstre !

Dans un mouvement brusque, il retire mes mains de son visage, en secouant la tête. Ses sourcils sont froncés, ses yeux emplis de larmes. Il rejette ce que je lui dis, alors je continue :

— Tu es un garçon à part entière. Tu es beau et vrai. Incroyable. Et...

— Tais-toi ! crie-t-il en posant ses paumes sur les oreilles comme un enfant le ferait.

Son corps se recroqueville sur lui-même jusqu'à ce que son front touche ses genoux tremblants. Des sanglots s'emparent de lui faisant bouger ses épaules à leur rythme. Mes bras l'entourent dans la seconde alors que ma bouche s'applique à embrasser son crâne pour lui montrer mon attachement.

Si pour moi, ses parties génitales n'ont aucune importance, il est clair que ce n'est pas la même chose pour lui. Avec ses vêtements, sa couleur de cheveux, ses lentilles, sa capuche... j'avais pu discerner son complexe, mais entre sa crise dans la chambre et celle d'aujourd'hui, je n'ai plus aucun doute. Son corps est un problème pour lui. Il en souffre réellement.

Et j'ignore comment l'aider. Dois-je me taire et le bercer comme un enfant jusqu'à ce qu'il se calme ? Dois-je l'obliger à me regarder et lui dire à quel point il est magnifique ? Je n'ai jamais dû faire face à une situation pareille et contrairement aux personnages d'un film ou d'un livre, ce n'est pas instinctif pour moi. Au fil des secondes, comprenant que son état ne s'améliore pas, mon propre corps me trahit. Il commence à paniquer et à trembler.

Je ferme les yeux avec force. J'ai tellement peur d'empirer les choses. Mais tandis que je vois ses ongles s'enfoncer dans son crâne derrière ses oreilles, je me dis que c'est impossible. Ezra paraît déjà au plus bas. Alors je prends une inspiration et lui répète qu'il est beau. De plus en plus fort. Je lui affirme avec toute la détermination dont je suis capable qu'il est un homme, un vrai, peu importe son corps.

Après ce qui me semble une éternité, il se calme. Je ne sais pas si ce sont mes mots ou mes bras ou encore mes baisers dans sa chevelure qui ont fonctionné. Ou alors si c'est parce que son corps ne peut plus sécréter de larmes après toutes celles qu'il a déjà versées. En tout cas, le silence commence à revenir dans le salon, mais je ne relâche pas mon étreinte autour de lui. Je le garde contre moi.

— Tu n'es pas un monstre...

Cette dernière affirmation le fait se redresser lentement. Je m'écarte pour détailler son visage et ainsi déterminer son état. Il est neutre, comme s'il n'y avait plus une seule émotion en lui. Mes pouces effacent les vestiges de sa peine alors qu'il me dit :

— Je sais que je suis un monstre.

— Et moi je sais que tu ne l'es pas. Qu'est-ce qui t'a mis cette idée dans la tête ?

— Mes parents... Ils ont passé toute mon enfance à me le répéter...

Ma mâchoire descend brusquement à cette déclaration. Ses propres parents lui ont dit ça ? Je comprends pourquoi ils disaient qu'ils n'étaient pas des gens bien.

— Ce n'est pas pour ça qu'ils avaient raison, Blue, chuchoté-je après m'être repris.

Nous restons un instant comme ça dans un silence rythmé par la musique d'ambiance puis finalement, je me lève et vais chercher nos habits. Dans des gestes tendres, je l'aide à remettre son t-shirt. Après avoir enfilé ma chemise, je m'installe à sa gauche et embrasse sa tempe.

— Pour moi, ça ne modifie rien, lui annoncé-je. Mon regard sur toi ne change pas. Et ne changera jamais. Je... Je suis là pour toi. J'aimerais...

J'ai du mal à trouver mes mots, à formuler mes idées, mes sentiments.

— Si un jour, tu désires m'en parler, je serai là pour t'écouter...

Même si je souhaiterais tout savoir, je ne veux pas le presser. Lui qui déteste se confier a déjà lâché une information importante. Pourtant, il tourne la tête vers moi un instant, m'observe sans bruit et déglutit. Il finit par se détourner de moi en reniflant. Ses doigts maltraitent les petites peaux de son pouce puis sa voix basse et grave me surprend :

— Ils ont tout fait pour que je sois une fillette comme les autres. Ma mère me faisait des nattes, m'achetait des robes roses et des poupées, m'obligeait à regarder des dessins animés avec des princesses. Comme si tout ça était un gage de féminité.

Ses yeux se perdent dans le vague, hanté par des souvenirs dont j'ignore tout.

— Mais j'avais encore cette anomalie entre les jambes... Ils... Mon père, quand il me fixait, il avait toujours ce tic de... grimacer de dégoût. Ça déformait complètement son visage. Il répétait sans cesse que ma mère avait fait un monstre. Il m'a balloté d'un cabinet de médecin à un autre pour en trouver un qui puisse me sauver...

Ce dernier mot me choque, me faisant ouvrir les yeux en grand. Mais il n'avait pas besoin de l'être, juste d'être aimé comme il était.

— Quand j'ai eu cinq ans, il en a déniché un qui a accepté de m'opérer pour me retirer ce pénis et le testicule. Pour que je devienne réellement... une fille. Que visuellement, je ne fasse plus tache dans leur vie bien réglée. Il pensait qu'une fois que je ne l'aurais plus, tout serait... normal !

Mes doigts, sans que je m'en rende compte, se sont mis à lui caresser l'arrière du crâne. À nouveau, il tourne la tête vers moi et me raconte, les larmes aux yeux :

— Ils ont tout enlevé. Ils m'ont fait un... faux vagin...

Des sanglots le font hoqueter.

— Ces opérations font partie des pires souvenirs de mon enfance. J'ai tellement pleuré dans les bras de mon frère. Avant et après chacune d'elles. Ils voulaient que je ne sois plus le monstre qui gâchait leur vie. Et je pense que pendant quelques années, ça a marché. Pour eux.

C'est dur d'entendre son histoire. Compliqué d'imaginer des parents capables de renier leur enfant à ce point. Ezra n'avait rien demandé de tout ça. Il était né comme ça et c'était tout. Au lieu de l'aider à s'accepter ainsi, ils n'avaient fait que l'enfoncer encore plus.

— J'étais Elya, leur fille. Et pour moi... dans ma tête, je n'étais personne. Quand je me regardais avec la jupe de l'uniforme de l'école, je ne me reconnaissais pas. C'était comme si la personne dans le miroir était quelqu'un d'autre. Assez jolie certes, mais ce n'était pas moi. J'avais envie de vomir, d'arracher mes vêtements, de les brûler, de hurler, de pleurer...

Il renifle et passe son poignet sous son nez pour l'essuyer. Je tapote mes poches et avise un paquet de mouchoirs sous la table basse. Je l'attrape et lui en tends un. Il me remercie à voix basse puis se mouche. Mes caresses reprennent dans ses cheveux.

— Heureusement, j'avais mon frère.

Il a un petit ricanement avant de me narrer une anecdote :

— Une nuit, il est venu dans ma chambre. La soirée avait été dure avec mon père parce qu'il me reprochait que mon corps ne montre aucun signe de féminisation. Il s'était allongé à côté de moi et m'avait demandé comment je m'appelais.

Il baisse un peu la tête en la secouant, mais un léger sourire est apparu au coin de ses lèvres.

— Quand je lui avais répondu Elya, il m'avait juste dit... Qu'il ne trouvait pas qu'Elya fasse très masculin, mais que c'était à moi de choisir ! C'est à partir de là que j'ai réfléchi à ça. Quand je lui avais demandé de me reposer la question des semaines plus tard, je lui avais soutenu qu'Ezra était assez masculin pour moi. Après, il ne m'a plus jamais appelé par un autre prénom que celui-ci.

— Et lui, il... s'appelle comment ?

J'ai hésité à utiliser le passé. Ezra m'a déclaré qu'il n'avait plus de famille, mais il ne m'a jamais affirmé clairement ce que ça signifiait réellement. D'ailleurs, il ne m'en fait pas la remarque et me répond :

— Adam.

Il se gratte un peu la joue en soupirant :

— Il m'avait dit être jaloux que je puisse choisir le mien parce qu'il détestait le sien...

Le passé... Je ne le connaissais pas et pourtant, mon cœur se serre en ayant presque la preuve qu'Adam est mort. Je m'imprègne de son odeur et ne peux m'empêcher d'embrasser encore sa tempe. Mais cette fois, je ne sais pas qui je cherche à réconforter. Lui ou moi ?

— Il était mon seul allié au monde. L'unique... Jusqu'à toi...

Il tourne tout son corps pour me faire face et plonge son regard dans le mien.

— Je ne veux pas que tu m'abandonnes...

— Je ne t'abandonnerai pas, lui promets-je.

— Et je ne supporterai pas que tu fasses semblant avec moi par gentillesse ou pitié. Je tiens trop à toi.

Je déglutis. Mes mains prennent son visage en coupe et je lui avoue :

— Je ne ferai jamais semblant avec toi. Je t'aime. Je t'aime tellement que ça ne devrait pas être possible. Je t'aime tel que tu es.

Mes yeux volètent sur chaque détail de ses traits qui se transforme à mesure que mes mots le percutent. Il paraît soudain rayonner. Les larmes sont parties, remplacées par l'étonnement et la joie.

— J'ai toujours pensé que jamais je ne connaîtrais l'amour, continué-je. Celui qui transporte. L'éternel. Le passionnel. Que je n'étais pas fait pour ça. J'ai d'ailleurs beaucoup envié les autres de pouvoir ressentir ça. Mais j'avais tort.

Je lui embrasse la joue, un sourire aux lèvres.

— Il fallait juste que je rencontre quelqu'un comme toi... Quelqu'un d'unique.

Brusquement, il se jette dans mes bras et me serre de toutes ses forces. Je réponds aussitôt à son étreinte, en me jurant de tout faire pour le comprendre, le respecter et l'aimer. Et ce jusqu'à la fin de notre vie.

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