confiance.

17 Décembre 2034.

La tête sur son torse nu, ma joue ressent chacun de ses mouvements alors qu'il me caresse l'épaule. Mon oreille collée à son pectoral droit entend les battements du cœur d'Ezra, n'en loupant aucun. Ce son pourrait presque passer pour une berceuse, son rythme est calme, régulier, reposant. Je profite de cette position, les yeux fermés. Je me sens serein, oubliant tout le reste.

Depuis quelques minutes, mes doigts s'amusent. Ils ont hésité longtemps, mais à présent, ils découvrent le corps d'Ezra. Frôlent sa peau nue. Aiment ce qu'ils touchent. Frémissent d'anticipation. Mais je sais qu'il ne se passera rien entre nous. En tout cas, ce soir. C'est trop tôt, mais j'apprécie le fait qu'il me laisse faire. C'est suffisant pour moi.

Je soupire de bien-être. Dans un coin de la pièce, des bruits retentissent. Pancake doit être encore en train d'embêter Crumpet, qui trop gentil, ne dit rien. Un sourire prend place sur mes lèvres, amusé par la scène que j'imagine avec exactitude.

— C'est quand même bizarre d'être là, souffle la petite voix d'Ezra au-dessus de moi mettant fin à notre silence. Tu ne trouves pas ?

Je me redresse sur un coude et tourne la tête vers lui. Ma main à plat au niveau de son nombril, mon regard se porte sur la chambre que Dae nous a gentiment cédée. Même si je suis allongé dans ce lit qui est plus grand que le précédent et que je vois l'endroit distinctement autour de moi, je n'arrive pas à me faire à l'idée que nous avons déménagé.

— Si. C'est comme si on squattait chez quelqu'un d'autre.

— C'est ça...

Il sourit et sa main qui me caressait un peu plus tôt, effleure ma mâchoire.

— C'est un bon gamin, en fait, déclare-t-il.

— Gamin ?

Il lève les yeux au ciel tandis que je ricane.

— Tu vois ce que je veux dire. Il est plus vieux que moi de quelques mois seulement, mais je suis plus mature que lui.

Je me penche et l'embrasse chastement avant de murmurer :

— En effet... Mais je pense que mes parents et moi y sommes pour beaucoup pour ça.

Il hoche la tête pour confirmer mes mots. À leur tour, ses doigts jouent avec mes cheveux blonds. Je m'installe plus confortablement, mon menton sur le dos de ma main posée sur son torse. Je l'interroge :

— Ça te plaît ?

— Bien plus que tu ne peux l'imaginer. Et moi, ça te plaît ?

Mon attention s'attarde une dizaine de secondes sur ses mèches noires. Certaines semblent plus longues que d'autres et viennent presque se lier à ses cils. Elles mettent en valeur ses yeux sombres et les traits fins de son portrait.

— Bien plus que tu ne peux l'imaginer, chuchoté-je avant qu'il me donne une petite tape sur l'épaule qui me fait sourire.

Ma main libre s'attarde sur sa hanche puis remonte son corps jusqu'à sa clavicule dont je suis les contours du bout de l'index. C'est vraiment ce que je préfère chez lui après son visage.

— Tu es beau, peu importe ce que tu portes ou la couleur de tes cheveux, lui avoué-je.

— Nettoie de temps en temps tes binocles, rétorque-t-il en levant les yeux au ciel.

Ses joues s'empourprent aussitôt. Il est gêné par mon compliment et moi, j'aime le mettre dans cet état.

— Tu es beau, répété-je. Dae te l'a dit et Chad aussi. Ça n'a rien à voir avec mes lunettes !

Il hausse les épaules en détournant son regard. Je dépose un baiser au niveau de ses côtes et le silence nous enveloppe. Je suis bien. Vraiment bien. Depuis qu'Ezra a débarqué dans mon quotidien, tout me semble plus facile, plus lumineux, plus précieux. Tous les éléments de ma vie réussissent à se combiner correctement, comme si je venais enfin de trouver la pièce maîtresse de ce puzzle.

— Je suis content !

Ma soudaine déclaration me permet de retrouver son attention. Il reporte ses yeux sur moi, essayant de comprendre mes mots.

— Je suis tellement heureux que tu sois entré dans ma vie. Je ne souhaitais pas emménager à Londres et maintenant, je me surprends à ne plus vouloir quitter cette ville si tu n'es pas avec moi.

Ma main vient chercher la sienne, je lie nos doigts en les observant avec une certaine joie.

— Je... Tu ne te rends pas compte de tout ce que tu m'as apporté et continues de m'apporter chaque jour... J'espère... que tu me permettras d'en faire de même avec toi. Que tu me fasses confiance.

Mon pouce débute des caresses sur le dos de sa main alors que mon regard le dévore d'envie. J'ignore ce qu'il va se passer entre nous ou si à un moment, je réussirai à envoyer balader mes parents avec leurs idées traditionalistes. Mais à cet instant, mon cœur et ma raison se mettent d'accord sur le fait que je dois tout faire pour le garder près de moi. Qu'il est mon...

— Je te fais confiance, me dit-il sans réfléchir.

Il reprend ses caresses sur mon visage, me faisant fermer les yeux sous le bien-être. Même si j'ai envie de le contredire sur ce point, je n'en fais rien. Bien que mon passé n'a pas toujours été rose, j'ai conscience que ce n'est rien comparé au sien. Il ne peut pas se livrer à moi aussi facilement que je le fais. Je le respecte et lui laisse le temps qui lui faut.

De toute manière, je ne peux rien exiger. Dans quelques jours, je vais lui demander de mentir à mes parents, à faire semblant devant eux. À se cacher alors que cela fait des semaines que je l'encourage à faire le contraire, à s'assumer, à crier haut et fort qui il est. Je ne suis qu'un donneur de leçons, un trouillard...

Fais ce que je te dis, mais pas ce que je fais...

Je l'embrasse à nouveau au niveau des côtes avant de l'enlacer. Mon oreille retrouve sa place sur son poitrail, juste pour me laisser bercer par ses battements.

— Je t'aime...

Mes mots ont été expirés, comme pour me faire pardonner ma lâcheté. Alors que je fais abstraction de ma honte, je réalise que son rythme cardiaque est plus rapide que précédemment. Je fronce les sourcils.

— Tu sais, commence-t-il tout bas. Ce que tu m'as dit tout à l'heure...

Je me fige. Mon cœur me donne même l'impression de s'être arrêté à ces mots, de peur de ce qui va suivre. Mes doigts se crispent autour des siens. Je patiente comme un accusé attend le verdict de son procès. A-t-il changé d'avis pour Noël ?

— Sur le fait que nous deux, c'était nouveau pour toi. Incontrôlable et puissant...

Mes yeux s'écarquillent. J'ignore où il veut en venir, mais en tout cas, il a une bonne mémoire. Je hoche la tête même si je doute qu'il espère réellement une réponse.

— Depuis que nous nous sommes rencontrés, c'est pareil pour moi... et ça m'effraie parce qu'en dehors de mon frère... je ne me suis jamais permis de m'attacher à qui que ce soit. Mais toi...

Sa main s'enfouit dans mes cheveux et masse doucement mon crâne.

— Avec toi, je n'ai pas eu le choix. Dès le premier soir, j'ai su que j'étais fichu. Mais moi aussi, j'ai été lâche. Je me disais que tant que tu ne connaissais rien de moi, tu n'aurais aucune raison de m'abandonner. Puis tu as appris et tu es resté. Je ne pourrais jamais t'expliquer ce que ça représente pour moi et je ne te remercierai jamais assez d'avoir réagi ainsi...

Je l'enlace avec plus d'intensité, serre sa main avec plus de force. Pour lui montrer que je ne lâche pas. Que je suis un trouillard avec mes parents, mais que je suis là, à ses côtés. Pendant de longues minutes, nous ne parlons plus. Mon corps se détend à mesure que le temps passe. Ses caresses ont cessé. J'en viens à me dire qu'il a dû s'endormir quand sa voix grave et basse refait surface :

— C'est bizarre, mais... J'imagine que si je t'ai fait confiance aussi rapidement, si je suis tombé amoureux de toi c'est parce que tu ressembles à Adam. Vous avez beaucoup de points communs.

À l'évocation de son frère, mon étreinte autour de lui s'accentue. Le fait qu'il me parle de lui, de son plein gré, me surprend, mais je ne dis aucune remarque. Je me contente de l'écouter :

— Ce n'est pas grand-chose, mais s'il était encore là, il aurait ton âge. Vingt-deux ans... Il était du vingt-et-un mars. Le jour du printemps. Il adorait s'en vanter, comme si c'était quelque chose d'incroyable et d'unique. J'ignore pourquoi il faisait ça.

Je relève les yeux vers lui pour vérifier comment il va. Il se passe la langue sur ses lèvres, les yeux embués. Mais il semble supporter ces souvenirs qui doivent lui revenir.

— Mais surtout, vous avez cette gentillesse en vous... On la repère immédiatement dans votre regard, vos mots, votre façon d'être. Quand je t'ai vu envelopper Pancake dans tes habits, dans cette ruelle, j'ai tout de suite pensé qu'Adam aurait fait exactement la même chose.

Il pose la paume de sa main sur ma pommette et je me laisse aller à ce toucher, jusqu'à en fermer les paupières quelques secondes. J'apprécie tellement qu'il se livre à moi.

— Et il avait cette dévotion pour moi. Comme toi avec Dae. Sur le moment, je ne la remarquais pas, j'étais sûrement trop jeune pour m'en rendre compte. C'est quand je t'ai vu avec Dae, que j'ai compris.

Il passe son avant-bras sur ses joues pour effacer ses larmes tout en reniflant.

— Bien sûr, j'avais conscience qu'il m'aimait plus que tout. Il me l'avait dit pendant des nuits entières quand je pleurais à cause de nos parents. Mais c'était plus fort que de l'amour fraternel. Je n'arrivais pas à mettre un mot sur ça. C'était de la dévotion. Pourtant, j'aurais dû savoir... Il a donné sa vie pour moi.

Je déglutis alors quemes paupières papillonnent pour assimiler cette information qui me glace lesang.

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