48 - Traque (1/2) ★

Ses yeux s'ouvrirent sur un plafond gris dont la légère phosphorescence lui permit de noter son absence évidente d'aspérités. A défaut d'ouvertures sur l'extérieur, il était tout à fait impossible de savoir s'il s'agissait du jour ou de la nuit.

Une pièce. Il était dans une pièce au mobilier sobre et à la propreté affichée qui ne lui rappelait que trop bien des souvenirs qu'il imaginait plus lointains.

Le garçon alité frappa dans ses mains et la lumière d'une clarté aveuglante fut. Il ne se passa pas le temps d'un souffle résigné que deux personnes entrèrent dans la chambre. Deux personnes que Zach connaissait très bien.

– Pardonne nous, Zach. Tu étais dans un tel état de fureur que nous avons été obligés de te droguer temporairement afin que tu ne détruises pas entièrement la taverne... Comment te sens-tu ? demanda Adam.

Owen était resté en arrière près de la porte et évitait le regard de Zach, mal à l'aise.

Ce dernier finit par tourner la tête en direction de l'homme qui avait prit une chaise à ses côtés.

– À dire vrai, je me sens encore bien faible.

Adam acquiesça.

– Il va te falloir encore quelques minutes pour retrouver pleinement tes sens. Il est important que je rentabilise cette accalmie avant que tu ne te décides une nouvelle fois à tout raser.

Le ton, franchement humoristique, ne dérida pas les traits du jeune homme alité. Ce dernier fit de gros efforts pour se redresser et se retrouver à la même hauteur d'yeux que le chevalier-postier. Le mouvement, somme toute anodin, eut tout de même l'effet de le sortir un peu plus de sa léthargie.

Il braqua ses yeux sur le visage avenant mais impassible d'Adam.

– Où est ma mère, Adam ?

Owen tressaillit à la question. Sans doute au souvenir de ce qu'il s'était passé quelques jours auparavant. Adam quant à lui resta stoïque. A dire vrai, on aurait dit qu'il prenait son temps pour sonder le jeune homme.

Il finit par soupirer tout en balançant négligemment la tête de droite à gauche.

– Je vais essayer de te raconter les faits aussi clairement que possible, dit-il en s'adossant un peu plus sur le montant de sa chaise.

– Le sanctuaire de Mercantile a été attaqué et détruit par les mages noirs. De cela, tu en as eu vent en passant par la Place du Souvenir. Très peu d'entre nous ont survécu et ceux qui sont encore là pour en parler le doivent à ta mère qui a retenu les ennemis jusqu'au bout. La supposition la plus logique serait qu'elle soit morte en essayant d'emporter dans la tombe les derniers encore debout, dont leur chef, qui avait fini par rappliquer.

Malgré ses efforts pour rester calme et la drogue qui faisait encore effet, Zach sentit son cœur s'emballer et ses respirations se raccourcirent.

Le haut du corps d'Adam bascula légèrement vers lui et sa main vint trouver son bras. Zach sentit un fourmillement agréable parcourir son membre. Sans doute l'effet d'un sort quelconque.

– Néanmoins, Zach, il s'avérerait que nombre de nécromanciens s'en soient échappés... Et donc ta mère pourrait toujours être en vie.

– Dans ce cas, pourquoi n'est-elle pas ici ? dit-il en se détachant de l'emprise amicale d'Adam.

Ce dernier soupira de plus belle et devint soudain très las.

– Je ne sais pas... Il y a autant de chances qu'elle se soit fait capturer qu'elle n'ait réussi à fuir. Il se peut aussi que...

Zach le coupa dans sa réflexion comme si une évidence venait de se faire jour.

– Adam, mon père ! Que devient mon père dans tout ça ?

Ce fut Owen qui prit la parole.

– Ton père a été prévenu et extrait de Front de Mer. On lui a donné une nouvelle identité, dans la mesure de notre capacité plus que réduite... Il se doutait depuis toujours que sa femme avait une part d'inconnu et avait sciemment accepté les risques en formant un foyer avec elle.

La voix de l'archer se tarit quelques instants aux souvenirs particulièrement intenses qui devaient lui revenir en même temps qu'il parlait.

– Il... Il te demande de ne pas commettre de folies et de lui faire parvenir des nouvelles aussi rapidement que possible. Il va aussi bien que la situation puisse lui permettre...

Inconsciemment, Zach puisa dans la puissance du dieu Tlaloc pour s'éclaircir les idées. Être capable d'une telle chose laissait à penser que le puissant sédatif encore présent dans son organisme s'amenuisait de plus en plus.

Il reprit la parole d'une voix détachée, ce qui provoqua un froncement de sourcil marqué autant chez Owen que chez Adam.

– Je suis rassuré pour mon père. Adam, tu as dit que ma mère avait sans doute était capturé ?

L'interrogé ne put cacher un léger malaise, marqué par la façon qu'il eut de se replacer sur sa chaise.

– Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit mais on ne peut l'exclure... Après, rajouta-t-il pour nuancer son propos, si ta mère est encore vivante, elle ne peut se trouver qu'à un endroit. Vincent m'en avait brièvement parlé un jour.

Sa voix se cassa quelque peu.

– Après tout, c'est lui qui m'avait recruté, conclut-il d'une voix terne.

– Et où est-ce que c'est, Adam ?

Si l'Héritier était choqué par le ton du jeune homme, il se garda bien de lui montrer.

– Je ne peux pas te le dire pour le moment, Zach. La situation dans le pays est critique, il faut d'abord que...

L'homme n'eut pas le temps de répondre qu'un ramdam de tous les diables se fit entendre depuis les niveaux inférieurs.

– Qu'est-ce que...

Adam, ils ont fini par nous trouver. Mais ce ne sont pas... lui transmit Hendrik par télépathie avant que le lien ne soit rompu.

Owen fut le premier à réagir en s'élançant vers les escaliers.

– Owen, non !

Mais la course du jeune archer se faisait déjà entendre au loin. Adam risqua un coup d'œil vers Zach, se demandant s'il pouvait se permettre de le laisser derrière lui sans risques.

– Adam, si Owen part se battre, j'y vais aussi.

L'Héritier ne put réprimer un frisson en sentant la puissante énergie magique émerger du jeune homme, sous l'effet de la colère qui l'animait de nouveau.

Le fils de Gwen représentait un atout bien trop important pour qu'il puisse l'ignorer et, de toute façon, il serait bien incapable de l'arrêter s'il essayait de lui mettre des bâtons dans les roues.

– Très bien... dit-il, vaincu.

Il jaugea le reste du corps du jeune homme.

– Comment vont tes jambes ? Tu peux marcher ?

Zach eut un rictus de douleur en essayant de bouger des membres inférieurs qu'il avait grande peine à sentir. Cependant, il y arriva.

– Avec un peu d'aide, ça devrait aller, dit-il en puisant dans l'énergie de différents Dieux pour se donner contenance.

Adam constata avec atermoiement la maîtrise quasi-parfaite qu'avait déjà le jeune homme de ses pouvoirs. S'il n'avait pas d'autres choses à penser sur l'heure, il aurait pu en ressentir une pointe de jalousie.

Il laissa Zach passer un bras autour de son cou avant de ramener fermement son corps contre le sien. A chaque pas exécuté en direction du couloir, Adam sentait une amélioration dans la démarche du jeune homme si bien que, parvenu en haut des escaliers, ce dernier put rapidement se débrouiller tout seul.

Un bruit à faire trembler les murs surgit de sous leurs pieds, accompagné d'un souffle chaud qui vint lécher leurs visages depuis l'étroite baie qui donnait sur les niveaux inférieurs. Owen avait dû rejoindre la bataille, au grand damne de ses ennemis. Le jeune archer ne se remettait pas de la mort du vieux Mortimer, trouvant n'importe quel prétexte pour se racheter une conscience qui n'en avait nullement besoin.

Une ardeur mal contrôlée pouvait pourtant avoir tout l'effet inverse.

– Il ne faut pas traîner.

– Oui. Tu peux me lâcher, Adam. Je crois que je peux descendre seul.

L'ancien chevalier-postier accepta non sans un certain doute et ils descendirent la structure en colimaçon aussi vite que la condition de Zach le tolérait. Le plus âgé des deux avait la plus grande peine à rester calme en sachant que chaque seconde perdue pour aller prêter main forte à ses amis était autant de chance supplémentaire de voir leurs vies s'achevaient brutalement.

– Surtout reste derrière moi, Zach. Je ne permettrais pas que tu prennes plus de risques que nécessaire. Et si la situation nous échappe, fuis à Fort d'Alberg. Compris ?

Le jeune homme exprima son assentiment par un grognement des plus explicites. Cependant, une part de son esprit ne se déroba pas à l'évidence que ce qu'il était en train de faire relevait de la pure stupidité. S'il avait poussé davantage son introspection, il aurait remarqué qu'une pointe de peur lui tordait les boyaux.

La réflexion tourna court quand ils pénétrèrent tous deux dans la salle principale de l'auberge, frappés de stupeur qu'ils furent par les belligérants en présence. Il ne s'agissait nullement de mages noirs avec leurs tenues si désagréablement reconnaissables mais d'une unité d'Ashuran menée par le Directeur en personne.

Les deux retardataires se retrouvaient séparés du Haut mage par une puissante barrière de défense qu'essayait tant bien que mal de maintenir Hendrik et Frank, positionnés de chaque côté du corridor qu'ils venaient de traverser et partiellement retranchés derrière des palissades de fortune. Owen quant à lui avait déboulé plein centre, derrière une table retournée à la hâte, et dont il n'émergeait que pour décocher des traits non létaux, servant surtout à saper les forces adverses.

Adam prit Zach par la manche et le tira pour aller s'abriter derrière Frank.

– Tu m'expliques rapidement ?

L'Héritier tourna un visage à la fois concentré et soucieux vers son ami.

– Aucune idée de ce qui a pu se produire. Ils n'ont pas pensé à nous expliquer la raison de leur venue une fois sur place. En tout cas, je crois que je peux faire une croix sur mon amitié avec Allan. Il est devenu fou de rage quand il m'a vu...

Même dans de telles circonstances, Frank prenait toujours le temps de parler plus que de raison. Zach risqua un coup d'œil en direction du Directeur qui le fixait, une lueur démente flottant dangereusement dans ses yeux renfoncés. Comme électrisé par sa vue, le Haut mage aboya de nouveaux ordres avec une rage incontrôlée. Une pluie de sortilèges ne tarda pas à s'abattre en un point précis de la barrière magique, dans l'axe le plus direct vers Zach.

– Eh ben, il a l'air en forme.

– Ne plaisante pas avec ça, articula avec aigreur Frank dont la veine qu'il avait sur la tempe prenait des grosseurs alarmantes sous l'effet de la concentration. On ne pourra pas les retenir bien longtemps.

– Je vois... Owen ! Ça suffit pour la diversion, on se replie.

L'archer prit le risque d'une dernière flèche destinée au Directeur avant de battre en retraite vers Hendrik. Zach remarqua son expression contrarié alors que le mage supérieur avait réduit en miettes son projectile avant qu'il ne l'atteigne.

– Direction le sanctuaire de Karaduc !

Owen hocha la tête d'un air entendu.

Le Directeur, qui devait avoir entendu leur conversation, puisa dans l'anneau qu'il portait à la main droite. Aussitôt, une vibration sourde gagna en vigueur dans les profondeurs avant de voir des crevasses de plus en plus importantes se former dans le sol.

– Les salauds... Ma taverne ! grommela Hendrik.

Zach jeta un regard perplexe à Adam.

– Adam, pourquoi tu...

L'interrogé le secoua sans ménagement.

– Tais-toi, imbécile.

Il se tourna vers ses acolytes qui lui prêtèrent attention.

– Pour Sakpata.

– Pour Sakpata, répondirent les deux autres à l'unisson.

Et ils disparurent dans une sphère de lumière, Zach entraîné malgré lui par Adam.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top