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C'est la première fois que ça m'arrive, pourtant j'ai envie de parler. C'est étrange, je n'y suis plus du tout du tout habitué. Si le silence me paraît moins lourd, le poids qui pèse sur mon cœur, lui, ne demande qu'à être allégé. C'est pour ça que cette irrépressible envie de parler est là. Si j'ai déjà adressé quelques mots à Mae la dernière fois que j'étais éveillé ; je dois parler à la deuxième personne qui m'a fait souffrir.

B'. B', dis-moi. Pourquoi ? Pourquoi tu m'as fait ça ? Tu savais, tu savais que j'étais fragile, tu savais que tu risquais de me briser en faisant ça. Alors explique-moi, dis-moi pourquoi. Je peine encore à comprendre, et pourtant cela fait plus de trois ans maintenant. Trois ans et tu es toujours dans ma tête. Ne crois pas que je t'aime encore, loin de là. Je te hais à l'heure d'aujourd'hui. Je te hais d'une force surhumaine. Pas parce que tu m'a trompé ou autre car, jusqu'à preuve du contraire, tu n'as rien fait de si horrible. Je te hais pour être parti sans me donner une seule explication, simplement. Pourtant ce n'est pas beaucoup, et c'est ce que je demande, plus que tout au monde j'aimerais que tu viennes et que tu me dises pourquoi tu m'as laissé comme cela.
Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?
Est-ce que tu en voulais plus ? Est-ce que tu avais rencontré quelqu'un d'autre
? Est-ce que tu ne m'aimais juste plus, tout simplement ?
Ou alors as-tu fais exprès de me rendre accro à toi ?
Je suis tombé pour toi, tellement violemment, tellement rapidement. Je t'ai accordé directement toute ma confiance et tu l'as détruite en me trahissant ainsi.
Te rends-tu seulement compte de la portée de ce que tu as fait ? Des conséquences que cela a pu impliquer ? Comprends-tu à quel point tu m'as anéanti ?
Sais-tu combien de temps il m'a fallu pour à peu près m'en remettre partiellement ? Oui, partiellement, car je ne me voile pas la face, je sais très bien que je ne m'en remettrais jamais. Tu es et tu resteras malgré tout mon premier amour. Tu auras toujours une place à part entière dans mon cœur. Même si dans le futur des personnes occuperont la place que tu as un jour occupée, tu resteras toujours dans ma tête, alors qu'eux peut-être pas. Je ne dis même pas tout cela dans le but de te flatter, c'est tout simplement ce que je pense et la vérité. Je m'y habitue petit à petit. C'est tout de même dur de se dire que c'est toi, la première personne à avoir voler mon cœur, mon premier voleur de cœur.

Tu es tout sauf détestable, mais je ne peux m'empêcher de te vouer une certaine haine. C'est plus fort que moi, je n'y peux rien. Mes sentiments sont ainsi, je ne les contrôle pas. À vrai dire personne ne contrôle les siens, ils font leur propre vie, sans pour autant que cela soit compréhensible. Nous sommes seulement à leur merci. Est-ce pour cela que tu m'as lâchement quitté ? Parce que tes émotions t'ont dis dans un excès de je-ne-sais-quoi que tu devais me laisser ? Ou étais-ce juste parce que tu le voulais ? Tu peux peut-être penser que le savoir, ou du moins connaître toutes ces nuances ne changera rien, mais tu te trompes. Pour moi, cela change tout. Je veux savoir si tu m'as quitté parce qu'un jour tu ressentais trop de choses pour pouvoir comprendre ce que tu faisais, ou si tu m'as quitté parce que tu y pensais depuis un certain temps déjà. Je veux une réponse, des explications. Ce n'est même plus une demande, c'est une exigence, une obligation. Je pourrais même dire que c'est un devoir. Tu dois m'expliquer. Je dois savoir si tu m'as laissé sur un coup de tête, ou alors parce que je n'en valais plus le coup.

B', je ne vais pas recommencer à te supplier pour que tu me le dises, mais je ne sais que faire d'autre.
Trois ans.
Trois ans que je ne t'ai pas vu, que je ne t'ai pas parler.
Trois ans que toutes ces questions tournent dans ma tête sans s'en lasser. Je vais finir par croire que je vais exploser d'une overdose de pensées. Pendant un temps j'ai seulement voulu que tu me reparles, que tu reviennes en me disant que tu avais fait la pire erreur de ta vie, que tu t'en voulais, que tu m'aimais plus que tout au monde, mais il a bien fallu que je me rende à l'évidence, tout ceci n'arrive que dans les fictions. Jamais tu n'allais me recontacter, jamais je ne recevrais un message un jour à deux heures du matin disant que tu regrettais. Jamais. C'est dur de devoir se faire à cette idée, même très dur. Et pourtant j'ai réussi. Mais je n'ai en revanche pas réussi à abandonner ma quette de réponses. Que peut-on me reprocher ? Je veux seulement savoir. Peut-être que mon comportement ressemble à celui de beaucoup d'autres, mais j'étais amoureux, pour la première fois de ma vie j'aimais quelqu'un d'un amour si sincère, si profond, que je ne pouvais rester sans réponse. L'âge n'a rien à voir avec cet espèce de caprice, ce n'est pas parce que j'avais treize ou quatorze ans, voir quinze, à l'époque que je continu de m'obstiner ainsi. C'est simplement parce que... Je ne vois même pas pourquoi je cherche à me justifier, je n'en ai clairement pas le besoin. J'ai le droit de vouloir savoir. C'est clairement mon droit. Je voulais juste être à toi en quelque sorte, je voulais juste pouvoir rembaler n'importe quelle personne venant me faire des avances — même si ce n'était pas prêt d'arriver — en disant que j'étais en couple avec toi. Et je pouvais le faire, j'étais pour ainsi dire à toi. Mais et toi, est-ce que tu m'appartenais ?
Est-ce que tu disais à ton entourage que l'on était ensemble ?
Ou bien étais-je le seul à être assez naïf pour le faire ?
Si Mae — je suis sûr que tu ne l'as pas oubliée — va finir par me rendre fou, toi tu le fais déjà. À vrai dire tu l'as toujours fait, et j'ai la très grande impression que tu va continuer de le faire encore longtemps. Et le pire dans tout cela, c'est que je ne peux rien faire contre. Je suis forcé de me torturer jusqu'à trouver des réponses à mes incessantes questions, sinon je ne trouverai jamais le répit. Et j'ai l'étrange impression — et le mauvais pressentiment — que je ne vais jamais le trouver, ou du moins pas avant un certain temps. C'est énervant à souhait, vraiment. Mais que veux-tu, je fais avec. Ou du moins j'essaye.

Je me contredis moi-même. Et si je ne l'ai pas encore fait pour l'instant, je ne devrais pas tarder à recommencer. Cela aussi, c'est énervant à souhait. Je vais commencer à me répéter, puis à me contredire sans le vouloir, ou intentionnellement, parce qu'il n'existe tout simplement pas d'autre moyens pour moi d'exprimer ma pensée. Je me connais, je sais que j'ai tendance à faire tout ça, c'est ainsi que je fonctionne, depuis très longtemps. Avant j'arrivais à le faire moins, ou du mois cela m'arrivait moins souvent, tout simplement. Mais depuis trois ans, depuis que vous n'êtes plus là avec Mae, j'ai tellement de choses dans ma tête que je me sens obligé de le faire. Je n'y fais même plus vraiment attention à vrai dire, c'est devenu un automatisme. Je le remarque seulement en voyant la tête que font les personnes avec qui je parle. Lorsque je vois de l'incompréhension sur leurs visages, je sais que j'ai recommencé. Alors souvent j'essaye de m'excuser et d'expliquer, mais ils ne comprennent pas donc je laisse facilement tomber, au final. Il est rare que quelqu'un comprenne, vraiment rare. Enfin bref, je me remets à divaguer. Tu me diras, cela me calme et retient la colère que j'éprouve à ton égard, n'est-ce pas B' ? Je ne devrais pourtant pas la retenir, peut-être que comme ça tu réagirais, peut-être qu'alors tu me répondras, peut-être qu'alors tu m'expliqueras, tu t'expliqueras. Enfin, c'est toujours bau de rêver. Je n'aurais jamais de réponses, tout simplement parce que tu ne viendras jamais pour m'en donner, parce que je n'ai plus aucun moyen pour te contacter, parce que tu m'as rayé de ta vie, parce que tu as déménagé et que je ne sais pas où tu es allé, parce que tu es sans doute parti étudier à l'autre bout du pays. Je n'aurais jamais de réponses, je le sais et pourtant je refuse de l'accepter, je continu d'espérer, je continue d'en demander. Stupide, moi ? Oui, absolument. Et bien plus à vrai dire, bien bien plus que cela. Je dirais même con en fait. Littéralement. Je suis con, je suis un imbécile fini qui espère que son premier amour va revenir lui parler et qui en attendant lui parle dans sa tête. Pathétique, vraiment. Minable même. Tiens, cela faisait un certain temps que je ne m'étais pas qualifié comme tel, depuis... depuis mes dernières confrontations avec Josh. Oui, ce Josh là, tu sais B'. Ce Josh qui étais dans mon collège et qui s'amusait à m'insulter et me bousculer parce que l'on était ensemble. Eh bien, il a fait bien pire une fois arrivé au lycée. Mais je ne vais tout de même pas t'embêter avec tout cela, ce serait égoïste de ma part. Et si tu me disais plutôt comment toi tu vas ?

Est-ce que tu mènes toujours une petite vie tranquille ?
Est-ce que ta famille est toujours aussi parfaite et soudée ?
Est-ce que tes amis t'aiment toujours autant ?
Est-ce que vous êtes encore tous unis ou alors est-ce que vous avez commencé à vous tourner mutuellement le dos ?
Est-ce que la vie te souris toujours autant ?
Est-ce que tu as commencé à réaliser tes rêves ?
Est-ce que tu vis enfin l'idylle amoureuse dont tu rêvais tant avec quelqu'un de digne de ce nom ?
Est-ce que tu continu tes études ou alors as-tu tout plaqué pour partir à l'autre bout du monde ?
Est-ce que tu penses encore à moi, parfois, le soir quand les regrets et les remords refont surface ?
Est-ce que tu repenses à tout ce que l'on a traversé ensemble ?
Est-ce que tu continu à t'émerveiller à l'approche de Noël et de ton anniversaire ?
Est-ce que tu continu de sortir et de passer du temps avec tes proches ?
Est-ce que tu continues de faire tout ce que tu faisais avant de me laisser ?
J'ai encore des milliers de questions comme celles-ci, si tu savais. De la curiosité malsaine ? Peut-être, oui. Mais j'assume. J'assume d'avoir été totalement accro à toi, j'assume de n'avoir vécu que pour toi, j'assume de n'avoir vu le monde qu'en pensant à toi, j'assume de t'avoir toujours eu dans mes pensées sans que jamais ça ne s'arrête, j'assume d'avoir eu besoin de toi plus que quiconque.
J'assume tout simplement de t'avoir aimé, d'être littéralement tombé amoureux de toi comme cela nous arrive qu'une seule fois dans notre vie. J'assume de t'avoir donné et offert tout l'amour et toute l'affection que je possédais.
Je l'assume entièrement, je l'assume pleinement.
Tu n'as même pas besoin de me poser la question, je l'avoue de moi-même, j'étais dépendant de toi. Tu étais ma drogue, et j'avais besoin de toi pour vivre, comme j'ai eu besoin de Mae pour respirer et comme maintenant j'ai besoin de la musique pour pouvoir avancer. Étrange non ? Comment les sentiments et les émotions peuvent prendre possession de notre vie et de notre comportement.

Je dois t'avouer que je ne sais plus trop quoi te dire, j'ai aussi énormément peur de me répéter. Je n'en ai aucune envie, j'aimerai pour une fois réussir à faire un monologue sans radoter et sans m'embrouiller. Je sais d'avance que c'est mission impossible, mais comprends-moi. C'est tellement énervant et frustrant d'avoir l'impression de faire comme une grand-mère ou un grand-père de 90 ans. Sympathique vu sous cet angle-là, n'est-ce pas ? Ne te moque pas, c'est vraiment l'impression que j'ai parfois. C'est exaspérant, je m'exaspère moi-même dans ces moments-là. Pourtant, je sais que je n'y peux rien, que c'est involontaire.

B'. Je n'en peux plus de cette situation, je deviens fou. Je ne supporte plus d'être enfermé avec seulement mes propres pensées comme compagnie. J'ai l'impression de devenir schizophrène. Je n'en peux plus de me parler à moi-même, car même si je fais des monologues en m'adressant à quelqu'un, cela n'en reste pas moins irréel. Cela reste dans ma tête. Ma voix ne perce pas le silence, ma langue ne bouge, ma gorge n'émet pas de sons. Tout cela est fictif. Et je n'en peux plus, je n'y arrive plus, je ne le supporte plus. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer, je ne fais que ça, essayer d'ouvrir les yeux, de parler. Mais je suis épuisé. B', je suis à bout de force, je suis exténué. J'ignore ce qui m'arrive, j'ignore beaucoup de choses à vrai dire. Et l'accumulation est en train de me faire perdre la tête. Comment suis-je supposé rester sain d'esprit sans pouvoir m'exprimer à voix haute ?
Sans pouvoir voir la lumière du soleil ?
Sans pouvoir voir mes proches ?
Sans pouvoir bouger ?
Sans pouvoir écrire ?
Sans pouvoir lire ?
Sans pouvoir chanter ?
Sans pouvoir faire de musque ?
Sans pouvoir écouter de musique ? Donne-moi la réponse si tu l'as, car moi j'ai beau la chercher, je ne parviens pas à la trouver. J'ai beau me triturer les méninges, je reste un ignorant. Un ignorant désespéré, un ignorant triste, un ignorant énervé, un ignorant exaspéré, un ignorant frustré et que sais-je encore. On ne peut pas vraiment définir l'état mental dans lequel je suis car, que se soit de la colère, de la tristesse, de la peine, de la douleur — physique et morale —, de l'horreur, de le peur, de la terreur, de la joie, de l'amour, de l'affection et j'en passe, je ressens tout cela à la fois. Impressionnant, oui. Je n'arrive même pas à comprendre comment c'est possible. La mécanique du cœur et la mécanique des sentiments restera toujours hors de ma portée apparemment. Je n'y peux rien ,et malgré tout mes efforts, il en sera toujours ainsi, je ne pourrais rien y faire, rien y changer. La situation est exaspérante B'. Je ne sais pas ce dont j'ai le plus envie actuellement, qu'Aaron revienne et que je puisse à nouveau entendre sa voix, ou bien juste pouvoir parler avec quelqu'un ? Ou encore en apprendre plus sur mon état ? Je ne sais pas, le choix est beaucoup trop dur, si tu savais. J'ai l'impression que l'on me torture à force de penser ainsi, c'est insoutenable comme rythme. Je ne sais même pas si mon cerveau ne va pas finir par imploser à force. Ce qui est sûr, c'est que s'il ne le fait pas, c'est mon cœur qui le fera.

Tu vois, B', je me suis à nouveau égaré, à nouveau perdu. J'ai encore foiré apparemment, et je m'en veux parce que j'aimerais que tout redevienne comme avant, si tu savais.






H.

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