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J'écris, j'écris, j'écris encore. Je griffonne des mots, des phrases. Cherche les parfaites lettres pour créer mes rimes, cherche les parfaits thèmes, les parfaits accords, les parfaites paroles. Je cherche et j'écris sans m'en lasser. Une page, deux pages, trois pages. Je fais des essais, beaucoup. Je rature un peu, recommence souvent. J'essaye de créer la parfaite harmonie, le parfait message. Mais j'échoue, j'échoue comme à chaque fois, Il y a toujours un problème. Soit c'est la mélodie, soit c'est ce que je suis censé débiter. Mais ce n'est pas pour autant que j'abandonne. Je réessaye, recombinant les mots, changeant les notes. Je travaille ma voix, travaille la hauteur, travaille la justesse. Rien n'est laissé au hasard, je veux que se soit parfait.

Très peu de mes écrits sont finalisés et archivés, enregistrés et retravaillés. Énormément sont jetés à la poubelle, froissés, raturés, et jonchent le sol de ma chambre, mon lit. Beaucoup de premiers jets sont accrochés au mur en l'espoir que je les retravaille et les reprenne un jour. Chanter ces textes est comme un privilège, et les entendre est pour quiconque une énorme faveur. Le cercle des personne ayant entendues ma voix est à la fois restreint et à la fois large. On va dire que mes proches sont très peu à l'avoir entendue, mais que celui des inconnus est très large. Chacun ses secrets n'est-ce pas ?

Le mien est bien caché. Enfin, un des miens, puisque j'en ai, je dois l'avouer, une bonne quantité. Bien qu'en fait ils ne soient pas totalement cachés, puisque la plupart sont révélés dans mes écrits, à l'aide d'indice ou de sous-entendus. Évidement, qui manie les mots aime y cacher des doubles sens, des secrets. En tout cas c'est comme ça que je fonctionne, et comme ça que je fonctionnerais toujours. Travaillant d'arrache pied pour avoir un rendu parfait, tout en m'amusant à dissimuler par-ci par-là quelques éléments avec une importance particulière. C'est comme un jeu on va dire.

Je divague, loin, très loin de mon activité. J'ai pour objectif de finir cette chanson, et je compte bien réussir, peut-être devrais-je m'y mettre avec un peu plus de sérieux, ou peut-être devrais-je juste laisser les mots venir à leurs guise. Mais je suis têtu, je veux finir ceci, hors de question que j'attende trois mois pour y parvenir. Poser la musique sur le texte je le ferais plus tard, c'est plus compliqué, mais l'écrire, je veux le faire aujourd'hui — bien qu'en agissant comme ça je ne risque pas de me faciliter la tâche —, je veux me prouver que mon talent de manieur de mot n'a pas disparu, je veux me prouver que je peux encore donner des frissons au public. J'ai réussi toutes les fois d'avant, auprès d'inconnus, alors pourquoi pas maintenant ?

Rien n'est jamais parfait, quelque chose me stresse, je ne sais pas quoi. Peut être parce qu'il y a une semaine quelqu'un du lycée est passé par ma rue ? Peut être parce que j'ai vu dans ses yeux qu'il me jugeait et que ça ferait un bon potin pour le lendemain ? Même si apparemment il n'avait rien dit puisque personne ne m'avait embêter avec ça. Mais la peur est là, bien présente, m'empêchant de tout transmettre par écrit, m'empêchant de me libérer, m'empêchant d'avancer. Elle est bien énervante cette peur, à la longue. J'ai l'impression d'avoir oublier comment faire ; j'ai l'impression d'avoir oublier comment créer des émotions, les transmettre aux gens. J'ai l'habitude de ne pas avoir besoin de me donner beaucoup de mal mais étrangement la peur me paralyse. Je déteste ça. Je déteste ça a un point inimaginable. C'est tellement ingérable et incontrôlable que je ne sais pas comment faire. Je ne sais plus. Je m'embrouille de plus en plus, je n'arrive plus à démêler mes idées. Bordel, si ça continu une migraine va pointer le bout de son nez, et je serais bon pour m'enfermer dans ma chambre — ce qui est déjà le cas — dans le noir et ne plus bouger en étant allonger tellement j'aurais mal. Je hais la vie.

Je cherche, sans discontinuer, différents rythmes tournent dans ma tête, des mélodies, des sons, des battements, des pulsations. J'ai plusieurs partitions d'écrites, plusieurs débuts de paroles. Et j'essaye. J'essaye de les finir. Une en particulier me tient à cœur, une par rapport aux rêves brisés par la société, une qui me rappelle à quel point c'est horrible de s'entendre dire que c'est impossible. C'est le thème que j'aie choisi, c'est ce sur quoi je veux écrire, et probablement ce sur quoi je vais passer du temps. Le titre est déjà là, bien ancrées dans ma tête, et comme je n'aime pas que se soit simple, et que j'aime l'anglais plus tout, j'ai décider qu'elle serait en anglais. Mais je ne sais pas quelle partition utiliser, je ne sais pas si je veux que se soit doux, ou un peu plus rock. Je ne sais pas, je n'arrive pas à me décider. Je sais juste que je risque de devoir prendre le piano de mon frère pour pouvoir réaliser la mélodie et les accompagnement, ma batterie va s'y ajouter, et probablement un peu de guitare. mais quoi et quand ?

Je n'y arrive pas.

Je n'y arrive pas.

Je n'y arrive pas.

Et bordel ça me saoule ! Elle me tient à cœur cette chanson, en fait la musique en elle-même me tient à cœur, mais celle-là je dois la finir. Je l'ai promis, cette chanson n'est pas pour moi. Pas seulement pour moi. C'est un message au monde, une lettre destinée au monde, et c'est quelqu'un, un inconnu qui m'en a donnée l'idée. Et je lui ai promis de revenir lui chanter. Alors je dois réussir.

C'est fou le nombre de rencontre qu'on fait en chantant dans la rue. C'est... amusant de voir à quel point, alors que d'habitude je suis renfermé, je peux être ouvert aux autres. Je parle à tout le monde, je rigole, plaisante, débat, partage des idées avec les gens. Ce sont les rares moments où l'on me voit être moi-même si je puis dire. Et le mieux de tout, c'est que même si l'on me juge — je ne me voile pas la face, je sais qu'on me critique —, je sais aussi que les personnes qui s'arrêtent sont sincères avec moi, je sais qu'ils aiment vraiment ce que je fait, je sais qu'ils aiment vraiment ma voix ou les chansons que je chantent. J'espère qu'ils les comprennent, j'espère qu'ils sentent la sincérité derrière, qu'ils arrivent à cerner le sens des mots. Je sais que parfois c'est un peu dur étant donné que les chansons sont aussi bien en français qu'en anglais, mais je pense réussir à mettre l'émotion nécessaire dans ma voix pour que l'on arrive à comprendre le message que je veux faire passer.

Je passe des heures à composer, la guitare en main et le stylo derrière l'oreille. Mes doigts tapent sans cesse sur mes cahiers, le sol ou mon lit. J'ai plein d'idées de rythme, mélodie, et étrangement je n'arrive pas à finir cette fichue chanson. Je ne suis même pas sûr du début de paroles que j'aie choisi. C'est un de mes plus gros défauts. Plus je passe de temps sur quelque chose, plus je me braque et plus j'ai l'impression de faire n'importe quoi, donc j'ai de plus en plus l'envie de tout arrêter et d'abandonner. Et je dois me faire violence pour continuer. C'est de là que vient une de mes qualités quand j'écris : être persévérant. C'est étrange n'est-ce pas ? Un de mes plus gros défauts engendre une de mes seules qualités. L'ironie de la situation m'amuse. Je serais capable de me chopper un fou rire je pense. Mais je dois me concentrer. Je dois avancer.

Mes pensées tournent à mille heure, comme à chaque fois. Elles tourbillonnent dans ma tête et ne me laisse jamais tranquille. Tout me vient, aussi bien des histoires, que des textes, des chansons, des monologues, des speechs... ça en devient insupportable, je n'arrive pas à le contrôler et encore moins à le stopper. Je vais finir par vivre avec une migraine perpétuelle. Mes émotions et mes sentiments dansent et créer une véritable zizanie dans mon cœur, la colère prenant le dessus, me donnant envie de frapper dans des murs et de m'arracher les cheveux. Mais je sais que je ne peux pas, je n'ai pas le droit si je puis dire. Le médecin me l'a dit, il faut que j'arrête ou sinon mes mains seront dans un trop piteuse état pour pouvoir continuer à jouer de la musique et ça, c'est hors de question. Alors je me retiens tant bien que mal. De plus les cicatrices sur mes bras sont trop récentes pour que je pense à les rouvrir, alors je dois me démerder.

Au diable cette chanson, au diable ma santé, au diable le monde. Je veux juste jouer. J'envoie tout valser à mes côtés sans m'en rendre compte. Je chope ma guitare, la positionne correctement et commence à jouer, le plus fort possible, et à la fois le plus doucement. Au début je joue de chansons connues, gueulant les paroles puis au fur et à mesure je change les notes pour que le tout se transforme en une chanson écrite il y a pas mal de temps, la première, destinée à deux personnes, j'ai les larmes aux yeux rien qu'à me souvenir de ces inconnus à présent. Ma voix gagne en émotions, et je finis par transpercer l'air de celle-ci, me retenant de pleurer, en m'arrachant les doigts sur les cordes de ma guitare. Et une fois la chanson finit, je la recommence, encore et encore, entamant à chaque fois les mêmes paroles :

— My heart's gone with you
What am I suppose to do
You've got my life
Just have a knife
Can't do anything
Just try to keep breathing
But I am suffocating
Just can't believe, I am dying
It hurts so bad
I'm fucking sad
Can't believe In myself anymore
So confident the night before
My dreams turned to nightmares
You took me unawares
All your "I'll love you forever" "I'll never hurt you, never""
You're just like the others
You're just a liar
But i've trusted you
Even if I didn't want to.

Cette chanson a beaucoup de sens, beaucoup d'importance. Je me souviens de chacune des larmes versées pendant son écriture. C'était... douloureux, tellement douloureux d'écrire tout ça, de poser ma voix dessus, de le changer. L'état de la partition, si je la retrouvais, doit être tellement déplorable. Je l'avais écris en pleurant, des perles salées tombant sans cesse sur la feuille, humidifiant le papier et faisant couler l'encre. Une de mes plus belles chansons et un des pires jours de ma vie.

— My heart's gone with you
My dreams are gone too
It's the worst mistake i've ever made
There isn't any shade
I want to be happy again
But how can I with all this pain ?
'Cause now that I didn't have you by my side
just always think to suicide
You were my everything
But now I don't have anything
I wish you were back to me
I know this is crazy
I'm suppose to hate you
But I can't stop myself to loving you
I drown myself
I want to put back the book on it shelf
'Cause you left me
I don't want to write it in my diary
You can't have did this to me
Don't Come back with just a « sorry ».

J'avais décidé de raconter ma vie dans cette chanson, tout en rajoutant certaines choses et en enlevant les plus sombres. Je ne cherchais pas un truc précis, juste à transmettre mes émotions et me défouler. Alors j'y ai mis toute ma peine et toute ma colère, espérant ainsi oublier les deux personne autrefois indispensables à ma vie, ainsi que le mal qu'elles m'avaient fait.

— And now my heart's gone with you
And now, what can I do ?
I know I can't live without you
Even if i will have to
You leave me alone
And now it's all gone
I wasn't prepared
I'm almost scared.

Je n'avais pas réussi à faire un refrain digne de ce nom, je m'en souviens, je n'arrivais pas à trouver mes mots, alors j'avais juste dit quelques phrases résumant mes pensées. Et je pense que si aujourd'hui je retravaillais cette chanson, je changerais pratiquement tout.

— My heart's gone with you
What did you do ?
You did So bad things
That i have to sing
You were not how you seem
You broke my dreams.

Je m'arrête brusquement. C'est limite si je ne balance pas ma guitare pour atteindre du papier et un stylo.

La chanson me vient d'elle-même, les paroles avec. Après tout, il n'y a pas de meilleur inspiration que soi-même non ? Les rêves brisés. Brisés par la société. Brisés par le monde. Mon thème est respecté. Oui, j'en suis sûr, je les tiens mes paroles. Et je sais que si je ne les écris pas maintenant, je vais les perdre.

*

It's inside of my head
During all the night
When I am in my bed
Or when I put on the light...

Oui, je m'en souviens encore de celle-là : l'air me trotte dans la tête.




H.

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