4.70

Aaron tousse un peu, et je l'imagine parfaitement se redresser sur son siège – s'il est assis.

̶ Tu sais qu'un jour va falloir me répondre hein, parce que là ton silence est assourdissant, énervant. Enfin bref... Après que cet imbécile de Josh m'ait poussé à réagir on se disait juste bonjour. Puis un jour sans savoir pourquoi je me suis assis à ta place, sous l'arbre, à la table de pique-nique. J'ai eu comme une sorte de pulsion je suppose. Je ne voulais pas t'énerver, ni t'embêter ou te dégager hein, je m'étais juste assis, comme ça, sans m'en rendre compte. Et quand t'as débarqué, t'as commencé à me sortir en t'énervant : « Eh sale con ! Tu veux bien degag... », puis tu t'es rendu compte que c'était moi je crois, et je ne sais pas pourquoi tu n'as pas continué ta phrase, je sais juste que tu t'es radouci et que tu m'a juste dit : « Oh c'est toi, désolé.... Hum, tu permets que je m'assois ? ». Je te jure, tu m'as choqué par tant de gentillesse et de politesse dans ta phrase, j'en suis resté bouche bée. C'est pourquoi j'ai juste hoché la tête en signe d'approbation à ta demande. Depuis quand est-ce que tu t'asseyais à côté de quelqu'un ? Depuis quand tu parlais même à quelqu'un ? Et sans l'insulter en plus ! C'était une première, et pas des moindres. Et que se soit à moi que tu destines tes mots était à encore plus ahurissant, je te jure, je tombais des nues ! T'imagine un peu la scène ? Je me suis juste assis tranquille et je vois débarquer le gars que je me tue à aider sans qu'il s'en rende compte – qui en plus de ça est un asociale né, doublé d'un enfoiré faut se le dire – et je l'entends me demander de prendre place à mes côtés ! Grand dieu ! Un ange est passé devant mes yeux, je te le dis !

Il rigole légèrement en disant ça. Il change rapidement d'humeur, et je me demande s'il n'en fait pas trop par moment pour cacher que je l'ai vraiment blessé, mais bien sûr, je ne peux pas lui faire la remarque ou bien lui demander, ce serait trop beau. 

̶ Et comme j'avais répondu par l'affirmative, mon ami continue, tu t'es assis. T'as rien fait d'autre que de te poser à côté de moi, de  positionner ton portable entre nous et après m'avoir demandé silencieusement d'un regard si tu pouvais, t'as lancé de la musique. J'ai était forcé de me dire que tu le faisais exprès : Seven nation army. J'avais la claire impression que tu te foutais de moi. Bien sûr que cette chanson m'avait marquée ! C'est pas tous les jours qu'on voit quelqu'un mettre un poing dans la figure de Josh Conrad ça je te l'avoue ! Sur ce coup je pense que t'a bluffé tout le bahut – ceux qui y ont assisté et ceux qui ont entendu les ragots ! C'était plus qu'inattendu ! On se rebelle pas comme ça contre lui ! Et le mieux dans tout ça, c'est que tu l'as mis K.O ! Au tapis, direct, comme ça ! Avec un seul coup ! Alors que j'imagine qu'à chaque fois qu'il te laissait inconscient c'était au bout d'un peu de temps, je me trompe ? Ah oui je suis au courant de ça, tout simplement parce que c'est moi qui prévenait quelqu'un de ton état à chaque fois. Je suis désolé de te l'avoir jamais dit hein, mais comme tu ne réponds pas et que du coup tu vas rien me dire j'en profite pour te faire quelques, bon okay une tonne, de révélations. Tu ne m'en veux pas j'espère ? Sois pas rancunier okay ? T'avais qu'à pas t'attirer les foudres de Josh si t'es pas content ! Oui je sais que t'as pas fait exprès, que c'est pas ta faute et nanani et nanana, je m'en fou j'ai décidé de te taquiner alors la ferme okay ? Là concrètement t'es endormi et d'après les médecins t'es pas près de te réveiller alors fais pas chier compris ? Putain je dois avoir l'air d'un taré un peu là... j'espère que tu ne m'entends pas par contre, sinon quand tu te réveilleras je vais me faire passer un putain de savon, je crois que je vais regretter d'être né. Oups ?

Je t'entends Aaron, il est là le problème. Et j'enregistre tout ce que tu me dit : que ce soit tes blagues à deux balles ou des informations comme quand tu parles de médecins. Des médecins dis-tu ? D'accord, donc j'ai encore un indice sur là où je suis, mais j'y reviendrai plus tard. Par contre, sois sûr que tu vas t'en prendre une quand je pourrais, je te déteste pour toutes les choses que tu me dis actuellement. Vraiment. 

̶ Mon dieu, les monologues ça ne me réussit pas, je ne fais que m'égarer ! C'est pas ma faute aussi... enfin... si j'en revenais à mes moutons ? Alors... ah oui ! Tu l'as fait exprès avoue ? Pour la musique c'est obligé ! Et puis j'espère un jour avoir l'explication de ton geste. Pas dans l'immédiat, parce que pour l'instant je sais que ça nous a juste permis de nous rapprocher, énormément. Enfin, ça nous a permis de parler musique. C'est toi qui a engagé la conversation, me parlant de la signification de cette musique, du bien que ça t'avais fait de taper l'autre lourdeau, me parlant de tes groupes préférés et autre. J'ai tout retenu d'ailleurs, je buvais chacune de tes paroles, me délectant du fait même que tu me parlais. Je n'en revenais pas, tu te confiais à moi ! Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que t'en avais besoin, et je pense aussi que ça t'as fait du bien, énormément de bien. Tu avais quelqu'un à qui parler sur le moment, et c'était tout ce qui t'importait. Puis après ta longue tirade j'en ai fait une d'à peu près la même longueur, te résumant les mêmes choses que tu m'avais révélées, mais de mon point de vue, je t'ai aussi un peu parlé de ma famille et de mon rêve soit d'écrire un putain de bouquin ; soit de chanter et de faire de la musique, en étant libre. Libre de mes pensées, libre de mes paroles. Libre de mes mouvements. Libre de tout. Libre tout simplement. Et je dois t'avouer que maintenant j'ai envie d'être libre avec toi, et sur l'instant aussi j'avais cette envie, en fait j'en avais l'impression. Puis tu t'es levé et t'es partis, cassant notre bulle de liberté mais en me disant quand même à plus tard ou à la prochaine, la mémoire me fait défaut. Mais ça me prouvait qu'il y aurait une prochaine fois. Et il y en a eu, plusieurs, de plus en plus souvent. Et c'est comme ça que je trouvais ma bulle de liberté au moins.... 

Il s'interrompt brusquement et arrête de parler quelques instants avant de reprendre, pressé :

̶ Merde ! Quelqu'un arrive, je suis désolé, j'aimerais continuer mais j'avais promis à tes parents de leur laisser la place et promis aux miens que j'arrêterais de venir te voir aussi souvent puisque, selon eux, c'est mauvais pour moi et qu'il n'y a plus d'espoir... alors à...

Le même qu'avant qu'il n'arrive retentit, j'imagine que c'est la porte qui s'ouvre. Il se tait dès que la personne entre, s'interrompant à nouveau, signant ainsi la fin de son monologue.

̶ Oh ! Re-bonjour Katherine, justement j'allais partir, excusez-moi j'ai mis un peu plus de temps que prévu... bon bah... à plus Tay' ! 

Et j'entends encore une fois la porte se fermer. Il est parti. Aaron est parti parce que ma mère est entrée, et étrangement je n'ai pas envie d'écouter ce que, elle, elle va me dire.

Alors je l'ignore.




H.

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