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Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, ni ce qu'il se passe actuellement, mais je vais mieux. La douleur s'est énormément estompé depuis cette fois où elle avait été omniprésente dans mon crâne. D'ailleurs ça fait un certain temps que cette crise est passée, il me semble. J'en aucune réelle idée à vrai dire, mais je sais en tout cas que cela fait bien longtemps que le bruit ne m'a pas vriller les oreilles. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait du bien. Je me sens mieux. J'ai l'impression que mon état s'améliore et ce n'est pas pour me déplaire. Ça me rend même heureux, parce qu'au fur et à mesure que le temps passe, je me rends compte que cette crise a débloqué quelques trucs chez moi et j'adore ça. J'ai de plus en plus de contrôle sur moi-même, et c'est tout ce que je voulais.

Je sens mon corps. Je veux dire, je sais qu'il est là, je ne suis plus enfermé dans mon crâne, avec pour seule certitude que seul ma tête existe à cause de la douleur incessante que je ressentais à ce niveau. Non, maintenant j'ai conscience de tout mon corps. Je ne sais pas dans quelle position je suis, certes, ni où je suis, mais j'ai conscience que mon corps existe et c'est énorme. Et puis, j'entends. Mieux du moins. Les sons sont toujours flous et étouffés par moment, mais j'entends. Tous les bruits ne me font plus mal, je les supporte. Et tout ça m'est précieux, parce que ça me donne quelques indications sur mon état.

Une parie de la masse noire sur ma mémoire est partie, et laisse s'échapper des informations que je capte au fur et à mesure. Non plus sous forme de souvenirs comme avant, mais plutôt comme des flashs. Et c'est tout aussi agréable. J'ai l'impression d'avancer, de comprendre, d'aller mieux. Et j'adore ça.

Parfois, j'entends des choses autour de moi, des chuchotements plus ou moins distincts, et dans ces moments-là j'ai envie de sourire comme jamais. Parce que s'il m'arrive de ne rien comprendre, j'arrive de temps en temps à capter des brides de conversations, à reconnaître des voix. Et puis, j'ai la certitude de ne pas être tout le temps seul, où que je sois et quoiqu'il m'arrive. Cette présence m'est précieuse j'ai l'impression, alors je la savoure dès qu'elle apparaît. Je sais que c'est souvent Aaron que j'entends, et parfois ma mère, mais à vrai dire je me fiche de savoir qui est avec moi tant qu'ils sont là. Et puis j'aime écouter les histoires qu'ils me racontent quand j'arrive à les comprendre ; je préfère ça aux sanglots qui me parviennent parfois. Eux, ravivent la douleur qui a maintenant disparu. Alors en général j'essaie de les ignorer, mais c'est compliqué de s'enfermer dans le silence quand le bruit nous entoure enfin.

Un bruit fort résonne et me fait grimacer intérieurement ; si les sons sont étouffés, je n'en suis pas mois sensible. J'attends, j'ai l'habitude de ce bruit, je sais ce qu'il veut dire. Dès que je l'entends, c'est que je vais assez bien ,que je suis assez concentré et éveillé pour entre ce qu'il se passe autour de moi.

̶ Salut ! balance Aaron. Ça va ? Je t'aurais bien fait un check mais tout faire tout seul c'est énervant à la longue alors on oublie, je vais juste prendre ta main. Je sais que ça va faire longtemps que je ne suis pas venu, mais j'ai dû régler quelques trucs avant, et puis je ne savais plus trop quoi te raconter et comme mes visites sont précieuses j'ai attendu d'avoir l'inspiration. Un peu comme toi quand 'écrivais tes chansons : tu les chantais jamais directement quand tu avais la mélodie et l'air, tu attendais de les avoir entièrement finies pour oser mettre ta voix dessus. C'est pareil pour moi. Donc j'ai attendu et au début de la semaine y a un moment qui m'est revenu en mémoire pendant que j'écoutais de la musique, alors je me suis dit que je pourrais put-être venir te le raconter. D'ailleurs j'ai longtemps hésiter à te faire écouter la musque qui va avec, mais vu comment t'as réagit il y a un mois et demi, je vais éviter. Je me suis déjà senti assez mal après ton arrêt, je ne vais pas tenter le diable non plus. Donc... j'ai décidé de venir te raconter, très cher, notre rencontre !

Il rigole un peu à cette annonce, et je l'imagine très bien ouvrir en grand les bras en sortant la fin de sa phrase. Sa voix me fait du bien, et j'ai l'impression qu'il parle avec le sourire, alors c'est encore plus agréable. Et puis, il me fait rire, à à chaque fois se plaindre qu'il doit tout faire parce que je ne peux pas lui dire bonjour. J'aime quand il me parle avec un ton détaché, j'en oublie que je ne comprends rien à ce qui m'arrive et ça me fait du bien, braiment. Par contre j'aimerais bien avoir des explications à propos de cet histoire d'arrêt, je ne vois pas de quoi il parle et ça m'embête un peu, bien que je lui fasse confiance.

̶ Alors, reprend t'il, on était en seconde si je me souviens bien, non ? Vers le milieu de l'année, en automne ou un truc comme ça puisqu'il faisait bon. Les écouteurs vissés aux oreilles avec plusieurs classiques – pour nous – qui rugissaient à tour de rôle dedans. Voilà comment tu étais quand j'ai enfin osé t'approcher. Une situation banale pour toi, puisque tu passais ton temps avec de la musique don ce n'était pas difficile de comprendre que tu voulais être seul, que tu détestais tout le monde. Mais le plus simple à deviner, c'était le style de musique que tu écoutais ou du moins pour moi : du rock, des grands classiques et des nouveautés, voir du métal parfois. Mon style de prédilection en quelques sortes. Déjà avant ça je te trouvais génial, ne me demande pas pourquoi, mais en sachant ça tu me paraissait encore plus... sympathique ? On va dire parce que je n'ai pas d'autre mot qui me vient à l'esprit. Mais tu ne restais jamais bien longtemps tranquille – je l'avais remarqué au début de l'année – et je pense que tu as dû t'y habitué à force, mais pour moi c'était insupportable de voir ça à chaque fois.

Je vois très bien de quoi il parle, même trop bien, et je sais déjà ce qu'il va me dire après.

̶ Toujours le même con, toujours le même scénario hein ? À la différence qu'on était dehors cette fois-ci, et que tu étais assis sur cette table de pique-nique dont personne n'osait s'approcher – sans doute parce que tu étais le seul à t'y installer. À part Josh évidemment. Et ces fidèles potes, mais eux ils ne comptent pas je pense qu'on est d'accord sur ce point-là, non ? Fallait s'attendre à un mauvais tour, mais de là à arracher les écouteurs de quelqu'un comme toi... je pense que même moi je n'aurais pas eu cette idée, pourtant tu connais mon tempérament blagueur. Sérieusement, qui peut se dire "Tiens il est tranquille, il fait rien et il a l'air d'apprécier la musique qu'il écoute, et si j'enlevais ses écouteurs ?" ? Non pardon, il les as pas enlevés, ni arrachés, il les a littéralement bousillés. Comment peux-tu réussir à couper en deux des écouteurs en tirant dessus ? Il est pas croyable ce gars. Juste après les avoir débranchés violemment de ton téléphone en plus, je crois qu'il voulait mourir ce mec, sérieux. À quel moment quelqu'un peut s'octroyer le droit de déranger ainsi quelqu'un et en plus, après ça, de casser quelque chose qui ne lui appartient pas.

Josh dans toute sa splendeur. Ce que me raconte Aaron ne me choque même pas. La partie de ma mémoire qui contient ma rencontre est encore un peu flou, mais j'ai le vague souvenir d'avoir eu envie d'assassiner l'autre imbécile.

̶ Je me rappelle très bien ton regard. Tu as juste relevé les yeux vers lui, soulevant un peu la tête, lentement, lui lançant cet avertissement avec tes prunelles ; tu sais le regard qui veux dire "toi, tu vas le regretter" et qui aurait pétrifié n'importe qui sur place. Mais il faut croire que cet imbécile n'avait vraiment rien dans la tête. Je ne me souviens plus de ce qu'il te disait tu m'excuse mais j'écoutais ta musique maintenant exposée à tous : un air de Muse, Dead inside, si je me souviens bien. Ah cette chanson ! Elle représente beaucoup pour toi si je ne me trompe pas, mais je t'ai jamais dit que pour moi aussi. Évidemment, il faut bien qu'un de nous deux soit optimiste et positif dans la vie, non ? Et vu que de toute évidence ce n'est pas toi qui l'est, n'est-ce pas, je me vois attribuer ce rôle.

Il souffle en disant ça, et je ne peux qu'approuver ses dires. De nous deux, je suis loin d'être celui dont les pensées sont joyeuses. Rien dans les quelques flashs que j'ai eu et qui me sont gravés en mémoires je peux le voir. Ça me paraît même évident. Par contre, j'aimerais bien savoir pourquoi cette chanson a une telle importance pour lui ; encore une question sans réponse.

̶ Enfin, je t'en parlerai plus tard de ça, quand t'auras ouvert tes putains d'yeux bleus, même si avant, j'estime que tu me dois des excuses ! d'ailleurs, excuse-moi si je suis vulgaire par moments mais j'ai de plus en plus de mal à contrôler mon vocabulaire depuis que tu n'est plus tout le temps avec moi. Mais bon je sais que tu ne le verras pas sous cet angle pour les excuses donc... je passe au-dessus de ça ne t'inquiète pas, pour cette fois. En revanche je rêve encore des excuses que te dois l'autre imbécile de Josh. Tu veux savoir ce qui m'a fait réagir dans ce qu'il a fait, pourquoi cette fois-ci je me suis bougé contrairement aux autres fois ? Non pas ce que cet diot de première pouvait raconter, mais ce qu'il a voulu faire. Tu sais, j'avais commencé à me rapprocher pour voir ta réaction après qu'ils s'en soit encore prit à toi. Il était dos à moi donc je ne voyais qu'une partie de ses mouvements, mais j'ai bien vu son bras se tendre vers ton portable, le prendre, le relever et s'apprêter à le jeter au sol. C'est là que je suis intervenu, tu te souviens ? J'ai juste intercepté son poignet et je lui ai sorti un truc du style : "Jeter un téléphone portable au sol.... grand con, je ferai pas ça si j'étais toi. Encore moins un téléphone qui n'est pas à toi, qui plus est avec un tel répertoire musicale.". Sans même m'en rendre compte en plus, c'était comme un automatisme ! Par contre, en repensant à ce que j'ai dit j'ai honte, sérieusement. J'arrive pas à croire que j'ai pu dire ça. On sait tous les deux l'étendu de mon vocabulaire alors en comparaison, ce que je lui ai dit, c'est n'importe quoi, vraiment. Et ouais je crois que j'étais assez susceptible par rapport à la musique et tout, tu me l'as toujours dit de toute façon. Mais on se ressemble sur ce point non ? Tu te souviens le regard qu'il m'a lancé juste après ? Il aurait pu me tuer rien qu'avec la couleur de ses prunelles ! Un vrai sauvage, je crois que je l'ai même entendu grogner.

Il rit, et son rire est communicatif. Intérieurement je suis pris d'un fou rire en m'imaginant la scène. Je m'en souviens maintenant, c'était mémorable, mais je crois bien que le meilleure est à venir.




H.

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