4.35

̶ Ce n'est pas pour autant que je l'ai lâché, Aaron continue après s'être calmé bien que je sente encore l'hilarité dans sa voix, j'ai juste récupéré ton téléphone et je l'ai posé à côté de toi, la musique tournant encore. Et, dans la plus grande des coïncidences que j'aie jamais vue, au moment où il s'est brusquement et violemment délivré de mon emprise et préparé à me hurler dessus et peut-être – même certainement – à m'en mettre une, Seven nation army a commencé à retentir. Notre vie est vraiment un film j'ai l'impression, et tu connais cette impression que tout va au ralenti ? Eh bien c'est ce que j'ai ressenti pile à ce moment-là. J'ai entendu la première phrase : « I'm gonna fight 'em of », j'ai vu tes lèvres se relever légèrement en un sourire et, en un éclair, j'ai vu ton poing s'abattre sur la face de Josh.

Et le voilà qui se remet à rire, peinant à continuer. Mais je dois avouer que je suis dans le même état que lui. En même temps qui ne le serait pas ?

̶ C'était tellement jouissif ! Il était, genre... Totalement abasourdi et choqué ainsi que plus que sonné tu te rappelles ? C'était hilarant vraiment ! Tu t'es juste relevé de la table après ça, t'as pris ton portable et tu m'as fait un signe de tête puis tu t'es purement et simplement barré. c'était le meilleur départ que tu pouvais faire je crois : en marchant comme ça, tête haute, remettant une nouvelle paire d'écouteurs sortie de nulle part – sans doute une paire de secours – dans tes oreilles, m'empêchant d'entendre une note de plus, t'éloignant en me tournant le dos, me laissant presque plié en deux, hilare, essayant de contenir mon fou rire tant bien que mal.

Ouais, c'était assez mythique comme scène, je dois bien le reconnaître.

̶ Je dois t'avouer que tu m'as bien fait marrer ce jour là, même si tu ne m'a pas adressé la parole je sais que tu te sentais reconnaissant envers moi, je t'ai assez observé pour savoir te déchiffrer. Je dois t'avouer aussi que j'ai eu de la chance que Josh ne se venge pas sur moi, surtout que je t'ai aidé donc tout le monde aurait pensé qu'il me ferait mordre la poussière, mais je crois que ton coup de poing l'a calmé sur le moment. Je dis bien sur le moment. Parce que je sais qu'après il a continué à te chercher la merde. Enfin il a essayé. Toi tu l'a plus vu s'approcher de toi, je faisais en sorte qu'il s'éloigne. Pas que je me prenais pour un preux chevalier cherchant à sauver la princesse en détresse, mais on va dire qu'il n'avait pas l'habitude que quelqu'un se dresse contre lui, donc il a changé de cible tout simplement. Ça tu ne le savais pas, et c'est peut être pas le meilleur moment pour te le dire, mais mieux vaut tard que jamais non ?

Aaron rit nerveusement en disant ça. Il est stressé à cause de cette révélation, ça s'entend dans sa voix, et je dois avouer qu'il a raison. Actuellement je le déteste pour avoir fait ça. Je ne voulais pas qu'il ait de problèmes à cause de moi et il le sait. Et puis... Je lui en veux un peu d'avoir sous-entendu que j'étais une princesse. En temps normal il ne se serait pas privé pour me ressortir ce surnom n'importe quand, alors j'appréhende un peu de savoir s'il va oser le faire aux vues de la situation.

̶ Attention, je ne te raconte pas ça pour que tu te sentes reconnaissant hein, je sais juste que tu n'avais jamais compris pourquoi il avait arrêté de s'en prendre à toi. Tu avais même finis par penser que c'était ton coup de poing qui l'avait calmé, bonjour les chevilles ! Tout le monde savait qu'il s'en prenait à moi, sauf toi. Je t'ai préservé de cela on va dire. Et je cachais les marques qu'il pouvait me faire. Bien sûr, tu t'en serais douté sinon, n'est-ce pas ? Tu n'aurais pas été assez con pour croire que j'étais tombé ou autre, pas comme mes parents ou comme les profs. Enfin, ce n'était pas non plus comme si tu me regardais tout le temps après ça ou comme si tu avais fait de moi ton meilleur ami mais cet épisode nous as permis de nous rapprocher c'est vrai. Je veux dire, de se faire un signe de tête pour nous dire bonjour. C'est un début, je ne vais pas critiquer ! Après, de mon côté, je continuais ma routine habituelle. Je t'observais, je mémorisais tes réactions, tes paroles, tes gestes, certains moments importants, ton rire et autres... je n'en était pas encore au point de te prendre en photo en cachette, sans que tu me vois pour la mettre en fond d'écran, la regarder le soir, et que sais-je d'autre. Mon dieu, dit comme ça ma phrase me fait passer pur un vrai psychopathe pervers... Pourtant je te promets que je ne le suis pas ! Ça on l'a été ensemble, quand on se tapait des délires par la suite, mais c'est une autre histoire. À ce moment là, je me contentais de t'observer.

Je peux sentir son sourire pendant ces dernières phrases, et il  me fait rire à parler de ça. Et, même si je ne me souviens pas de toutes les fois dont il parle, je ne peux que m'imaginer ce que l'on a pu faire tous les deux. 

̶ Tu m'intriguais, je n'y peux rien. T'étais mystérieux, t'envoyais bouler tout le monde alors qu'un an en arrière, avant le lycée, t'étais le mec le plus sympa, le plus souriant que j'avais jamais vu. T'as énormément changé au moment du passage au lycée. Moi je n'ai jamais changé, enfin seulement quand j'ai décidé d'intervenir. Tu te souviens de comment j'étais ? J'ai toujours été le petit timide, enfin le grand muet de la classe, qui en sait beaucoup, qui voit beaucoup, et qui parfois plaisait au filles – aux mecs ça par contre je dois t'avouer que je ne sais pas. Le gars dont personne ne savait rien, c'était moi. Enfin c'était toi, mais moi on ne me remarquait pas et on ne faisait pas attention à moi du coup forcément.... Mais cette petite confrontation avec Josh m'a rendu célèbre, j'étais "le mec qui a osé t'aider" ! Mon dieu t'imagine ! L'abomination quoi ! Honte à moi, ouh shame on me ! Pouah je me dégoûte ! 

Il s'embrouille et s'est encore plus amusant. Il n'a pas perdu ses expressions ou son humour et ça fait du bien de l'entendre être comme ça.

̶ Non mais sans rire, à partir de ce moment j'ai eu une réputation de forgée, et depuis notre rencontre elle a bien évolué tu trouves pas ? Je suis passé d'invisible à, d'après les poufiasses de la gente féminine qui se croient tout permis, "carrément canon, absolument sexy, tellement mystérieux et tellement gentil". Et la tienne tu veux qu'on en parle ? Je te la rappelle hein : t'es passé de "mec horrible à qui faut pas parler" à "sexy, adorable, ténébreux, gay que tout le monde veut mettre dans son lit" en passant par "tapette, victime et écœurant". Tu te souviens de notre réaction en sachant ça ? Le fou rire qu'on a eu ? Ah punaise, nous deux, sexy et adorable ? Et bah, vu ta face y en a pas mal qui doivent être aveugle ! Aller je te taquine, t'es passable mon gars. Enfin de toute façon toi tu t'en fou, t'es comme moi. Même si tu m'énerve à être plus musclé que moi... attends j'aimerais bien te battre au bras de fer au moins une fois ! J'y suis pour rien moi si la nature ne m'a pas donné de muscles... ah mon dieu, tout ces défis qu'on s'est donné. Il y a en tellement... Je crois qu'en trois ans on en est arrivé à 578, si je me souviens bien du compte qu'on tenait. Notre objectif c'était 1000, on en est à un peu plus de la moitié. Et bordel j'ai hâte que tu te réveilles pour qu'on continue ! Ça me manque de faire des conneries avec toi. Ça me manque énormément même... 

Aaron perd de la joie vers la fin de son discours, et ça me fait peur. J'ai peur de la suite. Je n'aime pas quand il me parle de toutes les fois où il avait raison, je n'aime pas savoir que je lui fait mal, que je le rend triste. Je déteste ça.

̶ Putain qu'est-ce que t'a été con sur ce coup là Tay', et oui je suis vulgaire encore une fois.. pourquoi hein ? Pourquoi t'as fait ça ? Pourquoi tu ne m'as pas écouté hein ? Tu  ne m'écoutes jamais putain ! Je pensais qu'avec le temps tu avais compris que j'avais toujours  raison ! Je pensais que tu avais compris que ce n'était pas un jeu et pas une blague non plus ! J'ai toujours été le plus raisonnable de nous deux d'après toi hein, tu le disais à chaque fois. Et faut croire que t'avais raison ! Mais sur ce coup-là, j'aurais préféré que non, que se ne soit pas le cas, j'aurais préféré être à ta place aujourd'hui. Enfin pas exactement, parce que j'imagine que tu aurais été dans mon état actuel et que toi t'aurais réagi au quart de tour donc vaudrait mieux pas en fait, mais.... À choisir entre toi et moi, je préfère que se soit moi. Toi, il y a trop de gens qui tiennent à toi et tu t'en ai même pas de rendu compte hein...putain Tay', pour la seconde fois te vie et de notre amitié tu m'as déçu, genre énormément là...

Ses mots me heurtent, mais je ne peux rien dire. J'ai mal au cœur en l'entendant. Mais je sais qu'il ne dit jamais les choses pour rien, alors chacune de ses paroles, aussi douloureuses soient-elles, s'il les prononce, c'est que je l'ai mérité. Et moi j'aimerais bien savoir pourquoi, j'aimerais bien savoir ce que j'ai fait.

̶ Mais je m'égare et quelqu'un risque de rentrer donc vaudrait mieux pas qu'il me trouve en train de te faire la morale et de t'insulter tu ne penses pas ? Alors je vais plutôt finir de te raconter l'histoire de notre rencontre qu'en dis-tu ?




H.

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