30.70
Il a l'air de se battre avec lui-même, exactement comme moi.
Il est préoccupé, son regard a changé, et il n'arrête pas de s'agiter. Sa bouche s'ouvre et se referme sans cesse, comme s'il n'osait plus parler, comme s'il ne savait plus comment dire les choses.
Il devient fou à cause de ses tourments.
̶ Tay reviens moi ! crie-t-il à travers la chambre, avant de poser légèrement sa voix. Toutes ces choses que je viens de te dire, je veux les vivre avec toi, avec toi et personne d'autre ! Parce que... Parce que.... Parce que putain je t'aime !
C'est son coeur qui parle, alors que le mien fait une embardée. J'ai voulu les entendre tellement souvent ces quelques mots. Et je ne pense pas être capable de m'en remettre.
Ses yeux me fixent, me sondent, et je fais pareil. Je vois qu'il est sincère, et rien qu'à cette perspective, mon sourire s'agrandit et d'autres larmes se mettent à couler.
̶ Je t'aime ! reprend-t-il. Ça fait une éternité que je l'aie compris, mais je me refusais de te le dire, parce qu'on a jamais parler de nous comme ça, parce que parler amour c'était pas notre truc et que j'avais peur. J'avais peur de te faire souffrir et de briser quelque chose entre nous. Mais en te voyant comme ça, étendu devant moi, à ma portée mais tellement loin, la peau chaude, un sourire irrésistible sur les lèvres, je ne peux juste pas me retenir de te le dire. Parce que par-dessus tout j'ai peur pour toi, j'ai peur que tu n'y arrives pas, j'ai peur de ne jamais pouvoir te le redire. S'il fallait je te donnerais tout mon oxygène, toute ma force, toutes mes joies, tous mes sourires ! Je m'en fiche, prends-les, ils sont déjà à toi ! Je pourrais tout faire pour que tu te sois à nouveau toi, le toi que j'aie connu et qui m'a fait tomber et vivre!
Je ne sais pas comment réagir. Je veux juste bouger, tendre mes bras vers lui, me lever et aller l'enlacer, l'embrasser.
̶ Aller Tay', continue-t-il d'une voix douce et un air suppliant sur le visage, la main tendu vers moi alors qu'il me paraît hors d'atteinte. Aller Taylor, tu peux y arriver, je sais que tu peux le faire. Si... Si tu savais l'envie que j'avais de poser mes lèvres sur les tiennes, mais je refuse de le faire tant que tu ne parles pas, je veux que tu le vives en pouvant bouger. Bordel, j'ai envie que ça vienne de toi, et non de moi. J'ai envie d'avoir une réponse avant de faire quoique se soit.
Il me regarde encore, esquisse un pas vers moi, attend que je bouge. Mais je suis bloqué, ma respiration aussi. Je ne sais pas quoi faire, j'ai envie de le rejoindre, mais je ne sais plus comment bouger mes jambes. J'ai l'impression d'avoir tout oublier. De ne plus savoir rien faire.
Je suis sous le choc.
Mais bordel, je crève d'envie qu'il se rapproche et qu'il m'embrasse. Je crève d'envie qu'il m'enlace. Je crève d'envie de vivre pour lui, avec lui.
Mais il fait tout l'inverse. Il s'arrête, soupire et se retourne, s'éloignant de mon lit en parlant à une vitesse qui rend son dialogue incompréhensible.
J'ai envie de le hurler en le voyant faire ça, et j'arrive à ouvrir ma bouche, mais aucun son ne veut bien sortir. Je suis muet, mais je hurle à l'intérieur.
Mais qu'est-ce qu'il fait ?
Les larmes coulent et coulent encore, de tristesse et de douleur. J'ai l'impression qu'il me quitte, qu'il abandonne.
J'ai l'impression qu'il m'abandonne.
Et je ne sais pas pourquoi, la vague de souffrance qui m'envahi me redonne plus de force que je n'en ai jamais eu. Elle me redonne la possibilité de refaire tout ce que je ne pouvais plus. Lentement, très lentement, j'arrive à bouger ma main, alors qu'Aaron atteint la porte en calmant légèrement son débit de parole, s'adressant à moi sans me jeter un seul regard.
̶ Et puis merde, lâche-t-il d'une voix froide et pleine de colère. Quel con je fais. J'en perds mes mots. Je perds mes mots pour toi. Tu me mets dans tous mes états Tay', vraiment, d'une force que tu n'imagines même pas. Tu as toujours fait ça, tu m'as toujours perturbé, tu m'as toujours fait rougir, tu m'as toujours bouleversé. Je ne sais pas comment réagir, je ne sais pas comment faire, je ne sais pas comment t'aider. J'ai vraiment cru qu'en te disant tout ce que je ressentais tu allais avoir le déclic qu'il te manque. Mais apparemment non.
Ce que j'ai pu être stupide. Tu ne vas pas te mettre à bouger comme ça, du jour au lendemain. Il ne suffit pas juste d'y croire, et puis je suis sûr que mes paroles ne te touchent même pas. À quoi bon continuer de gâcher ma salive ? Tu ne parleras pas, tu ne me reviendras pas, tu resteras dans ce putain de silence et tu ne seras plus jamais comme avant, jamais.
Parce que la vie en a décidé ainsi, parce que t'as essayé de te suicider, parce que tu ne m'as pas écouté, parce que je n'ai pas réussi à te sauver, parce que je pensais que t'en avais finis de tout ça.
J'ai cru, l'espace d'un instant j'ai osez croire que la vie était belle, j'ai cru que tu t'en étais sorti, j'ai eu un excès de confiance en toi, et me voilà maintenant.
Putain mais pourquoi t'as fait ça ?
Je ne peux même plus te dire que tu m'as déçu, parce que ça ne sert à rien, vraisemblablement. Tu m'écoutes pas, tu ne réagis pas, et tu vas partir, m'oublier, me laisser. Alors, peut-être qu'il vaudrait mieux que je le fasse à ta place, avant que tu ne me brises comme il a pu te briser avant.
Tu sais, je croyais en toi, je croyais en toute la vie qui s'offrait à toi, je croyais en tout ce qu'on allait faire ensemble, je croyais en nous. Et finalement je n'aurais pas dû. Je suis tombé pour toi, littéralement. Je me suis effondré, je me suis fracassé la gueule, je me suis gamelé. Je suis tombé amoureux de toi, pas en un regard, non, mais avec nos discussions, nos lectures, tes chansons, tes mots, tes délires. Tu m'as fait tombé avec tout ton être y compris tes cicatrices que tu hais tant.
Je suis tombé amoureux de toi, je me suis retenu de te le dire durant longtemps, et maintenant que je te le clame j'ai envie de pleurer. Je veux pleurer parce que tu ne me répondras pas, parce que tu n'y accordes probablement aucune importance, parce que tu n'es pas avec moi tout simplement, t'es là-bas, derrière ton mur que tu t'obstines à construire avec ton silence. Et bordel, ça fait mal, ça fait tellement mal. J'en crierais si je pouvais, si après on ne me jetterais pas de ta chambre, s'il me restait encore de la voix, de la force. Ça me tue de l'intérieur, c'est pire que tout, ça empire le manque, ça empire la peur, ça empire tout.
Je veux pouvoir t'observer à nouveau, je veux me plonger dans tes yeux ne serait-ce qu'une dernière fois. Mais je ne peux même pas, j'aurais trop mal de voir l'indifférence ou alors le dégoût dans ton regard.
Toutes ces fois où tu m'as dis que tu voulais mourir, rejoindre les cieux, prendre ton envole, toutes ces fois ont dû t'enlever la totalité de ta force, malgré mes nombreuses tentatives pour te maintenir en vie.
Je n'étais tout simplement pas suffisant pour toi.
Aaron s'arrête et soupire, la main sur la poignée de la porte. Ce qu'il dit me tue, petit à petit. Ces mots me touchent, me blessent, me brisent. Je ne sais pas comment réagir. Je suis toujours là, bien éveillé, et il me considère presque comme parti. Je déteste ça. Je suis là, je peux sentir mon corps bouger, je peux sentir mes cordes vocales s'activer.
̶ Et puis merde ! souffle-t-il à nouveau, résigné. Tu devais avoir raison quand on parlait de tes idées noires, tu n'es pas un enfant de la vie, tu es juste un putain d'enfant de la mort ! Parce que ouais, tu devais avoir raison hein, t'étais sans doute pas fait pour la vie, t'étais fait pour mourir, et nous laissé tous seuls ici !
— Je t'aime.
Ma voix est rauque, grave, enrouée, cassée mais qu'importe puisque je referme ma bouche presque aussitôt, incapable de dire quelque chose d'autre. Je peux voir son corps se tendre et lentement se retourner, alors que je me mure dans un silence à nouveau.
Je n'ai plus de force.
Je crois qu'il me regarde, je n'en sais rien, moi je ne le regarde plus.
Ses mots, ses mots m'ont comme tout enlevé. J'ai mal, je suis triste, détruit. Ma tête est lourde, mon corps aussi, et j'ai l'impression que mon corps m'échappe.
Mes paupières se ferment d'elles-même. Je ne veux plus voir personne.
Je suis certain de pouvoir entendre mon coeur se briser, je suis certain de pouvoir entendre l'air refuser d'entrer dans mes poumons.
Il préférerait me voir mort plutôt qu'ici, et je le préférerais aussi. Au moins, je n'aurais pas eu le coeur briser.
Il a toujours raison, je le sais, il l'a prouvé de multiples fois, alors pourquoi aurait-il tort cette fis-ci ? Il ne peut pas, tout simplement.
Je l'entends s'approcher rapidement de mon lit.
Je l'entends me parler.
Mais je ne l'écoute pas.
Je le sens me secouer.
Je le sens toucher mon visage.
Mais je n'ouvre pas les yeux.
Et je ne les ouvrirai plus.
*
Alors que le jeune garçon s'acharne sur son meilleur ami, les machines se remettent à sonner. Voilà longtemps que ce vacarme n'avait pas résonné.
Le bruit s'allie aux supplications du jeune homme qui refuse de s'écarter de la personne qu'il aime. Comment le pourrait-il ? C'est de sa faute, il le sait. Et il a mal.
L'équipe médicale s'active dans la chambre et le force à sortir, alors que déjà un médecin essaye de ramener l'adolescent.
Dans le couloir, seuls deux personnes savent ce qu'il se passe. Et parmi eux, le garçon n'arrive pas à se calmer. il panique, il hyper-ventile, il pleure, il hurle. Alors que son ami fait tout pour le calmer.
̶ Aroon, Aaron écoute-moi, écoute-moi d'accord ? fait-elle d'une voix douce. Tu dois te calmer d'accord ? Tu dois respirer un grand coup et te calmer. Taylor est entre de bonnes mains.
L'intéressé la regarde sans vraiment l'entedre, il ne pense qu'à une seule chose.
C'est de sa faute.
C'est de sa faute.
C'est de sa faute.
̶ C'est de ma faute, c'est de ma faute, c'est de ma faute, répète-t-il comme une litanie. Alice je ne voulais pas, je ne voulais pas dire tout ça, j'étais juste énervé parce qu'il ne me répondait pas ! Je ne voulais pas, je ne pensais pas qu'il allait réagir comme ça ! Je suis tellement désolé Alice, tellement désolé. Tu lui diras hein ? tu lui diras que je m'en veux et que je ne le pensais pas ? Tu lui diras hein ? Tu lui diras que je l'aime hein ? Tu lui diras ? Tu lui diras que je veux le voir et que je suis plus que désolé ? Tu lui diras hein ?
̶ C'est promis Aaron, c'est promis.
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