29.8

Risqué. C'est le cas de le dire Fabien. Tu veux parler de la vie avec quelqu'un qui a essayé de se l'ôter et qui parfois a encore envie de la fuir.

Pourquoi ? Et puis... La vie, c'est vaste comme sujet, c'est vaste comme idée.

— Je sais très bien que tu as essayé de te suicider et que c'est pour ça que tu es inconscient sur ce lit d'hôpital. Alors, oui te parler de la vie peut paraître stupide, mais je pense que personne ne t'a dit ce que je m'apprête à te dire, bien trop occuper à s'excuser ou bien à te supplier de te réveiller. Il faut bien que quelqu'un brise la routine non ? Alors oui, aujourd'hui, je me porte volontaire, en espérant que mes mots arriveront droit à ton cœur, et que tu comprendra ce que tout le monde veut te dire mais que personne n'ose.

Je vais commencer simplement : Taylor, la vie c'est important.

On ne doit pas jouer avec, on ne doit pas la surestimer ou encore la sous-estimer.

La vie est ce qu'elle est, et on ne pourra rien y faire, si ce n'est essayer de l'améliorer. Si tu veux te la pourrir, là est ton droit, là est ton choix, certes, mais à quoi bon ?

La vie n'est pas sujette aux plaisanteries, d'accord ?

C'est tout bête à dire, et on peut littéralement me contredire très facilement, mais il n'empêche que ce que je ds est vrai.

Dis-moi, le bonheur, tu penses qu'il est inné chez certains ? Non.

La vie est faite de recherche, de rêve, d'épreuve, de trouvailles, de joies, de peines et de tristesse. De rires aussi. C'est ainsi. La vie est faite de tout, et si jamais on venait à lui enlever un de ces piliers, elle ne serait plus elle-même.

Essayer de l'anéantir ? Pourquoi ? Pourquoi la fuir ? Il y a quelque chose qui réside en chacun de nous nommée force. Et ça tu vois, tu dois l'exploiter au maximum. Alors oui, tu peux avoir mal à en crever, mais il y a toujours un moment ou un sourire apparaîtra sur ton visage. C'est toujours aussi bête de dire ça, et ça sonne très... répétitif, mais je ne pourrais pas faire autrement.

Je ne sais pas vraiment comment expliquer ce que j'aie en tête. Il n'y a vraiment que moi pour commencer un discours et ne pas pouvoir le continuer parce que je ne sais pas m'exprimer. Quoique, je crois que tu le faisais aussi, ou du moins c'est ce que tu as fait à l'enterrement de Mae. Enfin bref, ne parlons pas des sujets qui fâchent et revenons en à nos moutons.

Ta vision de la vie doit être démesurément noire, je l'imagine. Moi aussi j'ai été comme ça à la mort de Mae. Je pense que tu peux le comprendre, et je suppose que toi cette période a commencé un peu avant moi. Toujours étant que je comprends en quelques sortes ce que tu a dû ressentir. Mais, tu sais, Mae avait une vision des choses bien à elle, et c'est en me la rappelant que j 'aie réussi à m'en sortir. Tu dois t'en souvenir, j'en suis sûr. Elle le clamait haut et fort, à qui voulais l'entendre, et dès que quelqu'un allait mal. Tu sais, toute ces fois où elle arrivait de nulle part et où elle te rappelait que les tout petits détails sont les plus beaux ? Eh bien, tout ça, je pense que tu devrais le garder en mémoire. Parce que la vie est faite de toutes ces petits choses qui sont magnifiques et qui, même dans les moments les plus sombres ou encore les tristes, te rappellent que tu peux toujours t'en sortir.

Je veux que tu le gardes en mémoire. C'est tout.

Et si c'est ce que Fabien veut, je le ferai.

— Tu sais, la mort est étroitement liée à la vie et on ne pourra jamais changé cela. Tout comme le bonheur est étroitement lié au malheur, la tristesse à la joie, les rires aux larmes. Je pourrais continuer comme ça pendant des heures. C'est ainsi, il y aura toujours une chose et son contraire qui se compléteront, car il faut de tout pour avancer.

Comment peut-on prétendre connaître le bonheur absolu sans avoir connu une peine immense ?

Comment peut-on prétendre pleurer comme personne ne l'a fait si l'on a pas déjà auparavant ris comme personne ne l'a fait ?

Et inversement bien entendu. Tu vois, on ne pourra jamais changer cela. Les contraires s'attirent et forment la paire pour créer un semblant de vie stable. Après, là tu dois entrer en jeu. Si tu abandonnes – rassure-toi je ne vais pas dire que tu es lâche, c'est tout l'inverse car il faut du courage, beaucoup de courage, pour admettre que l'on n'y arrive pas ou plus – tu gâches juste cette chance de découvrir le monde.

Il n'y a pas assez d'une vie pour voir et découvrir toutes les merveilles présentes sur Terre.

Il n'y a pas assez d'une vie pour réaliser tous les rêches que tu possèdes.

Alors pourquoi l'écourter volontairement ? Je sais très bien que pour certains, leur rêve est la mort elle-même, et je comprends cela. Mais toi, toi Taylor. Tu as des dizaines de rêves inachevés, et n'essaye pas de me faire croire le contraire car je sais très bien les plus importants à tes yeux.

As-tu réussi à écrire une chanson qui a changé le monde ?

As-tu visité l'Angleterre, les États-Unis, l'Irlande, la Suisse, le Japon ?

As-tu trouver l'amour de ta vie ?

Es-tu devenu chanteur ?

As-tu pu acheter le livre de ton meilleur ami pour avoir une dédicace en avant première ?

Non. Non Tu ne l'as pas encore fait.

Alors dis-moi, qu'est-ce que tu attends ?

Tu crois vraiment qu'en te donnant la mort tu vas être satisfait, alors que tant de choses te font envie ici-bas ?

Tu n'en a peut-être pas la force, mais et alors ?

Ces objectifs sont censés te la donner. Crois-y suffisamment fort, et tu verras que de juste y croire et que tu le feras. Quand on veut on peut Taylor. Même si cela prend du temps, même si cela est dur. Quand on veut on peut, et je pense que tu l'as un peu oublié ces derniers temps. Je me trompe ?

Il a raison. Il a raison et il le sait. Son discours me gonfle d'une motivation nouvelle, et je n'arrive presque pas à la contenir.

— Non, continue-t-il, ne me réponds pas, je connais déjà la réponse. Tu pense que je vais m'arrêter là ? Non, crois-moi. J'ai encore plein de choses à dire. Je pourrais te parler ainsi durant des jours s'il le faut. Mais je vais aller à l'essentiel.

Au-delà de ce que les autres veulent pour toi, ne crois-tu pas que tes désirs les plus fous méritent d'être écoutés ?

Ne penses-tu pas que te lever le matin et juste sourire bêtement est plaisant ?

Ne penses-tu qu'il y a énormément de choses sur Terre que tu aimes plus que tout ?

Sois égoïste pour une fois, et réfléchis-y : es-tu vraiment prêt à aller vers l'inconnu, vers le noir complet et a laisser la musique, l'écriture, la lecture, derrière toi. La plupart du monde serait effrayé face à ça. Moi, je le suis. Certes, tu es courageux, mais ne le serais-tu pas plus en osant voir le bon quand tout autour de toi te fait souffrir ? Tu sais, la douleur est éphémère. Elle aura beau t'oppresser et t'habiter le plus longtemps possible, tu pourras toujours la vaincre, aidé ou non.

Il s'arrête et je l'entends se pencher vers moi, à tel point que son souffle m'est audible.

— Alors Taylor, reprend-t-il, dis-moi, veux tu vivre toutes ces choses qui te font rêver, aimer, voyager, rire, danser, écrire, chanter, ou bien veux-tu mourir sans avoir pris le temps de profiter ?

Taylor, tu as dix-neuf ans, toute la vie devant toi, un cœur gros comme le monde, des promesses de choses plus belles les unes que les autres à venir, alors vis.

Oh et, une dernière choses avant que je ne doive te laisser. Je t'ai dis tout à l'heure de ne pas écouter l'avis des autres, mais je crois bien qu'il y a une personne qui a toujours été la voix de la sagesse : ma fille.

Tu sais Taylor, tu es comme mon fils, au même titre que tu étais en quelques sortes le frère de Mae. Et puis, je pense que tu sais aussi qu'elle n'aurait jamais voulu ça pour toi, jamais.

Parce que, elle, elle voulait et elle voudrait encore aujourd'hui, que tu vives.

Il s'arrête, se stoppe, relâche la pression qu'il exerçait sur ma main et se laisse tomber en arrière sur le siège. Je l'entends souffler et pouffer mais je n'y prête pas attention.

Je suis obnubilé par ses mots. Il sait le poids que je leur accorde. Et les mots, peu importe de qui ils viennent, dès qu'ils se rapportent à Mae, ont une importance toute particulière pour moi. Et ceux-ci, ceux de son père, ils sont quasiment en haut de la liste.

Et je ne m'y attendais pas.

Que dire, que faire ? Je suis perdu, je suis touché, je suis ému, je suis estomaqué. Je n'avais jamais réfléchi à la vie de cette façon, j'avais toujours refusé d'écouter les autres.

Et puis, je crois bien que j'aie envie de vivre.

Et puis, je crois bien que mon cœur se gonfle d'une force nouvelle, que mon visage se fend d'un sourire éclatant.

Et puis, je crois bien que j'aie réussi, je suis seulement endormi.

Sans que je ne m'y attende, la porte claque me faisant sursauter. Mes yeux s'ouvrent d'eux-même, se retrouvant agressés par la lumière de la pièce.

Il n'y a personne avec moi, personne pour assister à mon réveil. Pourtant j'ai envie de le crier sur tous les toits, j'ai envie de mettre tout le monde au courant.

— Je suis réveillé, murmuré-je d'une voix basse et cassée.

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