29.4
Les saignements de mon cœur dus au début de son discours ont quasiment cessé. J'ai toujours mal, je pleurs toujours silencieusement, mais qu'importe. La joie commence à prendre dessus sans que je sache pourquoi, et j'ai bien peur de me rendre compte que les sentiments sont encore là.
J'oublie tout, Bauryce a cet effet amnésique sur moi, et tout ce que je pouvais ressentir pour les autres s'échappe, s'en va et me laisse seul face à mon ancien amour.
Est-il toujours ancien d'ailleurs ? Puis-je toujours le qualifier ainsi ? Ou est-il toujours d'actualité ?
La question se pose, et a lieu d'être contrairement à ce que j'aurais pu penser il y a quelques temps. Est-ce qu'après cinq années j'ai réellement réussi à l'oublier, ou bien hante-t-il encore mes pensées les plus secrètes, cachées de tous et même de moi-même ?
Je suis perdu.
̶ Depuis combien de temps suis-je à ton chevet ? Je n'en ai aucune idée. Mais cela suffit à me perdre et à me rendre plus confus que jamais. Tu as toujours eu cet effet-là sur moi, tu te souviens ? Je perdais mes moyens en ta présence, je perdais mes mots – bien que pas très travaillés – ou encore mes habitudes.
Tu me bouleversais, tu me bouleverses encore aujourd'hui, et tu me bouleverseras sans doute toujours.
C'est vraiment étrange à dire, mais je ne sais pas comment l'expliquer autrement. Tu seras toujours dans mon cœur, peut-être qu'avec le temps tu ne seras plus le numéro un, en tout cas je l'espère car sinon – à moins que l'on soit ensemble – ma vie risque d'être bien triste. Je crois que je déraille un peu, et que la folie me guette de plus en plus. C'est étrange, ce sentiment que j'aie depuis que je t'aie revu. Tu sais, cette espèce de nostalgie, de mélancolie, par rapport à nous. Je ne sais pas sur quoi elle est fondée, et ça m'embête un peu.
Je crois bien que je t'aime toujours Taylor.
Je crois bien que je suis toujours fou de toi, éperdument amoureux et que mon cœur t'appartient encore, après tant d'années.
Je ne sais même pas pourquoi je te dis que je crois, puisqu'en réalité j'en sûr. Je pense que j'essaye juste de ne pas être trop rude dans les révélations. Enfin, tu avais dû le comprendre avec tout mon petit discours, non ?
Après la bombe que m'avait lâché mon frère, cela ne suffisait pas je suppose.
Boom. En voilà une deuxième.
Boom, je perds mes mots.
Boom, je m'en doutais peut-être au fond de moi.
Boom, je suis littéralement perdu.
Boom, pourquoi ?
Boom, boom, boom. Mon cœur s'emballe, mon cœur me lâche.
Pourquoi Bauryce ?
̶ La tentation est là Taylor, bien présente, et elle me tourmente bien plus que tout à l'heure. Mon dieu que tes lèvres sont attrayantes.
Dis, tu m'en voudrais si je cédais ?
Après tout, ce ne serait pas la première fois que je t'embrasserais, non ?
Après tout, qu'as-tu à perdre ?
Après tout, qu'ai-je à perdre ?
Après tout, est-ce que tu m'entends ?
Après tout, est-ce que tu sens ta main dans les miennes ?
Après tout, est-ce que tu sais que je suis là ?
Alors dis-moi, qu'est-ce que cela peut bien changer que je t'embrasse ?
Surtout que ce ne serait pas un vrai baiser comme ceux auxquels je t'ai habitué.
Alors dis-moi, qu'est-ce qui me retient ?
Peut-être que je regretterais, ou bien peut-être que toi, tu regretteras – de ne pas pouvoir répondre je veux dire.
J'ai peur maintenant. Les machines s'affolent sans pour autant que cela alerte les infirmières, mais moi je l'entends et je le sens. J'ai peur de ce qu'il va faire, et j'ai peur d'en avoir envie. Je ne veux pas retomber dans ces bras. J'ai passé des mois et des mois à me remettre de notre rupture, et il m'en a fallu tout autant pour changer mon amour en haine. Je ne veux sentir à nouveau ces lèvres sur les miennes. Je ne veux pas qu'il le fasse. C'est ce que me dit ma raison, mon cerveau, mais je n'arrive pas à comprendre ce que veux mon cœur.
La chaise racle lentement sur les sol, le chaleur disparaît de ma main. Des froissements de vêtement ̶ une chemise, j'en suis quasiment sûr ; Le connaissant il a dû se vêtir de son éternel alliement chino-chemise ̶ se font entendre.
Pourquoi donc est-ce que je m'attache tant aux détails ? Pour me distraire.
Pour oublier le souffle provoquer par Bauryce qui s'abaisse.
Pour oublier que mon lit s'abaisse sur un côté, signe que mon ex petit-ami se maintient au-dessus de moi.
Pour oublier son souffle qui s'abat légèrement sur mon visage. Il sent une légère odeur de café, vestige de son tête à tête avec Fabien.
Pour oublier que je l'entends soupirer d'aise.
Pour oublier que je l'imagine en train de sourire en coin, doucement.
Pour oublier une de ses mains qui caresse doucement ma joue et dégage mes cheveux.
Pour oublier son petit rire.
Pour oublier ses lèvres sur ma joue, sur la commissure de mes lèvres.
Pour oublier ses lèvres sur les miennes.
Pour oublier qu'il m'embrasse et que mon cœur tressaute et rate un battement.
Il m'embrasse, et je suis incapable de l'en empêcher. Je ne sais pas si j'aime ou bien si cela me dégoûte, même si je penche pour la première option. Je ne sais pas ce que cela veut dire, et je pense que je ne veux pas le savoir.
J'ai l'impression que ce baiser dure des heures, ou bien seulement deux secondes. Je ne sais pas, j'ai tout oublié. Aaron n'est plus dans ma tête ni mon cœur, Mae a disparu, mes parents n'existent pas. Il n'y a que Bauryce et moi. Rien que nous deux, comme avant. Et je ne veux pas ça. Ce n'est pas réel. Tout cela a comme un goût de vieux, de périmé, de nostalgie. Comme un souvenir. Pourquoi ? La confusion est totale.
Il s'écarte de moi, je l'imagine replacer ses cheveux et ses vêtements. Il est lent dans ces gestes, comme si il voulait que le moment perdue encore. Pense à moi Bauryce, arrête de faire l'égoïste et de faire comme bon te semble. Il tousse légèrement, prends une grande respiration et fait à nouveau résonner le timbre de sa voix :
̶ Je ne vais pas m'excuser d'avoir succombé, j'espère juste que tu ne m'en veux pas. Ça m'avait manqué, réellement. Je pense que tu ne peux pas imaginer à quel point. Tes lèvres sont toujours ce qu'elles étaient à l'époque, toujours aussi... Agréable à embrasser. Et...
— Excuse-moi de t'interrompre Bauryce, mais ses parents vont bientôt arriver et je ne pense pas qu'ils accepteront ta présence ici. Il vaudrait mieux qu'ils me voient moi en train de lui parler, plutôt que toi.
La porte s'est ouverte, coupant mon ex petit-ami dans sa nouvelle tirade. Intérieurement je remercie Fabien d'être venu. Il va partir, et il ne reviendra plus, je l'espère. Il m'a beaucoup trop perdu pour que je veuille le voir à nouveau, ou même l'entendre à nouveau.
̶ Hum... Oui, tu as raison, merci Fabien, murmure Bauryce pour toute réponse, et je l'entend s'écarter de mon lit.
— Je suis vraiment désolé hein, mais je pense vraiment qu'il faut que tu y ailles.
— Oui, d'accord, eh bien... Peut-être à la prochaine Taylor.
Et la porte se ferme à nouveau. J'entends quelqu'un souffler dans la pièce, je suppose que Fabien est resté. Je le remercie encore une fois dans ma tête d'avoir insisté pour que Bauryce parte.
̶ Le petit enfoiré.
J'ai envie de rire dès que j'entends Fabien lâché ces mots, mais je suis d'accord avec lui.
Quel enfoiré.
̶ Tu m'excuseras d'avoir insisté, mais quand je lui ai proposé de venir je ne pensais pas qu'il allait prendre autant de temps et qu'il allait faire ça. Sérieusement, je te connais assez, ou du moins je connais assez tes parents pour savoir le mal qu'il t'a fait. Jamais je ne me serais douté qu'il oserait t'embrasser, sinon je ne l'aurais pas laissé venir. Te voler ainsi un baiser, alors qu'il n'est plus ton petit-ami et que tu es dans l'incapacité de donner ton accord est inadmissible je trouve. Je m'en veux un peu maintenant, je dois te l'avouer. Et puis, j'ai commencé à parler, mais je n'ai pas encore trouvé les mots pour exprimer ce que je voulais te dire ce matin. Donc tu m'excuseras encore une fois, mais je vais prendre un peu de temps pour y réfléchir. Essaye de ne pas trop ruminer sur Bauryce.
Il se tait à nouveau. Fabien a toujours eu cet aspect protecteur vis-à-vis de moi, et encore une fois, aujourd'hui je ne peux que l'en remercier. Qu'il prenne tout le temps qu'il veut, il en a bien le droit. Même si c'est désagréable, il vaut mieux que maintenant je réfléchisse à ce qu'il vient de se passer plutôt que d'y réfléchir plus tard.
Qu'est-ce que j'ai ressenti ? Ai-je aimé ? Indéniablement, j'ai apprécier ce baiser, mais tout comme j'aurais pu aimer n'importe lequel, de n'importe quel garçon. Alors, y a-t-il plus que cela, derrière tout ces sentiments. Y a-t-il encore de l'amour ? Moi qui était persuadé d'en aimer un autre, me voilà en train de douter.
Pourquoi Bauryce a-t-il fait ça, sérieusement ?
Son souvenir me hantait déjà bien assez, et il a fallu qu'il revienne et en plus qu'il m'embrasse... N'est-ce pas top ?
Le baiser, du moins ce que j'aie ressenti, avait un goût de nostalgie. Je n'étais pas heureux à proprement parlé, cela ne m'avait pas manqué non plus. C'est juste... le souvenir qui fait du bien.
Je m'étais battu pour l'oublier, pour le rendre écœurant, mais face au fait je ne peux rien faire.
Non, je n'aime plus Bauryce. Je sus encore énormément attaché à lui, soit, c'est mon premier amour. C'est fou comme une certitude peut vite arriver une fois que l'on décortique les événements.
Oui, Bauryce m'avait manqué, mais non, je ne voulais le revoir. Quant à moi, non je ne l'aime pas. Aaron est donc toujours placé à la première place dans mon cœur. Je m'en veux un peu de l'avoir momentanément oublié, mais tant pis, ce qui est fait est fait.
Je ne voulais pas ce baiser, je ne l'ai pas trahi. Et puis, qu'en a-t-il à faire après tout ?
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