28.35
C'est une relation particulière, j'en suis conscient, et bon sang ce que j'aime ça.
Nous sommes particuliers en tant qu'individu, et ensemble nous formons un tout bien différent des autres.
On ne peut réellement se définir, c'est en partie pour cela que je dis ça. Mon silence est de bonne augure, plus que jamais. Mes gestes envers Mae sont protecteurs, je veille sur elle au même titre qu'elle veille sur moi. Nous sommes dans une cercle de protection et d'attachement sans fin, et j'adore ça.
Elle frissonne légèrement dans mes bras, succombant à la légère brise de fin de journée. Je la serre un peu plus contre moi, la réchauffant de mon corps, en profitant pour lui faire en quelques sortes un câlin forcé. Elle rigole légèrement et je souris un peu plus, ma tête à moitié plongée dans sa chevelure. Dans un murmure, elle me parle, comme si elle avait peur de briser l'instant elle aussi, et je la comprends très bien :
̶ Merci.
̶ De rien Mae, répondis-je sur le même ton.
̶ Dis Tayly' ?
̶ Oui ?
̶ Tu veux bien me faire des papouille s'il-te-plaît ?
Je me recule un peu, surpris par sa demande. Je me décale un peu sur le côté, de sorte à voir son visage. Elle fait une moue mignonne, me supplie avec son regard et me fixe dans les yeux. Je ris et ma bouche s'orne d'un sourire en coin, rieur. Sa tête est loin d'être ridicule, et je ne me moque pas d'elle. Loin de là. Je ne sais juste que trop bien ce qu'elle essaie de faire. Elle sait comment m'attendrir et elle a pris l'habitude de la faire dès qu'elle n'est pas sûre que je réponde par l'affirmative à une de ces demandes. C'est de la triche, c'est déloyal, étant donné que je n'arrive pas à lui résister. Je rigole légèrement et observe son expression faciale changer, passant de la tête attendrissante à une tête renfrognée.
̶ Eh ! se renfrogne-t-elle. Pourquoi tu rigoles ? Arrête de te moquer de moi, j'ai bien le droit de vouloir des papouilles...
̶ Mais je n'ai rien dit sur ton droit petite tête, répliqué-je, c'est juste que tu sais très bien que je vais t'en faire et que tu n'as pas besoin d'essayer de m'attendrir.
̶ D'abord, je te signale que je ne peux pas savoir, parce que je suppose que tu gardes ce genre d'attentions pour ton Bauryce...
Je lui souris comme je peux et commence ma besogne, ne répondant pas à sa dernière remarque. Un couteau s'enfonce lentement dans mon cœur et me fait lentement oublier tout le plaisir que ce moment me procurait quelques secondes auparavant.
Elle ne sait pas qu'elle vient de faire une remarque douloureuse pour moi.
Elle ne sait pas que Bauryce est un sujet beaucoup trop sensible pour que je l'évoque.
Elle ne sait pas qu'il est parti et qu'il m'a quitté sans aucun signe avant coureur, sans aucune raison apparente.
Elle ne sait rien de tout cela, alors je ne peux pas lui en vouloir, je ne peux pas lui dire.
La cruauté de la choseest ainsi. Je ne peux pas me permettre de gâcher le moment de Mae, je ne peux pas me permettre de lui gâcher son bonheur. Alors je me tais, je me tais, me renferme, affiche un faux sourire sur mon visage et souffre en silence. Je fais comme si de rien n'était, et j'attends.
J'attends que mon cœur se calme et arrête de saigner.
J'attends que la douleur devienne supportable pour pouvoir parler.
J'attends tout simplement.
Je ne fais que ça. J'ai beau être accompagné, me voilà plus seul que jamais. Je suis enfermé dans le noir, totalement pris au piège dans ma bulle, et je ne peux plus en sortir. Je ne vois plus malgré mes yeux grands ouverts. Plus d'horizon, plus de coucher de soleil, plus de couleur flamboyante, plus d'étoile, plus de Mae.
Plus rien.
Juste du noir. Du noir, encore et encore. Du noir tout autour de moi, devant, derrière, à mes côtés. Du noir en moi, à l'intérieur de ma tête, de mon palpitant, de mon corps.
Je ne suis plus qu'obscurité.
Je ne suis plus que vide.
Je ne suis plus que néant.
Je ne suis plus rien.
Je suis anéanti.
Je suis seul.
Je suis triste.
Je suis désespéré.
Je suis la noirceur à l'état pur.
Je ne devrais pas ressentir tout ceci maintenant, alors que je ne suis pas seul. Mais c' est plus fort que moi, comme si être accompagné renforçait mon impression d'intense solitude. C'est étrange, et déplaisant en plus de ça. Je n'aime pas me sentir ainsi, mais c'est bien plus fort que moi. Je suis soumis à mon cœur et à mes émotions. En fait, je pense que cela a toujours été le cas. J'ai toujours été un peu trop faible pour pouvoir contrôler mes sentiments. Alors je me plie au bon vouloir de mon palpitant, qui saigne et pleure encore et toujours, sans s'en lasser.
Je m'éprends souvent des mauvaises personnes, je m'attache trop vite et je suis sans doute bien trop aimant. Mae est la seule qui est restée depuis le début, les autres finissent toujours par partir et m'abandonner, laissant mon pauvre petit cœur brisé derrière eux. Je ne fais plus attention aux mises en gardes que je peux recevoir et me contente de me préparer au pire dès que je commence à me prendre d'affection pour quelqu'un. Ainsi, je finis moins déçu et la douleur se fait moins forte. Enfin, en général. J'ai un peu oublié cette règle quand Bauryce est entré dans ma vie. Bien fait pour moi j'ai envie de dire, cela m'apprendra à oublier de me méfier.
J'attends. Où plutôt, j'observe le temps défiler sous mes yeux. Je suis maussade, mais n'en laisse rien paraître. Mes doigts jouent encore et toujours avec les cheveux de ma meilleure amie, et elle a l'air d'apprécier mes mouvements. Alors je continue, je me concentre sur mes mains, forçant mon esprit à chasser les images de mon ex petit-ami qui me viennent à l'esprit. La nuit tombe, les étoiles brillent de milles feux, accompagnées des lumières de la ville. La musique joue en boucle, ne s'arrêtant jamais. Mes yeux se mouillent légèrement et je dois fournir un effort surhumain pour ne pas les essuyer à l'aide de mes mains. Ce mouvement alerterait Mae, et il en est hors de question. Alors je ne bouge pas. Je clos doucement mes paupières, cherchant à faire rouler une seule et unique larme sur mes joues, puis les rouvre doucement. Je ne renifle pas, ne fais aucun geste brusque.
Au moment où la perle salée arrive sur ma joue, je lève mon bras et feins de me gratter, avant de le laisser retomber dans sa position initiale. Ma meilleure amie n'a rien remarqué, et je ne peux m'empêcher d'être un minimum fier de moi. J'arrive de mieux en mieux à cacher mes émotions, mes sentiments, mon mal-être. J' y travaille souvent, surtout en ce moment, surtout depuis son départ. J'apprends à ne plus me laisser submerger par des pleurs, j'apprends à ne plus craquer.
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