27.70

                    

̶ Taylor. Depuis tout à l'heure je me demande... Pourquoi est-ce qu'on a pas été fichu d'être deux frères aimants ?

Pourquoi on a pas su rester soudé ?

Pourquoi a-t-il fallu que la jalousie s'installe entre nous ?

Pourquoi a-t-il fallu que tout ça nous arrive?

Pourquoi a-t-il fallu que je t'abandonne ?

Pourquoi a-t-il fallu que tu essayes de te suicider?

Pourquoi a-t-il fallu que la vie s'acharne à ce point sur nous ?

Tu sais, je pense que je n'aurais jamais de réponses à mes questions.

Peut-être qu'elles sont trop osées. Peut-être que j'aie déjà les réponses.

Peut-être. Peut-être. Peut-être que.

J'ai trop de questions dans ma tête, je n'ai pas l'habitude et ça m'énerve. Ça me tape sur les nerfs, sur le système. Dis, est-ce que tu sais comment gérer les émotions ? Est-ce que tu sais comment on fait ? Parce que moi je n'y arrive pas et bordel ce que c'est chiant. Là j'ai tout qui me tombe dessus.

Y a deux jours je croyais que mon frère allait bien, qu'il me détestait, qu'il avait commencé ses études et qu'il réussissait comme toujours.

Et puis soudain tout s'effondre.

Tout s'effondre, tout s'écroule et tout me tombe dessus. Et moi je suis submergé et j'ai peur qu'il soit trop tard. Je n'arrive pas à gérer tout ça, c'est plus fort que moi. Je ne sais même pas comment le reste du monde fait, je sais juste que j'en suis incapable. Alors j'essaye de te parler pour tout remettre en place, parce que ça a marché avec maman et papa. Mais, je ne sais pas, j'ai l'impression de devoir me retenir, que je n'ai pas le droit de te demander d'aide, de te demande ton pardon, que je n'ai pas le droit de m'excuser de tout ce que j'ai fait.

Je suis pas le frère parfait, c'est sûr. Je suis pas l'homme parfait non plus. Mais je fais des efforts, et je continuerais d'en faire, sois en certain. Je sais que je vivais beaucoup dans les clichés et les stéréotypes avant. Du style : un mec doit être viril, il n'a pas le droit de pleurer, il doit protéger les filles, aimer le foot et aimer boire. Mais ça a changé tout ça. Je me suis rendu compte que c'était totalement con. Je ne sais plus quoi faire. J'ai l'impression de perdre le contrôle et j'hésite à abandonner là, tout de suite.

J'hésite à m'effondre en larmes sur ton lit, à hurler que j'en ai marre de toujours tout foirer, à hurler que je t'aime et que tu ne mérites certainement pas ça, à hurler que je ne suis qu'un connard inexpressif. J'ai envie de hurler pour une fois dans ma vie pour autre chose qu'engueuler quelqu'un.

Parce qu'aujourd'hui c'est moi que je veux secouer.

Je veux me foutre une bonne paire de baffes, histoire de m'ouvrir les yeux en grand et de me dire : regarde, regarde ce que tu perds, regarde ce que t'as perdu!

J'ai envie de me gueuler dessus, de toute ma voix, de toute la puissance que j'aie.

J'ai envie de me taper la tête contre les murs et contre la table pour me réveiller.

La vulgarité à tendance à partir en ce moment tu sais, mais la violence sera toujours là. J'en ai pris l'habitude et je suis tenté de dire que c'est la seule solution que je connais. Alors ne m'en veux pas si ce que je dis peut te paraître excessif, mais crois-moi c'est nécessaire. Faut que je me bouge, j'ai besoin d'un bon coup de pied au cul. Je dois absolument me réveiller parce que là ça ne va plus. Si je continu je vais perdre tout le monde, tout ce que je possède, tout ce qui m'est cher, et c'est hors de question.

Je t'ai perdu une fois, peut-être pour toujours, alors hors de question de continuer comme ça.

Et je crois que je vais avoir besoin de l'aide de quelqu'un.

Et ce quelqu'un, je veux que se soit toi Taylor.

Parce que je t'aime p'tit frère.

Il ne parle plus, ne renifle pas, ne sanglote pas. Je peux simplement sentir sa main se mettre à serrer la mienne si fort qu'il me fait mal.

Je ne m'étais pas rendu compte qu'il me toucher.

Je ne m'étais pas rendu compte que j'avais besoin d'entendre tout ça.

Je ne m'étais pas rendu compte que les larmes s'accumulaient sous mes paupières, sans pour autant s'échapper franchement.

J'ai envie de le prendre dans mes bras, il n'y a aucun doute là-dessus. Ses mots résonnent en moi encore et encore. J'ai fait l'effort de me concentrer dessus pour pourvoir saisir le sens concret de ses paroles, j'ai fait abstraction de la force qui me tirait vers je-ne-sais-où. Je me suis concentré sur mon frère, sur son appel à l'aide.

Et je suis en train de l'admirer.

Parce que lui, lui il a osé demandé de l'aide, il a osé le dire. Et c'est de moi dont il a besoin.

Comment ne pas le pardonner ? Bien sûr qu'il a mon pardon. Peut-être qu'il me restera plus tard une certaine rancune, mais bon sang, il est là, près de moi, il me parle, s'ouvre à moi, et je ne peux pas résister.

Parce que c'est mon frère, parce que la fraternité être n'a certes pas toujours été là, mais que j'aie envie de la retrouver une bonne fois pour toute.

Alors oui, je lui pardonne, à lui plus qu'à n'importe qui.

Alors oui, je vais l'aider.

Parce que maintenant il sera là pour moi, et je serais là pour lui.

Je le sais, je le sens. Je le comprends surtout, grâce à la présence de sa main dans la mienne, grâce à la force avec laquelle il s'accroche à moi, et celle avec laquelle je m'accroche à mon tour à lui.

Et j'ai tellement envie de la serrer pour lui montrer que je vais l'aider.

Et j'ai tellement envie que lui aussi il puisse le comprendre.

Et j'ai tellement envie qu'il remarque que moi aussi je m'accroche à lui.

Et j'ai tellement envie qu'il voit que je peux mettre autant de force que lui dans cette poignée de main.

Et j'ai bougé.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top