27.35

Si je pouvais, là, sur l'instant, avoir une barre de fer et le frapper avec, je pense que je le ferais. Je ne sais même pas quoi répondre à sa tirade.

Je suis en colère, triste, touché, vide de tout et plein de rien. Mon cœur part dans tous les sens. J'ai à la fois l'envie de le prendre dans mes bras et l'envie de le taper. J'ai envie de lui pardonner, et j'ai envie de le faire souffrir autant qu'il m'a fait souffrir.

Je suis un paradoxe humain, un paradoxe sur pattes. 

Tout ce que je veux est contradictoire, et plus encore. Je sais très bien qu'habituellement j'ai du mal à me mettre d'accord avec moi-même, cependant il y a certaine situations comme celle-ci où j'aimerais en être capable aisément. La bombe qu'il a lâché il y a quelques minutes continue de faire son effet, et toutes ces révélations qu'il continue de faire sans cesse, pour une fois avec les bons mots – même si ils doivent être vulgaire, on ne pourra jamais lui enlever ça – me chamboule. 

Parce qu'il est ainsi. 

Parce qu'il ne sait pas faire autrement. 

Parce qu'il ne connaît le vrai pouvoir des mots.

 Parce qu'il n'arrive pas à voir la beauté en eux.

 Parce qu'il ne sait pas montrer son amour. 

Parce qu'il ne sait qu'être vulgaire.

̶ Tu vois, je sais que je suis un con. C'est un grand pas non, comparé à il y a quelques années ? Il m'a fallu du temps pour l'admettre, et pas mal de volonté aussi. Mais j'ai fini par me dire que ce n'était pas normal de faire ce que je faisais. Et je voulais que tu le saches, parce que tu étais celui qui me répétait le plus de fois que j'étais, je cite, un enfoiré doublé d'un connard homophobe et raciste

Moi aussi je t'aime p'tit frère hein. 

Et puis, je cherchais un peu tes insultes. Enfin, tu m'en disais quand même quasiment aussi souvent que moi je te rappelles – et sans forcément que je te provoques –, mais apparemment ce n'était qu'à moi. Tu sais, j'ai passé plus de trois heures au téléphone avec maman quand elle m'a annoncé la nouvelle. On a parlé de toi, encore et encore. Seulement de toi. De ta vie après mon départ, des épreuves que tu as traversé, de ton état, de tes mots, de tes chansons, de tes rêves. Elle te connaît bien, moi qui pensais que tu ne t'ouvrais à personne. 

Tu sais, j'étais au courant pour Mae, je pensais juste ne pas avoir le droit de t'appeler pour te dire que j'étais désolé. Et puis, je t'avoue que sur le moment je ne voulais pas m'excuser. Je ne comprenais pas que je pouvais t'avoir fait mal. Je pensais que notre relation était comme ça et puis c'est tout, point final. 

Je te fais mal, tu me fais mal, je t'insultes tu m'insultes, et puis en secret on se protège.

Enfin je ne t'ai pas protégé donc je ne devrais pas dire ça mais bon... Tu sais, c'est juste que j'en avais marre d'être dans ton ombre alors que j'étais le plus grand. La jalousie est un vilain défaut oui, regarde ce que ça nous fait faire. J'ai fini par t'insulter et te faire du mal parce que je n'arrivais pas à accepter qu'on ne m'accorde pas plus d'attention. En même temps, ça n'aurait pas dû m'étonner. Je jurais tout le temps, je me battais, l'école c'était pas du tout ça, je passais mon temps à sécher et répondre aux profs. Et puis, toutes les remarques que je faisais, à tout le monde. Je ne sais pas si il existe dans le monde quelqu'un de plus détestable que celui que j'étais. Mais j'ai changé. Parce que maintenant, je me suis rendu compte que malgré ça les parents continuaient de m'idéaliser, de me soutenir, que même si on ne parlait pas aussi souvent de moi que de toi, on m'évoquait à d'autres occasions. Alors, je m'excuse si jamais tu as cru que je te détestais, si jamais tu as cru que je ne te considérais pas comme frère.

Parce que ce n'est pas le cas, c'est même tout le contraire. 

J'ai envie de pleurer, littéralement. Se rend-il compte de ce qu'il dit, de ce qu'il sous-entend ?

Mae... Il ose l'évoquer alors qu'il ne la connaissait pas. Ou du moins pas comme moi, pas comme nos parents. Et puis, il dit qu'il était jaloux, mais je ne sais pas si je peux le croire, ça me paraît beaucoup trop surréaliste tout ça. Je sais d'un côté que les gens parlaient beaucoup de moi à l'époque, mais n'a-t-il jamais entendu les parents le vanter encore et encore, pendant des heures ? Ne les a-t-il jamais entendus le défendre ? N'a-t-il jamais fait attention à l'intérêt que tout le monde lui portait malgré toutes ses erreurs ?

La jalousie est un vilain fléau.

La jalousie est un vilain défaut.

La jalousie est une vilaine chose.

La jalousie est un vilain problème, et je crois bien que l'on en a tous les deux souffert.

̶  Alors, tu vois je m'en veux énormément maintenant. J'ai eu la réaction d'un gosse de 6 ans alors que j'avais 21 ans à l'époque. Je m'en veux parce que je n'étais pas là pour péter la gueule de tout ces cons. Je m'en veux parce que je n'ai jamais pris le temps de connaître Mae et que Aaron me déteste avant même de me connaître. Je m'en veux parce que je n'ai pas été ton grand frère à cause de ma putain de fierté. 

Je m'en veux parce que j'en peux plus de me dire que, merde, j'aurais dû être là, j'aurais dû faire quelque chose. 

Mais je n'ai rien fait, je me suis juste barré loin de toi, loin de la maison, loin de vous tous, à l'autre bout de la France. Loin, très loin de Toulouse et de notre maison. 

Loin, très loin de tout ces endroits que j'adore. 

Et je m'en veux tellement si tu savais. Je suis le plus gros con de l'univers, et je me le pardonnerais jamais, sûrement pas. 

Il renifle, plusieurs fois. Il ne crie plus comme lors de son arrivée. Il ne parle même plus à vrai dire. Il chuchote simplement. Ça lui coûte de dire tout ça, je le sens, je le perçois, tout comme ça me coûte de l'entendre. Je ne sais plus quoi me dire, quoi penser, quoi faire. J'aimerais me redresser, ouvrir les yeux et lui répondre. J'aimerais le prendre dans mes bras. J'aimerais le chasser, lui et ses belles paroles. J'aimerais pleurer, encore plus qu'avant. Ça m'apparaît comme un besoin vitale maintenant.

̶  Je n'ai pas voulu croire maman quand elle m'a dit que venir te parler signifiait abaisser toutes nos défenses, reprend-t-il en pouffant. Je n'ai pas voulu écouter papa non plus quand il m'a dit qu'on pouvait probablement renommer ta chambre la chambre des pleurs. Non, je n'ai voulu croire personne. J'étais persuadé de rester calme, de garder mon sang froid. Encore une fois on peut voir l'étendue de ma connerie. Comment est-ce que j'ai pu un seul moment penser que j'arriverais à retenir mes larmes alors que mon petit frère est étendu, inconscient, devant moi ? Je suis vraiment trop con ma parole. PUTAIN ! 

Il perd le contrôle. Il se laisse aller, et d'un côté, je me dit que c'est mieux ainsi, parce qu'il sera honnête et qu'il avouera enfin des choses qu'il n'a jamais voulu avouer, à personne, pas même à lui-même.

̶  PUTAIN DE MERDE ! 

Tu me manques Taylor !

 Tu... Tu me manques beaucoup qu'il ne l'ai permis ! Et je ne devrais même pas ressentir ça, parce que je t'ai abandonné ! Je devrais être chez moi, à continuer de faire semblant de te détester ! Mais putain je n'y arrive pas !

 Je n'y arrive pas, parce que j'en ai marre de faire semblant, de me voiler la face, encore et encore ! 

Parce que je tiens à toi plus qu'à ma propre vie et que ça a toujours été le cas, parce que je m'en voudrais toujours de t'avoir laisser, livré à toi-même !

 Parce que putain, c'est ici chez moi, près de toi !

 Et putain ,surtout, surtout, j'en voudrais toute ma vie à tout ceux qui t'ont fait du mal, moi compris ! 

Tu sais, j'ai retrouvé Bauryce, quand les parents m'ont dit qu'il t'avait laissé et qu'il t'avait brisé. Je l'ai retrouvé et je lui ai fait gentiment comprendre qu'on ne te fait pas du mal sans en payer les conséquences. Et tu sais, dès que je sortirais de cette chambre je chercherais ce Josh, et tu verras qu'il regrettera. Il regrettera ce qu'il t'a fait subir, je te le promet. C'est peut-être trop tard pour pendre conscience de tout ça, mais sache en tout cas que maintenant je serais là. 

Je serais là pour toi, et je sais que tu seras là pour moi. 

Je serais là, je te protégerais autant que possible. 

Parce qu'on ne s'attaque pas à toi comme ça, juste pour le plaisir. Je crois que je me répète, mais d'un côté je pense que c'est pas grave, non ? 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top