25.35

                    

̶ Bonjour bonsoir mon cher Taylor. Comment vas-tu ? Je pense que tu as deviné ma présence depuis un bon moment alors je tiens à m'excuser d'avoir m'y autant de temps à t'adresser un mot. Tu vois, j'étais un peu occupé. Pour dire vrai, je t'ai préparé une surprise, certes elle n'est pas entièrement finie, mais elle l'est presque et je ne peux plus attendre pour te l'avouer.

Enfin, Dieu soit loué, tu parles enfin, et d'une voix enjouée en plus !

Une surprise tu dis... J'ai hâte de voir ça, vraiment. Tu serais gentil d'arrêter de la garder secrète. S'il-te-plaît ?

                    

̶ Mais, d'abord, parlons un peu tu veux bien ? Bon, je vais plutôt parler seul, mais j'ai le droit d'imaginer un dialogue avec toi ainsi que d'imaginer tes réponses, non ? Il s'est passé pas mal de choses depuis ma dernière visite.

Ça fait deux semaines que je bosse sur ton cadeau du coup je ne pouvais pas venir. J'en suis désolé d'ailleurs. Mais comprends-moi, je voulais que se soit absolument parfait. Il fallait que ça le soit. Je ne peux pas me permettre de t'offrir quelque chose de bacler alors que tu vaux plus que tout l'or du monde à mes yeux. Même si cela ne coûte pas cher, je veux que ce que vais t'offrir te touche et te plaise, te fasse pleurer même s'il le faut.

C'est fou n'est-ce pas ?

Je sais très bien que tu ne pourras pas pleurer, mais je peux toujours imaginer je te signale. Et puis, je penses assez te connaître pour pouvoir savoir tes réactions, même si en l'occurrence je ne pourrais jamais être sûr de ce que tu penses jusqu'à ton réveil.

Dis, tu pourrais te dépêcher et arrêter de prendre ton temps ? Je sais très bien qu'il faut que tu récupères et que tu te reposes, et qu'on te répètes continuellement de te réveiller seulement une fois entièrement prêt, mais le temps s'éternise, et j'ai la grande impression de me momifier à force de passer mes journées à tes côtés.

Et puis, je baille aux corneilles, littéralement. Je n'ai plus rien à faire.

Les cours ? Par correspondance, et je m'en sors plutôt bien d'ailleurs.

Les amis ? À vrai dire il n'y a toujours eu que toi qui compte assez pour que j'aie envie de passer du temps avec, les autres je m'en fou royalement.

Ma famille ? Inexistante. Je ne leur parle plus depuis que j'aie appris qu'ils ont essayé de m'éloigner de toi alors que tu étais au plus mal – impardonnable.

Et puis, je m'ennuie sans toi. Énormément. J'ai rien à faire, tout a perdu son goût, même l'écriture. Pourtant Dieu sait que j'aime ça mais... je ne sais pas, je n'y arrive tout simplement pas. Mes écrits me paraissent moins beaux, plus sombres, plus fouillis et sans aucun sens. Et tout ça depuis que tu n'es plus réellement là. Tu as un impact sur ma vie bien plus grand que ce que tu veux – et a jamais bien voulu – admettre.

Tu guides mes pensées, mon âme, mon être, mes passions, ma vie.

Ne t'inquiètes pas, ce n'est pas malsain comme chose, au contraire même, c'est entièrement et totalement bénéfique. On va dire que tu es ce que les gens appellerais un pilier pour moi.

Un phare.

Mon étoile du berger.

Tu es mon guide, en quelques sortes. C'est ainsi que je te vois, mais pas seulement. À vrai dire, tu as un titre tellement spécial dans mon cœur que je ne peux pas te ranger dans une seule catégorie. Tu es obligé de rentrer dans toutes celles – mélioratives – qui existent. Vraiment. Non, tout ceci n'est pas une hyperbole, je dirais plutôt que c'est un énorme euphémisme. Les mots me font défaut pour t'expliquer l'ampleur de la chose. Enfin, ils me font souvent défaut en ce moment, et pas que pour toi.

Il marque une petite pause, et moi je suis aux anges. J'aime quand il parle comme ça, aisément, et avec un si grand sourire. Cela s'entends dans sa voix : sa sincérité, son émotion. Et j'aime ça, j'aime qu'il me parle comme ça.

                    

̶ Je n'y arrive plus. Ça devient beaucoup trop dur pour moi, tout ça. Toute cette situation, toute cette pression, cette angoisse, ce stress. Ça va bientôt faire un an pourtant, mais je ne me suis toujours pas habitué. J'ai toujours autant mal en entrant dans cette fichue chambre d'hôpital. Tout est soit trop coloré, soit trop clair, soit trop sombre.

J'ai toujours un trou dans le cœur quand je te vois branché à toutes ces machines.

J'ai toujours autant peur quand j'entends tout ces bruits qui t'entourent.

J'ai toujours ce désespoir en moi quand aucune réponse ne me vient après avoir fini mes longues tirades.

J'ai toujours autant envie de pleurer quand seul le silence m'accompagne.

J'ai toujours autant envie de te rejoindre quand je me retrouve à broyer du noir dans ma chambre, le soir.

Tu vois, tout devient trop dur pour moi, trop insupportable, trop invivable. J'arrive à mes limites, même si je pense les avoirs dépassées depuis longtemps, et probablement bien plus longtemps que ce que tout le monde pense. Il paraît que je suis celui qui garde le plus mon sang froid face à toi, qui garde le plus la tête haute face à la situation. Il paraît que mes tes parents craquent, et bien plus souvent que moi en ta présence. Je n'y crois pas vraiment. Je ne peux même pas imaginer Katherine pleurer, alors Pierre... c'est littéralement impensable, tu le sais aussi bien que moi. J'en ai marre d'incarner la personne sur qui on peut compter, j'en ai marre d'être le pilier de tout le monde. Être le tien ne m'a jamais dérangé, certes, mais je le faisais de mon plein gré. Or, là, je me retrouve forcé en quelque sortes à supporter tout ces gens dans cette épreuve, alors que parfois je suis autant – voir plus – touché qu'eux.

Tu sais Taylor, l'hypocrisie du monde me donne envie de vomir. La nouvelle de ta tentative a fait le tour des gens du lycée, et un nombre de personne que je ne saurais te redire est venu me voir pour me demander comment tu allais et autres. Il y en a qui ont même chercher à venir te rendre visite, voir à parler avec tes parents pour – probablement – leur dire que tu étais aimé de tous, la personne la plus parfaite du monde et que sais-je encore. Et tu vois, tout ça là, ça m'écœure. Réellement. Ça me donne la gerbe. Je n'arrive pas à comprendre les motivations de tout ces adolescents. Avant, ils n'ont jamais été proches de toi, et dès que ta vie a été mise en jeu, vite vite ils sont venus parler à ta famille comme pour essayer de se rattraper. Mais, eh oh, les gars, vous avez pas compris que si vous étiez pas proche de mon Taylor quand il était en vie, ce n'est pas maintenant qu'il faut se réveiller ? C'est pas parce qu'il est dans le putain de coma que vous avez le droit de vous inventez une relation parfaite avec lui hein.

T'inquiètes pas Tay', je les empêcherais toujours de dire de la merde sur toi et de salir ton honneur. J'ai une envie irrépressible de hurler quand je repense à tout ces idiots. Je te jure. Plus hypocrites qu'eux, je ne pense que ça existe.

Et puis franchement, ils ont vraiment cru que quelqu'un allait les croire lorsqu'il racontait que tu étais le plus beau, le plus fort, le plus intelligent ? Et cent balles et un mars aussi, non ? Te vexes pas hein, mais bon faut pas déconner non plus. Au bout d'un certain temps, trop d'éloges, c'est trop. Ils ne peuvent pas, n'ont pas le droit, de prétendre ta perfection alors qu'ils connaissaient à peine ton nom et ton orientation sexuelle. Que quelqu'un m'explique d'ailleurs, pourquoi se sentent-ils tous obligés de te réduire à ça hein ? Comme si parce qu'ils savaient que tu étais gay ça faisait de vous les meilleurs amis du monde.

Non mais sérieux. Plus pathétique que ça, j'ai vraiment un doute sur cette possible existence.

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